Société d'Histoire de Revel Saint-Ferréol                          -                                 CAHIER D'HISTOIRE DE REVEL N° 21   pages 89-91

 

Vents en Lauragais

 

Par René Viala (†)

 

RETOUR ACCUEIL

 

RETOUR CAHIER D'HISTOIRE N°21

Castelnaudary, le Lauragais sont des pays de vents : les nombreux moulins, les proverbes et les doléances des Chauriens après une période de vent d'Autan en témoignent, aujourd'hui comme dans le passé.

Nous allons nous appuyer, pour cette étude des vents, sur les relevés de l'anémomètre de la ferme de Loudes que nous avons effectués pendant cinq années de 1973 à 1978. Il ne nous a pas été possible de combiner ces relevés à ceux de la vieille girouette dont l'imprécision, surtout pour les vents de secteur Est, est trop grande et ne permet pas de mener une étude statistique convenable. Pour les directions nous avons utilisé les relevés de la nouvelle girouette pour l'été et le début de l'automne 1985. Leur nombre (497) est suffisant sur le plan statistique, mais ils demeurent trop localisés dans des périodes de l'année où les vents forts sont moins fréquents. Nous nous servirons aussi, pour proposer un certain nombre de réponses sur le vent d'Autan, de notre expérience du climat de Castelnaudary dont nous avons déjà fait état (1).

Les caractéristiques des vents à Castelnaudary

1 -  La force des vents

La vitesse des vents a été notée toutes les trois heures, en calculant sur les quelques minutes qui précèdent l'heure fixée, la moyenne de leurs vitesses. Cette mesure ne rend pas compte des vitesses extrêmes que l'on constate notamment par vent d'Autan.

13 305 mesures ont été effectuées de 1973 à 1978. Elles permettent de se rendre compte des variations saisonnières du vent.

Ces fréquences pour mille permettront aux curieux de calculer la vitesse moyenne annuelle du vent et d'apprécier par exemple le travail (relativement faible) que pouvaient effectuer les vieux moulins du Lauragais. Ces moulins, dont les ailes étaient courtes par rapport aux moulins des régions du Nord de la France ou des Pays-Bas, étaient construits pour résister aux fortes rafales du vent d'Autan.
En effet ce vent est de manière fréquente extrêmement turbulent. Pour essayer d'avoir une analyse du phénomène, nous avons filmé un anémomètre à palettes. Ce type d'enregistrement n'est pas très précis (limité par l'inertie de l'appareil et le nombre d'images/seconde données par la caméra), cependant il rend compte d'accélérations à une échelle inférieure à la seconde. Il est possible que ces accélérations brutales engendrent des différences de pressions créatrices d'infrasons. Ces infrasons peuvent être à l'origine de la fatigue ressentie pendant les périodes d'Autan.

Il est intéressant aussi de considérer, pour l'étude du climat, les moyennes saisonnières. Celles-ci appellent un certain nombre de réflexions qui vont quelquefois à l'encontre des idées communément émises sur la région.

Les directions les plus fréquentes des vents à Toulouse-Blagnac
(d'après A. Fournié et J. P. Vigneau à Castelnaudary et à Carcassonne données de la station météorologique de Salvaza).

Fréquence pour mille des vitesses du vent en fonction de la saison et vitesse moyenne saisonnière.

Les saisons où la violence du vent est la plus grande sont dans l'ordre l'hiver, l'automne et le printemps : cela correspond au passage des perturbations du front polaire. En hiver les vents les plus forts se partagent à peu près également entre Cers (vents de secteur Nord-Ouest) et Autan (vents de secteur Sud-Est). La vitesse maximum pour la période 1973-1978, a été observée pendant l'hiver 1973 à 28 m/s alors que soufflait le Cers.

Pendant l'hiver et le printemps, peut-être en relation avec des vitesses plus grandes, le Cers semble davantage canalisé entre la Montagne Noire et les collines de la Piège. Par contre en été et en automne l'éventail des vents de ce secteur tend à s'ouvrir et leur vitesse est moins grande. L'effet Venturi (2) dont on parle souvent à propos du Lauragais (assimilé ici, comme on le fait aujourd'hui à la zone qui se trouve immédiatement à l'Est du seuil de Naurouze) pourrait jouer en hiver et au printemps pour les vents de Cers. L'instabilité se maintient cependant, au-delà de Castelnaudary jusqu'à Bram.

En effet l'essentiel des précipitations à Castelnaudary tombe en hiver et au printemps par vent de Cers.

2 - Les directions des vents à Castelnaudary.

La force et la direction des vents relevés pendant l'été et le début de l'automne 1985 sur la nouvelle girouette de la ferme de Loudes permettent de dresser le tableau des fréquences des vents cumulées pour mille en fonction de leur direction et de leur force.

 La rose des fréquences des vents confirme les propos précédents : Cers et Autan sont canalisés par le relief et s'orientent selon la direction du couloir du Lauragais.

Il faut cependant remarquer que, pendant la période où ont été faites ces observations, il y a eu peu de précipitations et que les vents d'Autan ont été essentiellement liés à des zones de hautes pressions : les Autans blancs selon l'appellation retenue de manière classique.

Il n'en est pas toujours de même. À I'automne, normalement l'éventail des vents du secteur de l'Autan a tendance à s'ouvrir légèrement. Exceptionnellement pendant cette période de l'année l'Autan est accompagné d'averses. Mais ces averses sont épisodiques et peu violentes. Elles n'ont rien de comparable aux abats d'eau qui noient les versants méditerranéens et que l'on retrouve dans l'Aude au Nord-Ouest de Carcassonne, à l'endroit des forêts de Ramondens et de la Loubatière.

Bien souvent, par vent d'Autan, lorsqu'on fait le trajet Castelnaudary-Carcassonne, le ciel clair au-dessus de Castelnaudary se charge brutalement aux environs de Bram. Une des limites de la zone méditerranéenne se trouve ici, soulignée par l'apparition de la vigne.

Rose des fréquences des vents à Castelnaudary (ferme de Loudes : été, automne 1985).

Cette situation semble paradoxale dans la mesure où l'air venant de la Méditerranée paraît s'élever jusqu'à Naurouze et devrait rester instable, favoriser donc la nébulosité et les précipitations jusqu'au seuil lui-même. C'est un des problèmes que posent les vents d'Autan.

Les problèmes posés par les vents d'Autan

Le nom d'Autan ou Auta apparaît dans les compoix du Lauragais pour désigner la direction de l'Est, mais aujourd'hui à Castelnaudary on préfère, pour désigner les vents de secteur Est, le mot de Marin. Ce terme se justifie par la très grande humidité que l'air conserve au moins dans les basses couches, par vent d'Autan.

On la constate à travers les relevés de l'évaporomètre de Loudes et, en été, elle conditionne la réussite des cultures. Les vents d'Autan naissent de situations météorologiques très différentes que I'on peut recenser d'après Monsieur J. P. Vigneau (3) de quatre manières qui se combinent deux à deux. L'Autan noir appelé par une dépression liée au passage d'une perturbation, l'Autan blanc généré par une haute pression, l'Autan synoptique où les vents en altitude et au sol sont parallèles aux isobares, l'Autan géographique où le vent est, en altitude, de direction Sud-Ouest, franchit la chaîne des Pyrénées, retombe par un système d'ondes complexes, alors qu'au sol le vent conserve une direction perpendiculaire de Sud-Est. La situation géographique et la répartition des pluies dans le Lauragais permettent de mieux définir les caractéristiques de ces vents.

S'iI existe un effet de Venturi qui accélère le vent d'Autan, il n'est pas dû essentiellement à la canalisation de ce vent entre les collines de la Piège et la Montagne Noire ; la vitesse du vent devrait, alors, être plus grande dans la dépression que sur les hauteurs voisines, ce qui n'est pas le cas on peut en faire la constatation en regardant la répartition des vieux moulins ; il est dû à l'écrasement des basses couches par la retombée de l'air qui a traversé la chaîne des Pyrénées.

L'Autan géographique le plus fréquent met en œuvre cet effet. Il se présente, à Castelnaudary comme violent et très turbulent, avec à la fois un effet de foehn d'altitude qui casse l'ascendance au-delà de 1 500 mètres et empêche toutes précipitations et un air souvent très humide dans les basses couches. L'Autan synoptique se différencie nettement suivant son origine. L'Autan blanc n'est jamais violent, alors que dans les Autans noirs liés à des perturbations qui circulent à l'automne (plus rarement au printemps) au niveau des latitudes méditerranéennes, les précipitations se produisent comme elles le font normalement sur le versant méditerranéen pendant cette période.

Cependant l'ascendance étant moins forte, elles ne sont jamais très brutales.

La différenciation entre Autan géographique et Autan synoptique explique bien des phénomènes curieux du climat de Castelnaudary. Pour éviter la disparition du vieux nom d'Autan, ne pourrait-on pas suggérer aux Chauriens de désigner ainsi l'Autan géographique : l'Autan furieux qui rattache le climat de Castelnaudary à celui du Toulousain.

Les différentes situations météorologiques qui engendrent les quatre types d'Autan.

AUTAN BLANC GÉOGRAPHIQUE 2 décembre 1985

AUTAN BLANC SYNOPTIQUE 3 avril 1985

AUTAN NOIR GÉOGRAPHIQUE 30 janvier 1986

AUTAN NOIR SYNOPTIQUE 8 février 1986

– L'Autan géographique : ce type d'Autan se produit lorsqu'en altitude un courant de Sud-Ouest, conforme à la disposition des isobares, souffle et retombe sur la dépression aquitaine et son rebord. Le vent au sol, canalisé par le relief, est à Castelnaudary de direction Sud-Est, perpendiculaire à la direction qu'il a en altitude. ll en résulte de fortes turbulences.
– L'Autan géographique correspond en général à un temps plus chaud que la normale saisonnière.
– L'Autan noir géographique survient à I'arrivée d'une perturbation, sur la façade orientale de la dépression ; le ciel reste clair tant que dure l'Autan. La pluie tombe au moment où I'Autan cède la place au Cers : c'est-à-dire au moment du passage du front.
– L'Autan blanc géographique survient sur la façade occidentale d'un anticyclone.
– L'Autan synoptique : ce type d'Autan se produit lorsque le vent souffle en altitude et au sol dans la même direction conforme à la disposition des isobares. Il est en général beaucoup moins fort que l'Autan géographique.
– L'Autan noir synoptique est souvent très fugace, il a lieu lorsque les perturbations ont une trajectoire très méridionale. Il est souvent précédé d'un violent coup de vent d'Autan géographique. La pluie arrive lorsque le vent se calme et tombe par vent d'Autan pendant une période plus réduite.
– L'Autan blanc synoptique survient au Sud d'un anticyclone dans des zones où le gradient de pression est en général faible.

 

NOTES

1 -. R. Viala. Quelques traits de la géographie physique du Lauragais, L'Éducation audoise, 6, C.D.D.P. 1975.

2 -.  L'effet Venturi du nom du physicien italien qui vécut à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles est l'ensemble des phénomènes qui se produisent dans une tuyère comportant un rétrécissement. À cet endroit la vitesse de l'air s'accroît et il se crée une dépression. Sur la carte, la plaine du Lauragais ressemble à cette tuyère à cônes divergents. La hauteur du relief est cependant faible et cet effet ne peut se produire que sur une faible épaisseur. Lorsqu'on observe la forme du relief au-dessus de 10.300 mètres on constate que le rétrécissement se produit presque au niveau de Castelnaudary. Il est logique de penser que l'effet Venturi doit exister par vent d'Autan et par vent de Cers. L'accélération du vent que nous avons mesurée avec beaucoup d'incertitude reste faible dans l'axe de la dépression, elle semble plus importante par vent d'Autan sur les hauteurs qui l'encadrent. L'effet Venturi par vent d'Autan, c'est-à-dire le rétrécissement de la veine gazeuse se produit donc dans l'épaisseur des couches d'air.    

3 -. J.-P. Vigneau, Le vent d'Autan d'Aquitaine orientale. Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 43, fasc. 3, p. 315-342, Toulouse 1972.

 

RETOUR CAHIER D'HISTOIRE N°21