Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                       PARU DANS  LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE N° 15 - 2010 - pages 5-11

 

 

CHANSON DES GUERRES DU DUC DE ROHAN.

 

(dossier présenté par Jean Paul Calvet et Bernard Velay)

 

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Cinq années (le 3 novembre 1627) avant la « Bataille de Castelnaudary (1632), une bataille se déroula à proximité de Revel…Elle opposait le Duc de Rohan aux armées du Duc de Montmorency…

Lors d’une  visite aux archives départementales de la Lozère, Bernard Velay a découvert un document concernant notre région (CHANSON DES GUERRES DU DUC DE ROHAN)  où sont mentionnés les noms de Revel et de Dreuilhe…

Nous avons replacé le contexte historique dans lequel se déroula cette bataille, ainsi que les parties des monographies concernant Revel de Piere-Antoine Barrau et de Gustave Doumerc la décrivant…

 

LE CONTEXTE HISTORIQUE DANS LEQUEL SE PLACE CE DOCUMENT

 

L'assassinat de Henri IV va faire basculer le destin de Henri de Rohan. Il devient plus ou moins malgré lui le chef de la résistance protestante. Écarté de la cour par la régente, Marie de Médicis, il devient peu à peu l'un des chefs du parti protestant qui est contraint de se regrouper. Il conseille la reine pour combattre la révolte de Henri II de Bourbon, prince de Condé, lequel veut empêcher le mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche.

En 1603, lors de l'érection de la vicomté de Rohan en duché-pairie par le roi Henri IV, Henri II de Rohan transfère le siège de son pouvoir au château de Pontivy. Mais alors qu'Henri II de Rohan apparaît comme le chef de la Réforme en France, le cardinal de Richelieu fait démanteler en 1629 le château de Josselin, bâti en forteresse par Olivier de Clisson (il était alors composé de huit tours et d'un donjon). En fait, il fallut plusieurs semaines à ses troupes pour détruire à coups de canon le donjon et trois tours. Il avait alors annoncé la nouvelle au duc Henri II, chef des insurgés protestants par une allusion ironique : « Monseigneur, je viens de jeter une bonne boule dans votre jeu de quilles ! »

DUC-DE-ROHANFace aux intrigues de la régence de Marie de Médicis, beaucoup plus favorable que son époux au « parti dévot », puis surtout face à la volonté de Louis XIII poussé par Richelieu, d'abattre le parti protestant, Rohan sera en permanence déchiré entre la fidélité à la cause protestante et le service du roi. Par le dépit que lui cause l'attitude de la régente, il prend brusquement le parti d'aider Condé qui veut empêcher le duc Henri de Guise de ramener la princesse espagnole à Bordeaux. Trahi par de nombreuses défections, il ne prend que quelques villes de Gascogne. Voyant que Condé se réconcilie avec Marie de Médicis, il finit par faire de même.

En 1617, le libre exercice du culte catholique est rendu à tout le Béarn passé à la Réforme sous Jeanne d'Albret. Cette décision déclenche un mouvement de résistance au nom de la « cause réformée », et en juin 1620, Louis XIII, lassé par les atermoiements du parlement, décide de marcher sur le Béarn afin d'imposer l'exécution de son édit de 1617. L'émotion des Réformés est immense. En 1620, il reprend la lutte aux côtés de ses coreligionnaires dans tout le Sud-ouest défendant Montauban contre Louis XIII en 1621 et l'empêchant d'assiéger Montpellier. Ce que le roi ne lui pardonnera jamais complètement. Il signe le traité de Montpellier qui renouvelle l'Édit de Nantes.

Dans les provinces de Saintonge, de Guyenne et de Languedoc, des soulèvements s'organisent, et de 1621 à 1625 de véritables opérations militaires ont lieu autour de La Rochelle, Saint Jean d'Angély, Montauban et Montpellier. Rohan est le chef de tous les insurgés. Malgré des victoires précaires et l'énergie de leur chef pour soutenir les derniers bastions, « les guerres de M. de Rohan » sont un échec. Il est battu par le roi à Privas en 1627.

 

1632 : La fin du Duc de Montmorency (septembre-octobre)
- LA BATAILLE DE CASTELNAUDARY

 

 

Marie de Médicis, mère de Louis XIII, et Gaston, Duc d'Orléans, frère du roi, formulent le projet d'exclure le cardinal Richelieu de son ministère. Ils constituent un puissant parti. Le Duc de Montmorency, gouverneur de Languedoc, se joint à ce mouvement. Il parvint à rallier la plupart des villes du bas Languedoc, à l'exception de Carcassonne. Cependant, les villes du Haut-Languedoc sous l'action du parlement de Toulouse, restent fidèles.

 Le roi ordonne au maréchal de Schomberg de faire route contre les opposants.

La rencontre décisive aura lieu à Castelnaudary. Le Duc de Montmorency affronte avec témérité l'armée royale. Il est presque aussitôt gravement blessé et continue à avancer vers les rangs ennemis en subissant de nouvelles blessures. Finalement, son cheval est tué et il s'effondre avec lui. Fait prisonnier, il est amené dans la ville pour être soigné et sera ensuite rapidement transféré au château de Lectoure par mesure de sécurité. La bataille proprement dite n'a pas excédé une demi-heure. Le Duc de Montmorency est condamné à être décapité. Malgré de multiples interventions en sa faveur, il est exécuté dans l'hôtel de ville de Toulouse, le 30 octobre 1632.

 

HENRI-II

Henri II de Montmorency

 

 

 

 

 

 

Henri II de Montmorency bléssé pendant la bataille

HENRI-II-BLESSE

 

 

lettre

Lettre manuscrite du Duc de Montmorency.

 

 «  Monsieur,

 Vostre bien humble serviteur, Le Duc de Montmorency De l’armée de Monsieur le Duc d’Angoulêsme »

 
 

 

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CHANSON DES GUERRES DU DUC DE ROHAN

Archives départementales de la Lozère G 980 – 16329

MDD L 125 Complainte sur une victoire du Duc de Rohan dans le Castrais (1627)

 

(nous avons volontairement gardé la forme et l’orthographe du document qui nous a permis de vous présenter le présent dossier)…

 

Nous chantons la victoire
Que Dieu nous a donnée
A lui seul soit la gloire
C’est lui qui a mis en fuite
Les cruels ennemis
Et nous les a soumis.

Ce fut dedans l’année

Mil Six Cent Vingt Sept

Qu’on dressa une armée

Pour un juste sujet.

Au nombre de Cinq Mille

Tant à pied qu’à cheval

Marchons en file

D’un courage inégal.

 

Marchant sous la conduite

D’un très bon général

Qui égale en mérite

César et Annibal

Ce prince aimable

Rohan très valeureux

Le plus aimable

Qui soit dessous les cieux.

 

Ton armée étant prête,

Tambours battant aux champs

Fit sonner les trompettes

Pour ne pas perdre pas temps

Marchant de belle audace

A Castres d’Albigeois

(…………………………..)

A la comté de Foix ( ?)

 

Notre cavalerie surprit Revel la nuit

Notre armée avertie

Y allait sans grand bruit

Trouvant sur son passage

(………………………....)

D’et ( ?) pas le courage

Nous venir attaquer

 

Devant Revel l’armée

Passa le lendemain

Sans y mordre bouchée

Ni miette de pain

La minition arrive

Bien tard le lendemain

On nous délivre

Demi livre de pain

 

C’était dans un village

Qui Dreuilhes se nommait

Avant les bagages

L’avant garde partait

Tout coi, faisant silence

Sans battre le tambour
En diligence
Trois heures avant le jour. 

Dès que le jour éclaire

Etant près un château

Attaque on nous vint faire

Nos gens allaient tout beau

Ont tué deux gendarmes

Et …… nos chevaux

De ces traitres (papaux ?)

 

On rencontre l’armée

Du sieur de Montmorency

Qui était bien parquée

Près Castelnaudary

Qui tenait le passage

Du grand chemin Fraçais

Mais leur courage

Finit cette fois.

 

Les armées se voyant,

Tambours battant aux champs

Enseignes déployant

Les trompettes sonnant

A Dieu fimes prière

Humblement à genoux

Que pour sa gloire

Nous combattrons toujours.

 

Grêle de mousquetade

Déchargèrent sur nous

Qui servirent d’aubade

Pour nous éveiller tous

Nous tournâmes visage

Marchant droit à eux

Mais d’un courage

Déjà victorieux

 

Notre mousqueterie

Tira furieusement

A leur cavalerie

Qui venait rudement

N’ayant point le courage

Forcer nos bataillons

Quittant bagages

Fuirent comme couyons (1)

 

Nos bataillons

Hardis comme lions

Courage magnifique

Délogent ces couyons (1)

Qui redoutaient la plaine

Tous tirant d’un fossé

Mais d’une garnade plaine

Quelqu’uns ont réchappé.

On nous laisse la place
Fuyant, doublant le pas

L’un jette la cuirasse

L’autre le coutelas

Grand merci aux villettes ( ?)

Qui les ont recueillies

Sans ces retraites

Ils fussent tous péris.

 

Cy notre infanterie

Combattit vaillament

Notre cavalerie

Donna furieusement

Colonels, capitaines

Au front portent l’honneur

Dans ………….. plaines

Oint montré leur valeur

 

Nos cœurs étaient débiles

A long jours de faim

Sans savoir bourg ni ville

Qui nous donnait du pain.

 

(Si) comme eux retraites ( ?)

Nous eussions eu si près

Comme des bêtes

Les eussions tous chassés.

 

La plupart de noblesse,

Gens de commandement

Y venant de rudesse

Eurent leur paiement

Ayant fait grandes pertes

D’hommes et de chevaux

Terre couverte

Y eut de ces papaux.

 

Il sera mémorable

A la postérité

D’un prince honorable

Rempli de majesté

Que lui-même en personne

S’est acquis tout premier

Une couronne

Couverte de lauriers.

 

Repentez vous papistes

Et changez de propos

Car n’êtes vous pas tristes

D’avoir tourné le dos

Et le champ de bataille

…………………………

Vous êtes tous perdus.

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(1) occitanisme : « lou couyou » signifie le porc.

Dans les pages suivantes le texte concerne les « Plaintes générales des ecclésiastiques et catholiques… ».

 

LES FAITS RELATES PAR  Gustave Doumerc  (pages 378-379 – édition 1992)

 

Rohan reprend Revel

 

L'affaire du siège de La Rochelle, l'inexécution des derniers édits, décidèrent Rohan à reprendre lutte. La résistance commença dès septembre 1627 dans le bas Languedoc s'étendit bientôt dans le Rouergue et l'Albigeois. Mais le Castrais et les villes protestantes des alentours étaient lasses de ces conflits.

Castres refusa de recevoir Rohan et son exemple fut généralement suivi dans le pays. Revel, seul où le duc avait de nombreux partisans, lui fut livré par surprise dans la nuit du 25 octobre 1627, grâce à la complicité de quelques habitants qui facilitèrent l'escalade des murailles à ses soldats. A noter que la veille, le conseiller d'état Galland, chargé de maintenir dans le devoir les villes calvinistes, avait reçu des habitants réunis en corps constitué le serment de fidélité au roi !

Le duc de Rohan ne resta à Revel que jusqu'au 3 novembre.

Il en partit deux heures avant le lever du jour à la tête d'une armée de 4 000 hommes de pied et 1500 maîtres. Les ducs de Montmorency et de Ventadour qui s'étaient portés à Saint-Félix pour surveiller leurs mouvements en partirent à la même heure avec 3 000 hommes de pied et 800 chevaux.

 Les deux armées se rencontrèrent auprès du ruisseau le Fresquel, entre les villages de Souille et Souillanel. Un court mais vif combat s'engagea, les troupes de Montmorency essayant d'arrêter celles de l'adversaire en faisant rompre les ponts sur la rivière. Cet engagement fit peu de victimes et tourna à l'avantage de Rohan qui put continuer sa marche vers Mazères sans être inquiété et sans perdre de bagages. Là, il réussit à rallier la presque totalité des villes protestantes du pays. Quelque temps après, le duc revint à Castres et voulut placer des garnisons dans diverses villes ; Mazamet refusa mais d'autres places se laissèrent séduire et acceptèrent.

 

LES FAITS RELATES PAR  PIERRE-ANTOINE BARRAU  (pages 67-68 – édition 1992)

 

Les protestants découragés par le peu de succès de leurs tentatives de guerre civile, se hâtèrent de demander la paix. La cour, qui sentait pour le moment l'impossibilité de les réduire complètement par la force, leur accorda leurs demandes, et un nouvel édit de pacification du 5 février 1627 suspendit les hostilités et donna aux deux partis le temps de respirer un instant, tout en se préparant à se porter de nouveaux coups.

Cette paix eut en effet une durée plus courte que celle qui avait succédé au premier soulèvement des calvinistes. Des menaces contre La Rochelle et l'inexécution des derniers édits décidèrent le duc de Rohan à recourir de nouveau à la voie des armes.

 La résistance commença dès le mois de septembre 1627 dans le bas-Languedoc et s'étendit bientôt au Rouergue et à l'Albigeois, mais le Castrais et les villes protestantes de nos alentours restèrent dès le principe spectatrices de la lutte. Castres ayant refusé de recevoir le duc de Rohan, son exemple avait été généralement suivi dans le pays. Revel seul, où le duc avait de nombreux partisans, lui fut livré par la connivence des habitants, qui facilitèrent l'escalade de ses soldats dans la nuit du 25 octobre 1627, malgré que dans la journée même Galland conseiller d'état, chargé par la cour de maintenir dans le devoir les villes religionnaires, eut reçu des habitants en corps de communauté le serment de demeurer fidèles au roi.

Une pareille tentative de Rohan sur Puylaurens n'eut pas le même succès, Maury et Terrieux deux des habitants de cette ville avaient promis de la faire soulever, moyennant une somme d'argent qu'ils touchèrent : mais ils n'exécutèrent pas ensuite leurs promesses, soit qu'ils eussent réellement trouvé de la tiédeur chez leurs concitoyens, ou qu'ils n'eussent eu d'autre but dans leur trahison simulée que d'escroquer l'argent du duc.

La possession de Revel rendit plus facile au duc de Rohan les communications avec le comté de Foix qu'il tâchait d'amener à se déclarer en sa faveur : dans ce dessein il partit des environs de Castres le 2 novembre et vint coucher à Revel. Le duc de Montmorency, qui ne s'était pas trouvé en mesure de s'opposer à son passage, le suivit aussitôt et vint de son côté camper à Saint Félix. Le lendemain le général calviniste continua sa route vers Mazères ; Montmorency, à qui le duc de Ventadour avait amené quelques renforts, voulut lui barrer le chemin, il porta en conséquence son armée sur la rive droite du Fresquel entre les deux villages de Souilhe et des Souilhanels, et fit rompre tous les ponts de cette petite rivière. Le duc de Rohan la passa hardiment malgré cela, et engagea contre l'armée royale un brillant combat, dont on peut dire que l'issue tourna entièrement en sa faveur, puisqu'il se fit jour à travers les lignes ennemies sans perdre ses bagages et put arriver tranquillement le lendemain 4 sans avoir été poursuivi à Mazères, où sa présence lui rallia la presque totalité des villes protestantes de ce pays.

 

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