Société d'Histoire de Revel Saint-Ferréol                          -                                      Cahier d'Histoire de Revel  N°  20      pp 73-84

L'eau dans la Montagne Noire

par Albin Bousquet

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RETOUR CAHIER N°20

L'eau ayant toujours eu un rôle important dans l'histoire des hommes, nous avons rassemblé divers renseignements concernant cette richesse de la Montagne Noire. Le parcours de l'eau, l'intérêt qu'elle suscita au temps de l'industrialisation de la région, puis plus tard, pour le bien être des populations, pour l'irrigation. Avant de traiter ces sujets, arrêtons-nous sur cette Montagne Noire que César appela « Montana Nigra » lors de la conquête de Gaules.

Cette appellation sous-entend une montagne haute de couleur sombre ! La réalité est tout autre. Le massif s'adresse plutôt à la moyenne montagne par son altitude, 1210 m. au pic de Nore ! Quant à sa couleur sombre, admettons qu'elle est plus proche du bleu que du noir. Aucune grande rivière ne la traverse, aucune résurgence de type Vauclusien, ni de neiges éternelles dans ses plis. Pourtant « la montagne » n'est pas en reste sur le plan hydrologique. Assise sur la limite de partage des versants qui régit la destinée des ruisseaux et des fleuves, et sur l'axe des vents dominants : Ouest-est, elle reçoit l'influence des mers. Le vent d'Ouest souffle deux jours sur trois, et pousse les pluies de traine venues de l'Océan jusqu'à la crête de la limite de partage. Moins régulier le vent d'Est, généralement doux et humide souffle un jour sur quatre, parfois plusieurs jours d'affilée avec violence. Une forte évaporation se produit, le sol s'assèche, la végétation souffre au moment de la feuillaison. Ces périodes se terminent par des précipitations importantes à caractère orageux en été. Lors des précipitations, une partie de l'eau ruisselle, une autre imbibe l'humus de la forêt ; pénètre le sol (perméable) composé de particules fines issues de la roche calcaire qui affleure tout le long de la crête de la limite de partage, atteint des nappes phréatiques peu profondes et peu importantes (relief oblige). Une partie ressort aussitôt du sol (circuits courts). Une autre partie gagne les profondeurs (circuits longs) à travers des fissures qui lui permettent de rejoindre des nappes phréatiques plus importantes. Dans la plupart des cas, ces dernières alimentent des sources pérennes, fort éloignées de la limite de partage des versants. Enfin toujours à travers les fissures, elle peut gagner les nappes phréatiques captives, situées à grande profondeur que l'on peut atteindre par forage1.

Cette répartition est le résultat :
- Les pluies de traine tombent sur la crête de la limite de partage des versants.
- La superposition des couches géologiques, de surcroît, très fracturées.
- L'étagement des nappes phréatiques. 2

Les résurgences issues des circuits courts ont un débit très faible, elles se manifestent près de la limite de partage par des petits marécages de quelques mètres carrés. Ces « marigots » donnent naissance à l'Alzeau,l'Orbiel, alors que Sor, Laudot, l'Argent-Double, Dure, voient le jour à une résurgence franche.

Identité et parcours des ruisseaux principaux

À l'Ouest du versant méditerranéen, les ruisseaux l'Argentouire, Lobit et quelques autres versent dans le Tenten, ce dernier verse dans le Lampy à Alzonne. Le Lampy nait, à l'Est d'Arfons, dans la forêt de Ramondens, il alimente le réservoir du Lampy (neuf) verse dans la rigole de la montagne, au (Lampy Vieux). Il se reconstitue avec le Rieutort, reçoit le Vialade grossi du Pesquier, alimente le réservoir de Cennes-Monestiers ; passe à Cennes, Raissac s/Lampy, reçoit Tenten à Alzonne et se jette dans le Fresquel a Sainte- Eulalie.
La Bernassonne nait dans la forêt de Ramondens au terrier haut, descend la combe dite « la Peur » reçoit Foncairade ; verse dans la rigole de la Montagne. Elle se reconstitue dans la vallée de la Rouge, avec l'Entroque, Montpénéri grossi du Novios ; descend à Saissac, contourne le village et le château féodal au Sud, passe à l'Abbaye de Villelongue, La Migance, verse dans le Lampy à Alzonne.
L'Alzeau nait à une centaine de mètres de la limite de partage des versants, à la jonction des Communes de Labruguière et d'Escoussens, à Mille Cinq Cent mètres environ à l'amont du Pas-du-Rieu. Il reçoit le Rietgé, Peyreblanque, Peyrouse, Faisseygne ; verse dans le réservoir de la Galaube ; peu après, dans la rigole de la Montagne à la (Prise d'Alzeau). Il se reconstitue, avec Espassières, Izoules ; alimente le réservoir de Saint-Denis. Descend aux Tours Nègres puis à Montolieu où il rencontre la Dure. Ensembles ils forment la Roujanne, passent sous la R.N. 113 au Pont d'Alzeau et versent dans le Fresquel.
La Dure nait à Fontchaude source située au-dessus de Laprade sur la pente Sud de Montaud, à un kilomètre à l'Est de la source de l'Alzeau. Elle alimente le réservoir de Prade-Basse. Elle se reconstitue avec les sources de Montrouch, descend à Codebronde, Cuxac-Cabardes, Bertrande, Brousses, reçoit le Linon qui vient de la forêt de la Loubatière et se joint à l'Alzeau à Montolieu. Après la Dure, le versant méditerranéen étant plus accidenté, le parcours des ruisseaux sont plus sinueux tel celui de L'Orbiel qui nait sur la  pente Est de Montaud, reçoit le Clause qui vient du bois de Gramentes, le Saignes de Saint-Saraille : passe sous la départementale N°118 au Hameau le Cun-Bas, s'engage dans une profonde gorge où règne le granit ; jalonnée de noms de lieu-dit évocateurs : Claous, Roc du Bougre, La Coste, Terre-de-Dieu. Le CD101 qui suit le ruisseau, s'éloigne souvent de la rive tellement est forte la déclivité de la gorge. Le ruisseau passe a Mas-Cabardès reçoit : Douliols, Tourette, Rieutort grossi du Combe-Rousse, du Prat. Il continue sa course vers Les-Ilhes, Lastours, Conques. Reçoit la Clamoux et se jette dans le Fresquel à Trèbes, après avoir parcouru Trente kilomètres. La CLamoux nait à l'Est du pic de Nore dans le Bois Nègre, reçoit Clautels, Mulet, Serre-Mitjou, passe à Cabrespine et se jette dans l'Orbiel. Plus à l'Est l'Argent-Double, nait en contre-bas du Roc de Peyremeau, il reçoit Mourlèvre, Combe-sombre, Revelle, Saumarel, Cabrarié, Souc, Gravelède, Castelviels. Il passe à Espinassière, Citou, Caunes-Minervois, Rieux-Minervois et se jette dans l'Aude, après La Redorte. L'Ognon nait a Fontanelles reçoit, Balme, passe à Félines Minervois, Pépieux, Olonzac puis sous le Canal du Midi et se jette dans l'Aude. La Cesse nait à Peyrefiche, passe à Ferrals-les-Montagnes, Cantignergues, passe à Minerve, reçoit Rieusec, Cessière, passe à Aigues-Vives,puis sous le Canal près de Mirepeysset et se jette dans l'Aude à Moussoulens. La Cesse termine le versant méditerranéen de la Montagne Noire. l'Orb appartient aux Cévennes par son bassin versant dont une partie se situe dans les monts de l'Espinouse. Au Nord-Est de la Montagne Noire sous la contrainte du relief, les ruisseaux s'écoulent à l'Ouest. L'Arnette nait près du sommet de Nore, descend directement à Pradelles-Cabardes. Après le village, elle contourne le plateau de Pradelles, s'oriente au Nord, pour entrer dans la vallée dite des usines, reçoit : Burthe, Majou, Ruyères, Linoubre. Contourne la colline d'Hautpoul traverse Mazamet, verse dans l'Arn peu avant que ce dernier ne verse dans le Thoré. Ce dernier se forme près du col de la Fenille (N°112), sur la rive gauche il reçoit Candesouvre grossi du Fage, Réalpo, Combe-Sourde, passe à Lacabarède, reçoit, Gallinas, Resse, Vergnet, passe a Saint-Amans-Soult, reçoit Esclayracs, passe à Bout-du-Pont de L'Arn, contourne Mazamet par le Nord-ouest et continue sa course dans la plaine, vers Labruguière.
En allant toujours vers l'Ouest sur le versant Océanique, Bernazobre, nait dans la forêt de Hautaniboul, recoit : Mouscaillou, Prune, passe à Escousens à Viviers-les-Montagnes reçoit le Perche, et se jette dans le Sor à Cambounet. Le Sant nait à Cayrol, reçoit la résurgence de la verrerie de Pradelles, puis le Pradel venant d'Escudiers, verse dans la retenue du Pas-du-Sant, passe à Massaguel, Verdalle et se jette dans le Sor. Ce dernier nait aux Escudiers hameau d'Arfons. Il reçoit : Plaisance, Gaillardet, Faury, Cros, Ayguebelle, Saurette, Sénadou, verse dans le réservoir des Cammazes. Il se reconstitue avec : Rabasset, Montagnet, passe à Durfort, au Nord de Revel, reçoit le Laudot à Garrevaques, puis Malric, Taurou, Bernazobre, et se jette dans l'Agout à Vielmur. Le Laudot nait à la source d'En-Tésseyre à cinq Cent mètres du village des Cammazes. Grossi de l'apport de la Rigole de la Montagne, il verse dans le Réservoir de Saint-Ferréol comme le font le Bascaud, l'Encastres. Il se reconstitue avec Bartherose et Tallaidos ; passe à Vaudreuille, les Thoumasés, et verse dans le Sor à Garrevaques. Avec le Laudot se termine le versant océanique que nous suivons depuis le Nord-Est.

Le relevé des principaux ruisseaux a été réalisé à l'aide des cartes I.G.N. série bleueM.N. (Est) N° 2344 O 2344 M.N.(Est) Mazamet P.N.R. Du Haut Languedoc

L'attirance de l'eau

Avant l'an mille, les premières Communauté religieuses se fixèrent sur les rives des ruisseaux et des marécages. A Soréze l'Abbaye vit le jour aux abords du marécage, noyé par l'Orival et les sources situées aux pieds de Berniquaut, qui pouvait recouvrir le triangle Soréze, Durfort, Pont-Crouzet. À Montolieu les Bénédictins posèrent leurs baluchons, au déboucher des ruisseaux de l'Alzeau et de la Dure près de la petite plaine dite de Versailles, située entre Montolieu et Moussoulens. Un troisième groupe se fixa sur le Jaur à Saint-Pons de Thomière, un quatrième sur l'Agent-double à Caunes Minervois, un cinquième à Sainte-Marie de Bernassonne au Nord de Saissac. Un siècle plus tard,   sous l'impulsion du Seigneur Jourdain de Saissac des moines de l'Abbaye de Bellefond, (Comminge) s'établirent dans une boucle du Lampy qu'ils appelèrent Compagnes (commune de Saissac). Là le ruisseau contourne une petite plaine de douze hectares parfaitement plane ; assurément noyée par le ruisseau, et par deux sources pérennes. Quarante ans plus tard ces moines se fixèrent définitivement sur les rives de la Bernassonne (Commune d'Alzonne) et créèrent l'Abbaye de Villelongue. Mais ils gardèrent Compagnes et agrandirent considérablement leur domaine en franchissant le Sor. Ils obtinrent du Seigneur Roquefort, le droit d'eau et de pâturage. Toujours sur le versant Océanique, les moines de la Chartreuse de Saïx située sur la rive de l'Agout devinrent Seigneurs d'Escoussens et occupèrent un territoire immense comprenant la forêt de Cayroulet, le bassin supérieur de l'Alzeau et toute la rive gauche du ruisseau jusqu'à la Galaube.

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Au XIIIème siècle les templiers occupèrent, le territoire d'Arfons ; alors que la forêt de Ramondens, appartenait au Monastère de Prouille, et celle de la Loubatière attenante dépendait de l'évêché de Carcassonne. La reconstitution des marécages dans la Montagne Noire à l'époque médiévale est impossible, les documents sur les défrichements font défaut. Mais l'abandon des terres et le retour de la forêt, au vingtième siècle a fait que les marécages se sont reconstitués ; nous pouvons mesurer leur étendue.

L'usage de l'eau

Il est vraisemblable qu'au fur et à mesure que les Seigneurs accordèrent le droit d'eau, de pâture, et que des Serf s'affranchirent, des secteurs durent être défrichés et cultivés. Des moulins à eau assurèrent la mouture des grains. Dotés des perfectionnements du mouvement de la roue à aube, bien avant le Moyen Age, ils permirent de battre le fer, fabriquer du papier, écraser des fruits. Plus tardivement des industries se développèrent durablement dans le sciage du bois, de la pierre, dans les secteurs les plus fournis en eau. Au XVème siècle, les Mones-d'Abouixt descendants de familles de Seigneurs avaient développé la fabrication du papier, du carton dans le Mazamétain. Cent après des familles d'industriels ; les Polaires, les Gaillardon, les Journet, prirent la relève et s'établirent dans le Cabardés. Plusieurs générations se succédèrent et restèrent unies, par des mariages, des moulins changèrent de propriétaire. Saint-Denis, Brousses, Cuxac. Bénéficièrent de cette avancée industrielle qui fut l'âge d'Or de la Montagne Noire. Un gaillardon alla même fabriquer du papier à Roquerlan près de Hautpoul. Un autre devint propriétaire au hameau de la Galaube. Ce fond appartenait jusqu'en 1790 aux Chartreux de Saïx, il était arrenté à Pierre Cals marchant de Saint Denis qui y exploitait un moulin à grains, moyennant Quatre Setiers payables à la Saint-Julien 3
Pierre Cals décéda en 1704 sa veuve, épousa en seconde noces, Jean Pierre Gaillardon. Jouissant des biens apportés par sa femme, ce dernier conserva le moulin à grains, et bâtit l'établissement qui devint la fabrique de papier de la Galaube. En 1709 Seules ombres au tableau, le manque d'eau à la rivière pendant trois mois dans l'année, et une collecte de chiffons difficile4. A Saint-Denis il avait le moulin du « Travex » son originalité était qu'il était placé au bord d'un fossé qui traversait un champ. Ce fossé attesté sur le livre-terrier daté de 1695, de Fonties-Cabardés. avait une Longueur de 7 kilomètres, il dérivait les eaux de l'Alzeau au lieu-dit Prés-du-Roi (couvert par les eaux du barrage actuel) et les portait au Nord de Saint-Denis dans un vallon aboutissant au ruisseau le Linon. Ce fossé aurait été abandonné, peu après le captage de L'Alzeau par Pierre Paul Riquet. Des moulins établis sur le Linon, sur la Dure, souffraient pendant l'étiage. En 1850 Benoît Journet propriétaire d'une usine à Brousses, décida d'augmenter la production de papier. Pour y parvenir, il dota l'usine d'un second moteur hydraulique « ancré à cinq cents mètres environ en aval sur une chute de 20 mètres de hauteur. Le mouvement était produit par une grande roue à augets à laquelle était fixée une couronne à gorge en fonte. Un câble d'acier de 1000 mètres environ de longueur, d'un centimètre de diamètre ; jouait en amont sur une autre roue à gorge et transmettait, par le jeu de poulies et de courroies, une force supplémentaire de 40 chevaux environ. Ce procédé inédit à l'époque dans la région, fut imité lorsque c'était possible pour produire davantage de force en utilisant deux fois l'eau d'une même rivière. Après des études faites à l'école des Arts et métiers d'Angers, et des stages de longues durées dans divers établissements Journet revint à Brousses et créa « la fabrique » nom donné à l'usine qui fabriquait du papier « à feuille continue »

Les moulins étaient nombreux dans le Minervois

Un inventaire réalisé en 1789 mentionne :
- « il existe sur la rivière Clamoux à Cabrespine quatre moulins, deux à bled et deux à foulon »  
- « à Pépieux il y a deux forges et deux martinets abandonnés » 
- « à Caunes Minervois Julien Sicard est moulinier marbrier, il a substitué à l'ancien moulin à bled, une scie pour scier le marbre.»  
- « Il y a le moulin Bibau qui appartient à la famille Galy. »  
- « La minoterie et la scierie de marbre appartiennent à jean Grimes»  
- « Esprit Sicard a établi un moulin sur la rivière Argent Double qui fait mouvoir douze lames qui débitent annuellement 800 mètres carrés de surface ; elle fait l'ouvrage de Six hommes ; un seul, suffit pour la servir » 5.

Il y avait une vingtaine de moulins sur l'Orbiel, dont neuf à Myraval-Cabardés : six bladiers et trois autres : Costa, Clary, Bauto, avaient étés emportés par une crue en 1810. Ces trois moulins assuraient une rente annuelle de 10 quintaux de blé, autant de seigle et Trois livres de truites. 6
Au cours de la première moitié du Vingtième siècle, les énergies nouvelles remplacèrent l'énergie hydraulique de nombreux centres fermèrent. A Mazamet L'eau continua d'être utilisée pour le lavage de la laine et à produire de l'électricité, grâce au barrage réservoir de Saint-Peyres d'une capacité de 35 millions de m3 construit en 1935 sur un affluent de L'Arn.

Des centres résistèrent,
d'autres cessèrent leur activité

Mazamet, Labastide-Rouairoux, Lacabarède, Montolieu, Cennes-Monestiers continuèrent à se développer.
Alors que dans d'autres, l'activité industrielle cessa. A Saint-Denis les habitants anticipèrent la reconversion, en obtenant le droit de créer un barrage réservoir « Communal » sur l'Alzeau ; destiné à l'irrigation des prairies. La majorité des habitants vivaient de l'élevage. Leurs ancêtres avaient été expoliés en 1670 lors du détournement des eaux de l'Alzeau par Pierre Paul Riquet. Ils avaient obtenu un dédommagement de 50 livres par année mais cette rente avait cessé a la Révolution. À Cennes-Monestiers les habitants s'étaient plaints auprès des propriétaires du Canal du détournement des eaux du Lampy. Le sol étant plus favorable à la vigne qu'a la prairie, le dommage semblait oublié. Mais la création du réservoir de Lampy Neuf, Cent ans après, eut pour effet de réveiller les rancunes. Les protestations se multiplièrent pendant deux siècles jusqu'à ce que le Maire M. Soumpayrac, soutenu par des industriels, obtienne le droit de créer un barrage réservoir « communal » sur le Lampy. Il se disait à Cennes-Monnestiers que Riquet s'était engagé à déverser un débit de 11l/S, nuit et jour, pendant l'étiage. M. Soumpayrac avisa M. Gauthier Sénateur de l'Aude, devenu Ministre des Travaux Publics. Ce dernier rappela les coutumes établies en disant que la Commune avait droit à ces 11l/s mais il ajoutait ; « un si petit débit n'arrive pas jusqu'à Cennes ». La Municipalité demanda au Ministre de faire déverser le volume total de la semaine en une seule fois, il fut décidé, que ce serait le samedi. D'après le Maire cette mesure fut des plus heureuses. Le Ministre adressa une lettre au Préfet. Une décision ministérielle du 2 août 1880 confirme cette règle, dans l'enquête du projet de construction d'un réservoir Communal sur le Lampy pour l'alimentation de la Commune de Cennes-Monestiers. Cette enquête contient la phrase suivante « Les eaux du Lampy sont utilisées déjà pour le remplissage d'un bassin qui sert à l'alimentation du Canal du Midi. Dans les conditions ordinaires, le surplus suffit à la satisfaction des besoins énumérés ci-dessus. » Mais est-il ajouté « dès que la sécheresse arrive, le débit de 11l/S est tout à fait insuffisants ; je le fait savoir à M. de Volontat Ingénieur en Chef du Canal »
Le Ministre
Docteur GAUTHIER.

Au cours d'une manifestation, M. Pierre Escourou devenu Maire, conclut son exposé ainsi : Cette réserve donnant droit à 11l/s a-t-elle existé réellement ? 7
Nous retiendrons que compte tenu de la distance entre le Lampy et Cennes, un débit de 11l/S pouvait, pendant la période d'étiage, ne pas atteindre Cennes. Le lâchage une fois par semaine le démontra.

L'eau de certaines sources
dénonçait les richesses enfouies

L'oxyde de fer responsable de la coloration des matériaux en rouge brun, dans les ruisseaux de fuite de certaines sources, eut pour effet de marquer non seulement la toponymie, exemple : Montrouch, Fontrougès, Fontrouge, mais aussi d'éveiller des pensées chez les investisseurs. Fontrouge source située dans la l'ancienne forêt Royale de Sarremetgé Commune d'Arfons fut visitée plusieurs fois. En 1735 le sieur Emanuel de Montfaucon Seigneur de Rocles décida de créer une forge à Trois Cent mètres de la source. Abandonnée à la Révolution, elle fut reconstruite en pure perte cette fois en 1825 par un deuxième investisseur M. Mérigonde. L'industrie du fer étant devenue concurrentielle, Mérigonde envisagea de détourner l'eau de l'Ayguebelle pour soutenir l'étiage du Sor qui réduisait considérablement l'activité de son établissement. Le projet n'eut pas de suite, la forge fut abandonnée. À la fin de la décennie1930 l'eau de Fontrouge plut à M. Piquet (membre du consortium des potasses d'Algérie). Venant passer ses vacances chez ses amis propriétaires de la ferme le Picou, située à trois kilomètres de Fontrouge, Piquet décida de se lancer dans un projet d'exploitation de mise en bouteille de l'eau de Fontrouge. Analyses (à Toulouse) études des coûts, recherche de clients demandèrent du temps ?… Le projet fut interrompu peu avant 1939.par les bruits de bottes...8

En 1968 l'état de la forêt de Sarremetgé était dégradé, le nouveau propriétaire décida de remplacer la vieille forêt de chênes par des résineux. Des travaux importants de dessouchage furent entrepris. Le bruit de cet énorme chantier arriva aux oreilles de M. Roger Jullia membre actif de la Société Spéléo-Archéologiques du Sorézois et du Revélois. Le Dimanche venu, Roger allait prospecter ce chantier bouleversé par des engins énormes, un matin il fut récompensé. A quelques mètres de la source une anse soudée à un flanc avait été remonté à la surface par un engin. Roger déposa l'anse à la maison du Parc Régional à Soréze. Plusieurs personnes auscultèrent la pièce, tous pensèrent qu'il s'agissait des restes d'une Amphore ? Quelques temps après, un pécheur de Revel qui taquinait la truite dans le ruisseau du Sor, eut la surprise de découvrir une pièce de monnaie en or, portant l'effigie de deux Empereurs Romains. Pensant qu'il pourrait en trouver d'autres il garda secret sa découverte. Après un certain temps, n'ayant plus rien trouvé, Il fit expertiser la pièce à Albi en disant qu'il l'avait trouvée dans un champ près du village des Cammazes. La pièce fut achetée par une famille de Revel, bien connue !

 

Les derniers limonadiers

Après la guerre, les eaux des sources servirent à fabriquer des rafraichissant. À Fontiés-Cabardés M. Montagné fabriquait de la limonade avec l'eau de la fontaine Samaritaine située dans le village. Quelques années après M. Clébon cafetier à Saint Denis acheta ce commerce, il fabriqua un soda appelé OKO qu'il vendit en bouteilles de vingt-cinq centilitres chez les cafetiers de Carcassonne, Castres, Toulouse, Castelnaudary, Revel. A Sorèze M. Tesseyre fabriquait de la limonade avec l'eau de la source dite de La Mandre qui alimentait le village. A la fin du 19ème siècle M Albert Limes de Revel était employé à la brasserie Laut de Castres qui possédait un dépôt à Revel. Albert devint gérant du dépôt de Revel. Après la guerre de Quatorze ses deux fils Louis et Marius achètent le dépôt à Laut qui resta fournisseur en bière et limonade. Après la dernière guerre les frères Louis et Marius achetèrent le fond de commerce à M Tesseyre de Soréze. Un contrat stipula que Tesseyre fournirait la maison Limes. Roger Limes fils de Louis, associé à Albert Diez continuèrent de gérer la maison Limes de Revel qui a duré un siècle.9 L'autorisation de fabriquer de la limonade, était très encadrée : des enquêtes étaient nécessaires les analyses de l'eau devait être faites par un laboratoire agrée. Le Maire devait donner son avis, enfin un arrêté préfectoral fixait les conditions d'exploitation.

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A Revel, rue des Sœurs une « Fabrique d'eaux gazeuses ».

Mesure du débit de quelques sources

L'été 2003 fut extrêmement chaud à 15 heures Le 08 août 2003 le thermomètre affichaient 35 degrés à l'ombre à 250 mètres d'altitude à Revel, et fait sûrement exceptionnel, la même chose à 800 mètres, au hameau des Escudier. Cette situation se répétant depuis plusieurs jours, nous incita à aller visiter des sources, et de mesurer leurs débits.

Démarche, inutile certes qui avait comme seul but de rendre agréables les sorties que je fis chaque fois accompagné par un Henry Douce, Jaques Maury, Jean Cordec. Nous avons adopté du matériel léger facile à transporter : Un seau, gradué, un tuyau en plastique de dix centimètres de diamètre, d'un mètre de long, une petite pelle U.S. pliante, un chronomètre. Le principe de cette mesure s'applique aux très faibles débits, inférieurs à trois litres secondes ce qui est le cas chez le plus grand nombre des sources de la Montagne Noire. Son usage consiste à diviser le volume d'eau recueilli dans le seau, pendant un temps donné. Très rapide, cette opération peut être renouvelée plusieurs fois en quelques minutes, ce qui permet d'obtenir des mesures en L/s précises.

 

Tableau des mesures effectuées

Dates Nom des sources Nom des ruisseaux Débit en l/s
08/07/2003 Source du Sor
Réservoir de Cros
  Assechée
2,01/LS
10/08/2013 Sources de Fontrouge 2,04/LS  
10/08/2013 Gabaulde
  0,07/LS
10/08/2013   Aiguebelle à Phalipou 5,06 /LS
10/08/2013 résurgence du Sant   2,05/LS
18/08/2003 Sources du Cayrol-1   0,28/LS
18/08/2003 Sources du Cayrol-2   0,22/LS
  L'Alzeau au Pas du Rieu   3,04/LS
  Bernassonne au Pont de la Peur   I,03/LS
  La Dure au pont des Cabannes   1,07/LS
  Lampy à la Pisciculture   1,09/ LS

 

 

L'identification de la source de l'Alzeau avait nécessité plusieurs visites. Habitant le Pas-du-Rieux depuis une quarantaine d'années, Madame Cabrol nous avait donné les premières informations sur l'emplacement de la source. Peu satisfaits des observations que nous faisions sur le terrain, nous avons pris contact avec M.Sabodelli agent des Eaux et Forêts, retraité habitant Arfons, ainsi que M. Boyer garde municipal de Labruguière, retraité qui eut la gentillesse de venir nous montrer l'emplacement dans la forêt. La source se signalait par un ruisselet de quelques mètres de long, qui se perdait dans les ronces. Nous voyant étonnes par la modestie de la source ; M. Boyer nous dit : lors du boisement de ce secteur dans les années 1960 il fut décidé de créer une petite réserve d'eau d'une cinquantaine de mètre cubes, (une digue en terre encore apparente, en témoigne). À quelques dizaines de mètres de là, quatre ou cinq petits ruisseaux peu profonds, (parsemés de petites pierres blanches), et asséchés, sortaient des ronciers. ( Nous nous sommes souvenus que Madame Cabrol avait cité ces pierres blanches ! qui sont des éclats de quartz remontés au cours des travaux de reboisement) Nous en avons déduit que nous étions bien aux sources de l'Alzeau. Cette découverte en révéla une autre ? Le fond des ruisseaux était envahi par des milliers de mouches de toutes sortes.

Effrayées par des coups de bâtons donnés sur les ronciers, elles virevoltaient et se reposaient aussitôt sur les ronciers, pour atteindre la mousse encore humide, au fond du ruisseau. Plus étonnant était le nombre de cigales qui craquetaient partout dans les forêts de résineux de Montaud et des Escudiers. Aucun doute sur la cause de ces manifestations : une température anormalement élevée ! Après une journée chargée, nous sommes rentrés en pensant aux déclarations de Joseph Curvales chroniqueur de Labuguière ; qui a écrit dans son petit ouvrage intitulé « de Labruguiéra à Labruguière »   « nombreux sont les ruisseaux qui traversent la forêt de Montaud ; les point d'eau : Fontaine d'Or, Fontaine Adine ou « fond de Nadinel » ou naît l'Alzeau, est le point le plus élevé ou ont été captées les eaux pour alimenter le Canal des Deux-Mers ». Il ajouta « Il est d'ailleurs fait état, dans les délibérations consulaires de la vente, le 12 juillet 1766 de cette fontaine » Le mystère reste entier (?) Aucune traces de ces révélations n'ont été relevées ; que ce soit ; aux archives du Département Tarn, de la commune de Labruguière, du Canal. ?

UN INGÉNIEUX SYSTÈME DE DISTRIBUTION

À Cayrol notre attention fut attirée par l'ancienne distribution de l'eau (enfouie sous les feuilles et les ronces), dont jouissait cette ferme, abandonnée en 1920 et probablement crée au seizième siècle, d'après des documents. Afin de faciliter la compréhension du plan annexé, nous avons attribué le chiffre 1 à la résurgence principale, le 2 à la deuxième ; et les trois premières lettres de l'alphabet A. B. C .aux mares.

La ferme avait été placée dans la pente, en contre bas, de l'antique chemin, qui allait d'Escoussens à Bram et à une soixantaine de mètres des deux résurgences qui sont toute-deux au même niveau ; à quatre mètres en contre-bas du chemin, et a sept mètres plus haut que la plate-forme de la ferme. Cette disposition avait permis de déjouer les contraintes du relief, très fortes dans ce secteur ; la pente naturelle du versant est proche de cinquante pour cent D'après nos observations, il y eut deux époques différentes, concernant l'usage de l'eau Dans un temps ancien, la résurgence 1 alimentait la mare A creusée dans le ruisseau de fuite, elle pouvait assurer les besoins de la ferme et probablement (?) le fonctionnement d'un moulin. Pour une raison inconnue (fuite, éboulement) la mare A fut abandonnée. La résurgence 1 fut captée par une petite rigole 0,50 x 0,20 disposée transversalement à la pente, elle prenait en passant l'eau de la résurgence 2 pour la porter à la mare C qui servait à abreuver les animaux de la ferme et ceux de trait qui passaient sur le chemin très fréquenté autrefois . Ce système ingénieux avait un double avantage, il permettait d'avoir une réserve d'eau près de la ferme, en cas d'incendie et de disposer en permanence d'eau propre pour les besoins domestiques, le lavage du linge par exemple.

DES PROJETS D'IRRIGATION VIRENT LE JOUR

Au cours de la deuxième moitié du XIXème siècle, deux projets destines à développer l'irrigation virent le jour.
Le projet de l'Ingénieur M.de Boisanger était de détourner les eaux de la Dure vers l'Ouest du minervois)
Un peu plus tard parut le Projet d'un canal d'irrigation sur le revers Nord de la Montagne Noire qui consistait à (détourner les eaux de l'Agout, du Thoré, de l'Arn, et de l'Arnette) vers le Lauragais, jusqu'à Toulouse.
Le premier est rédigé ainsi «…la petite rivière qui porte le nom de Dure dans sa partie supérieure jusqu'à Montolieu, et de Rougeanne depuis cette Commune jusqu'au point ou elle se jette dans le Fresquel, prend sa source dans le territoire de Laprade sur le versant méridional de la Montagne Noire, presque à la limite des départements de l'Aude et du Tarn. Elle coule, sauf quelques déviations, dans le sens du Nord au Sud, traversant un grand nombre de Communes dont la plupart assises immédiatement sur ses bords, et dont les plus importantes sont : les Martys, Codebronde, Cuxac, Brousses, Montolieu, Mousoulens. Sur son parcours, qui est de 28 kilomètres, on compte 2 forges, 3 martinets, 19 foulons, 8 filatures, 3 cartonneries, 2 papeteries et quinze moulins ; en tout 52 établissements, qui marchent tant que l'eau abonde dans la rivière, mais qui sont soumis à des chômages du moment que son débit faiblit ; affaibli par la chaleur, il devient insuffisant. D'un autre côté, la vallée au fond de laquelle la Dure a creusé son lit, très encaissée dans la région supérieure, s'élargit graduellement à partir de Montolieu et va se perdre dans des terrains planes ou légèrement inclinés de la rive gauche du Fresquel, sur le territoire des Communes de Ventenac, Pezens et Mousoulens. Ce sont des terres d'alluvion, pour la plupart, ou il suffirait d'amener l'eau en quantité convenable pour tripler au moins leur valeur et faire la fortune des Communes que nous venons de nommer. Aménager et mettre en réserve les eaux surabondantes de l'hiver et des premiers mois du printemps, pour les livrer à l'industrie et à l'agriculture au moment ou la nature leur refuse cet élément indispensable à leur prospérité. » Tel est le projet dressé par M. de Boisanger, ingénieur du Service hydraulique dans l'Aude, et qui fait l'objet d'une enquête ouverte dans les Communes intéressées, durant l'automne de 1850.
Dès l'année 1841, sur la demande des propriétaires d'usine, un projet de réservoir, pour l'aménagement des eaux de la Dure, avait été étudié : le réservoir devait être formé au moyen d'une digue de 21 mètres de hauteur, construite en travers de la vallée, au lieu-dit Les Pradelles, en amont de la forge des Martys. Sa capacité eut été de 1.701.197 mètres cubes ; la dépense évaluée à 180.000 francs devait être supportée par les intéressés formés en syndicat ; malheureusement, ce syndicat ne put parvenir à se former.
M. de Boisanger, en reprenant ce projet, y a fait deux modifications d'une haute importance. L'une consiste à porter l'emplacement du réservoir à 430 mètres en amont du point précédent choisi ; l'autre à prendre l'eau après qu'elle aura desservi 6 usines, pour la porter, au moyen d'un canal ou rigole, sur le territoire des Communes de Ventenac, Pezens et Moussoulens, ou elles serait employées à l'irrigation. Le premier de ces changement augmente de moitié la capacité du réservoir, tandis que la dépense n'est accrue que de 1/9ème ; le second fait profiter l'Agriculture d'une construction proposée d'abord dans l'intérêt de l'industrie seule, et double par la les résultats futurs de l'entreprise. D'après ce nouveau projet, le réservoir, placé à 150 mètres en amont du chemin de la Loubatière, serait formé par une digue de 14 mètres de hauteur, sur une longueur de 375 mètres : il contiendrait 2.575.221 mètres cubes d'eau, et couterait 200.000 francs. La superficie du bassin d'alimentation de ce réservoir est de 850 hectares. M. de Boisanger démontre qu'au 1er Juillet, époque ou l'insuffisance des eaux se fait ordinairement sentir, le réservoir contiendrait , année moyenne, 2.140.000 mètres cubes d'eau ; ce qui correspond à 41% de mètres cubes par seconde ; en y ajoutant le mois d'octobre, le débit ne serait que de 36%, mais il serait encore quatre fois plus fort que le débit actuel de la rivière à la même époque. On sait qu'un million de mètres cubes ou un litre d'eau par seconde, est la quantité moyenne jugée nécessaire pour l'arrosage d'un hectare ; c'est donc 350 hectares environ que cette eau pourrait arroser, après avoir fait marcher les usines.
Le canal destiné à amener l'eau sur les terrains à irriguer aurait sa tête en amont du moulin de Ramel ; le tracé du projet suit la rive gauche de la rivière, traverse la route nationale N°113, près de la métairie de Molières, côtoie le vieux chemin qui serpente vers le sommet du coteau de Fresquel jusqu'en face Pezens, au-dessus de l'embranchement du chemin de Ventenac, contourne le vallon de Rounel et vient aboutir au ruisseau de Ventenac, en amont du vieux chemin, dit chemin Romain. C'est un parcours de huit kilomètres ou ne se rencontre aucun accident de terrain de nature à exiger des travaux extraordinaires. Le canal aurait 70 centimètres de largeur au plafond, et des talus en déblais inclinés à 45 degrés ; la pente serait de 50 centimètres par kilomètre, la dépense est évaluée au maximum à 24.000francs.

En somme, la dépense pour l'entière exécution du projet serait :

1) Pour l'établissement du réservoir                            200.000 francs
2) Pour l'établissement du canal                                     24.000 francs
3) Pour intérêts du capital avancé
pendant la construction                                                    20.000 francs
4) Pour frais d'entretien, réparation, surveillance,
la somme annuelle de                                                          2.800 francs

représentant un capital de                                                56.000 francs

Total                                                                                     300.000 francs

Les résultats à obtenir seraient évalués comme suit :

1) Plus-value de 50 usines par la suppression des chômages ;      6.000 frs l'une en moyenne                                                  300.000 frs.
2) Plus-value de 250 hectares de terrain auxquels s'étendrait très promptement l'irrigation, à 12000 frs. l'hectare                300.000 frs.
3) Plus-value résultant de la diminution des dégâts causés par les orages, pour les terrains qui y sont exposés                   40.000 frs

Projet d'un canal d'irrigation sur le revers nord
de la montagne noire 10

« Le canal en projet aura sa prise d'eau établie sur le Thoré, dans la Commune de Saint Amans Valtoret, vis-à-vis des Alberts. Il sera alimenté par ce cours d'eau et par l'Agoût, l'Arn et l'Arnette. Une dérivation pratiquée sur l'Agoût à l'amont de Brassac, amènera une partie des eaux en excédents de cette rivière dans le ruisseau du Rialet, élargi, qui les conduira dans l'Arn. Une seconde dérivation branchée au pont de l'Arn, sur ce cours d'eau, grossi du volume fourni par l'Agoût viendra affluer la prise d'eau des Alberts. L'Arnette fournira son contingent au canal projeté en le traversant en aval de Mazamet. Des eaux mises en réserve sur le Sor et sur le Laudot, prises sur l'excédent, non utilisées par le canal du midi viendront se joindre à celles fournies par les quatre rivières dont il vient d'être parlé.
A partir de la prise d'eau des Alberts, le canal suivra la rive gauche du Thoré, traversera les cantons de Mazamet, Labruguière, Dourgne et Revel et viendra aboutir au plateau de Graissens, crête séparative des versants des deux mers. De ce point, il sera dirigé dans la vallée de la Garonne, par le col de Naurouze et au besoin dans la vallée de l'Aude, si toute l'eau dérivée venait a ne pas être utilisée sur la ligne qui vient d'être décrite.

Les études du canal sont effectuées en entier dans le département du Tarn, et dans celui de la Haute-Garonne, jusqu'au plateau de Gaissens. Le tracé suit les sinuosités du terrain et passe en aval de Mazamet, au-dessous de la dernière usine du canal de la Nogarède, sous le coteau de Saint Albi, à Saint Hilaire, aux Auriols, près de Saint Afrique, à la Sabartarié, à Saint Jean (Verdales), à Labastide, en amont d'Ensiguier, Commune de Dourgne, près de la Fleuraussié, au-dessous de Belleserre, immédiatement en amont de Revel, franchit le Laudot en aval de la route de Castelnaudary et arrive au col de Graissens.
S'il est prolongé jusqu'à Toulouse, il longera la rigole du canal du midi sur la rive droite jusqu'à Naurouze. Il passera ensuite dans le versant du coteau situé sur la rive droite de L'Hers, franchira ce ruisseau sur un pont-canal, en amont de Montaudran, suivra le flanc du coteau du Calvinet, dominant l'école vétérinaire de Toulouse, descendra, par plusieurs chutes successives, dans la Garonne à l'embouchure du canal du midi.
Cette direction parait la plus favorable, toutefois il se peut que les études démontrent qu'il y a lieu d'y apporter des modifications.
La longueur du canal principal entre la prise d'eau des Alberts et Graissens a été trouvée de 82 kilomètres.
Sa pente a été réglée à 3 m/m par mètre sur les premiers 30 kilomètres et à 2 m/m sur les 52 kilomètres restants, sa section a été calculée de telle manière que le débit sur la première partie, puisse aisément être élevé à 15 mètres cubes par seconde et qu'il diminue ensuite dans le rapport de l'eau lâchée en amont, dans le trajet pour les arrosages. À Graissens la section pourra recevoir encore 9 mètre cubes d'eau par seconde. La partie du canal comprise entre ce dernier point et la Garonne aura une longueur de 68 kilomètres. Sa section sera aussi successivement réduite suivant le volume d'eau dépensé, mais elle conservera des dimensions telles que le débit aux environs de Toulouse puisse s'élever de 4 à 5 mètres cubes par secondes.
Le canal projeté depuis l'Arnette jusque à son extrémité inférieure franchira les cours d'eau sur des ponts ou aqueducs afin que ses eaux soient entièrement séparées de celles des rigoles ou ruisseaux qu'il rencontrera dans son trajet.
Des rigoles transversales portant l'eau du canal et suivant les crêtes des vallées, apporteront l'eau sur tous les points de la zone irrigable.
Des chutes pour mouvement d'usines seront concédées sur ces rigoles sans qu'aucune partie de l'eau n'en soit détournée.
L'eau sera livrée aux propriétaires arrosant, sur leur demande, moyennant redevance annuelle, d'après un tarif réglé par l'Administration. Elle sera également livrée aux conditions de ce tarif, aux villes à portée d'en user pour leur service industriels et domestiques.
Toute l'eau devant être prise dans la montagne, sera d'excellente qualité et très propre à ces usages.
Les villes qui pourront être avantageusement desservies sont Mazamet, avec l'eau des réservoirs projetés dans le bassin de l'Arnette, Labruguière, Villefranche et Toulouse, si le canal est poussé jusque-là.

 

 

Volume d'eau à dériver

La surface qui peut être convertie en prairie dans la zone irrigable, comprise dans le département du Tarn, est évaluée à 12000 hectares déduction faite des prairies existantes ; les vignes, bois, et terrains qui resteront affectés à la culture des grains, estimés au tiers de la surface totale.
Dans la Haute-Garonne la superficie susceptible d'être arrosée est beaucoup plus étendue et même illimitée.
Toutefois, il n'a été compté, dans le projet, que sur un total de 20.000 hectares dans les deux départements, mais la section adoptée pour le canal permettra de porter dans la suite ce chiffre à 30.000 hectares, en faisant de nouveaux réservoirs.
Les irrigations seront pratiquées pendant 7 mois de l'année comme cela se fait habituellement dans le pays, du premier mars au premier octobre. En admettant que l'absorption amenée par les arrosages soit de 1/3 de litre par seconde et par hectare, chiffre bien supérieur à celui constaté dans une foule d'expériences, on trouve qu'en dépensant 182.000.000 de mètres cubes d'eau dans les Sept mois, pour l'irrigation de 20.000 hectares de terrain, chaque hectare recevra au moins un litre par seconde. Plus des 2/3 de l'eau qui arrosera les zones supérieures tombera, en effet dans les zones immédiatement inférieures et représentera la plus forte partie de l'eau utile à leur irrigation.
Il suffit donc, pour irriguer 20.000 hectares de dériver annuellement 182.000.000 de mètres cubes d'eau.

Ressources alimentaires

Une infinité de jaugeages aussi bien que des expériences faites sur le volume d'eau produit par un kilomètre carré de terrain de montagne, ont établi que la masse d'eau qui s'écoule dans l'année de l'Agout, de L'Arn, du Thoré et de l'Arnette sur les points choisis pour l'alimentation du canal projeté s'élève à 726.000.000 de m3
Les usines et les irrigations ne dépensent en hiver qu'une quantité d'eau dépassant d'un tiers, à peu près, le débit d'étiage. Cependant, pour caver les calculs au pire, Il a été admis que cette dépense, durant la saison des eaux abondantes égale en moyenne le double de ce débit et qu'elle s'élève dans l'année avec celle des 4 mois d'étiage, à 318.000.000 de m3
Il reste donc annuellement une masse d'eau disponible de 408.000.000 m3.
Non compris le produit des crues s'élevant à 58.516.000 m3, ni le volume supplémentaire que donneront le Sor et le Laudot au temps de grandes crues.
On n'a donc pas à craindre l'insuffisance des moyens d'alimentation puisqu'il suffit de prendre sur ces chiffres 182.000.000 m3 pour la complète irrigation des 20.000 hectares de terrain comptés au projet. Les 182.000.000 m3 seront pris dans les quatre cours d'eau alimentaires pendant la durée des eaux abondantes : 54 millions seront emmagasinés dans dix réservoirs projetés sur la dérivation de l'Agout, sur l'Arn, le Thoré, l'Arnette, le Sor et le Laudot. Les réservoirs établis sur les deux derniers cours d'eau ne recevront que le trop-plein des rigoles nourricières du canal du midi, qui inonde, en temps pluvieux, les terrains les plus fertiles des Communes de Garrevaques, Palleville, Poudis, Blan et Lempaut, et cause sur ces terrains des ravages considérables. Les 128 millions restant, seront fournis au canal par un débit continu de 12 m3 secondes s'écoulant des quatre rivières ci-dessus désignées, pendant la période ou le volume trainé par ces rivières dépassera celui utilisé par les établissements existants. Durant l'étiage il ne sera rien pris dans ces cours d'eau ; le canal sera en entier alimenté par les réservoirs

Résultats

L'irrigation d'un terrain en double la valeur et en triple le revenu.
Conséquemment, les 20.000 hectares arrosés, dont le prix actuel est de 2.500 frs par hectare, acquerront une augmentation de valeur de 50 millions et le surcroit du produit net annuel de ce terrain, qui ne dépasse pas aujourd'hui 25,00 frs. par hectare s'élèvera à 3 millions pour les 20.000 hectares.
Ces résultats pourront être encore augmente dans la suite en prolongeant les rigoles transversales et en construisant de nouveau réservoirs, les ressources alimentaires permettant de donner une plus grande étendue à la zone irrigable.
D'un autre coté, les eaux s'écoulant des propriétés arrosées, alimenteront les petits cours d'eau et il n'y aura plus de contrées arides dans le pays traversé par le canal.
Enfin les inondations qui ont si souvent affligé les riverains de l'Agout, du Thoré, de l'Arnette, du Sor et du Laudot seront supprimées par l'établissement des réservoirs.
Les dépenses à faire pour les achats de terrains, l'exécution du canal principal jusqu'à Graissens, des rigoles transversales, des réservoirs, des vannes et des maisons de gardes et pour la direction et la surveillance des travaux s'élèveront à 10 millions.
Si le canal est poussé jusqu'à la Garonne et dispose pour irriguer 20.000 hectares et fournir aux villes de Villefranche et Toulouse l'eau qui pourra leur être utile, ces dépenses s'élèveront à 14 millions.
Il y a tout lieu d'espérer que la subvention donnée par l'État sera plus forte que pour les autres canaux d'irrigation concédés, du moment que les travaux rendront un double service, celui d'arrêter les inondations et de fertiliser le sol. S'il en est ainsi, l'eau pourra être livrée par la compagnie qui exécutera le projet à 35 frs. l'hectare de terrain arrosé ».

Castres le 6 Juillet 1867
Signé      OULMIERE
Conducteur des Ponts et Chaussées
Ingénieur de la ville de Castres

Ces projets restèrent dans les cartons… !
Étaient-ils réalisables ?

Le détournement de l'eau de la Montagne Noire
par Pierre Paul Riquet souleva des protestations

Après qu'il eut démontré que l'eau de la Montagne Noire arrivait à Naurouze, le Roi Louis XIV lui accorda la construction du Canal du Midi, et fit de lui, le propriétaire du canal, et des droits sur l'eau nécessaire au fonctionnement du canal (Édit du 7octobre1665).

Les descendants de Riquet et plus tard l'État, usèrent de ce droit sur l'eau, jusqu' à ce qu'il fut démontré, à la fin du vingtième siècle, qu'une certaine quantité d'eau détournée, n'était pas utilisée par le canal. Les élus pensèrent qu'elle pourrait être utilisée par les habitants et l'agriculture. Cette idée fit son chemin, d'autant qu'un bon nombre d'élus savaient que les eaux rejetés par le Canal aggravaient les crues du Sor dans la plaine. De nombreuses réunions furent programmées ; la remise à plat de l'histoire de l'alimentation du Canal, depuis la création, fut nécessaire. Des dossiers furent constitués, des copies furent adressées aux Préfets et aux services intéresses des trois départements concernés Haute Garonne, Aude, Tarn. Aimablement prêtés par M. Jean Charles Pétronio membre actif de la société d'histoire de Revel, ces dossiers nous permettent de connaitre les conséquences du détournement des eaux de la Montagne Noire, par Pierre Paul Riquet.  « C'est en 1747 que les héritiers de Riquet, propriétaires du Canal, reçurent la première lettre d'accusation, venant des propriétaires riverains du Sor et du Laudot, se plaignant, que le détournement des eaux des rivières : Alzeau, Bernassonne, Lampy et Rieutort, détournées de leurs cours naturel et déversées dans le Laudot et le Sor, provoquaient de graves inondations dans leurs propriété. » Ces plaintes furent également adressées aux États de la Province, ces derniers chargèrent le Syndics Général et les directeurs des Travaux Publics, de vérifier conjointement avec les ingénieurs du canal, la cause des inondations des rivières du Sor et du Laudot, et de pourvoir aux moyens de s'en garantir. Suite à cette enquête, une convention comprenant cinq articles, fut établies entre les propriétaires du canal et les diocèses de Lavaur et de Saint-Papoul. Le premier article précisait « les propriétaires du canal consentent de faire construire un déversoir à fleur d'eau, qui sera réglé par l'Ingénieur du Roi, a la place de l'épanchoir de fond, qui se trouve près du pont de Conquet. Lequel épanchoir sera fermé… Ils feront encore construire deux épanchoirs de fond, l'un à Lampy, l'autre à Entrauque ; afin de pouvoir vider les eaux de la Montagne dans les anciens lits des ruisseaux qui coulent dans le diocèse de Carcassonne ; lesquels épanchoirs seront ouverts dans les temps de grandes pluies ».

Explication…
L'article 1 nous apprend que les propriétaires étaient d'accords pour construire un déversoir à fleur d'eau a la place d'un épenchoir de fond11. Au Conquet tout en ajoutant : il sera fermé, Ceux qui seront construits à Lampy et Entroque seront ouverts les jours de grande pluie, Ces modifications avaient un double objectif 12 déverser les eaux excédentaires, dans le lit naturel des ruisseaux détournés, atténuer les rancœurs des riverains du Sor. Cette règle des rejets n'avait pas été respectée dès les débuts par Riquet. Ce dernier versa au Conquet, l'eau captée par la rigole de la Montagne, dans le Sor, et reprit au Pont-Crouzet la quantité nécessaire au fonctionnement du Canal. L'été le débit du Sor étant faible toute l'eau était détournée vers le Canal ; l'hiver le débit du Sor grossi, et amplifié par le rejet opéré au Conquet, faisait que Riquet rejetait celle dont il n'avait pas besoin. Cette situation fut à la base du conflit qui opposa les riverains du Sor, aux propriétaires du Canal, pendant trois siècles.

 «…. Les propriétaires feront construire des empellements semblables à ceux du Pont-Crouzet pour alimenter le lit de la Grande Rigole pendant les inondations, et laisseront couler les eaux dans le lit de la rivière de Laudot. Mais était-il précisé : en cas que dans la suite des temps, on voulût rendre la rigole navigable, ces empellements étant nuisibles, seront détruits, en la manière qui sera jugée convenable ».
Ce passage intéressant, montrait qu'il y avait la volonté d'alimenter le Canal en temps de crue, et en même temps, laissait sous-entendre, que la grande rigole pourrait être utilisée pour la navigation ?
Enfin les articles 4 et 5 stipulaient « …Comme les sus dits ouvrages demandés aux propriétaires du canal, sont nouveaux, et que les anciens ouvrages que l'on veut changer, sont de la création du canal, et faits en vertu des ordres du Roi, et des arrêts du Conseil ; les propriétaires n'étant pas en droit de les changer de leur autorité, il a été convenu que les accords, approuvés par les États, donneront lieu à un arrêté du Conseil. » Pour finir un dernier aliéna précisait: « …lorsqu'on voudra vider les eaux du bassin de Saint-Ferréol, les gardes auront soin de les évacuer qu'a proportion qu'elles pourront couler dans la rigole ; si les eaux sont trop abondantes et qu'il faille les rejeter, on tachera de les évacuer avec la prudence nécessaire qui s'impose, en les partageant aussi également que l'on pourra entre les deux diocèses celui de Lavaur et de Saint Papoul. »
Ces conventions furent approuvées par un Arrêté du Conseil d'État à Marly le 11 mai 1739
signé : Pelipeaux.
Ces conventions montrent que l'on se préoccupa dès le début, de réduire les inconvénients dus au détournement de l'eau de la Montagne vers le Canal, y parvinrent-elles ? Ceci est une autre histoire.

Les contestations continuèrent

Les Conseillers de l'assiette du diocèse de Toulouse déléguèrent M. Garripuy, Inspecteur Général du Canal et Directeur des travaux de la Province de procéder à la vérification des ouvrages du canal. Le Rapport de ce dernier fut très simple, pour ne pas dire inutile .Il écrivit « Le pont de Revel a été bâti par le diocèse, il est en pierre et en bon état, à Port-Louis au-dessous du moulin de M. Caraman, est un petit port, un épanchoir de fonds, permet d'évacuer les eaux surabondantes ».
Fait à Toulouse en triple original le 1er Novembre 1740
… suivent les signatures.
Quelques années plus tard, les propriétaires riverains du Sor renouvelèrent leurs plaintes. Un arrêt du Roi en date du 9 Août 1786 commit M. Offarel directeur des travaux de la Province ; ou à défaut, M.Loupiez directeur des travaux du diocèse de Toulouse de faire lever les plans des rivières Sor et Laudot, et de vérifier si les propriétaires du Canal avaient tenu les promesses avancées lors des conventions.

 

Rapport de M. Loupiez

« Nous nous sommes occupés en 1787 et 1788 de la levée des plans prescrits par les arrêts des 9 Octobre 1785 et 9 Août 1786. Les évènements qui se sont succédés depuis cette époque ont suspendu la suite de nos opérations ; il fallait nécessairement pour les reprendre, que la Révolution fut opérée et que les nouveaux corps administratif fussent organisés et en pleine activité. Nous Nous sommes rendus à Revel le 9 juillet 1792 ou nous trouvâmes les citoyens Noël et Dupau membres du directoire du département de la Haute Garonne, envoyés en qualité de Commissaires pour assister à nos opérations. Le 10 Juillet au cours d'une réunion ou était présents les délégués des départements du Tarn et de l'Aude nous avons fait observer que l'essentiel avait été négligé.»...«…Le 12 nous avons repris la suite de nos opérations, nous sommes parvenus à Entrauque ou il y a un déversoir sur la rive gauche, de 13 pieds de largeur dont la partie supérieure est à 2 pieds au-dessus de la base de la rigole (c'était un épanchoir à fleur d'eau) Il est précisé : entre Bernassonne et Entrauque, le ravin de la Falquette 13 se jette dans la rigole. »

Loupiez continua sa mission, il écrivit «….après le pont-Crouzet, le ravin de la Garigole, qui avant la construction du canal versait ses eaux dans le Sor, se jette dans la rigole. Nous sommes arrivés au moulin dit du Roi qui est nourri par les eaux de la rigole, et est débarrassé de ses eaux par le moyen de deux empellements qui ont chacun 2 pieds 10 pouces de largeur (soit 0,92m) il y a en outre un déversoir de 12 pieds de largeur(soit 3,90 m) mais ce déversoir est trop élevé, et soutient les eaux à un niveau supérieur à celui des terres voisines, (il s'agissait des ouvrages du bief du moulin du Roi) »…

Après Port Louis les ruisseaux ou ravins qui descendent de la Montagne portent leurs eaux dans la rigole. Avant la construction du canal ces ruisseaux portaient leurs eaux dans le Laudot par le lit qui était particulier à chacun d'eux ; ils ont pour nom : Caussinière, Fontsagut, Saint-Ferréol, Notre-Dame, Bombardelle-Basse, Bombardelle-haute, Conte Miron, Picore, Bourels, Thuries, Timboul.  

Ce rapport signé « Laupiez », daté du 14 Août 1793, an II de la République une et indivisible, n'eut aucune suite. Le Canal fut confisqué, divisé en parts de rente, des particuliers en achetèrent, Pour rassurer les nouveaux propriétaires (détenteurs de parts) Napoléon fit prendre un décret, daté du 12 Août 1807, confirment le droit des propriétaires sur la totalité des eaux du Sor. En 1844 une commission nommée par le Préfet du Tarn fut chargée d'examiner les plaintes des riverains. Leur rapporteur M.Alby Ingénieur des Ponts et Chaussées à Castres, rédigea un rapport destiné au Conseil Général du Département du Tarn. Entre temps la gestion de l'eau du canal continuait à s'améliorer. Des vannes métalliques mobiles (mues par Crick) remplacèrent les batardeaux que l'on utilisait pour la manutention de l'eau sur la rigole de la Montagne et celle de la plaine jusqu'à Naurouze. A cette modernité, s'ajouta une station de contrôle des débits, près de chaque maison cantonnière. Ces stations furent étalonnées, et reçurent un limnigraphe appareil enregistreur de débit. Le téléphone alimenté par des piles fut installé dans les maisons du canal sauf à Bernassonne et Entrauque (déjà abandonnées). Les observations météorologiques relevées a Alzeau, Lampy, Saint-Ferréol, Laudot, Naurouze furent améliorées par l'usage d'appareils enregistreurs ; Pluviomètres, Thermomètres, Baromètres, munis des derniers perfectionnements…
En 1904 M. Serin professeur d'Agriculture à Toulouse, et propriétaire dans la plaine de Revel, demanda d'utiliser les eaux du Sor, non employées pour l'alimentation du canal. Le service hydraulique de la Haute-Garonne fut saisi, mais les besoins d'eau du canal ayant augmenté, ce service dut différer l'examen de cette demande. Une Assemblée Générale fut tenue à la mairie de Revel le 12 Août 1905. Pour la première fois au cours d'une assemblée ; les volumes d'eau furent quantifiés sur une période de 20 ans.14 Il fut démontré que la portée du Sor totalisait 377.580.000 m3. Et que l'alimentation du canal n'avait pris que 221.000.908 m3 (à partir de Tomasses) l'excédent inutilisé était donc de 155.672.000 m3 soit en moyenne 7.784.000 m3 par an.
Depuis 1898, année du rachat du Canal par l'État, le trafic sur le canal c'était maintenu malgré la concurrence du chemin de fer. Une plus grande dépense en eau, (due plus à la vétusté des ouvrages, qu'à l'augmentation du trafic) était reconnue, mais cette difficulté n'empêcha pas d'avancer.

En 1908 trois solutions furent envisagées pour soutenir l'alimentation du canal :

  1. Approvisionnement du canal par de l'eau prise par une rigole à la rivière Ariège.
  2. Alimentation du bief de partage par de l'eau pompée dans la Garonne à Toulouse, et remontée de bief en bief par pompage jusqu'à Naurouze.
  3. Augmentation des fournitures d'eau de la Montagne Noire, par la construction d'un ou plusieurs réservoirs nouveaux dans cette Montagne.

 

Les deux premières solutions furent rapidement abandonnées ; la rigole comme le pompage de l'eau réclamait des dépenses de gestion trop élevées.
La troisième fut retenue ; créer plusieurs réservoirs. A la demande du Conseil Général du Tarn l'Administration de l'Agriculture intervint auprès de l'Administration des Travaux Publics, pour attirer à nouveau son attention sur la situation des riverains du Sor, et lui rappeler qu'il y avait là un état de fait qui ne pouvait laisser les Pouvoirs Publics indifférents. Des études entreprises en commun par Le service hydraulique du Tarn, et le service du canal montrèrent qu'en période d'été, le lit du Sor était asséché sur plusieurs kilomètres à l'aval du Pont-Crouzet. Une entente fut trouvée pour atténuer ces inconvénients. Le service du canal accepta de verser, chaque semaine, le samedi matin, à partir du 15 Août, un déversement de 15000 m3 dans le Laudot au lieu-dit Les Thomassés,15 pour les besoins les plus urgents, lavages, abreuvage des bestiaux ; jusqu'à concurrence d'un débit total de 100.000 m3 sous réserve que le déversement serait supprimé lorsque le volume total des réserves du Lampy et de Saint-Ferréol tomberait à deux millions de m3.

Cet arrangement fut autorisé par le Ministre des Travaux Publics (décision du 29 novembre 1912). Mais seulement ; à titre d'essai et sous réserve des droits résultants, pour l'État de l'article123 du décret-loi du 18 Août 1807. Cet arrangement temporaire, relança le projet d'aménagement hydraulique de l'ensemble de la partie occidentale de la Montagne Noire présenté par les services des forces hydrauliques des trois départements. A savoir, la construction de trois réservoirs : deux sur le Sor, un à Arfons de Six millions de m3, un autre aux Cammazes de deux millions au lieu-dit Moulin de Gravette (appelé Garbelle plus tard), et le troisième à la Galaube sur l'Alzeau de douze millions de m3.

Le projet comportait la création de trois usines hydroélectriques développant une puissance totale d'environ 8.500 kWh. Une aux Cammazes, une au Pont-Crouzet, une à Saint Ferréol. Le Ministre chargé de la navigation avait donné son approbation à ce projet d'aménagement, qui réservait 27 millions de m3 d'eau par an au canal ; volume maximum estimé, que consommerait le canal s'il était transformé pour le passage de bateaux de 300 tonnes (réseau Fraissinet). Le réservoir d'Arfons devait faire l'objet d'une concession d'État, au Syndicat de la vallée du Sor, ou à un Syndicat spécialement créé pour l'irrigation, dont le concessionnaire pourrait être de préférence, mais sans que cela soit nécessaire, le concessionnaire des réservoirs de la Galaube et de Cammazes. Il était prévu que le service du canal pourrait continuer à exploiter ses anciens ouvrages. Les usines hydroélectriques devaient être exploitées par Électricité de France, le dispatching des eaux devait être assuré par le Service du Canal, soit par un autre organisme dépendant de la Commission exécutive à laquelle on devait donner les moyens d'un établissement Public privé, la signature du Président faisant foi.

UNE GRANDE DÉCISION FUT PRISE

En 1947 le Préfet de La Haute Garonne M. Pelletier ancien Ministre proposa au Préfet du département du Tarn et de l'Aude, de réunir les élus, ainsi que les représentants du Génie Rural, de l'Agriculture, des responsables du Canal du Midi, afin de créer l'établissement public. Cet organisme vit le jour en 1948 et fut appelé « l'Institution Interdépartementale pour l'aménagement hydraulique de la Montagne Noire ». Approuvée le 5 Aout 1948 par les membres de l'assemblée, elle fut dotée d'un conseil d'administration composé de cinq élus par département. M. Sudre Maire de Revel fut élu Président M.M. Brives et Tirand Vice-Présidents M.Baro sécretaire, M.Coustol Maitre d'ouvrage. Cet organisme permit de valider, les nombreuses décisions prises, abrogation de l'édit de Louis XIV, partage des eaux selon les accords intervenus ; tranche réservée à l'alimentation humaine, au Canal, à l'irrigation, traitement de l'eau à l'ozone, création d'une station de traitement, de conduites forcées. Pour répondre à ces projets, il fut décidé de créer une seule retenue de 20 millions de m3 sur le Sor aux Cammazes, compte tenu que le réseau supérieur (la rigole de la Montagne) crée par Riquet permettait d'alimenter les Cammazes à partir de Conquet. Dans un premier temps les quotas de répartition de l'eau, retenue dans ce réservoir furent établis ainsi :

– Eau potable                                        3.100.000 m3
– Irrigation                                              6.000.000 m3
– Salubrité et protection des crues     2.300.000 m3
– Évaporation et pertes                           600.000 m3
– Réserve pour le Canal                      4.000.000 m3

Ces quotas changèrent, avec la création de nouvelles réserves ; Guinguise, Estrade, La Galaube. Nous arrêtons ici l'histoire de l'eau pour nous pencher sur les projets non réalisés.

LES PROJETS ABANDONNÉS

Les trois barrages projetés avaient fait l'objet d'études. En 1937 le Service du Génie Rural du Tarn avait demandé à M. Mengot de la faculté des sciences de l'université de Toulouse de bien vouloir donner son avis sur l'emplacement des barrages que l'on envisageait de construire. Contacté quelques années plus tard par M. Huerre de la Société des Grands Travaux de Marseille, M. Mengot répondit «…en 1937 à la demande du service du Génie Rural du département du Tarn, j'ai fourni un rapport concernant l'emplacement des barrages que l'on envisageait de construire dans la Montagne Noire, à Arfons, aux Cammazes, à Lacombe. Que l'on veuille bien s'y reporter en particulier, pour les détails concernant la géologie de la région (p.2 à 4 du rapport). »

Barrage d'Arfons

«…J'avais conseillé de placer le barrage dans l'étroit de la vallée du Sor qui se trouve au lieu-dit « Sagnebaude ». Il existe en cet endroit, sur la rive droite du Sor et au milieu des prés, une habitation aujourd'hui abandonnée et en partie ruinée. Le sol est constitué d'affleurements rocheux sur la rive droite et même dans le lit du Sor, la plupart correspondent à des zones fortement injectées de quartz. La rive gauche est recouverte de taillis (chênes mêlés de houx). Un certain nombre de grattages et de petits sondages ont été exécutés sur les deux rives, en voici le résultat :

  1. Rive droite (côté de la maison ruinée de Sagnebaude)

La première fouille située près de la crête, n'a guère qu'un mètre de profondeur. Le dur n'a pas été atteint mais on a trouvé des produits de décomposition de la roche parmi lesquels des débris de schistes et de nombreux fragments anguleux de quartz. En descendant vers le ruisseau toutes les fouilles ont montré la même chose.

  1. Rive gauche (coté « le Fajal ». Sur cette rive, le sol dur se trouve à une profondeur d'environ 1,60 m de profondeur, il est recouvert d'une couche d'argile jusqu'à la cote 686.

« …Je me permets d'ajouter que à proximité du barrage prévu, se trouve de bons matériaux de construction qu'il sera intéressant d'utiliser. » (Il s'agit surement de la carrière dite « La Roque » située sur la rive droite du Sor à deux cent de mètres du pont de la route d'Arfons à Saissac).

 

Barrage de Gravette aux Cammazes

«….en amont du village des Cammazes, la vallée du Sor à l'allure d'une gorge. Elle traverse une barre de schistes primaires très anciens (sja = cambriens). Ces schistes sont disposés en synclinal entre le massif granulitique (granites de mica blanc) de la forêt de Ramondens (x1) et une autre bande de Gneiss (s) située au Nord-ouest que l'on suit sur le terrain depuis Lapomarède et Labécède-Lauragais Aude, jusqu'aux abords d'Escoussens au Sud-ouest de Labruguière Tarn.
La zone schisteuse dans laquelle doit se situer le barrage est épaulé vers l'aval par des schistes métamorphiques à séricite et Gneiss ; ceci réalise de bonnes conditions de solidité et d'imperméabilité pour ancrer le barrage. »
Barrage de La Galaube hameau de Lacombe

« Sur la rive droite de l'Alzeau, près de la maison forestière dite des « Coudénassés » on observe une notable épaisseur de dépôts meubles constitues par un mélange d'argile de grains de quartz, de paillettes de mica ; c'est une arène granitique argileuse typique : produit de la décomposition et d'altération de la roche massive. Des sondages effectués par les Ponts et Chaussées au voisinage de la maison forestière montrent que la couche à une vingtaine de mètres d'épaisseur. Il y a lieu de noter que cette masse réalise en ce point un barrage naturel en terre qui dévie l'Alzeau vers l'Est, c'est-à-dire vers le moulin de La Galaube. Coté Est la construction d'un barrage en maçonnerie, solidement ancré sur la zone granitique en place, me paraît la meilleure solution à adopter. »
Signé : Mengaud

Nous retiendrons que le projet de créer trois barrages fut lancé avant la guerre, étudié pendant qu'elle se déroulait et abandonnés de suite après. Et que des études nouvelles furent reprises, après la guerre, avant de réaliser le barrage actuel beaucoup plus important.

Alimentation du Canal du Midi par pompage

Les études de ce projet dépassèrent le cadre du canal ; le pompage dans la Garonne pendant l'étiage pouvait avoir des répercussions sur les usines hydroélectriques du Ramier, du Château-d'eau et du Basacle qui alimentaient Toulouse en électricité. D'un autre coté il fallait tenir compte d'un éventuel besoin supplémentaire en eau pour le Canal, dans la perspective ou ce dernier passerait au réseau Fraissinet.
Toutes ces conditions avaient été retenues, des règles avaient été envisagées : Le pompage devait être exclusivement effectué pendant la nuit ; l'eau nécessaire à la consommation du jour, devait être stockée dans le canal lui-même Les observations générales étaient présentées ainsi :

« La présente étude des conditions d'alimentation du canal est basée sur un certain nombre de données dont on n'a pu avoir que des valeurs approchées (pertes par infiltration, pertes des portes, évaporation, etc...) La quantité totale d'eau à fournir au canal est connue, et divers essais ont montré que la hauteur moyenne d'élévation par laquelle on est passé pour calculer la consommation d'énergie, varie assez peu. En fonction des hypothèses faites sur les pertes. La présente étude a donc une réelle valeur. »

Paris le 30 Avril 1936


1.  L'eau à la ferme et aux champs par Julitte et Pézard 1958

2.  Carte géologique des terrains cristallins de la Montagne Noire S.E.S.A. 1952

3. Annales du diocèse de Carcassonne

4. Ibid

5. Cartulaire et archives de l'ancien Diocèse de l'arrondissement de Carcassonne.

6. M. Trouvé, Préfet : Statistiques du Département de l'Aude

7. Archives municipales de Cennes-Monestiers.

8. Antoine Germa Métayer à COMPAGNES 1892-1970.

9. Récit de M. Roger Limes

10.   Le canal serait passé à Revel.

11. L'« épanchoir de fond » est le nom donné à une ouverture faite sur le côté d'une rigole ou d'un canal ; il permet d'évacuer l'eau de ce dernier au cours d'une vidange par exemple. La cote du seuil de l'épenchoir de fond est au même niveau, que celui du fond du Canal. Le déversoir «à fleur d'eau » signifie que la cote du seuil, est arrêtée au niveau d'un débit que l'on veut sauvegarder dans un Canal. La note précisait que l'Ingénieur du Roi, serait mandaté, pour arrêter la côte d'un épanchoir à fleur d'eau au Conquet. (Il est permis de penser que ce dispositif fut mis en place dès que la rigole versa dans le Laudot, après que Vauban eut percé la colline aux Cammazes

12. Ibid.

13. Le ravin de la Falquette est situé sur la rive droite, à un kilomètre à l'aval de la maison abandonnée de Bernassonne. Ce secteur appelé Vinade par Andréossy, en 1670 s'appelait Falquette en 1792 ce nom est arrivé jusqu'à nous.

14. Cette quantification des volumes fut rendue possible grâce au perfectionnement des appareils de contrôle des débits, et a la volonté de s'en servir sur les rigoles, le Sor, l'Alzeau.

15. Pourquoi ce déversement se fit à Thomasses et non à Pont-Crouzet ?
1) Le débit du Sor pendant l'étiage pouvait s'avérer inférieur à 15000 m3.
2) Les règlements établis concernant les prises d'eau sur le Sor à l'aval de Pont-Crouzet étaient peu respectés.

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