Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                       PARU DANS LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE N° 17 - 2012 - pages 85-90

 

 

 LA LISTE DE LA GARDE NATIONALE DE REVEL

Par Claude Pouzol

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  1. Bref rappel historique de la Garde Nationale sous la Révolution

 

Le Consulat et l’Empire (1789-1814)

 

La Garde Nationale doit son apparition à l’organisation spontanée lors de la crise qui suivit le 14 juillet 1789 et l’adoption de La Fayette, auréolé de la gloire des vainqueurs de l’Indépendance Américaine, comme général en chef. GARDE

 

Elle fut régularisée par plusieurs lois de l’Assemblée Constituante dont la principale était celle de 1792 et apparut à sa naissance comme le pays légal, corps de citoyens armés spontanément pour défendre la constitution des deux périls qui la menaçaient alors : le despotisme du pouvoir et l’anarchie. Elle devait assurer le respect de la loi, expression de la volonté générale contre les factions, aidée dans cette tâche par les corps professionnels payés pour défendre les frontières contre l’ennemi extérieur. En cas de besoin, elle complétait les armées leur assurant une supériorité numérique qui assurerait la victoire.

 

Sa distinction de l’armée de métier s’affirmait avec netteté : gratuite pour l’Etat et chère pour la garde qui devait s’équiper à ses frais, consentir à la perte de son temps et risquer sa vie s’il le fallait. Au point de vue discipline, celle-ci était moins absolue que dans l’armée : le civil en uniforme élisait ses chefs et respectait une discipline civile. Née de l’esprit civique, elle ne subsistait que par lui.

 

Le postulat était la subordination volontaire à la loi, expression de la volonté générale, dans le sens du « Contrat social » de J. J. Rousseau. Elle ne délibérait pas sous les armes, n’agissait qu’à la réquisition des magistrats municipaux, emportée par le consensus général qui la rendait inutile face à l’armée professionnelle de soldats dénigrés. Mais plus fragile lorsque la loi devenait contestée et lorsque une opinion majoritaire s’imposait.

 

Dès qu’une minorité révolutionnaire prenait le pouvoir, on lui préférait l’armée de métier. Si les volontaires de la Garde Nationale avaient donné à l’armée de métier les réserves nécessaires à la victoire, l’esprit citoyen avait réintégré le corps des officiers dans la nation et conféré au soldat un prestige perdu sous l’Ancien Régime.

 

Lorsque la conscription avait régularisé le volontariat et la levée en masse, l’armée avait absorbé la Garde Nationale. Pour conserver son caractère, la Garde Nationale devait se distinguer de l’armée et des corps de soldats payés pour la défense du régime. Il fallait que l’armée et le peuple acceptent sa direction et son concours sans s’opposer à elle.

 

L’insuffisance des effectifs avait obligé l’Empereur à son déclin et à rappeler à l’activité des cohortes sédentaires actives (c’est ce qui s’est passé à Revel).

 

Au début de 1814 Napoléon devait se résigner à la réapparition plus durable de la Garde Nationale (23 janvier 1814) et confiait aux officiers de celle-ci la garde de l’Impératrice et de son fils en une scène assez théâtrale.

 

Pour l’Empereur, la Garde Nationale devait s’appuyer sur les propriétaires et la classe marchande. Elle devait devenir une milice censitaire.

 

La Restauration s’est appuyée sur cette garde bourgeoise, et Louis XVIII a fini par l’incorporer dans la charte.

 

2. Ce qui a redonné un certain prestige à la Garde Nationale :

 

La défense de Paris devant les troupes alliées fut assurée aux barrières par la Garde Nationale (rue de Clichy et Porte Saint-Martin). Les patrouilles mixtes d’étrangers et de la Garde Nationale assurèrent par la suite le bon ordre dans la capitale.

 

Dans son ensemble la Garde Nationale ne fut pas royaliste. Elle est commandée par le général Dessoles, ancien chef d’Etat-major de Moreau, qui sut allier une autorité réelle à une grande diplomatie.

 

 

Ce modèle a été dessiné et gravé par Ambroise Tardieu
Graveur des Gardes Nationales du Royaume à Paris rue du Battoir Saint-André des Arts.
D'après les ordres de Mr l'inspecteur général Mathieu Dumas.

 

DRAPEAU-GDRAPEAU-D

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Modèle du drapeau adopté par Mr le général Lafayette sur la proposition de Mr. l'Inspecteur général Mathieu Dumas

Pour chaque bataillon des Gardes Nationales du Royaume. »

 

LEGENDE EXPLICATIVE. LA LANCE : de 0.297 m ou 11 pouces de hauteur sur 0.189m ou 7 pouces dans sa plus grande largeur est en cuivre doré à l'Or moulu, le modèle en a été gravé exprès pour le Drapeau des Gardes Nationales du Royaume, dont il forme le caractère distinctif.

 

LA COURONNE : de 0.162 m ou 6 pouces de diamètre extérieur tentant à la lance est aussi en cuivre doré et destinée à recevoir la cravate.

 

LE BATON : de 2.435 m ou 7 pieds 6 pouces de longueur sur 0.036 m ou 16 lignes de diamètres est en bois peint en bleu, son extrémité inférieure est garnie d'un bout en cuivre doré de 0.081 m.

 

L'ETOFFE AUX TROIS COULEURS : de 1.624 m ou 5 pieds de largueur sur 1.190 m ou 44 pouces de hauteur est composée de trois bandes de soie (Gros Tours) d'égale largeur, réunies aux moyen d'une couture rabattue, la bande bleu doit tenir toujours au bâton. Elle est entourée d'une frange en argent de 0.043 m ou 20 lignes de hauteur.

 

LETTRES DE FACES : de 0.103 m ou 4 pouces de hauteur sur 0.081 m ou 3 pouces de largeur, sont peintes en or ; cette inscription est invariable pour tous les drapeaux.

 

LETTRES DE REVERS : de 0.094 m ou 3 pouces 6 lignes de hauteur sur 0.081 m ou 3 pouces de largueur, aussi peinte en or. Les mots qui sont restés non dorés dans le modèle ci-dessus, sont variables et changent ainsi que le chiffre suivant le chef lieu de canton qui donne son nom à un seul ou à plusieurs bataillons.

 

« NOTA : d'après les évaluations les plus éclairées, il a été constaté que le Drapeau établi conformément au modèle ci-dessus pourrait être confectionné dans les principales villes de France aux prix moyen de 160 francs , en observant toutefois que la seule partie du Drapeau la Lance doré et la Couronne, qui forme le caractère distinctif et essentiel de l'uniformité du Drapeau des Gardes Nationales du Royaume a exigé la gravure d'un moule officiel exécuté en acier. »

 

 

 

 

 

 

Le 12 avril 1814, le comte d’Artois, frère du Roi, et son héritier présomptif fait son entrée dans Paris, revêtu de l’uniforme de colonel de la Garde Nationale, où le tricolore dominait, laissant dans l’ombre la cocarde blanche qu’il exhibait cependant.

 

 

La polémique entre les deux cocardes, qui faisait alors fureur -la blanche étant menacée de proscription- fut emportée par l’habitude de plaire du colonel général des Gardes Nationales du Royaume.

 

Description de l’uniforme du Comte d’Artois : tenue bleue, revers blancs, retroussis rouges et cocarde blanche. C’était l’uniforme du lieutenant général La Fayette. Ce fut un succès complet.

 

En fait pendant le mois de juin 1814, Louis XVIII dépendit de cette milice de 30 à 35 000 citoyens qui maintenait presque à elle seule l’ordre dans la capitale.

 

Après le 12 avril, le Comte d’Artois passa en revue successivement toutes les légions de la Garde Nationale et le château des Tuileries à son service intérieur assuré par la seule Garde Nationale.

 

3. La liste de la Garde Nationale de Revel :

 

Alors que les documents manquent sur l’histoire de la Garde Nationale après le 14 juillet 1789 à Revel et qu’ainsi, on ne peut en faire l’histoire, on précise une liste précieuse : l’Etat des citoyens composant la Garde Nationale, commune de Revel, Arrondissement de Villefranche, Département de la Haute-Garonne, liste refondue le 27 mars 1814.

 

Cette liste semble avoir été dressée en liaison avec la liste de « la cohorte » dont nous avons fait l’étude dans le cahier n° 16 de Janvier 2011 (p. 78 et suivantes).

 

Beaucoup moins détaillée que la précédente (elle ne contient que 313 noms, au lieu de 559), elle ne donne guère de renseignements d’état civil sur l’âge, le nombre d’enfants, les mariages, qui avaient fait l’intérêt de celle-ci. Elle se contente d’énumérer la profession des gardes, ce qui est quand même fort utile.

 

Alors que la préparation administrative de la liste de la cohorte avait été lente, minutieuse, voire tatillonne.

 

Il ne semble pas qu’il en fut ainsi pour la liste de la Garde Nationale. Y eut-il même une préparation ? Les textes nous disent qu’elle a été « refondue » en… 1814. Dès lors, on s’attendrait plutôt à des tripotages, à des petites exclusions et des placements de dernière minute. Mais si cela est vrai, selon quels principes ? La comparaison des deux listes nous aidera peut-être à les trouver ? Si les rédacteurs de la liste de la Garde Nationale ont tenu avant tout à donner le métier des nouveaux gardes, il semble que ce serait dans ce compartiment de l’état civil de ceux-ci qu’il faudrait chercher la solution.

 

En effet, toute une profession a disparu : « les ménagers », c’est-à-dire, nombreux dans la liste de la cohorte (48), des petits propriétaires qui assuraient le travail de leur bien par leurs propres moyens (un faire valoir direct dirons-nous), ne sont plus mentionnés comme gardes nationaux. Se méfiait-on d’eux ? Par contre les propriétaires utilisant des métayers et fermiers restent nombreux (25).

 

La grande majorité des nouveaux gardes nationaux sont artisans, commerçants, on pourrait les qualifier de petits bourgeois, ou de bourgeois tout court. Les fabricants de bas, nombreux dans la précédente liste (près de 40), formaient toujours avec les tisserands, l’essentiel des métiers du textile (31 +13).

 

La liste des commerçants est variée et ne fait que refléter la confiance mise en eux désormais : boulangers et pancoussiers (car revendeurs de pain fait par d’autres), les cabaretiers et limonadiers, les négociants en général (toile, fer, blé, etc.). Par contre, les métiers de la maison (charpentiers, maçons, menuisiers, tuiliers) n’apparaissent guère. Seraient-ils l’objet d’une certaine suspicion ? Trop proches des ouvriers qui sont trop longtemps défavorables à Napoléon ? On doit donc déplorer la disparition de 146 noms.

 

Il nous faudra rechercher les raisons de cette importante disparition. Et cela précisément à l’aide du catalogue des professions, qui semblaient seules être essentielles. Certes, les professions de la terre n’ont pas disparu : on compte encore 6 propriétaires, vigneron, jardinier 3, un agriculteur. Mais tous les ménagers ont disparu, ce qui crée une première difficulté pour nous. Pourquoi cette disparition de ces exploitants de la terre et propriétaires dont nous avions signalé la profonde originalité lors de la formation espérée de la cohorte napoléonienne ? Etaient-ils soupçonnés d’une quelconque opposition à la monarchie rétablie ? Contentons-nous d’enregistrer cette disparition. Par contre, il y a des professions qui restent privilégiées : celle de marchand-négociant (11). Ceux-ci, avec les artisans, semblent constituer un réservoir important pour les nouvelles Gardes Nationales : forgeron, maréchal ferrant, charpentier, tuilier, serrurier, tourneur, cordonnier (4), cabaretier (2), bottier, boucher, boulanger et pancoussier (revendeur de pain), épion, lotier, ébéniste, orfèvre, débitant de tabac constituaient l’essentiel des nouveaux Gardes Nationaux. Les six fabricants et les trois tisserands répertoriés semblent appartenir au même milieu que les précédents, ceux des bourgeois, en qui l’on pouvait faire confiance pour défendre le nouveau régime.

 

4. Coup d’œil sur la Garde Nationale sous Louis XVIII, Charles X et le règne de Louis Philippe (Monarchie de juillet)

 

Durant les cent jours la Garde Nationale ne joua aucun rôle.

 

Lors du départ de louis XVIII, le 19 mars 1815, le souverain est entouré par les Gardes nationaux. Mais Waterloo signe la fin du rôle des Gardes Nationaux. Lors de la Restauration, la chambre introuvable formée d’élus ultra-royalistes met son espoir dans l’action de la Garde Nationale.

 

Dès le début 1816, un effort d’organisation reprend le projet de la première Restauration, avec un rôle important conféré au maire qui apporte avec lui chaque registre d’état civil pour établir les listes.

 

LISTE

 

 

Mais cette organisation définitive tarde beaucoup et rencontre l’opposition passive des préfets : un an après l’ordonnance de juillet 1816, le travail préparatoire n’est toujours pas terminé dans la moitié des départements. La Garde Nationale des ultras est finalement abandonnée.

 

L’ordonnance du 30 septembre 1816 supprime la hiérarchie des inspecteurs, mais elle ne résout pas le problème des cadres, ni celui de la discipline. La grande époque de la Garde Nationale est désormais terminée.

 

1821 : la Garde Nationale ne fait plus aucun service dans de nombreux départements, dont celui de la Haute-Garonne. Peu utile dans les campagnes, voire dangereuse, elle conserve une valeur permanente dans les villes et en particulier à Paris où elle apparait encore comme nécessaire. Le modèle parisien seul, survit.

 

Entre 1820 et 1825 c’est un déclin : elle n’a plus qu’un rôle protocolaire symbolique que rend même difficile le manque d’uniformes de ceux que l’on appelle « les bisets ». Elle se plaint du manque de reconnaissance, et notamment dans les promotions de décorations (surtout pour la Légion d’Honneur), alors que de nombreuses dépenses lui sont imposées.

 

Pour les funérailles du Général Foy, la Garde Nationale s’associe en grand nombre au cortège, preuve du rôle joué désormais par les libéraux. L’impopularité du ministre Villèle contribue à son discrédit.

 

La révolte de Paris lors des journées des « trois glorieuses » lui est souvent attribuée : ce serait une revanche de la Garde Nationale. Elle aurait porté le poids des trois jours, vaincu l’armée de Charles X, puis maintenu l’ordre dans la capitale, une fois le duc d’Orléans sur le trône.

 

Avec Louis Philippe, la Garde Nationale va jouer un grand rôle. Ce sera sa période triomphale, suscitant une Fédération dans toute la France.

 

CERTIFICAT

 

 

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