Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE |
" L'ArmEe anglaise en Lauragais " (printemps 1814) :
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« Le 31 mars 1814, devant la population de Cintegabelle surprise et angoissée, défila l'armée du général anglais Hill : l'infanterie anglaise habit rouge à épaulettes et shako conique ; les contingents portugais, uniforme bleu, shako en pain de sucre avec plumet ; les dragons à veste à brandebourgs et casque étincelant à plumet rouge » : cet extrait d'une Histoire de Cintegabelle introduit bien le sujet de notre article.
Une armée internationale, avec des anglais, des portugais, des espagnols, des cavaliers allemands, a envahi la région en 1814 en provenance d'Espagne.
La guerre d'Espagne : 1808-1814
En 1808, Napoléon Ier domine toute l'Europe et compte à son actif de
nombreuses victoires (Austerlitz, Iéna). Seule l'Angleterre peut encore
résister, bénéficiant de l'incapacité de Napoléon de débarquer dans
cette île. Il veut alors l'étouffer en pratiquant un blocus économique
interdisant tout commerce entre l'Europe et Londres. Mais le Portugal
refuse et l'armée française traverse alors le nord de l'Espagne pour l'y
contraindre.
L'empereur songe à placer son frère Joseph sur le trône de Madrid, mais les espagnols se soulèvent et commence ainsi l'atroce guerre d'Espagne (1808-1814). Les Français subissent de nombreuses défaites. Ils se heurtent à une guérilla impitoyable menée par les paysans espagnols, et les armées françaises doivent progressivement évacuer la péninsule ibérique.
Les anglais trouvent là un théâtre d'opérations inespéré et débarquent ainsi au nord du Portugal avec une armée très bien équipée et commandée par leur meilleur général : Wellington (celui là même qui vaincra Napoléon à Waterloo en 1815).
Les français évacuent l'Espagne d'une part avec le maréchal Suchet, par Barcelone, Perpignan et Narbonne, d'autre part avec le maréchal Soult par le pays basque et Bayonne.
La retraite de Soult
Dans sa retraite, l'armée de Soult est suivie par les troupes de
Wellington composées de soldats anglais, espagnols, portugais et de
cavaliers allemands. Le maréchal français manuvre très habilement devant
des forces ennemies très supérieures.
Après avoir traversé Bayonne, Pau, Tarbes et Saint Gaudens, il s'enferme dans Toulouse transformée en un solide camp retranché. Les anglais le suivent, perdent du temps dans les collines du Gers et arrivent finalement devant Toulouse, à Saint Cyprien.
L'Echec de Hill dans le Lauragais
Wellington craignait que Suchet qui était à Narbonne avec 10 000 hommes
ne vienne, par Carcassonne, au secours de Soult. Il décide alors de leur
couper la route à Villefranche. Pour cela, le corps d'armée du général
Hill, envoyé par Wellington, traverse la Garonne vers Pinsaguel, remonte
la vallée de l'Ariège, passe le pont de Cintegabelle puis se dirige vers
Nailloux. Seule la cavalerie pourra atteindre ce dernier village.
Il avait en effet abondamment plu durant tout le mois de mars et les canons s'embourbèrent sur les chemins molassiques du Lauragais et ne purent arriver à Nailloux. Des combats entre cavalerie anglaise et cavaliers français eurent lieu à Aygues vives « au champ de la guerre » (en 1940, on y exhuma d'ailleurs quelques squelettes). Mais Hill doit se replier pour regagner Saint Cyprien : c'est un échec.
La bataille de Toulouse du 10
avril 1814
Wellington traverse ensuite la Garonne au nord de Toulouse, à hauteur de
Merville, remonte la vallée de l'Hers mort, atteint Croix Daurade et
attaque la colline de la côte pavée, Calvinet par l'est. Le 10 avril, la
bataille est décisive : les anglais s'emparent de la redoute* de la
Sipière, clef des défenses françaises, et Soult doit évacuer Toulouse le
2 avril par Castanet et la route du Lauragais.
Les blessés sont transportés par les barques du canal et tous les ponts, sur ce même canal, sautent après son passage.
À Baziège, de vifs combats expliquent la présence d'un important cimetière anglais (à Lamothe). L'armistice est finalement signée le 18 avril, à Naurouze, dans la maison de l'ingénieur du canal.
L'occupation anglaise
Les anglais sont arrivés à Verfeil, à Saint Paulet (où s'installe
Wellington), à Naurouze, Saint Félix, Nailloux. Nous avons peu de
documents ou de traces matérielles de leur stationnement sur la zone.
Leur occupation fut remarquablement correcte, en payant strictement tout
ce qui était réquisitionné (fourrages, pain, ).
Tout juste se plaint-on, à Nailloux, que la foire ait été gênée par la présence de soldats anglais. À Verfeil, un soldat se suicide d'un coup de pistolet dans le cœur. À Ayguesvives, il semble qu'un irlandais, Neal Mc Caully, soldat au 28ème régiment, ait été assassiné. Mes recherches m'ont ainsi permis de retrouver son acte de décès à l'état civil (en date du 11 mai 1814). Nous possédons le procès verbal d'une enquête faite par le maire qui témoigne que des soldats anglais cherchaient du vin et des filles.
Au cours d'une rixe avec un ayguevivois (nommé François Berseille), le soldat irlandais meurt d'une blessure (un coup de baïonnette). Les anglais quittent le Lauragais vers le 10 mai et embarquent à Bordeaux.
Deux cimetières sont les seuls témoignages de ce tragique épisode de
l'histoire du Lauragais.
À Saint Félix, quelques cyprès semblent marquer les tombes. À Baziège, on est frappé par la surface du champ qui semble encore témoigner de la violence des combats.
* Redoute : ouvrage fortifié avec de l'artillerie.
Référence bibliographique :Jean ODOL, Couleur Lauragais N°10 - Mars
1999