Charles ARNAUD (1909-1945) | |
Transporteur de matériaux pour les travaux publics, Charles Arnaud est né à Revel le 9 avril 1909.
Résistant de la première heure, il a assuré l'accueil des effectifs de l'Armée Secrète de la R.3 arrivant de Montpellier ( qui transitaient par son garage), leur transport avec ses camions vers les maquis (dont celui de Durfort organisé par son frère Roger) et leur ravitaillement en armes et vivres. Il a également assuré le transport des armes parachutées pour la R.4.
Il a également fourni à la Résistance de précieux renseignements sur l'activité de la Milice de Revel. Grâce à une homonymie avec le chef milicien (Arnaud Marcel), il a pu, en détournant courrier et documents, connaître les agissements et les activités de la Milice et prévenir (et souvent sauver) de nombreux patriotes. Tous ces faits sont attestés par Fernand Ghiloni, ingénieur à Revel (alias Commandant Bernon de l'A.S de la R.3).
Un autre certificat, établi par R. MOMPEZAT, commandant le CFMN, précise que Charles Arnaud, venant de l'A.S de Revel, a été incorporé le 12 janvier 1944 au Corps Franc de la Montagne Noire en tant que sous-lieutenant du ler escadron. Entre autres actions, il a participé au parachutage du 20 février 1944 aux Cammazes et à divers transports d'armes.
L'arrestation
Il a été arrêté le 3 mars 1944 par la Gestapo dans le cadre de l'action menée par celle-ci contre le maquis de Durfort, suite à la trahison d'un faux réfractaire. Ce matin-là, vers 6 heures, Charles Arnaud devait partir, avec un autre résistant, Ernest Pélissou, en direction de la Corrèze pour chercher des pommes de terre et des pommes destinées au maquis de son frère Roger. Mais, en sortant de chez lui, il a été ceinturé par un homme de la Gestapo. Il s'est débattu et a cherché à s'enfuir quand une rafale de mitraillette l'a obligé à se rendre. Menotté, il a été ramené à son appartement, où, devant sa femme, sa mère et ses trois enfants (dont l'un avait 6 mois), les Allemands et les deux civils français ont procédé à une perquisition musclée, en cassant tout : ils recherchaient un poste émetteur... qu'ils n'ont pas trouvé... Ensuite, Charles Arnaud a été conduit à l'entrepôt, 6 Avenue de la Gare, où il rangeait ses camions. Là, les Allemands, sous la menace de leurs armes, ont aligné contre un mur, au fur et à mesure de leur arrivée, la quinzaine de personnes formant le personnel de l'entreprise. C'est ainsi qu'elles ont attendu, l'arrivée, vers 11 heures, du fourgon cellulaire où étaient entassés les résistants arrêtés à Durfort. Après la prison Saint-Michel, Charles Arnaud est envoyé, avec d'autres résistants, à Compiègne d'où, le 27 avril, un convoi part avec 1700 déportés pour les camps de la mort.
Auschwitz, Buchenwald, Flossenbürg
Après quatre jours et trois nuits d'un hallucinant voyage dans des wagons à bestiaux, le convoi arrive en Pologne, à Auschwitz-Birkenau. L'ouverture des wagons s'accompagne d'un certain nombre d'exécutions sommaires... Après deux kilomètres de marche sur un chemin caillouteux, les survivants entrent dans le camp en passant devant le panneau « Arbeit macht frei »(=Le travail rend libre). Là, les nouveaux arrivants sont tatoués, tondus, désinfectés et habillés en bagnards avec de sinistres oripeaux rayés ; ils sont ensuite entassés dans des baraques de quarantaine, voisines d'un four crématoire d'où s'échappent d'horribles odeurs . Le 12 mai, sans aucune explication, les détenus de ce convoi sont conduits au quai d'embarquement pour être acheminés vers Buchenwald où ils arrivent deux jours plus tard. Ils y sont parqués dans le « Petit Camp » surnommé la Cour des Miracles de Buchenwald « où s'entassaient et mouraient tous ceux qui n'avaient ni la force, ni la constitution physique pour travailler dans les commandos (...) Ils passaient leurs journées dehors, désœuvrés, attendant la mort... La nuit, l'entassement était ignoble, dans des baraques immondes » (Jacques L'Hoste). Le 24 mai, ces déportés, surnommés « les Tatoués », sont à nouveau déplacés, de Buchenwald on les envoie au camp de Flossenbürg, en Bavière. Charles Arnaud subit alors dans ce camp la vie concentrationnaire pendant près d'un an avec son cortège de sévices, d'humiliations, de travail forcé (dans une usine d'aviation) et de faim...
La marche forcée et la mort
Au printemps 1945, l'agonie du Troisième Reich s'accentue sous la poussée triomphale des Alliés. Les nazis cherchent alors à cacher leurs crimes ; dans ce but, le vendredi 20 avril, 16000 déportés de Flossenbürg, sont jetés, par leurs gardiens S.S. sur les routes de Bavière. Retardataires et malades sont systématiquement abattus... Un de ses compagnons d'infortune, Emile Gérant, avoué à Belfort, décrit « cette marche de la mort » dans le froid, la faim et la neige, encadrée par d'impitoyables S.S qui ne toléraient aucun traînard.
Dans une lettre adressée à Madame Charles Arnaud, il écrit : « A une halte, au petit jour, j'ai retrouvé Charles (...) C'est alors que dans la journée de samedi, une douleur à l'aine l'obligea à donner le bras à l'un d'entre nous. Il commençait à avancer avec peine (...) Le dimanche 22 avril au matin, sa souffrance s'est faite plus vive (...) Pourtant Charles voulait avancer, il voulait continuer à gravir ce calvaire atroce, car il le conduisait à la Liberté, c'est-à-dire vers vous, vers tous ceux qu'il aimait. Nous le soutenions de notre mieux, mais ses forces diminuaient (...) Il n'en pouvait plus, crispé de douleur et de chagrin, il me suppliait de l'abandonner à son sort, de le laisser là, dans ce fossé près des autres(...) Nous l'avons porté pendant quelques kilomètres, mais nos forces étaient bien faibles aussi.. .Avec des efforts surhumains, il traversa le village de Wetterfeld, puis lorsqu'il s'aperçut qu'il était à bout de toute résistance, il me demanda alors de vous écrire pour vous confier sa toute dernière pensée. « Tu leur diras, m'a-t-il dit, d'une voix entrecoupée, que j'ai pensé à eux jusqu'au bout ». Les larmes brouillaient mes yeux. Il s'est assis sur une borne... J'ai continué, et je ne l'ai plus jamais revu... »
C'est dans ces circonstances tragiques que disparaît Charles Arnaud le 22 avril 1945, sans doute aux abords du village de Wetterfeld, sur la route de Cham à Roding. Le lendemain, les 6000 survivants du camp sont libérés, près de Cham, par les Américains. Et Emile Gérant continue sa lettre : « Lorsque libéré par les Américains, je fis le trajet en sens inverse et j'ai recherché en vain mon ami (...) Madame, je garderai longtemps le souvenir de cet ami très cher, de ses derniers moments. Il a fait preuve d'une énergie farouche et d'une volonté tenace (...) Plus tard vous raconterez à vos enfants ce qui s'est passé ; ils pourront alors être fiers de leur papa, car c'était un Homme ». Quant au docteur Pellet de Langeais (Indre-et-Loire), un autre compagnon de déportation, il écrit :« J'ai refait la route avec les Américains pour essayer d'identifier les cadavres, mais ce fut impossible, tant le parcours en était jonché ».
Malgré les recherches entreprises par les services de l'ambassade de France en Allemagne en 1957, le corps de Charles Arnaud n'a jamais été retrouvé.
Dans l'ignorance de sa fin tragique, lors des élections municipales d'avril/mai 1945, un nombre imposant de suffrages revélois se sont spontanément portés sur le nom de Charles Arnaud. Revel a ainsi exprimé le désir de le voir fraternellement associé aux noms de MM. Audouy et Sabo, ses compagnons de déportation. Jean Escande, qui habite à Durfort, est parti par le même convoi que Charles Arnaud, tout comme Fernand Maurel arrêté le 3 mars 1944 avec les autres réfractaires de la carrière de Durfort.
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