Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol PARU DANS LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE NUMERO 15 - 2010 |
TEMOIGNAGES ET SOUVENIRS DE LA GUERRE 1939 -1945 EN MONTAGNE NOIRE par Albin Bousquet |
INTRODUCTION
Les nouvelles n’avaient pas de barrières, la défaite, les prisonniers, étaient des sujets de conversation au quotidien. Avec l’occupation et la résistance, la crainte et la peur gagnèrent la population. La région sembla se refermer sur elle-même.
Enfants à cette époque, des souvenirs précis, soutenus par les mystérieuses impulsions sensorielles, ont traversé le temps, tel le son des cloches qui sonnaient à toute volée à Saissac le 3 septembre 1939 pour annoncer la déclaration de la guerre.
Le vent d’autan soufflait violemment ce jour là.
Pour nous jeunes, la guerre était celle de l’Espagne; par temps clair, nous voyons luire dans la plaine les toits du camp de Bram, dans lequel nous disait-on, étaient enfermés les réfugiés Espagnols.
Au printemps de 1940, l’arrivée brutale de «nos» réfugiés, fit changer notre vision des choses.
Le repas de midi vite pris, nous allâmes en courant à la place de la mairie avant l’heure de la classe, pour voir l’étrange agitation qui y régnait.
Des voitures portaient un matelas attaché sur le toit. Nous voyions là une invention, destinée à protéger les passagers des bombes. Au centre de la place, des personnes juchées sur un gros camion noir, aidaient à descendre des châlits en bois, des couvertures, des matelas; d’autres, chargées, s’en allaient dans la grand-rue.
Les portes des maisons et des remises étaient toutes ouvertes; les habitants parlaient dans la rue.
Au mois de juin 1940, l’entrée en guerre de l’Italie fit redoubler la crainte dans tout le midi de la France; une défense passive s’organisa dans les villages.
A Saissac, elle consistait à scruter le ciel la nuit; tâche difficile à assurer avec des hommes âgés qui trouvaient cette démarche inefficace et inutile. Son fonctionnement fut confié à M. Tubéry, instituteur. La crainte de voir se poser des avions ennemis, avait fait naître l’idée de rendre inutilisables certains plateaux de la Montagne Noire.
Des buttes de terre furent dressées dans les champs des fermes : L’ Azérou, plateau de Saigne-Albe, Las Roque, plateau de Massillargues, Imbes.
Ordonnés par l’autorité militaire, ces travaux, réalisés par l’entreprise de labour Aribaud, de Ventenac Cabardes, étaient supervisés par les gendarmes.
Parmi les mesures nouvelles, la réquisition des armes ne fut pas la moindre, bon nombre d’entre elles, gagnèrent les caches : un arbre creux, une toiture, les meules de foin.
L’enfouissement dans le sol occasionna de grandes pertes par la rouille.
Autre mesure, soi-disant destinée à mieux approvisionner les villes, fut le recensement des animaux dans les fermes, mesure dont les allemands se servirent dès leur occupation de la zone sud. Des tentatives d’y échapper se firent jour. Dans un bois pentu éloigné d’une ferme, deux cochons furent engraissés dans une petite porcherie creusée à même le sol. Des bovins furent éloignés des étables pour échapper aux contrôles.
LES CHANTIERS DE JEUNESSE
Le 30 juillet 1940, le régime de Vichy instaura les Chantiers de Jeunesse, répartis par zone. La Montagne Noire reçut l’unité numéro 35. Les bureaux et les magasins étaient à Labruguière.
Un baraquement installé à Fontbruno (à l’emplacement du Monument) servait d’annexe aux magasins.
Un camion montait tous les jours; il portait les denrées de première nécessité, le pain et les légumes destinés aux jeunes appelés logés dans les camps de La Gallaube, le Plô del May, En Cance, Riètgé, Bordeneuve, Co de David.
Ces camps avaient reçu les jeunes gens des classes 41et 42 qui avaient atteint l’âge d’incorporation.
Afin de les distraire, des tâches d’intérêt civil (entretien des forêts et des chemins), leur furent confiées. Des traces sont restées en plusieurs endroits; à l’entrée du bassin de Lampy, les fossés creusés dans les marécages, subsistent.
Les Chantiers de Jeunesse furent complétés par les Chantiers de la Marine.
Abandonnés au moment de la défaite, officiers et jeunes inscrits dans la marine avaient été regroupés dans des centres situés le long de la côte : Narbonne, Toulon, Marseille.
Afin d’éviter que ces hommes ne s’allient à un ennemi venu par la mer, ils furent éloignés de la côte. Le Centre de Narbonne fut transféré à Fontiers Cabardès et Saint Denis avec pour mission d’utiliser le bassin de Saint Ferréol comme base d’entraînement. Les camps ne purent loger ces trois cent hommes.
La ferme Bordeneuve, commune d’Arfons, acquise par l’état pour agrandir la forêt de Ramondens, reçut des baraquements.
Les maisons de Fontcroisette (prés Lampy) appartenant à l’Evêché de Carcassonne, le couvent de Saint Denis (il reçut l’infirmerie), furent réquisitionnés. Le groupe « Chantiers de la Marine » disposait de huit camions, six voitures et une dizaine de barques.
A la fin de l’année 1943, le maquis confisqua les véhicules stationnés à Fontcroisette (au nez des Allemands).
Les barques avaient été déposées à Bordeneuve. Logée dans une étable, une douzaine de mulets servait à transporter les barques et les rames au bassin de Lampy tout proche.
L’hiver 1942 fut très long pour les marins ; la neige recouvrit le sol pendant quatre semaines.
Des familles aisées, Pro, Combelle de Lyon vinrent rendre visite à un fils, un neveu. La rencontre avait lieu chez M. Joseph Portes qui venait de prendre le poste de garde forestier titulaire créé à Bordeneuve.
Dès que le redoux se montra, les marins firent des exercices sur le bassin de Lampy, ils organisèrent un défilé nautique qui eut lieu au mois de juin (le bassin était plein).
Chaque équipage était composé d’une quinzaine d’hommes. Tous habillés de bleu, ils portaient un béret, sur lequel était fixée une ancre dorée. Sur chaque barque un ou deux musiciens jouaient d‘un instrument : flûte ou mirliton. Les barques partirent de l’entrée du bassin, suivirent la rive droite et passèrent devant la petite digue.
Le maniement régulier des rames fut longuement applaudi par une cinquantaine de personnes groupées sur la petite digue. (1)
1. Témoignage de Joseph Portes, souvenir du défilé nautique.
« L’ HERMITE » ESPAGNOL
Au mois d’ Avril, un dimanche matin, le hasard voulut, qu’ un homme vivant sous un rocher dans la vallée de Lampy, fût bêtement découvert.
Un charron de Saissac, accompagné du régisseur M. Maurel de la ferme Massillargues, cherchait de jeunes frênes droits qu’ils voulaient destiner à la confection de timons.
Le charron longeait le ruisseau, le régisseur se déplaçait dans la pente encombrée de végétaux lorsque, à quelques mètres, il vit un homme assis. Surpris (le bruit d’une cascade avait couvert l’arrivée) l’homme ne chercha pas à s’enfuir.
Rentré à la ferme, le régisseur fit part à la propriétaire de la découverte de cet homme, un Espagnol; il fut signalé à la gendarmerie. Les bergers virent passer les gendarmes, le vélo à la main; emmenant, celui que l’on appela «l’Hermite».
Son abri adossé à un rocher et situé prés de la cascade dite de Baret, était protégé d’un coté par un mur en pierre sèche, il contenait deux ou trois ustensiles de cuisine, des boites, une petite réserve de blé et de la fougère séchée. Le dépôt des déchets fit penser que l’homme vivait là depuis plusieurs mois. Des traces de pas avaient été relevées par le métayer de la ferme Le Picou.
Ce dernier sortait parfois la nuit pour tirer les sangliers qui ravageaient les récoltes avec un fusil qu’il n’avait pas rendu. Son intérêt était de ne rien dire et pourtant, les traces relevées dans les champs le conduisaient toujours au bord du ruisseau à un endroit appelé «Nado – Grél».
UN COUPLE DE REFUGIES
Quelque mois après, non loin du rocher de « l ‘Hermite », un couple vint se réfugier (sûrement suite à un accord) dans une cabane située dans un gros massif de houx qui jouxtait le côté droit du chemin conduisant à la ferme Massillargues, au lieu dit la «bouissouno».
Lui, se disait bûcheron (?) En fait, il jouait souvent de l’accordéon.
A la ferme, on leur gardait un peu de pain sans que le boulanger qui faisait des tournées le sache.
De temps à autre, le couple s’absentait, il ravitaillait les hommes de la ferme en tabac en échange de menu gibier : lapins, lièvres, perdrix, capturés au piège par deux jeunes frères placés à Massilllargues pour la nourriture.
La propriétaire Mademoiselle Cau, exploitait la ferme en régie directe.
Au mois de juin 1944, des maquisards vinrent prendre un veau et une génisse, ils étaient venus prendre une vache.
OCCUPATION DE LA ZONE SUD
En 1942 la deuxième moitié de la France fut occupée. La première armée arriva dans le Sud-ouest, elle installa son quartier général à Toulouse.
La ville de Castres fut occupée le 18 novembre.
Selon toute vraisemblance, la préoccupation première était d’ordre stratégique.
Venant de Carcassonne, deux contingents occupèrent Saissac et Cuxac-Cabardès, villages chefs lieux de canton situés chacun sur une route coupant la Montagne Noire (classées alors nationale 118 Mazamet–Carcassonne et la 629 Revel-Carcassonne).
A Saissac, ils réquisitionnèrent des jeunes du village pour essarter dans le bois communal de l’Alquier au lieu dit Mountosi.
Cet endroit, situé entre la route 629 et la limite de partage des versants, est un couloir naturel situé entre les deux vallées Sor et Lampy, (vallées difficilement franchissables par du matériel lourd).
Après l’essartage, quelques jours après, des mines furent posées dans ce couloir.
A Saissac la pose de barrières, la mise en place de sentinelles et du couvre feu; furent des mesures immédiates.
Un événement fit prendre conscience des dangers qu’il y avait à ne pas les respecter.
PREMIER DANGER
François Bastoul habitait chez ses parents avec ses frères et sœurs à la ferme Saint de Villemagne.
De temps en temps, il allait la nuit rendre visite à une amie qui habitait au village dans la rue de l’Autan.
Pour déjouer la vigilance des sentinelles, il passait entre l’église et le Château en empruntant les sentiers des jardins.
Tard un soir alors que la nuit était très sombre, à peine eût-il mis les pieds sur la chaussée de la route conduisant au village, que sommations suivies de coups de feux ne firent qu’un.
Un prompt demi tour, un saut à gauche, un autre à droite ; entouré d’éclairs et d’éclats d’écorces arrachées par les balles aux châtaigniers qui bordaient le chemin, François s’enfuit à toute jambes vers la ferme; la patrouille sur les talons.
Toute la maisonnée, fut alignée dans la cuisine, les mains contre les murs.
L’officier commença par interroger François qui avait des difficultés à se tenir debout. Tétanisée par la peur, Eugénie la mère fit un reproche à son fils, en précisant la cause de son inconduite. Ce reproche inattendu et singulier, sauva la famille; la patrouille s’en alla.
La nuit, dans le village, les patrouilles faisaient beaucoup de bruit ; les bottes ferrées des soldats tenaient mal sur les pavés arrondis des rues faites de cailloux de récupération. Elles allaient se mettre en embuscade en dehors du village à la croisée des chemins; celle qui surprit François, était cachée dans le fossé de la route à la hauteur de la ferme Pratmoulis habitée par la famille Azéma (entrée actuelle du village).
UN PIEGE
Parfois un véhicule servait à aller tendre un piège en des endroits éloignés. Le jeune Piton habitait chez ses parents, la ferme Rouquet , commune d’Arfons.
Descendu à Dourgne, à bicyclette dans l’après midi, il se laissa surprendre par la nuit.
En remontant, à la hauteur de la carrière, une crevaison se produisit sur la roue arrière. Il continua à pied. Arrivé au lieu dit, La Combe des Pommiers, il décida de quitter la route.
Il mit le vélo sur l’épaule et grimpa par le sentier qui aboutissait à la ferme de Montalric (aujourd’hui démolie).
Arrivé à l’allée, il aperçut à droite un véhicule stationné prés de la route tous feux éteints. Evitant d’alerter les chiens de la ferme, sans bruit, il rejoignit une haie et rentra à Rouquet.
Le lendemain, la curiosité fit découvrir le piège, l’herbe était couchée dans le fossé de la route au pied du rocher portant la Croix de Montalric.
La surprise d’être arrêté pouvait être matinale.
LE SAC DE POMMES DE TERRE
Comme tous les samedis, Jean Marie Guiraud et Antoine Germa se rendaient au marché de Revel avec la jument.
Alors que le jour était à peine levé, ils furent arrêtés à «La Chaumière».
Un officier vit un sac dans la jardinière; soupçonneux, il cria «marché noir».
Sans précipitation, Antoine dit «ce sont des pommes de terre de semence destinées à un ami du village de Cammazes».
La barrière de la langue, leur fit craindre le pire. Mais après maints palabres, ils purent reprendre la route. Arrivés au village, ils posèrent le sac chez une connaissance qui habitait au bord de la route.
Le sac de pommes de terre était destiné à Noémie, originaire d’Arfons, employée au restaurant du Commerce à Revel. Descendante d’une famille portant le sobriquet «Vinagrés», Noémie soignait les gens de la Montagne qui prenaient le repas de midi à l’auberge.
DES VILLAGES OCCUPES
L’occupation des villages était, d’après un gendarme, laissée à la prérogative du Commandant de la place.
A Saissac, des barrières faites de rouleaux de fil de fer barbelé furent posées sur la route aux deux entrées du village.
La barrière formait une chicane prés de laquelle une sentinelle veillait nuit et jour, le fusil à la bretelle.
La nuit, la garde était renforcée, il y avait deux hommes par poste sur la route.
D’autres endroits furent surveillés, la nuit seulement ; il y avait une sentinelle sur la route de Lampy, au départ du chemin de la promenade, une autre à la place de l’église et une à la mairie. Cette dernière gardait les véhicules stationnés derrière le bâtiment, elle se tenait contre le mur de la mairie à distance du pont sur lequel passe la route.
La relève de la sentinelle de la promenade se faisait tôt le matin, elle était attendue par des maquisards chargés de récupérer du pain. Ils laissaient la voiture à la ferme Lacroix, descendaient par le vieux chemin qui rejoignait la route d’ Arfons à cinquante mètres du poste gardé la nuit.
Là, aboutissait à l’angle du mur de la propriété Rousseau le sentier des jardins dont le départ se situe au centre du village, au déboucher de la rue de la République à dix mètres à peine de la boulangerie, tenue alors par la famille Mauriès.
Des miches de pain étaient acheminées par le sentier, elles étaient déposées dans un sac de jute grossier caché à la tête du sentier. (2)
2. Cabanel Gilbert.
DES ALLEMANDS QUI S’INSTALLENT
Les soldats logeaient aux anciennes écoles de filles et de garçons, au « Patronage ».
Pour réduire le temps de la toilette, des groupes d’une dizaine d’hommes gagnaient à tour de rôle les trois lavoirs du village. Le dimanche, des soldats lavaient leur linge de corps, d’autres allaient à la messe; principalement des officiers. Ils restaient debout pendant tout le temps de l’office, tous alignés contre le mur à droite en rentrant dans l’Eglise.
Le Prêtre Albert, qui faisait la quête lui même, ne leur tendait pas la Corbeille.
Les repas étaient préparés dans des grandes marmites (sur foyer à charbon) fixées de part et d’autre d’un essieu «la roulante». L’une était à la place de la Tour, l’autre à la place de la mairie.
Des grands récipients étaient utilisés pour transporter la nourriture aux officiers. La semaine il y avait beaucoup d’activités, exercices, entretien des armes, des chaussures, des habits.
Lors de la traversée du village, les groupes laissaient une odeur de naphtaline dans leur sillage.
Les rassemblements se produisaient à la place de la Mairie.
Les officiers logeaient dans les maisons bourgeoises ; c’était le cas chez les Ançenay. (3)
3. Colonel Ançenay officier lancier de la garde de l’impératrice Eugénie (Recherches du docteur Jean Michel Saissac).
Mes Grands Parents habitaient dans une aile de la bâtisse; les propriétaires étant absents, ils étaient sollicités à tout moment.
Avant l’heure de la classe, bien que cela me fusse défendu, j’allais à l’angle d’un couloir épier les allées et venues. J’écoutais jouer du piano. Ce qui m’amusait c’était que des soldats venus de l’extérieur saluaient en passant le râtelier d’armes anciennes du Colonel Ançenay. (3)
Le dimanche, les officiers s’installaient au soleil sur la terrasse; en chemise blanche.
LES ACCIDENTS MORTELS DES CAMMAZES
L’occupation du village de Cammazes, fut marquée par deux accidents mortels; d’abord celui de Molinier dit «le Duc».
Sorti la nuit pour aller cueillir des pommes de terre dans le champ de la Métairie la Passe; il fut abattu par une sentinelle dans le pré de la famille Jalbaud, il mourut le lendemain.
Le deuxième fut celui de Tréchot dit «Riton»; accompagné de deux copains maquisards.
Tous trois cantonnés dans la forêt de l’Aiguille, décidèrent de perpétrer un attentat.
Ils se postèrent au bord de la route en surplomb dans le dernier virage avant la carrière en venant de Cammazes.
Une voiture se présenta. A bord deux officiers et le chauffeur.
Tréchot lança une grenade, celle ci heurta une branche, tomba à ses pieds, le tua et blessa son copain Bébert.
Surpris par l’explosion, le chauffeur versa l’avant de la voiture dans le fossé.
N’étant pas blessés ; les occupants descendirent, poussèrent, remirent la voiture sur la chaussée et repartirent.
Cueillant des liens de noisetiers pour faire des fagots, Marie Tesseyre de Cammazes court au village, prévint Joseph Maurel avec qui ils revinrent accompagnés de Louis Borel, l’abbé Figuière, Jean Azéma.
Transporté à Cammazes, Tréchot fut enterré le lendemain au cimetière du village. (4)
4. Témoignage de Jean Salvetat.
LES ALLEMANDS REAGISSENT
Les Allemands réagirent : leur but, détruire le «Château de l’Aiguille», ancienne maison forestière, détruite par un incendie avant la guerre.
Venus de Revel, plusieurs camions, un char, une auto mitrailleuse, stationnèrent sur la route à la hauteur de la maison de Joseph Bonnet, lieu dit «Barracou».
Des soldats, certains équipés de lance flammes, partirent en éclaireur.
Après un long moment , l’auto mitrailleuse postée au tournant situé au départ du chemin nouveau de Picotalen, tira sur la bâtisse dans laquelle les soldats ne découvrirent que des ronces.
Effrayée par tant de bruits, la famille Canitrot qui habitait dans une petite maison située à l’entrée de la carrière au bord de la route, se réfugia dans le galetas ; découverte, elle eut la vie sauve.
Un petit groupe de maquisards placés sur la colline assista au repli des Allemands. Prémonition ou pas, ils avaient construit une cabane à proximité de la source, située dans le petit pré de la vieille ferme : le Plô de Nestor. (5)
5. Témoignage de Marie Brunel du hameau de Lagarde.
La famille Brunel de Lagarde, fermière du pré avait quelques vaches, elles dormaient sous un pan de toiture de la ferme.
Un soir à la tombée de la nuit, l’une d’entre elles manquait. Le lendemain, au lever du jour ils la trouvèrent attachée par les cornes à un arbre, sa destinée fut changée.
LE LINGE BLANC DES CAMMAZES
La tension était souvent tendue à Cammazes.
Soldats allemands et maquisards fréquentaient le café le Cheval Blanc et le bureau de tabac tenu par la famille Léon Moré et son père, tous deux boulangers. Afin d’éviter de fâcheuses rencontres lorsque des soldats ou des gendarmes étaient dans le magasin, Léon suspendait un linge blanc à l’espagnolette d’un volet donnant sur la rue, pour informer les maquisards du danger.
ANGOISSES A CENNE-MONESTIERS
A Cenne-Monestiers, l’occupation fut mouvementée. Il y eut plus de deux cent soldats. Le Commandant était installé au n°21de la grande rue, le gros de la troupe était dans les locaux de l’usine, «La Batilleuse».
La municipalité était divisée. Le Maire étant prisonnier en Allemagne; son adjoint M. Albiges Edward le remplaçait.
L’opposition lui reprochait de ne pas afficher correctement les notes et les consignes. Le village étant industrialisé, le Commandant de la place craignait les attentats.
Presque tous les jours, aux heures du repas, il se faisait conduire par son chauffeur chez Albiges pour lui faire part de ses récriminations.
Il en voulait aux habitants du village qui avaient vendu de l’eau de vie aux soldats et aussi aux industriels qui n’assuraient pas correctement le camouflage des vitres des usines.
Le clocher servait de poste de guet ; nuit et jour une sentinelle montait la garde.
La relève se faisait toute les heures en passant par l’intérieur de l’Eglise qu’il y eut un office en cours ou pas.
Un officier retraité M. Aribaud habitant Cenne était impliqué dans la résistance, des soupçons se portèrent sur lui.
Y eut-il une erreur d’interprétation sur les maisons habitées ?
De très bonne heure le matin, le détachement allemand emprunta le chemin conduisant au domicile des époux Albiges, à la cartonnerie de Moulin Huc. Les soldats encerclèrent le moulin; le comptable M. Cros fut retenu dans son bureau.
Deux agents de la gestapo pénétrèrent dans l’appartement. L’un d’entre eux coinça un bras de madame Albiges dans le tiroir d’un meuble et menaça de lui arracher les ongles.
Malgré une recherche minutieuse qui dura plusieurs heures, ne trouvant rien, gestapo et soldats quittèrent le moulin.
Refusant de partir au STO, le jeune Gilbert Bertrand habitant de Cenne avait rejoint le Maquis accompagné de deux copains.
Ils furent surpris par les Allemands dans une ferme. Gilbert tenait à la main la seule mitraillette dont ils disposaient, il tenta de s’en servir pendant que ses deux copains réussissaient à s’enfuir par une porte. Arrêté, transféré à Carcassonne, puis à Baudrigues et fut avec d’autres prisonniers attaché sur un dépôt de munitions, que l’on fit exploser à distance (6)
6. Témoignage recueilli par l’Abbé Sournié, Henry Albigés et Emile Costa.
Un refuge inattendu.
En rentrant de l’école un soir mon père me demanda de l’accompagner à Landelle.
C’était une ancienne batisse abandonnée, située à un kilomètre, qui appartenait à la famille Pistre.
Il y restait peu de choses, alors qu’elle avait abrité trois feux.
Pour y aller, il fallait traverser le plateau et la route 629 sur laquelle passait les Allemands.
Chemin faisant, je fus mis au courant de tout avec recommandation de ne parler à personne de notre visite.
Dans l’après midi alors que mon père était en train de cultiver le champ de l’Orme, un homme s’est approché, il voulait acheter des œufs.
L’endroit de la rencontre ne laissait aucun doute, mon père promit de venir le soir à Landelle.
Arrivé à la bâtisse, paralysé par la peur, je restais sur ce qui avait été le perron de l’entrée.
Il n’y avait pas de toit. Dans un coin il y avait une sorte de cabane faite de branches et de fougères.
Un homme seul se mit à parler pendant que mon père posait sur le rebord du mur un lapin sauvage rôti, une omelette (roulée dans un linge) et une demi miche. Tout à coup deux hommes surgirent de derrière la ruine, ils me dirent bonjour.
Ces hommes quittèrent Landelle le lendemain; ils venaient de Cammejeane ancienne maison forestière du bois de Villemagne, (aujourd’hui démolie) occupée alors par un charbonnier : M.Tessaro habitant d’ Alzonne.
DES DELATEURS
La population de la campagne avait versé dans le camp de la résistance, des liens s’étaient établis tout en gardant une grande méfiance.
Pour infiltrer les réseaux mis en place par les résistants, la gestapo avait complété son propre réseau en mettant en place des bureaux dans les villes de Castres, Mazamet, Carcassonne, Castelnaudary.
Celui de Dourgne fermait la boucle autour de la Montagne Noire.
Mais à l’intérieur, il y eut hélas des délateurs dont un habitait dans le secteur de Lampy.
La tragique arrestation de Durfort qui aboutit à plusieurs déportations et à la mort des deux frères Arnaud fut perpétrée par un délateur venu de l’extérieur.
Partout, dans les villages comme à la campagne, la sécurité n’était pas assurée. Le danger rôdait, la rumeur n’arrangeait pas les choses.
Un soir alors que nous étions à table et que la conversation allait bon train; tout à coup, quelqu’un frappa à la porte.
Surpris, (les chiens n’avaient pas aboyé), lentement mon père ouvrit la porte. Sur le seuil un homme petit, vêtu d’un complet tenant une énorme valise en cuir à la main demanda asile pour la nuit.
« Avez vous mangé » demanda mon père ?
« Non » répondit l’homme; nous lui fîmes une place.
La conversation reprit; l’homme peu prolixe mangeait. Après un moment, s’adressant à voix basse à mon père, il lui dit vouloir rejoindre le maquis.
Question embarrassante; personne heureusement n’avait entendu.
Il y avait ce soir là à notre table, Edouard Bourniquel , un cousin de mon oncle Jean et de son frère Louis, (recherché lui par les gendarmes). Jean exploitait la ferme voisine Imbes.
Refusant de partir au STO, Edouard aidait son cousin. N’écoutant aucun conseil, il allait de temps en temps rendre visite aux siens qui habitaient à Mazamet. Il traversait toute la Montagne Noire la nuit à bicyclette, muni d’un pistolet de gros calibre, glissé dans un sac à dos; ce soir là, il le portait dans son pull over bouffant retenu par la ceinture.
A un moment, Edouard s’approcha de son voisin de table, Léon notre employé, et lui glissa à l’oreille «on se le fait ce soir celui là» ?
Cette messe basse ne plut pas à mon père. Elevant un peu la voix pour capter l’attention; et, s’adressant à l’inconnu, il dit « nous ne connaissons pas le maquis, nous ne pouvons vous renseigner, demain matin vous devez partir. »
Dès que le repas fut terminé, l’homme fut conduit au chalet, résidence d’été des propriétaires, la porte fut refermée à clef.
Edouard s’en alla à Mazamet.
Le lendemain matin, l’homme reçut un casse croûte, il s’en alla en tenant la grande valise bien levée au dessus du sol. Etait elle vide? Tous pensèrent qu’elle servait d’alibi à cet homme trop bien habillé, pour aller vivre dans les bois.
LA RAFLE DU GRANJOU.
Parvenu aux oreilles des allemands, le bruit d’un parachutage sur les hauteurs de Dourgne provoqua la rafle du GRANJOU.
Le 3 juin 1944, deux voitures et quatre camions chargés de soldats quittèrent Castres à 9 heures du soir pour aller fouiller le château de Limatge (commune de Dourgne).
N’ayant rien trouvé; alors qu’il faisait nuit, le détachement se rendit à Grange Vieille qui appartenait à la famille Longeon; les métayers étaient la famille Tadioto.
Les soldats investirent la ferme, les métayers furent réveillés en sursaut.
Cette nuit là, un ami de Soréze, Jean Marie Lattes, était resté coucher chez les Tadioto. Il portait sur lui une chemise kaki des chantiers de Jeunesse.
Sans être interrogés, lui et Louis Tadioto furent immédiatement embarqués dans un camion.
Le détachement quitta Grange Vieille pour se rendre à Granjou, ferme proche exploitée par la famille Jalbaud. Là, même scénario, à la différence que les interrogatoires conduits par un officier qui parlait bien le français durèrent jusqu’au lever du jour.
Léa (18 ans) et ses deux tantes Elisa et Marie furent enfermées dans une chambre, gardée par un soldat.
A tour de rôle tous furent interrogés, dans la cuisine. Descendu du camion, Jean-Marie fut sérieusement battu.
Au lever du jour, le détachement quitta Granjou en amenant Léa, son cousin Albin Jalbaud, Jean-Marie et Louis. Le détachement se rendit à Grange Neuve.
La ferme était exploitée par Elysée Bouisset, son épouse Antoinette, ses enfants trois filles et un garçon Henry.
La ferme fut encerclée, les interrogatoires commencèrent.
Vers 9 heures, s’adressant au père, l’officier dit : « les hommes ont faim, il faut les faire manger ».
Comme personne ne bougeait, Antoinette alla dans l’arrière cuisine, revint avec un jambon à peine entamé et des saucissons.
A l’évidence, le pain manquait, le père proposa d’aller chez les voisins, qui habitaient la ferme de Poumet distante de six cent mètres.
L’officier désigna Henry et ordonna qu’un soldat l’accompagne. Arrivés prés de Poumet le soldat fit comprendre à Henry qu’il attendrait là son retour. Une grosse miche sous le bras, Henry et le soldat, retournèrent à la ferme.
Passant derrière les camions, en arrivant, Henry reconnut Léa.
Les soldats se mirent à manger, les filles furent autorisées à se rapprocher des parents. A voix basse Henry dit à son père : « il y a Léa dans un camion. »
Le casse croûte terminé, le détachement regagna le quartier Fayole à Castres, il était midi.
Dans l’après midi de l’eau fut apportée aux prisonniers, la nourriture ne leur fut apportée que le lendemain.
Pendant leur incarcération, la propriétaire de Granjou Madame Cormouls téléphona à plusieurs reprises, disant que les prisonniers étaient innocents.
Pour appuyer sa démarche, elle se rendit un matin au bureau du Commandant; une ordonnance lui dit d’attendre.
Un peu avant midi, un officier vint et dit : « dans la semaine on rendra les deux autres ».
Louis et Jean-Marie furent déportés au camp de Buchenwald, Louis y mourut, Jean-Marie fut libéré par les Américains. Avant son enlèvement Louis jouait de l’accordéon, il faisait danser dans les Granges au hameau de Caussarel, son arrestation mit fin à ces réjouissances. (7)
7 . Témoignages de Madame Léa Serres et M. Henry Bouisset.
DES PARACHUTAGES DANS LA MONTAGNE
Dans le midi, les parachutages se déroulèrent sur plusieurs départements pendant la période allant d’octobre 1943 à mai 1944.
D’après les travaux de certains historiens, les deux tiers des parachutages furent réussis, celui de Lautrec (15 containers remplis d’armes), se déroula comme convenu.
Surveillé ensuite, ce terrain ne put être à nouveau balisé.
Le 13 février, le message «elle aime à rire elle aime à boire» annonça un parachutage dans la région Dourgne – Arfons. Il était attendu au Conquet, il n’eut pas lieu pour des raisons que l’on ignore. Fut-il réalisé ailleurs ?
Ceux programmés pour le 11et 18 mars, et le 2 et 3 mai, eurent bien lieu à Conquet.
Les parachutages du Conquet étaient destinés au Corps Franc de la Montagne Noire.
A plusieurs reprises, le Major Richardson, Henry Sévenet, Roger Monpezat, se retrouvèrent à la ferme qui appartenait à Justin Arnaud, père de Roger et Charles Arnaud.
La nuit du 13 février 1944, le parachutage ayant été annulé au dernier moment. Richardson dormit tout habillé devant le feu chez la famille Escarboutel. (8)
8. Témoignages de Jean et Rosalie Escarboutel, (mes beaux-parents) 1954.
Justin avait acheté une vieille roulotte au service vicinal de Revel, avec l’intention de la mettre à la disposition des charbonniers qui œuvraient dans les bois du penchant du Sor.
Elle fut conduite dans les noisetiers à la bordure du chemin allant de la ferme au bois. Débarrassée de ses roues, elle prit le nom de « la Baraque» (voir plan).
Les charbonniers ne l’utilisèrent pas. Lorsqu’un parachutage avait lieu, tout était rapidement rangé dans « la Baraque».
Une fois, la nuit étant devenue sombre, la trajectoire d’un parachute fut perdue.
Il y avait un peu de neige, il fut retrouvé, deux jours après, derrière la haie du jardin de la ferme par Jean Escarboutel.
Le paquet attaché au parachute contenait des postes émetteurs. Ils furent cachés chez Jean sur le plafond de la cuisine fait de planches posées sur des chevrons.
La roulotte eut hélas des visites ; 21 jours après la rafle de Durfort, cinq voitures allemandes arrivèrent à Conquet sans s’arrêter, elles empruntèrent directement le chemin de « la Baraque». Des coups de feu furent tirés.
Très peu de temps après (quelques minutes), les voitures repassèrent, elles emportaient Ernest Jalbaud qui travaillait pour Justin.
Cet après midi là, Ernest était allé couper du bois prés de « la Baraque». Il habitait avec son frère et sa sœur la maison de Guillou commune de Villemagne.
Déporté, il décéda au camp d’Helbric en Allemagne le 22 février 1945; une rue du village porte son nom. (9)
9. Juliette Jalbaud sœur d’Ernest Coufinal Revel.
PRINTEMPS 1944 – LES ATTAQUES ALLEMANDES
Au début du printemps 1944, des groupes de maquisards attaquèrent, dans les Monts de Lacaune, se réfugient dans la forêt de Ramondens.
Sous l’impulsion de Montpezat, Richarson Sévenet, l’aumônier de Villeneuve et d’autres, le CFMN s’ installa dans les camps des Chantiers de Jeunesse.
Les règles militaires furent adoptées; ce corps était en contact direct avec Londres mais, des groupes francs créés par les M.U.R. (Mouvements Unis de Résistance) refusèrent de s’unir, situation qui eut des conséquences sur l’homologation des terrains de parachutages, sur la répartition des armes (voir additif sur les parachutages en fin de texte).
UN SOLDAT ALLEMAND FUSILLE PAR LES SIENS
Au cours de l’occupation de Saissac; un soldat allemand tenta de rejoindre le maquis. Profitant du repas de midi, il quitta le village. Imprudence fatale, il emprunta la route de Lampy.
Repris au niveau de la ferme Picarel; enfermé dans une pièce de l’ancienne école des filles, il fut fusillé le lendemain dans le champ dit des «Frênes» situé en contre bas de la route 629 à un kilomètre du village. Dans la matinée, un poteau de deux mètres fut planté à la bordure du champ.
Au début de l’après midi, une centaine de soldats venus de Saissac fut disposée sur trois ou quatre rangs face au poteau, le soleil dans le dos.
Des voitures descendirent le chemin (la draille) jusqu’au ruisseau qui allait à Saissac.
Sorti d’une voiture, le condamné fut transporté et attaché au poteau. Pendant un très long moment, une heure, peut être plus, des officiers se relayèrent pour faire des discours avec gestes et grands éclats de voix. Plusieurs coups de feu furent tirés, Louis Bastoul les entendit, il cultivait un champ à Laguille.
A son retour le soir, attiré par de la terre fraîchement remuée, il constata à l’aide de l’aiguillon la présence d’un corps enseveli à faible profondeur.
Arrivé à la ferme, il s’empressa d’aller informer le maire M. Raucoule. (10)
10. Les témoins : Léon Ourliac, Eliette, Albin Bousquet et Jean Téruel
LES REFRACTAIRES AU S.T.O
Se cacher dans une ferme présentait des dangers.
Refusant de partir au S.T.O.(Service Travail Obligatoire) quelque dizaine d’hommes tentèrent de se retirer individuellement dans une ferme habitée de la Montagne Noire.
La plupart d’entre eux, durent rejoindre le maquis. L‘insécurité régnait aussi dans les villages.
François Barret, célibataire, habitait à Arfons avec sa mère.
Avant d’entrer au maquis à Plô del May, il fit un séjour de trois mois, seul dans le bois, près de Bordeneuve. Joseph Portes lui apportait la nourriture que sa mère préparait.
Toujours à Arfons, René Viallade et son épouse Jeanne exploitaient la ferme Espinas. Ils hébergeaient un cousin venu de la plaine de Castenaudary.
Ils avaient deux veaux (inscrits) à vendre.
Un jour un maquignon se présenta, il estima un veau, l’accord fut immédiat; il paya et s’en alla.
Quelques jours après, le maquignon revient accompagné par une voiture Allemande, avec un officier et son chauffeur. Le maquignon achèta le deuxième veau.
Ignorant ces visites, le cousin entra dans l’étable; surpris, il fit semblant de s’occuper, il repartit alors que devant la porte grande ouverte de l‘étable, l’officier signait le bon destiné au règlement du veau.
Ce bon devait être présenté à la Sous Préfecture de Castelnaudary pour obtenir le règlement.
Le soir, craignant que l’officier ait aperçu le comportement du cousin, ce dernier quitta, en commun accord, la ferme de l’Espinas.
René ne se présenta pas à Castelnaudary, il préféra perdre le règlement du veau.
SE CACHER
Il ne fallait pas être vu. Julien Augé (11), s’était retiré au hameau le Caussarel chez Lisou, personne connue et estimée dans la région. Ce dernier avait pris la ferme de Pistre en fermage; difficile d’accès.
11. Témoignage de Julien Augé, Maire de Lagardiole 1965 -1995.
Les céréales de cette ferme étaient transportées au Caussarel par un chemin de la Montagne.
Le dépiquage durait plusieurs jours.
Les «hommes des bois» étaient contents de pouvoir aider Lisou.
A la fin du mois d’août 1943, le battage étant terminé, l’entreprise Viguier de Soréze déplaça le matériel à la ferme Gallan.
Le lendemain, au cours du repas de midi, le feu prit sur l’aire de battage; le vent d’autan soufflait fort, matériel et gerbiers, tout fut détruit.
Les gendarmes de Dourgne enquêtèrent dans les fermes; à part les métayers, ils ne virent personne d’autre, Julien avait aussi quitté le Caussarel.
A la ferme l’Alquier, Jean et Adèle Gay exploitaient la ferme, l’aîné Julien, fait prisonnier puis évadé y était retourné.
Louis son frère (12) refusant de partir au STO fut porté déserteur, les gendarmes de Saissac enquêtèrent à l’Alquier; l’un d’entre eux parla trop de règlements, la rencontre fut houleuse.
12. Témoignage de Louis Gay, Maire de Brunels 1975 -1992
Se trouvant dans la même situation deux camarades de Louis, lui rendirent visite. Ils décidèrent tout trois de ne pas bouger de l’Alquier de rester enfermés le jour.
La ferme, bien en vue, située à cent mètres de la route sur laquelle circulaient des véhicules Allemands, semblait pouvoir échapper à tout soupçon.
Afin de diminuer l’ennui, ils obturèrent la grande ouverture du hangar qui donnait sur la route avec des bottes de paille tout en laissant des interstices permettant de voir au dehors, surtout sur la route.
Une fenêtre placée en bas sur le mur arrière du bâtiment, permettait une fuite rapide vers la rigole et les bois du Conquet.
Ce refuge servit deux mois (mars et avril).
Les copains partirent de leur côté, Louis alla dans une ferme à Dourgne. De temps en temps, il venait la nuit à l’Alquier en empruntant les chemins de la Montagne. Au cours de son périlleux retour à l’Alquier; Julien avait acheté un tout petit poste de T.S.F, merveille qui permet d’entendre dans la nuit, au dernier moment, les informations lancées par la BBC disant que des hommes attendaient à la ferme le Conquet toute proche.
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Les restes des cuisines : les fours au camp de Rietgé …
ce qu’il en reste dans la sapinière en 2002.
ON SE BAT DANS LA MONTAGNE
Les accrochages contre les Allemands se multiplièrent.
La bataille de « la Rouge » le 29 juin 1944 fit huit morts : le sous-lieutenant Mercier, le cavalier Fabre et huit Allemands dont trois furent faits prisonniers, blessés. L’un mourut, les deux autres furent rendus aux Allemands à l’hôpital de Mazamet.
A Martys, au Pont d’Alzeau, à Escousols, sur la route de Fontiers-Cabardes cinq allemands furent tués.
Les Allemands décidèrent d’intervenir. Ils lancèrent une attaque le 20 juillet 1944 à 6 heures du matin contre le maquis à La Galaube. Il faut rappeler qu’ils disposaient des plans de toutes les installations des Chantiers de Jeunesse.
Cette journée fut vécue par Jeanne Claret, originaire de Lacombe. Institutrice, elle y passait ses vacances. Elle décrivit l’événement : un détachement de soldats, appuyés par cinq petits avions se déploya à partir de l’endroit dit le «Roc Quillat», situé sur la hauteur de Lacombe en venant de Saint Denis.
Après un aller et retour court, un avion prit la maison forestière et le camp de la Galaube, tout proche, en enfilade.
Une bombe soufflante tomba sur la maison forestière et tua trois hommes dont Henry Sévenet alias « Commandant Mathieu ».
Les avions firent un grand tour, ils passèrent au dessus de Escoussens, Cammazes, Saissac, revinrent et lâchèrent des bombes sur les camps Rietgé et la Gallaube.
Ecoutons Jeanne Claret : « la guerre commenca pour nous aujourd’hui à 6 heures, un ronflement très proche tourna, tourna sur le village, intrigua tout le monde.
Un bruit formidable au ras des toits m’éveilla en sursaut.
Maman était déjà levée, elle vint à ma fenêtre : qu’est- ce que c’est ?
Des avions, ils sont sur Lacombe. »
Tout le monde était levé. Paulette Barthés ses vêtements aux doigts crie : « qu’est ce que je fais moi ? »
André Abadie descendit en courant «méfiez vous, ils lancent des bombes».
Je passa un tablier sur ma chemise de nuit, une détonation ébranla la maison, papa s’habilla sans hâte, il ne voulait pas se lever.
Tous coururent dans les chemins creux ; je partis aussi vers le haut mais je m’aperçus que chez Cougette (grand père de Gérard Béteille) personne ne suivait. Maman courbée en deux sur la grange de Rosa attendait papa.
Le voilà enfin, il ferma sans se presser.
Marie Coulon (dont sa mère sera transportée à Brousses avec une brouette), revint au galop chercher «le bircou d’als sausés» (un peu d’argent). Les avions tournaient toujours. Nous nous retrouvâmes tous dans le chemin creux, je partis aussi vers là-haut. Prés de moi, Antoinette (Bourdiol), la natte dans le dos cacha sa tête dans mes jambes et serra tant qu’elle put Jean, un jumeau (fils de Roger Bourdiol) dont ses bras terreux semblaient attendre la mort sans chercher à comprendre.
Les détonations et les rafales de mitraillette se suivaient, les avions rasaient les prés, semblaient nous affoler à dessein, tournaient et déchargaient à nouveau leurs engins sur le camp de La Gallaube. (Camp du maquis).
Baptistou et Rosa (père et mère de Clément Béteille) ayant perdu Elise (leur belle fille), désorientés, cherchaient du regard, mettaient leur nez dans le talus; ce fut une protestation générale ! « Vous allez vous faire mitrailler. »
Touchat se déplaçait sans cesse parce qu’ il fallait suivre le mouvement pour se camoufler, les femmes gémissaient. « Il nous fera tuer. »
Le ronflement s’apaisa, s’éloignae, la ronde infernale était finie. Alors chacun regarda son voisin et, les nerfs se détendirent dans des crises de fou rire qui ne s’arrêtaient plus.
Janot (oncle de Gérard Béteille qui habitait Codebronde), pieds nus et affublé d’une veste de Brisquet (Escande), Serge Alary (fils du sabotier) en pyjama traînait des bretelles qui servaient à quoi bon dieu ?
Nous avions tous au saut du lit, après cette alerte, des silhouettes à tenter le crayon d’un Dantoine. « Allons prendre un peu de café, ça remettra de toute cette bienheureuse tisane. » Les jeunes partirent vers la Galaube, Madame Louise Barthés revint en courant, sa mère ne pouvait arriver au bout, papa partit à sa rencontre son bol de café à la main comme viatique.
« Dans cinq minutes les voici », les réfractaires annoncèrent que la troupe arrivait .
Un side-car arriva en trombe, s’arrêta net dans le chemin.
Brand de Saint Denis FFI montra le Roc Quillat ; les voilà !
Dans un bruit infernal le side-car repartit.
La haut quelque chose de compact bougea. Sans se presser, une seule idée s’empara de tous; il fallait fuir; maman attrapa sa malle.
J’allais prendre l’oncle et la tante (Rosa et Baptistou). Nous partîmes en direction de Perry; impossible de gagner le large. Ce sale «coucou» était là de nouveau, tourne au ras des prés, énervant, affolant.
Nous nous allongeâmes dans la fougère. Pour l’instant je n’avais pas peur.
A travers les fougères je vis les boches s’installer à loisir; (plusieurs pièces 37 et 38 au sureau de la parcelle grande) et puis ça commença.
Avec une curiosité tranquille, les dents serrées je contemplais ce spectacle nouveau; chaque obus, dans un éclair file, faisait son trou dans un mur, un toit; pourtant tout était debout là- bas encore.
Mais l’autre là bas renseignait, et les obus filaient vers la route de Riètgé ou sans doute le maquis remonte; les détonations sourdes ébranlaient l’écho, c’était le pont qui sautait sans doute.
D. Abadie et André Béteille étaient derrière moi, nous nous signalions chaque détail.
Mathilde Béteille (grand mère de Gérard) poussait des exclamations répétées, des compliments à l’adresse des «boches», tous les autres protestaient et puis ce fut un défilé impressionnant de camions, voitures blindées, chenillettes, cars, ambulances (dans les quatre vingts véhicules).
Que c’était long et qu’il y en avait ! Dans le village des coups sourds répétés.
« Que font-ils ? »
Mathilde se lamentait sur Paul (Couquette) qui était à Fontiers, qui allait peut être se faire tuer ?
Je la rassurai - « Le voilà, il est aux saules. »
Il s’arrêta avec ceux d’en bas dans les fougères. Maman demanda : « Où est Papa, pourquoi n’est-il pas avec nous ? »- « Ne t’inquiète pas, je vais voir. »
Et sur les genoux, dans les fougères je descendis (les fougères ne sont pas très douces).
Voici tante d’abord, un peu de causette avec eux.
A quelques pas derrière le buisson M. Louise, papa, la Chastre, (mère de Cécile Escande Boisvert). « Tout va bien je remontais » « Pourtant maman s’impatientait, « où est papa ? » Je reparti. A ce moment Paul Béteille vient de chez lui tout bouleversé. Par les contrevents, il avait vu des hommes et des femmes gardés à la mitraillette sur la place. Ses souliers aux doigts il était revenu dans les fougères.
Je revins là haut porter des renseignements.
Là-bas vers la Croix de Cals, deux «boches» se promènaient et criaient : c’était le moment de se tenir tranquille. Deux rafales brusques précipitées, déchirèrent l’air calme. Une même pensée nous vint, une même angoisse nous étreignit.
Ceux qui étaient sur place, les deux André, ne voulaient plus rester là.
Clac, clac, clac, zzziou, fftt, fftt, tout cela passait, nous frôlait, sifflait.
Chaque décharge se rapprochait, on les entendait gueuler, ils étaient là, passaient tout prés.
Silence rafale, silence rafale; cris germaniques.
Rien ne bougeait parmi nous. Chaque détonation ramenait automatiquement notre nez dans l’herbe et rentrait notre tête dans nos épaules; je tenais la main de maman.
Elle était d’un gris cendre, moite et froide, j’eus peur pour elle. Une légère caresse m’avertit qu’elle gardait quand même toutes ses connaissances. Silence prolongé. « Où sont-ils ? »
« Ils rôdent. »
C’était le pire des angoisses de se savoir à portée de leurs griffes, de leur moulin à poivre et de ne pas savoir où ils étaient; ne rien voir.
Combien de temps restâmes nous là ?
Il était plus de midi, allongés au soleil nous commencions à trouver qu’il faisait chaud.
Dessous la terre humide de la rosée du matin était accrochée à ma robe. Dessous je boullais; « papa tu dors ? »
« Non, je regarde autour de moi, là bas les «boches» se promènent au camp .» Encore des détonations, des flammes. Bientôt, sur la route de Ramondens, de petites choses se déplacèrent.
La colonne repartit. Elle avait bien travaillé !
- « Maman, nous pourrions repartir ? Reste là, surtout, ne te montre pas, caches toi ».
Chez Boisvert, tout était refermé, ils étaient sans doute rentrés. « Si nous partions ? » Voilà Paul Abadie qui sortait de son jardin. Papa agita son bras, Paul répond de même « venez. »
« Qu’allons nous trouver ? Qu’ont ils fait ? » Rien ! Chez nous, le portail ouvert à deux battants laissait pendre un bourras d’un air misérable.
Le banc dans la rue, le guéridon et une chaise avaient les pattes en l’air et dedans, rien.
Comme trois poules, nous grimpâmes jusqu’en haut, rien ! tout était intact.
Nous n’osions y croire, nous nous regardions.
Une chaise nous reçut légèrement abrutis.
Mais dehors tout s’agitait, chacun racontait ce qu’il a vu ce qu’il avait fait, ce qu’il avait dit.
Chacun voulait avoir le prestige d’un sort plus malheureux que le voisin. La haut dans les joncs, une femme gisait morte,
Les jeunes de Cals, s’y précipitèrent. Son mari blessé, ramené sur ordre des «boches» était quelque part dans le village. J’ y allai avec Mlle Vidal l’institutrice. Une balle lui avait traversé le haut du poumon, il nous supplia de ne pas l’abandonner, il réclama ma main, pendant qu’on le transportait chez Abadie, il souffrait, il était blême. Je le soutins pour boire ; sous la clavicule, un trou, pas bien grand, qui n’avait l’air de rien et, je pensai tout à coup que je trouais de la même façon un gigot d’agneau ou de porc pour le farcir de grains d’ail; c’était trivial en ce moment mais c’était exact.
Si nous avions été épargnés, combien d’autres se souviendront ?
Linge, argenterie, bijoux, chaussures, argent; il s’agissait d’une famille de réfugiés juifs, les Cohen qui étaient à la Galaube, ils essayaient de fuir quand, une rafale les atteignit.
L’après midi était avancée et cependant personne n’avait envie de rentrer.
Quelque chose nous clouait là, à côté des autres, hébétés, écoutant des doléances, des imprécations, des gémissements. Pourtant il fallait manger quelque chose, ce serait un déjeuner, dîner, goûter, j’avais faim, papa aussi tant il est vrai que les émotions creusent. Les jeunes un par un arrivaient, les «boches» les avaient cherchés ce matin «maquis hein» ? Disaient-ils dans leur langage petit nègre.
Le soir descendait. Le bruit se répandait que celui-ci, l’autre s’en va dormir ailleurs.
Qu’allions nous faire ? Tous avaient besoin de fuir le village ce soir. La valise au bout du bâton, Tante à mon bras nous partîmes vers l’Embarrado (Fontiers C.) Sur le chemin c’était un véritable exode; chacun avec son paquet «comme à Mazamet» selon le proverbe.
Perry, Baisse, Fontiers reçurent ceux qui n’ont pu rester chez eux en tête à tête avec l’ombre encore non effacée de ces pillards, l’écho mal apaisé de ces détonations, le fantôme mal assouvi de la mort.
A l’Embarado nous trouvâmes tous les Clary; les hommes allaient à la paille, nous dans les lits.
Toute la nuit, Jean-Pierre sauta d’un lit à l’autre; inutile de songer à dormir.
Et le lendemain matin, au petit jour le même cortège partit sur le chemin.
Les jours se traînaient, longs : espoir, découragement. Lacombe – Brousses -Lacombe en cars à pieds; l’histoire de nos malheurs brodée, agrémentée, se répètait. Nous étions devenus de véritables héros. En ville, à coté, un peu partout, je me cachais pour éviter qu’on m’embête.
Puis tout s’apaisa, tout cela ne parut qu’un mauvais rêve à se demander si vraiment nous l’avions vécu. Seuls, les sinistrés revècurent au hasard des besoins quotidiens des heures cruelles et firent le compte des choses disparues.
La maison forestière, avait flambé et tout ce qu’il y avait dedans, l’hôtel était complètement effondré, le camp absolument rasé. (13)
13. Texte aimablement communiqué par le Docteur Jean Michel de Saissac; paru sur son journal : «Le Passé Simple».
SUITE DES COMBATS
Après avoir fouillé les ruines fumantes, des camps de La Gallaube et de Riètgé; un groupe de véhicules se dirigea vers Arfons.
En passant, des soldats fouillèrent à Bordeneuve, il n’y avait personne; Madame Portes et ses enfants s’étaient retirés chez des voisins, la famille Daudies à Lampy Vieux.
Les soldats burent l’eau de vie d’une bouteille trouvée dans un placard.
Arrivé au village, le convoi s’arrêta. Quelques maisons furent fouillées. Interpellé le Maire M. Albouis se porta garant qu’il n‘y avait pas un maquisard dans le village; nombreux étaient les habitants qui avaient fuit vers l’Espinas et le moulin de Phalipou.
La poursuite reprit. A la sortie du village, plusieurs chenillettes empruntèrent le chemin du Moulin Bas, remontèrent vers Moulin Haut pour rejoindre Escudiès. (l’intention était sûrement de prendre le hameau en tenaille).
Le détachement lui, suivit la route (14). Arrivé au petit plateau, il fut immobilisé par le tir des maquisards retranchés à la Prune, sous les ordres du brigadier -chef Garcia.
14. Témoignage de Marcel Raucoules, cantonnier sur le chemin vicinal n° 4 Arfons - Escudiers.
Huit allemands (selon une version) furent tués; le convoi fut immobilisé au centre de la cuvette d’Arfons, totalement nue à cette époque.
La situation était critique, craignant un encerclement; ils mirent une mitrailleuse en batterie à la Croix de Madole, (disparue aujourd’hui) l’angle de tir était de 360 degrés.
A un kilomètre de là; effrayée par les détonations, Emilie Albert qui habitait Métairie Grande quitte la ferme avec ses quatre enfants pour fuir vers le hameau de Bastouls.
Repérés, une balle cassa le bras à Emilie, toucha la petite Marthe (deux ans et demi) à la tempe; elle saigna, elle décèda en arrivant au hameau chez Léa.
Emilie fut conduite à l ‘hôpital de Revel, le corps de Marthe fut transporté à la ferme par René Viallade et son épouse Jeanne, (sœur d’Emilie) qui habitaient Espinas. (15)
15. Témoignage de Jeanne Viallade.
DECROCHAGES
Forcé par la puissance de l’adversaire, le groupe Garcia décrocha. Les Allemands atteignirent Escudiès, les soldats se déployèrent, cherchèrent, visitèrent les recoins. Les habitants étaient barricadés chez eux, tout était calme trop calme.
Paul Enjalbert père de cinq enfants habitait à l’étage d’une maison, il déplaça à peine le rideau de la fenêtre pour voir.
C’était assez, un soldat visa, tira. Paul décèdera dans la semaine.
Le Corps Franc se dispersa, la majeure partie des hommes rejoignirent le Pic de Nore, d’autres se replièrent vers Labrespy, Roquerlan, Montolieu.
Un groupe indépendant placé vers Lampy, se déplaça le 20 juillet en fin d’après-midi vers la Forge; une trentaine d’hommes venant du pont de Compagne (rigole de la Montagne) traversa le pré de Conquet en file indienne portant chacun un sac à dos.
Peu après leur passage, une voiture Citroën (traction avant) arriva à Conquet, un homme descendit et dit à Rosalie Escarboutel, « allez dire aux hommes qui sont passés, de ne pas rester à la Forge. »
Accompagnée de sa fille Lucette, Rosalie alla de suite à la Forge; un maquisard leur donna plusieurs poignées de sucre. (16)
16. Témoignage de Lucette Bousquet (souvenirs d’enfance).
LE MASSACRE A TRASSANEL
Dans les jours suivants, les Allemands patrouillèrent dans toute la Montagne Noire, c’est ainsi qu’ils localisèrent le maquis de Trassanel.
Ils firent là un terrible massacre, 46 maquisards furent tués, prés de Labrespy.
Deux maquisards furent fusillés à la ferme la Paladille, la ferme fut incendiée.
A Laprade deux autres furent abattus à Co de David, dans le chemin de Rohnis. Le groupe retiré sur Montolieu engagea le combat à la ferme Bataillé.
LA LIBERATION
Enfin, commencés au début du mois d’août 1944, les replis des Allemands s’intensifièrent au cours du mois. La Montagne Noire était libérée; on dansa dans les villages, dans les fermes; les réjouissances qui avaient difficilement repris après l’armistice de la première grande Guerre et qui s’étaient maintenues, ne reprirent pas.
LE MONUMENT DE FONTBRUNO
Peu de temps après, germèrent les idées d’ériger un monument à Fontbruno ; d’abord dans le champ cultivé, situé au dessus de la route.
Tout manquait, l’emplacement retenu fut finalement celui que nous connaissions.
L’inauguration eut lieu en présence du Général de Lattre de Tassigny le 20 juillet 1947, dans un profond recueillement, trois ans (jour pour jour après l’attaque des Allemands à La Gallaube).
Le champ situé au dessus de la route était couvert de fleurs blanches, du blé noir.
Les jeunes filles de Laprade avaient confectionné une grande Croix de Lorraine avec des genêts tressés et des couronnes faites de fleurs des champs : bleuets, coquelicots, centaurées. Piquées de drapeaux, ces couronnes étaient suspendues à des perches fixées au sol.
La journée était très ensoleillée et sans vent.
Entre les discours, le silence était à peine brouillé par les insectes, en chasse sur les fleurs.
ADDITIF : les parachutages.
L’éparpillement des groupes de résistants, compliquait l’homologation des terrains de parachutage situés prés de la limite de partage des régions : Toulouse 4 et Montpellier 3.
Les confusions purent venir de ce partage.
Des maquis isolés, proches de lieux habités, n’avaient pas tous les moyens d’assurer correctement la réception d’un parachutage.
L’opération nécessitait une organisation. Il fallait chercher un terrain peu boisé de trois à quatre hectares, desservi par un chemin autant que possible éloigné des lieux habités.
Il fallait aussi prévoir une équipe de plusieurs hommes avec un responsable pour le balisage; ramasser le matériel, l’enlever le plus rapidement possible.
Ces conditions ne furent pas réunies partout.
Lorsque la décision fut prise à Londres de parachuter du matériel, le chef du réseau concerné fut prévenu par radio.
On lui annonça le caractère du parachutage, on fixa le jour «J» et l’opération reçut un nom de code.
La BBC lançait des messages successifs convenus confirmant au réseau le parachutage pour ce jour «J».
Si une modification dans le temps entraînait l’annulation au dernier moment, celle-ci était signalée au réseau toujours par la BBC qui supprimait le message convenu et le remplaçait par un autre.
Les parachutages se faisaient en général pendant les périodes de pleine lune, afin de permettre au pilote de mieux repérer la zone de parachutage.
Dans la Montagne Noire, au Conquet, le contact était établi avec le pilote à l’aide d’un poste-émetteur.
L’emplacement du terrain, la direction du vent relevait de signaux effectués à l’aide d’une lampe.
A Co de David prés de Laprade, les champs furent balisés par des feux de branchages, ce fut le cas aussi au Pic de Nore.
Des recherches permettraient de connaître les risques énormes pris au cours de ces opérations, tant par les maquisards que par les pilotes.
Peut-être les archives de la RAF à Londres contiennent les renseignements qui font défaut ? Des informations peuvent être recueillies auprès des services suivants (écrire en anglais) :
M. Alan Thomas AHB (RAF) Room 308 Ministry of Defence 3-5 Great Scotland Yard London SWIA 2 H W Angleterre.
Ces opérations étaient réalisées par le SOE (Spécial Opération Exécutive) et comme leurs registres sont gardés séparément par la branche historique de l’air; l’ adresse SOE pour ces renseignements spécifiques doit être demandée à :
Duncan Stuart C M G Foreing et Commonwealth Office.
Rom G 67 OLD Admiralty Building Whitehall London SW 1 A 2 AF.
On peut consulter aussi le SOE–RAF qui garde les registres publics.
Sous fonctionnels
I D6 5 A 4 PART 11 French Résistance.
Groups Allied Assistance.
Ces documents sont utilisables par le public, ils renferment des informations classées.
Des Agents font des recherches sur place, contre paiement.
Il y a aussi un livre publié par la station Majestic de la SOE en France :
« An Account of the work of British Special Operation Executive en France. 1940-1944 by MRD Foot to inquire is still in print and to”
Ces informations me furent communiquées par M. Gordon Carter commandant de bord sur bombardier pendant la dernière guerre et ami de Julian Sales. Ce pilote fut sérieusement aidé par des Revélois, sa fin tragique reste peu connue.
Mes remerciements vont à tous ceux qui m’ont accordé du temps; beaucoup hélas ne sont plus là.
Ouvrages consultEs.
Corps Franc de la Montagne Noire par Roger Monpezat. Corps Franc de la Montagne Noire par Sylvie Périllou (2 volumes). Résistance Audoise par L. Maury (2 volumes). Résistance en Languedoc Roussillon (Rémy). Résistance Sans Héroïsme par Charles d’Aragon. Résistance Juive dans le Tarn - Mémoire de maîtrise Valérie Ermosilla. Histoire de la Résistance en France par Henry Noguères. Chronique de la Résistance dans le Tarn par Yves Bénazet. Le Maquis du Massif Central Méridional. Les Terroristes de l’Espérance par Gérard Bourdalou. Pour ne pas oublier par René Figarol. Les Réfugies Espagnols par Pascale Labit. Forces Allemandes dans le Sud Ouest par David Wingate Pike. Nous atterrissons de nuit par Hugh Vérity. Deuxième Guerre Mondiale dans l’Aude par Julien Alaux. Revel des Années Noires par Francis Pujol Jules Soletchnik. |
Saissac – 17 août 1941 , une soirée est organisée pour les prisonniers de guerre… |
Un container de parachutage découvert en 1978 (J.P. Calvet et J.C. Pétronio) dans la Montagne Noire
(près de Dourgne – à 800 m au nord du « Fromatgé-neuf »
dans la zone appelée « la Garrigue de Puech Latgé »).
Retour de mission ou d’entraînement d’un groupe de soldats allemands. Ce cliché a peut-être été pris du côté de Cennes-Monestiès ? Une quarantaine de chevaux étaient à l’époque remisés à la « ferme de Gentil » |