Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                  PARU DANS   LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE NUMERO 15 - 2010

 

TEMOIGNAGES ET  SOUVENIRS DE LA GUERRE 

1939 -1945 EN  MONTAGNE  NOIRE

par  Albin   Bousquet


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INTRODUCTION

 

 Les nouvelles n’avaient pas  de barrières,  la défaite,  les prisonniers,  étaient des sujets de  conversation   au   quotidien.  Avec   l’occupation  et  la résistance, la crainte  et la peur  gagnèrent la population. La région  sembla   se refermer sur elle-même.

 

Enfants à cette époque, des souvenirs précis, soutenus  par les  mystérieuses impulsions sensorielles, ont traversé le temps, tel le son des cloches qui sonnaient  à toute volée à Saissac le 3 septembre 1939 pour annoncer la déclaration de la guerre.

Le vent d’autan soufflait violemment ce jour là.

Pour nous jeunes, la guerre était celle de l’Espagne; par temps clair, nous voyons  luire  dans la plaine les toits du camp de Bram, dans lequel nous disait-on, étaient enfermés les  réfugiés Espagnols.

 

Au printemps de 1940, l’arrivée brutale de «nos» réfugiés, fit changer notre vision des choses.

Le repas de midi vite pris, nous allâmes en courant à la place de la mairie avant l’heure de la classe, pour voir l’étrange agitation qui  y régnait.

Des voitures portaient un matelas attaché sur le toit. Nous voyions là une invention, destinée  à  protéger les passagers des bombes. Au centre de la place, des personnes juchées sur un gros camion noir, aidaient à descendre des châlits en bois, des couvertures, des matelas; d’autres, chargées, s’en allaient dans la grand-rue.

Les portes des maisons et des remises étaient toutes ouvertes; les habitants parlaient dans la rue.

 

 Au mois de juin 1940, l’entrée en guerre de l’Italie fit redoubler la crainte dans tout le midi de la France; une défense passive s’organisa dans les villages.

 A Saissac, elle consistait à scruter le ciel la nuit;  tâche difficile à assurer avec des hommes âgés qui trouvaient cette démarche  inefficace et inutile. Son fonctionnement fut confié à M. Tubéry, instituteur. La crainte de voir se poser des avions ennemis, avait fait naître l’idée de rendre inutilisables certains plateaux de la Montagne Noire.

Des buttes de terre furent dressées  dans les champs des fermes : L’ Azérou, plateau de Saigne-Albe, Las Roque, plateau de Massillargues, Imbes.

 

Ordonnés par  l’autorité militaire, ces travaux, réalisés  par l’entreprise de labour Aribaud, de Ventenac Cabardes,  étaient supervisés par les gendarmes.

Parmi les mesures nouvelles, la réquisition des armes ne fut pas la moindre, bon nombre  d’entre elles, gagnèrent les caches : un arbre creux, une toiture, les meules de foin.

L’enfouissement dans le sol occasionna de grandes pertes par la rouille. 

Autre mesure, soi-disant destinée à mieux approvisionner les villes, fut le recensement des animaux dans les fermes, mesure dont les allemands se servirent dès leur occupation de la zone sud. Des  tentatives d’y échapper se firent jour. Dans un  bois pentu éloigné d’une ferme, deux cochons furent engraissés dans  une petite  porcherie  creusée à même le sol. Des bovins furent éloignés des étables pour échapper aux contrôles.

 

LES CHANTIERS DE JEUNESSE

  

Le 30 juillet 1940, le  régime de Vichy  instaura les Chantiers de Jeunesse, répartis par zone. La Montagne Noire reçut l’unité numéro 35. Les bureaux et les magasins étaient à Labruguière.

Un baraquement installé à Fontbruno (à l’emplacement du Monument) servait d’annexe aux magasins.

 Un camion  montait tous les jours; il portait les denrées de première nécessité, le pain et les légumes  destinés aux jeunes appelés logés dans les  camps de La Gallaube, le Plô del May, En Cance, Riètgé, Bordeneuve,  Co de David.

 Ces camps avaient  reçu les jeunes gens  des classes  41et 42 qui avaient atteint l’âge d’incorporation.

Afin de les distraire, des tâches d’intérêt civil (entretien des forêts et des chemins), leur furent confiées. Des traces sont restées en plusieurs endroits;  à l’entrée du bassin de Lampy,  les fossés creusés dans les marécages, subsistent.

 

 Les  Chantiers de  Jeunesse  furent complétés par les Chantiers de la Marine.

Abandonnés au moment de la défaite, officiers  et jeunes  inscrits dans la marine avaient été regroupés dans des centres situés le long de  la côte : Narbonne, Toulon, Marseille.

 Afin d’éviter que ces hommes  ne  s’allient  à un ennemi  venu par la mer, ils furent éloignés de la côte.   Le Centre de Narbonne fut transféré à  Fontiers Cabardès  et Saint Denis avec pour mission  d’utiliser le bassin de Saint Ferréol comme base d’entraînement. Les camps ne purent loger ces trois cent hommes.

La ferme  Bordeneuve,  commune d’Arfons, acquise par l’état  pour  agrandir la forêt de Ramondens, reçut des baraquements.

Les maisons de Fontcroisette (prés Lampy) appartenant à l’Evêché de Carcassonne, le couvent de Saint Denis (il  reçut l’infirmerie), furent réquisitionnés.  Le groupe  « Chantiers de la Marine »  disposait de huit camions, six voitures et une dizaine de barques.

A la fin de l’année  1943, le maquis confisqua les véhicules   stationnés  à Fontcroisette  (au nez des Allemands). 

 

Les barques avaient été  déposées  à Bordeneuve.  Logée dans une étable, une douzaine  de mulets  servait à transporter les barques et les rames au bassin de Lampy tout proche.

 L’hiver 1942  fut très long  pour les marins ; la neige recouvrit le sol pendant quatre  semaines.

Des  familles aisées, Pro, Combelle de Lyon  vinrent rendre visite à un fils, un neveu. La rencontre avait lieu chez  M. Joseph Portes qui venait de prendre le poste de garde forestier titulaire créé à Bordeneuve.

Dès que le redoux se montra, les marins firent des exercices sur le bassin de Lampy, ils organisèrent  un défilé nautique qui  eut lieu au mois de juin (le bassin était plein).

 Chaque équipage était composé d’une quinzaine d’hommes. Tous   habillés de  bleu, ils portaient un béret, sur lequel était fixée une ancre dorée.  Sur chaque barque un ou deux musiciens  jouaient d‘un instrument :  flûte ou mirliton.   Les barques partirent de l’entrée du bassin, suivirent la rive droite et passèrent devant la petite digue.

Le maniement régulier des rames fut longuement applaudi  par une  cinquantaine de personnes   groupées  sur  la petite digue.  (1)   

1. Témoignage  de Joseph  Portes,  souvenir  du défilé nautique.

« L’ HERMITE » ESPAGNOL              

  

 Au mois d’ Avril, un dimanche matin, le hasard voulut, qu’ un homme vivant sous un rocher dans la vallée de Lampy, fût  bêtement découvert.

Un charron de Saissac, accompagné du régisseur M. Maurel  de la ferme Massillargues, cherchait de jeunes  frênes  droits  qu’ils voulaient  destiner  à la confection de timons.

Le charron longeait le ruisseau, le régisseur se déplaçait dans la pente  encombrée de végétaux  lorsque, à quelques mètres, il vit un homme assis. Surpris (le bruit d’une cascade  avait couvert  l’arrivée)  l’homme ne chercha pas à s’enfuir. 

 Rentré  à la ferme, le régisseur fit part  à la propriétaire  de la découverte de cet homme, un Espagnol; il  fut signalé à la gendarmerie. Les bergers virent passer les gendarmes, le vélo à la main;  emmenant, celui que l’on appela   «l’Hermite».

Son abri adossé à un rocher et situé prés de la cascade dite de Baret,   était protégé d’un coté par un mur en pierre sèche,  il contenait deux ou trois ustensiles de cuisine, des boites, une petite réserve de blé et de la fougère séchée. Le dépôt des déchets  fit penser que l’homme vivait là  depuis plusieurs mois.  Des traces de pas avaient été relevées par le métayer  de la ferme Le Picou.

 

 Ce dernier sortait parfois la nuit pour tirer les sangliers qui ravageaient les récoltes avec un fusil qu’il n’avait pas rendu.  Son  intérêt  était de  ne rien dire et pourtant, les traces relevées  dans les champs  le  conduisaient toujours  au bord du ruisseau à un endroit appelé «Nado – Grél». 

 

UN COUPLE DE REFUGIES

 

 Quelque mois après, non loin du rocher de « l ‘Hermite », un couple vint se réfugier (sûrement suite à un  accord) dans une cabane  située dans un gros massif de houx qui jouxtait  le côté droit  du chemin conduisant à la ferme Massillargues, au lieu dit  la «bouissouno».   

Lui, se disait bûcheron (?) En fait,  il   jouait souvent de l’accordéon.

 A la ferme,  on  leur gardait  un peu de pain  sans que le boulanger qui  faisait des tournées  le sache.

 De temps à autre, le couple s’absentait, il ravitaillait  les hommes de la ferme en tabac en échange de menu gibier : lapins, lièvres, perdrix, capturés au piège par deux jeunes frères placés à Massilllargues pour la nourriture. 

La propriétaire Mademoiselle Cau, exploitait la ferme en régie directe.

Au mois de juin 1944, des maquisards vinrent prendre un veau et une génisse, ils étaient venus prendre une vache.     

 

OCCUPATION DE LA ZONE SUD

 

En 1942 la deuxième moitié de la France fut occupée.  La  première armée arriva dans le Sud-ouest,  elle installa son quartier général à Toulouse.

La ville de Castres fut occupée le  18 novembre.

Selon toute vraisemblance, la  préoccupation première  était d’ordre stratégique.

 Venant de Carcassonne, deux contingents occupèrent  Saissac  et Cuxac-Cabardès, villages chefs lieux de canton situés  chacun sur une route coupant la Montagne Noire (classées alors nationale 118 Mazamet–Carcassonne et la 629 Revel-Carcassonne).

A   Saissac,  ils réquisitionnèrent  des jeunes du village pour essarter  dans le bois communal de l’Alquier   au lieu dit Mountosi. 

Cet  endroit, situé entre la route 629 et la limite de partage des versants, est un couloir naturel  situé  entre les deux vallées Sor et Lampy, (vallées  difficilement franchissables  par du  matériel lourd).

 Après l’essartage, quelques jours après, des mines furent posées dans ce couloir.

A   Saissac la pose de barrières, la mise en place de sentinelles et du couvre feu; furent des mesures immédiates.

Un événement  fit  prendre conscience  des dangers  qu’il y avait à ne pas les respecter.

 

PREMIER DANGER

 

 François Bastoul habitait chez ses parents avec ses frères et sœurs à la ferme Saint de Villemagne.

De temps en temps, il allait la nuit  rendre visite à une amie qui habitait au village dans la rue de l’Autan.

Pour déjouer la vigilance des sentinelles, il  passait entre l’église et le Château  en empruntant  les sentiers des jardins.

Tard un soir alors que la nuit était très sombre,  à peine eût-il mis les pieds sur la chaussée de la route conduisant au village, que sommations suivies de coups de feux ne firent qu’un.

Un prompt demi tour, un saut à gauche, un autre à droite ; entouré d’éclairs et d’éclats d’écorces arrachées  par les balles aux châtaigniers qui bordaient le chemin,   François s’enfuit à toute  jambes vers  la ferme; la patrouille  sur les talons.

 

Toute la  maisonnée, fut alignée dans la cuisine, les mains contre les murs. 

L’officier commença par interroger François qui avait des difficultés à se tenir debout.  Tétanisée par la peur, Eugénie la mère  fit un reproche à son  fils,  en précisant la cause de son inconduite. Ce reproche  inattendu et singulier, sauva la famille; la patrouille s’en alla.

 

 La  nuit,  dans le village,  les patrouilles faisaient beaucoup de bruit ; les bottes ferrées des soldats  tenaient mal sur les pavés arrondis des rues  faites de cailloux de récupération. Elles allaient se mettre  en embuscade   en dehors du  village  à la croisée des chemins; celle qui surprit François, était cachée dans le fossé de la route à la hauteur de la ferme  Pratmoulis habitée par la famille Azéma  (entrée actuelle du village).

 

UN PIEGE

 

Parfois un  véhicule servait  à aller tendre un  piège en des  endroits éloignés. Le jeune Piton habitait chez  ses parents, la ferme Rouquet , commune d’Arfons.

Descendu à Dourgne,  à bicyclette  dans l’après midi, il se laissa surprendre par la nuit.

 En remontant, à la hauteur de la carrière, une crevaison se produisit sur la roue arrière. Il continua à pied. Arrivé au lieu dit, La Combe des Pommiers, il décida de quitter  la route.

Il mit le vélo sur l’épaule et grimpa par le sentier qui aboutissait à la ferme de Montalric (aujourd’hui démolie). 

Arrivé à l’allée, il aperçut à droite un véhicule stationné prés de la route tous feux éteints.  Evitant d’alerter les chiens de la ferme, sans bruit,  il rejoignit une haie et rentra à Rouquet.  

Le lendemain, la curiosité fit découvrir le piège, l’herbe était couchée dans le fossé de la route au pied du rocher portant la Croix de Montalric.

La surprise d’être arrêté pouvait être matinale.

 

LE SAC DE POMMES DE TERRE

 

Comme tous les samedis, Jean Marie Guiraud et Antoine Germa se rendaient au marché de Revel  avec la jument.

Alors que le jour était à  peine  levé,  ils furent arrêtés à   «La Chaumière».

Un officier vit un sac dans la jardinière;  soupçonneux,  il cria  «marché noir».

Sans précipitation,  Antoine dit «ce sont des pommes de terre de semence destinées à un ami du village de Cammazes».

 La barrière de la langue,  leur fit craindre le pire. Mais après  maints palabres, ils purent reprendre  la route. Arrivés au village, ils posèrent le sac chez une connaissance qui habitait au bord de la route.

 Le sac de pommes de terre était destiné à Noémie, originaire d’Arfons, employée au restaurant du Commerce à Revel. Descendante d’une famille portant le sobriquet  «Vinagrés»,  Noémie  soignait les gens de la Montagne qui prenaient le repas de midi à l’auberge.

 

 DES VILLAGES OCCUPES

 

 L’occupation des villages était, d’après un gendarme, laissée à la prérogative du Commandant de la place.

A Saissac, des barrières faites de rouleaux de fil de fer barbelé furent posées sur la route aux deux entrées du village.

La barrière  formait une chicane prés de laquelle  une sentinelle veillait  nuit et jour,  le fusil à la bretelle.

La nuit, la garde était renforcée, il y avait deux hommes par poste sur la route.

D’autres endroits  furent surveillés, la nuit seulement ;  il y avait une sentinelle sur la route de Lampy, au départ du chemin de la promenade, une autre à la place de l’église et une à la mairie. Cette dernière gardait les véhicules stationnés derrière le bâtiment, elle  se tenait contre le  mur de la mairie à distance du pont sur lequel passe la route.

La relève de la sentinelle de la promenade se faisait tôt le matin, elle était attendue par des maquisards chargés de récupérer du pain. Ils  laissaient la voiture à la ferme Lacroix, descendaient par le vieux chemin qui rejoignait la route d’ Arfons  à cinquante mètres du  poste gardé la nuit.

 Là, aboutissait à l’angle du mur de la propriété Rousseau  le sentier des jardins dont le départ se situe au centre du village, au déboucher de la rue de la République à  dix mètres à peine de la boulangerie, tenue alors par la famille Mauriès.

Des miches de pain étaient acheminées par le sentier, elles étaient déposées dans un sac de jute grossier  caché à  la tête du sentier.  (2)

2.  Cabanel Gilbert.

DES ALLEMANDS QUI S’INSTALLENT

 

Les soldats logeaient  aux anciennes écoles de filles et de garçons, au « Patronage ». 

Pour réduire le temps de la toilette, des groupes d’une dizaine d’hommes gagnaient à tour de rôle les trois lavoirs du village. Le dimanche, des soldats lavaient leur linge de corps, d’autres allaient à la messe;  principalement des officiers. Ils restaient debout pendant  tout le temps de l’office,  tous alignés contre le mur à droite en rentrant dans l’Eglise.

Le Prêtre Albert, qui faisait la quête lui même,  ne leur tendait pas la Corbeille. 

Les repas étaient préparés dans des grandes marmites (sur foyer à charbon) fixées de part et d’autre d’un   essieu «la roulante». L’une était à la place de la Tour, l’autre à la place de la mairie.

 Des grands récipients étaient utilisés pour transporter la nourriture  aux officiers. La semaine il y avait beaucoup d’activités, exercices, entretien des armes, des chaussures, des habits.

Lors de la traversée du village, les   groupes laissaient une odeur de naphtaline dans leur sillage.

 Les rassemblements se produisaient à la place de la Mairie.

 Les officiers logeaient dans les maisons bourgeoises ; c’était le cas chez les Ançenay.  (3)

 

3. Colonel Ançenay officier lancier de la garde de l’impératrice  Eugénie  (Recherches du docteur Jean Michel Saissac).

 

Mes Grands Parents habitaient dans une aile de la bâtisse;  les propriétaires étant  absents, ils étaient sollicités à tout moment.

Avant l’heure de la classe, bien que cela me fusse défendu,  j’allais à l’angle d’un couloir  épier les allées  et venues.  J’écoutais jouer du piano. Ce qui m’amusait  c’était que des soldats venus de l’extérieur saluaient en passant  le râtelier d’armes anciennes du Colonel   Ançenay.  (3)

Le dimanche, les officiers s’installaient  au soleil  sur la terrasse;  en chemise blanche.

                      

LES  ACCIDENTS MORTELS DES CAMMAZES

 

L’occupation du village de Cammazes, fut marquée par deux accidents mortels; d’abord celui de Molinier dit «le Duc».    

 

Sorti la nuit pour aller cueillir des pommes de terre dans le champ de la Métairie  la  Passe; il fut abattu par une sentinelle dans le pré de la famille Jalbaud,  il mourut le lendemain.

 

 Le deuxième fut celui de Tréchot dit «Riton»; accompagné de deux copains maquisards.

 Tous trois cantonnés dans la forêt de l’Aiguille,  décidèrent de perpétrer un attentat.

Ils se postèrent au bord de la route en surplomb dans le dernier virage avant la carrière en venant de Cammazes.

 Une voiture se présenta. A bord deux officiers et le chauffeur. 

Tréchot  lança une grenade, celle ci heurta une branche, tomba à ses pieds, le tua et blessa son copain Bébert. 

Surpris par l’explosion, le chauffeur versa l’avant de la voiture dans le fossé.  

N’étant pas blessés ; les occupants descendirent, poussèrent, remirent la voiture sur la chaussée et repartirent.

Cueillant des liens de noisetiers  pour faire des fagots,  Marie Tesseyre de Cammazes court au village, prévint Joseph Maurel avec qui ils revinrent accompagnés de Louis Borel, l’abbé Figuière, Jean Azéma. 

Transporté à Cammazes,  Tréchot fut enterré le lendemain au cimetière du village.  (4)

4. Témoignage de Jean Salvetat.

LES ALLEMANDS REAGISSENT

 

Les Allemands réagirent : leur but, détruire le «Château de l’Aiguille», ancienne maison forestière,  détruite  par  un incendie avant la guerre.

Venus de Revel, plusieurs camions, un char,  une auto mitrailleuse, stationnèrent sur la route à la hauteur de la maison de Joseph Bonnet, lieu dit  «Barracou».

Des soldats, certains équipés de lance flammes, partirent en éclaireur.

Après un long moment , l’auto mitrailleuse postée au tournant situé au départ du chemin nouveau de Picotalen,  tira sur la bâtisse dans laquelle les soldats ne découvrirent  que des ronces.

Effrayée par tant de bruits, la famille Canitrot qui habitait dans une petite maison située à l’entrée de  la carrière au bord de la route, se réfugia dans le galetas ;  découverte, elle eut  la vie sauve.

 

  Un petit groupe de maquisards placés sur la colline assista au repli des Allemands.  Prémonition ou pas,  ils avaient construit une cabane à proximité de la source, située dans le petit pré de la vieille ferme : le Plô de Nestor. (5)   

5. Témoignage de Marie Brunel du hameau de Lagarde.

La famille Brunel  de  Lagarde,  fermière du pré avait quelques vaches, elles dormaient sous un pan de toiture de la ferme.

  Un soir à la tombée de la nuit, l’une d’entre elles  manquait. Le lendemain, au lever du jour ils la trouvèrent attachée par les cornes à un arbre, sa destinée fut changée.

 

 LE LINGE BLANC DES CAMMAZES

 

La tension était souvent tendue à Cammazes.

Soldats allemands et maquisards fréquentaient  le café le Cheval Blanc et le bureau de tabac tenu par la famille Léon Moré et son père,  tous deux boulangers. Afin d’éviter de fâcheuses rencontres  lorsque des soldats  ou des gendarmes étaient dans le magasin, Léon  suspendait un linge blanc à l’espagnolette d’un volet donnant sur la rue, pour informer les maquisards du danger. 

 

ANGOISSES A CENNE-MONESTIERS

 

A  Cenne-Monestiers,  l’occupation  fut  mouvementée. Il y eut plus de deux cent soldats. Le Commandant était installé au n°21de la grande rue, le gros de la troupe  était dans les locaux de l’usine, «La Batilleuse».  

 La municipalité était divisée. Le Maire étant prisonnier en  Allemagne;  son adjoint M. Albiges Edward le remplaçait.

 L’opposition lui reprochait de ne pas afficher correctement les notes  et  les consignes. Le village étant industrialisé, le Commandant de la place craignait les attentats. 

Presque tous les jours,  aux heures du repas, il se faisait conduire par son chauffeur chez Albiges  pour lui faire part de ses récriminations.

Il en voulait aux habitants du village qui avaient vendu de l’eau de vie aux soldats et aussi aux industriels qui n’assuraient  pas correctement  le camouflage  des  vitres des usines.

Le clocher servait de poste de guet ; nuit et jour  une sentinelle montait la garde.

La relève se faisait toute les heures en passant par l’intérieur de l’Eglise qu’il y eut  un office en cours  ou pas. 

Un  officier retraité  M. Aribaud habitant Cenne  était  impliqué dans la résistance,  des soupçons se portèrent  sur lui.

Y eut-il une erreur d’interprétation  sur  les maisons habitées ?

 

 De très bonne heure le matin,  le détachement allemand emprunta le chemin conduisant au domicile des époux  Albiges, à la cartonnerie de Moulin Huc.    Les soldats encerclèrent le moulin;  le comptable M. Cros fut retenu dans son bureau.

 Deux agents de la gestapo pénétrèrent dans l’appartement. L’un d’entre eux coinça un bras de madame Albiges  dans le  tiroir d’un meuble et menaça de lui arracher les ongles.

Malgré une recherche minutieuse qui dura plusieurs  heures, ne trouvant rien, gestapo et soldats quittèrent le moulin.

   Refusant de partir au STO,  le jeune Gilbert Bertrand  habitant de Cenne  avait rejoint le Maquis accompagné de deux copains.

 Ils furent surpris par les Allemands dans une ferme. Gilbert tenait à la main la seule mitraillette dont ils disposaient,  il tenta de s’en servir pendant que ses deux copains réussissaient  à s’enfuir par une porte.  Arrêté, transféré à Carcassonne, puis à Baudrigues et fut avec d’autres prisonniers attaché sur un dépôt de munitions, que l’on fit exploser à distance (6)

6. Témoignage recueilli par l’Abbé Sournié, Henry Albigés et Emile Costa.

Un refuge inattendu. 

 

En rentrant de l’école un soir mon père me demanda de l’accompagner à Landelle.

C’était une ancienne batisse abandonnée, située à un kilomètre, qui appartenait à la famille Pistre.

Il  y restait peu de choses, alors qu’elle avait abrité trois feux.

Pour y aller, il fallait traverser le plateau et la route  629 sur laquelle passait les Allemands.

Chemin faisant,  je fus mis au courant de tout  avec  recommandation de ne parler à personne de notre visite.

Dans l’après midi alors que mon père était en train de cultiver le champ de l’Orme, un homme s’est approché, il voulait  acheter des œufs.

L’endroit de la rencontre ne laissait aucun doute, mon père promit de venir le soir à Landelle.

Arrivé à la bâtisse, paralysé par la peur, je restais sur ce qui avait été le perron de l’entrée.

Il n’y avait pas de toit. Dans un coin il y avait une sorte de cabane faite de branches et de fougères.

Un homme seul se mit à parler pendant que mon père posait sur le rebord du mur  un lapin sauvage rôti, une omelette (roulée dans un linge) et une demi miche. Tout à coup deux hommes surgirent de derrière la ruine, ils me dirent bonjour.

Ces hommes quittèrent Landelle le lendemain; ils venaient de Cammejeane ancienne maison forestière du bois de Villemagne, (aujourd’hui démolie) occupée  alors par un charbonnier : M.Tessaro habitant d’ Alzonne.

 

DES  DELATEURS

 

         La population de la campagne avait versé dans le camp de la résistance,  des liens  s’étaient établis  tout en gardant une grande méfiance.

Pour infiltrer les réseaux mis en place par les  résistants, la gestapo avait complété son propre réseau en mettant en place des bureaux dans les villes de Castres, Mazamet, Carcassonne, Castelnaudary.

Celui de  Dourgne  fermait la boucle autour de la Montagne Noire.

Mais à l’intérieur, il y eut hélas  des délateurs dont un  habitait dans le secteur de Lampy.

La tragique arrestation de Durfort qui aboutit à plusieurs déportations et à la mort des deux frères Arnaud fut perpétrée par un délateur venu de l’extérieur.

 

Partout, dans les villages comme à la campagne, la sécurité n’était pas assurée. Le danger rôdait, la rumeur  n’arrangeait pas les choses.

 

Un soir alors que nous étions à table et que la conversation allait bon train; tout à coup, quelqu’un frappa à la porte. 

Surpris, (les chiens n’avaient pas aboyé), lentement mon père ouvrit la porte. Sur le seuil  un homme petit, vêtu d’un complet tenant une énorme valise en cuir à la main  demanda  asile pour la nuit.

« Avez vous mangé » demanda mon   père ?

« Non » répondit l’homme; nous lui fîmes une place.

La conversation reprit;  l’homme peu prolixe  mangeait.  Après un moment, s’adressant à voix basse à mon père, il  lui dit vouloir rejoindre le maquis.

Question embarrassante; personne heureusement n’avait entendu.

 Il y avait ce soir là à notre table,  Edouard Bourniquel , un cousin de mon oncle Jean et de son frère Louis, (recherché lui par les gendarmes). Jean exploitait la ferme voisine Imbes.

Refusant de partir au  STO,  Edouard aidait son cousin. N’écoutant aucun conseil, il allait de temps en temps rendre visite aux siens qui habitaient à Mazamet. Il traversait toute la Montagne Noire la nuit à bicyclette, muni d’un pistolet de gros calibre, glissé dans un sac à dos; ce soir là, il le portait  dans son pull over  bouffant  retenu par la ceinture.

A un moment, Edouard  s’approcha  de son voisin de table, Léon  notre employé, et lui glissa à l’oreille  «on se le fait  ce soir celui là» ?

Cette messe basse  ne plut pas à mon père.  Elevant  un peu la voix pour capter l’attention; et, s’adressant à l’inconnu, il dit  « nous ne connaissons pas le maquis,  nous ne pouvons vous renseigner, demain matin vous devez partir. »  

Dès que le repas fut terminé, l’homme fut conduit au chalet, résidence d’été des propriétaires, la porte fut refermée à clef.

 Edouard s’en alla à Mazamet.

Le lendemain matin, l’homme reçut un casse croûte, il s’en alla en tenant la grande valise bien levée au dessus du sol. Etait  elle vide? Tous pensèrent  qu’elle servait d’alibi à cet homme trop bien habillé, pour aller vivre dans les bois.    

 

LA RAFLE DU GRANJOU. 

 

Parvenu aux  oreilles  des allemands, le bruit d’un parachutage  sur les hauteurs de Dourgne provoqua la rafle du GRANJOU.

 Le 3 juin 1944, deux voitures et quatre camions chargés de soldats quittèrent Castres à 9 heures du soir  pour aller fouiller le château de Limatge (commune de Dourgne).

  N’ayant rien trouvé; alors qu’il faisait nuit, le détachement se rendit à Grange Vieille  qui appartenait à la famille Longeon; les métayers étaient la famille Tadioto.

 Les soldats investirent la ferme, les métayers furent réveillés en sursaut. 

Cette nuit là, un ami de Soréze,  Jean Marie Lattes, était resté coucher chez les Tadioto. Il portait sur lui une chemise kaki des chantiers de Jeunesse.

Sans être  interrogés, lui et Louis Tadioto  furent immédiatement embarqués dans un camion. 

Le détachement quitta Grange Vieille pour se rendre à Granjou, ferme proche  exploitée par la famille Jalbaud.   Là, même scénario,  à la différence que les interrogatoires conduits par un officier qui parlait bien le français durèrent jusqu’au lever du jour.  

 Léa (18 ans) et ses deux tantes Elisa et Marie furent enfermées dans une chambre, gardée par un soldat.   

A tour de rôle tous furent interrogés, dans la cuisine. Descendu du camion, Jean-Marie fut sérieusement battu. 

Au lever du jour, le détachement quitta Granjou  en amenant Léa, son cousin Albin Jalbaud,  Jean-Marie et Louis. Le détachement se rendit  à Grange Neuve.

La ferme était exploitée par Elysée Bouisset, son épouse Antoinette, ses enfants trois filles et un garçon Henry.   

La ferme fut encerclée, les interrogatoires commencèrent.

Vers 9 heures, s’adressant au père, l’officier dit : « les hommes ont faim, il faut les faire manger ».

Comme personne ne bougeait, Antoinette alla dans l’arrière cuisine, revint avec un jambon à peine entamé et des saucissons. 

A l’évidence, le pain manquait, le père proposa d’aller chez les voisins, qui habitaient la ferme de Poumet  distante de six cent mètres.    

L’officier désigna Henry et ordonna qu’un soldat l’accompagne. Arrivés prés de Poumet  le soldat fit comprendre à Henry  qu’il  attendrait là  son retour. Une grosse miche sous le bras, Henry et le soldat, retournèrent à la ferme. 

Passant derrière les camions, en arrivant, Henry  reconnut   Léa. 

Les soldats se mirent à manger, les filles furent  autorisées à se rapprocher des parents. A voix basse  Henry  dit à son père : « il  y  a Léa dans un camion. »  

Le casse croûte terminé, le détachement regagna le quartier Fayole à Castres, il était midi.

Dans l’après midi  de l’eau fut apportée aux prisonniers, la nourriture  ne leur fut apportée que le lendemain.

Pendant  leur incarcération, la propriétaire de Granjou  Madame Cormouls téléphona  à plusieurs reprises, disant que les prisonniers étaient innocents.

Pour appuyer sa démarche, elle se rendit un  matin  au bureau du Commandant; une ordonnance lui dit d’attendre.

Un peu avant midi, un officier vint et dit : «  dans la semaine on rendra les deux autres ». 

Louis et Jean-Marie furent déportés au camp de Buchenwald, Louis y mourut, Jean-Marie fut libéré par les Américains.  Avant son enlèvement  Louis  jouait de l’accordéon, il faisait danser dans les Granges au hameau de Caussarel, son arrestation mit fin à ces réjouissances. (7)

7 . Témoignages  de  Madame  Léa Serres  et  M. Henry Bouisset.

 DES PARACHUTAGES DANS LA MONTAGNE

 

Dans le midi, les parachutages se déroulèrent  sur plusieurs départements pendant la période allant d’octobre 1943  à mai 1944.  

D’après les travaux de certains  historiens,  les deux tiers  des parachutages furent réussis, celui de Lautrec   (15 containers remplis d’armes), se déroula comme convenu.

Surveillé ensuite, ce terrain ne put être à nouveau balisé. 

Le 13 février, le message «elle aime à rire elle aime à boire» annonça un parachutage dans la région Dourgne – Arfons. Il était attendu au Conquet, il n’eut pas lieu  pour des raisons que l’on ignore. Fut-il réalisé ailleurs ?

Ceux programmés pour le 11et 18 mars, et le 2 et 3 mai, eurent bien lieu à Conquet.

Les  parachutages du Conquet étaient destinés au Corps  Franc de la Montagne Noire. 

A plusieurs reprises,  le Major Richardson, Henry Sévenet, Roger Monpezat, se retrouvèrent à la ferme qui appartenait à Justin  Arnaud, père de Roger et Charles Arnaud.

  La  nuit   du  13 février 1944, le parachutage ayant été annulé au dernier moment. Richardson dormit tout habillé devant le feu chez la famille Escarboutel.  (8)

8.  Témoignages de Jean et Rosalie  Escarboutel,  (mes  beaux-parents) 1954.

 

 Justin avait acheté une vieille roulotte au service vicinal  de Revel, avec l’intention de la mettre à la disposition des charbonniers qui œuvraient dans les bois du penchant du Sor. 

Elle fut conduite dans les noisetiers  à la bordure du chemin  allant de la ferme  au bois. Débarrassée de ses roues, elle prit le nom de « la Baraque» (voir plan).  

Les charbonniers ne l’utilisèrent pas. Lorsqu’un parachutage avait lieu, tout était  rapidement  rangé dans « la Baraque».

 Une  fois, la nuit étant devenue sombre, la trajectoire d’un parachute fut perdue. 

Il y avait un peu de neige, il fut retrouvé, deux jours après, derrière la haie du jardin de la ferme par  Jean Escarboutel.

Le paquet attaché au parachute contenait des postes émetteurs. Ils furent cachés  chez Jean  sur le  plafond de la cuisine  fait de planches posées  sur des chevrons.

La roulotte  eut hélas des visites ; 21 jours après  la rafle de Durfort, cinq voitures  allemandes arrivèrent à Conquet sans s’arrêter, elles empruntèrent directement le chemin de « la Baraque». Des coups de feu furent tirés.

 

 Très peu de temps  après (quelques minutes), les voitures repassèrent, elles emportaient  Ernest Jalbaud  qui travaillait pour Justin.

Cet après midi là, Ernest était allé couper du bois prés de « la Baraque». Il habitait  avec son frère et sa  sœur la maison de Guillou commune de Villemagne.   

Déporté, il décéda au camp d’Helbric en Allemagne le 22 février 1945; une rue du village porte son nom.   (9)  

9.   Juliette Jalbaud   sœur d’Ernest  Coufinal  Revel.

PRINTEMPS 1944 – LES ATTAQUES ALLEMANDES

 

Au début du printemps 1944, des groupes de maquisards attaquèrent, dans les Monts de Lacaune, se réfugient dans la forêt de Ramondens.

Sous l’impulsion de Montpezat, Richarson Sévenet,  l’aumônier de Villeneuve et d’autres, le CFMN s’ installa dans les camps des Chantiers de Jeunesse.
Les  règles   militaires  furent adoptées; ce corps était en  contact direct avec Londres  mais, des groupes francs  créés par les M.U.R. (Mouvements Unis de Résistance) refusèrent de s’unir,  situation qui eut  des conséquences sur l’homologation des terrains de parachutages, sur la répartition des armes (voir additif  sur les parachutages en fin de texte).

 

UN SOLDAT ALLEMAND FUSILLE PAR LES SIENS

 

Au cours de l’occupation de Saissac; un soldat  allemand  tenta de rejoindre le maquis. Profitant du repas de midi, il quitta le village. Imprudence fatale, il emprunta la route de Lampy. 

Repris au niveau de la ferme Picarel;  enfermé dans une pièce de l’ancienne école des filles, il fut fusillé le lendemain  dans le champ dit des «Frênes» situé en contre bas de la route 629 à un kilomètre du village.  Dans la matinée, un poteau de deux mètres fut planté à la bordure du champ.

Au  début de l’après midi, une centaine de soldats venus de Saissac fut disposée  sur trois ou quatre rangs  face au poteau,  le soleil dans le dos.

 

Des voitures descendirent le chemin (la draille) jusqu’au ruisseau  qui allait à Saissac.  

Sorti d’une voiture, le condamné fut transporté et attaché au poteau. Pendant un très long moment, une heure, peut être plus, des officiers se relayèrent pour faire des discours avec gestes et grands éclats de voix.  Plusieurs coups de feu furent tirés,  Louis Bastoul  les entendit, il cultivait un champ à Laguille.

 A  son retour le soir, attiré par de la terre fraîchement remuée, il constata à l’aide de l’aiguillon la présence d’un corps enseveli à faible profondeur.

Arrivé à la ferme, il s’empressa d’aller informer le maire M. Raucoule. (10)

10. Les témoins :   Léon Ourliac,  Eliette,  Albin Bousquet  et  Jean Téruel

LES REFRACTAIRES AU S.T.O

 

Se cacher dans une ferme présentait des dangers.

Refusant de partir au S.T.O.(Service Travail Obligatoire)   quelque dizaine d’hommes  tentèrent  de se retirer individuellement dans  une ferme habitée de la Montagne Noire.

La plupart d’entre eux, durent rejoindre le maquis.    L‘insécurité régnait aussi dans les villages.

 François Barret, célibataire, habitait à Arfons avec sa mère.

Avant d’entrer au maquis à Plô del May, il fit un séjour de trois mois,  seul  dans le bois, près de Bordeneuve.  Joseph Portes lui apportait la nourriture que sa mère préparait.

 

Toujours à Arfons,  René Viallade et son épouse Jeanne exploitaient la ferme Espinas. Ils hébergeaient un cousin venu de la plaine de Castenaudary. 

Ils avaient deux veaux (inscrits) à vendre.   

Un jour un maquignon se présenta, il estima  un  veau, l’accord fut immédiat; il paya et s’en alla. 

Quelques jours après, le maquignon revient accompagné par une voiture Allemande, avec un officier et son chauffeur. Le maquignon achèta le deuxième veau.  

Ignorant ces visites, le cousin entra dans l’étable; surpris, il fit semblant de s’occuper, il repartit  alors que  devant la porte grande ouverte de l‘étable, l’officier signait le bon destiné au règlement du veau. 

Ce bon devait être présenté à la Sous Préfecture de Castelnaudary  pour obtenir le règlement.

CHAMPS-DES-FRENES

Le soir, craignant que l’officier ait aperçu le comportement  du cousin, ce dernier quitta, en commun accord,  la ferme de l’Espinas.  

René ne se présenta pas à Castelnaudary, il préféra perdre le règlement du veau.

 

SE CACHER

 

Il ne fallait pas être vu. Julien Augé (11),  s’était retiré au  hameau le Caussarel chez Lisou, personne connue et estimée dans la région. Ce dernier avait pris la ferme de  Pistre en  fermage; difficile d’accès.

 

11. Témoignage de Julien Augé, Maire de Lagardiole   1965 -1995.

 

Les céréales de cette ferme étaient transportées au Caussarel par un chemin de la Montagne.

Le dépiquage durait plusieurs jours.  

Les «hommes des bois»  étaient contents de pouvoir  aider  Lisou.

A la fin du mois d’août  1943, le battage étant terminé, l’entreprise Viguier de Soréze déplaça le matériel à la ferme  Gallan.  

Le lendemain, au cours du repas de midi, le feu prit sur l’aire de battage; le vent d’autan soufflait fort,  matériel et gerbiers, tout fut détruit.

Les gendarmes de Dourgne enquêtèrent dans les fermes; à part les métayers, ils ne virent personne d’autre, Julien avait aussi quitté  le Caussarel. 

 

A la ferme l’Alquier, Jean et Adèle Gay exploitaient la ferme, l’aîné  Julien, fait prisonnier  puis évadé y était retourné.   

Louis son frère (12) refusant  de partir au STO fut porté déserteur, les gendarmes de Saissac enquêtèrent à l’Alquier; l’un d’entre eux parla  trop de règlements, la rencontre fut  houleuse.

12.  Témoignage de Louis Gay, Maire de Brunels 1975 -1992

Se trouvant dans la même situation deux camarades de Louis, lui rendirent visite. Ils décidèrent tout trois de ne pas bouger de l’Alquier de rester enfermés le jour.

La ferme,  bien en vue, située à cent mètres de la route sur laquelle circulaient des véhicules Allemands, semblait pouvoir échapper à tout soupçon.

 Afin de diminuer l’ennui, ils obturèrent la grande ouverture du hangar qui donnait sur la route avec des bottes de paille tout en laissant des interstices permettant de voir au dehors, surtout sur la route.

Une fenêtre placée en bas sur le mur arrière du bâtiment, permettait une fuite rapide vers la rigole et les bois du Conquet.   

Ce refuge servit deux mois (mars et avril).

Les copains partirent de leur côté,  Louis alla dans une ferme à Dourgne. De temps en temps,  il venait la nuit à l’Alquier en empruntant les chemins de la Montagne.  Au cours de son périlleux retour à l’Alquier;  Julien  avait acheté un tout petit  poste de T.S.F, merveille qui permet d’entendre dans la nuit, au dernier moment, les informations lancées par la BBC disant que des hommes attendaient à la ferme le Conquet toute proche.

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RIETGE
RIETGE3
RIETGE2

Les restes des cuisines : les fours au camp de Rietgé …

ce qu’il en reste dans la sapinière en 2002.

 

ON SE BAT DANS LA MONTAGNE

 

Les accrochages contre les Allemands  se multiplièrent.

La bataille de « la Rouge » le 29 juin 1944 fit huit morts : le sous-lieutenant Mercier, le cavalier Fabre  et  huit  Allemands dont trois  furent  faits prisonniers, blessés. L’un mourut, les deux autres furent rendus aux Allemands à l’hôpital de Mazamet.

A Martys, au  Pont d’Alzeau, à Escousols, sur la route de Fontiers-Cabardes  cinq  allemands furent tués.   

 

    Les   Allemands décidèrent d’intervenir. Ils lancèrent  une attaque le 20 juillet 1944 à 6 heures du matin contre le maquis à La Galaube. Il faut rappeler qu’ils disposaient des plans de toutes les installations des Chantiers de Jeunesse.

 

Cette  journée fut vécue par Jeanne Claret,  originaire de Lacombe. Institutrice, elle y passait ses vacances. Elle  décrivit l’événement :  un détachement de soldats, appuyés par cinq  petits avions  se déploya à partir de l’endroit dit le «Roc Quillat»,   situé sur la hauteur de Lacombe en venant de Saint Denis.

 Après un aller et retour court, un avion prit la maison forestière  et le camp de la Galaube,  tout proche, en enfilade.

Une bombe soufflante tomba sur la maison forestière  et tua trois hommes dont Henry Sévenet alias  « Commandant Mathieu ». 

Les avions firent un grand tour, ils passèrent au dessus de Escoussens, Cammazes, Saissac, revinrent et lâchèrent des bombes sur les camps Rietgé et la Gallaube.

RIEUTORT

 

Ecoutons  Jeanne Claret : « la guerre commenca pour nous aujourd’hui à 6 heures, un ronflement très proche tourna, tourna sur le village, intrigua tout le monde.    

 Un bruit formidable au ras des toits m’éveilla en sursaut.

 Maman était déjà levée, elle vint à ma fenêtre : qu’est- ce que c’est ? 

Des avions, ils sont sur Lacombe. »    

Tout le monde était levé. Paulette Barthés ses vêtements aux doigts crie : « qu’est ce que je fais moi ? »    

 André Abadie descendit en courant  «méfiez vous, ils lancent des bombes».

Je passa un tablier sur ma chemise de nuit, une détonation ébranla la maison, papa s’habilla sans hâte, il ne voulait pas se lever.

Tous coururent dans les chemins creux ;  je partis aussi vers le haut  mais je m’aperçus que chez Cougette (grand père de Gérard  Béteille)  personne ne suivait. Maman courbée en deux  sur la grange de Rosa  attendait papa.   

 Le voilà enfin, il ferma sans se presser.  

 Marie Coulon (dont sa mère  sera  transportée à Brousses avec une brouette), revint au galop chercher «le bircou  d’als sausés» (un  peu d’argent). Les avions tournaient toujours.   Nous  nous retrouvâmes tous dans le chemin creux,  je partis aussi  vers là-haut.   Prés de moi,  Antoinette (Bourdiol), la natte dans le dos  cacha sa tête dans mes jambes et  serra  tant qu’elle put  Jean, un jumeau (fils de Roger Bourdiol) dont ses bras terreux semblaient attendre la  mort sans chercher à comprendre.  

   Les détonations  et les rafales de mitraillette se suivaient,  les avions rasaient les prés, semblaient nous affoler à dessein,  tournaient et déchargaient à nouveau leurs engins sur le camp de La Gallaube. (Camp du maquis).   

Baptistou et Rosa (père et mère de Clément Béteille)  ayant perdu Elise (leur belle fille), désorientés, cherchaient du regard, mettaient leur nez dans le talus; ce fut une protestation générale !  « Vous allez vous faire mitrailler. »

     Touchat se déplaçait sans cesse parce qu’ il fallait suivre le mouvement pour se camoufler, les femmes gémissaient. « Il nous fera tuer. »    

Le ronflement s’apaisa, s’éloignae, la ronde infernale était finie. Alors chacun regarda son voisin et, les nerfs se détendirent dans des crises de fou rire qui ne s’arrêtaient plus.   

Janot (oncle de Gérard Béteille  qui  habitait  Codebronde),  pieds nus et affublé d’une veste de Brisquet  (Escande), Serge Alary (fils du sabotier) en pyjama traînait  des bretelles qui servaient à quoi bon dieu ?

  Nous avions tous au saut du lit, après cette   alerte, des silhouettes à tenter le crayon d’un Dantoine.     « Allons prendre un peu de café,  ça remettra de toute  cette bienheureuse tisane. »  Les jeunes partirent vers la Galaube, Madame Louise Barthés revint en courant, sa mère ne pouvait arriver au bout, papa partit à sa rencontre  son bol de café à la main comme viatique.   

«  Dans cinq minutes les voici », les réfractaires   annoncèrent que la troupe arrivait .

Un side-car arriva en trombe, s’arrêta net dans le chemin.

Brand de Saint Denis FFI  montra le Roc Quillat ; les voilà !

Dans  un bruit infernal le side-car repartit.    

La haut quelque chose  de compact bougea. Sans se presser, une seule idée s’empara de tous; il fallait fuir;  maman  attrapa sa malle.

J’allais prendre l’oncle et la tante (Rosa et Baptistou).    Nous partîmes en direction de Perry; impossible de gagner le large. Ce sale «coucou» était là de nouveau, tourne au ras des prés, énervant, affolant.   

Nous nous allongeâmes dans la fougère.  Pour l’instant je n’avais pas peur. 

A travers les fougères je vis les boches  s’installer à loisir; (plusieurs pièces 37 et 38 au sureau de la parcelle grande) et puis ça commença.

Avec une curiosité tranquille, les dents serrées je contemplais ce spectacle nouveau;  chaque obus, dans un éclair file,  faisait son trou  dans un mur, un toit; pourtant tout était debout là- bas encore.  

Mais l’autre là bas renseignait, et les obus filaient vers  la route de Riètgé ou sans doute le maquis remonte; les détonations sourdes ébranlaient l’écho,  c’était le pont qui sautait  sans doute.

 

D. Abadie et André Béteille  étaient derrière moi,  nous nous signalions chaque détail.    

Mathilde Béteille (grand mère de Gérard) poussait des exclamations répétées, des compliments à l’adresse des «boches», tous les autres protestaient et puis ce fut un défilé impressionnant de camions, voitures blindées, chenillettes, cars,  ambulances  (dans les quatre vingts véhicules).

 

Que c’était long et qu’il y en avait !    Dans le village des coups sourds répétés.

« Que font-ils ? »

Mathilde se lamentait sur Paul  (Couquette) qui était à Fontiers, qui allait peut être se faire tuer ?     

Je la rassurai - « Le voilà, il est aux saules. »

Il s’arrêta avec ceux d’en bas dans les fougères.  Maman demanda :  « Où est Papa, pourquoi n’est-il pas avec nous ? »- «  Ne t’inquiète pas, je vais voir. »

Et sur les genoux, dans les fougères je descendis (les fougères ne sont pas très douces).   

Voici tante d’abord, un peu de causette avec eux.  

A quelques pas  derrière le buisson   M.  Louise, papa, la Chastre,  (mère de  Cécile  Escande  Boisvert).   « Tout va bien je remontais » « Pourtant maman s’impatientait,  « où est papa ? »  Je reparti. A ce moment Paul Béteille vient de chez lui  tout  bouleversé. Par les contrevents,   il avait vu des hommes et des femmes gardés à la mitraillette sur la place.  Ses souliers aux doigts il était revenu dans les fougères. 

Je revins là haut porter des renseignements.

Là-bas vers la Croix de Cals, deux «boches» se promènaient et criaient : c’était le moment de se tenir tranquille. Deux rafales brusques précipitées, déchirèrent l’air calme.  Une même pensée nous vint, une même angoisse nous étreignit.

Ceux qui étaient sur place, les deux  André,  ne voulaient plus  rester là.

Clac, clac, clac, zzziou,  fftt, fftt,  tout cela passait, nous frôlait, sifflait.

 

Chaque décharge se rapprochait, on les entendait gueuler, ils étaient là, passaient tout prés.    

Silence rafale, silence rafale; cris germaniques.   

Rien ne bougeait parmi nous. Chaque détonation  ramenait  automatiquement notre nez dans l’herbe et rentrait notre tête dans nos épaules; je tenais la main de maman.

Elle était d’un gris cendre, moite et  froide, j’eus peur pour elle.   Une légère caresse m’avertit qu’elle gardait quand même toutes ses connaissances. Silence prolongé.   « Où sont-ils ? » 

« Ils rôdent. » 

C’était le pire des angoisses de se savoir à portée  de leurs griffes, de leur moulin à poivre et de ne pas savoir où ils étaient; ne rien voir.   

Combien de temps restâmes nous là ?

 

 Il était plus de midi, allongés au soleil nous commencions à trouver qu’il faisait chaud.

Dessous la terre humide de la rosée du matin était accrochée à ma robe. Dessous je boullais; « papa tu dors ? »  

« Non, je regarde autour de moi, là bas les «boches» se promènent  au camp .»   Encore des détonations, des flammes.  Bientôt, sur la route de Ramondens,  de petites choses se déplacèrent.

La colonne repartit. Elle avait bien travaillé ! 

 - « Maman,  nous pourrions repartir ?  Reste là,  surtout, ne te montre pas, caches toi ».     

Chez Boisvert, tout était refermé, ils étaient sans doute rentrés.  « Si nous partions ? » Voilà Paul Abadie qui sortait de son jardin.  Papa agita son bras,  Paul répond de même « venez. » 

« Qu’allons nous trouver ? Qu’ont ils fait ? »  Rien ! Chez nous, le portail ouvert à deux battants laissait  pendre un bourras d’un air misérable.  

Le banc dans la rue, le guéridon et une chaise avaient les pattes en l’air et dedans, rien.

 Comme trois poules,  nous grimpâmes jusqu’en haut,  rien !  tout était intact.

Nous n’osions y croire, nous nous regardions.  

 Une chaise nous reçut légèrement abrutis.  

Mais dehors tout s’agitait, chacun racontait ce qu’il a vu ce qu’il avait fait, ce qu’il avait dit. 

Chacun voulait avoir le prestige d’un sort plus malheureux que le voisin. La haut dans les joncs, une femme gisait morte,

 

Les jeunes de Cals, s’y précipitèrent.  Son mari blessé, ramené sur ordre des «boches» était quelque part  dans le village.  J’ y allai avec Mlle Vidal l’institutrice.  Une balle lui avait traversé le haut du poumon, il nous supplia de ne pas l’abandonner, il réclama ma main, pendant qu’on le transportait chez Abadie, il souffrait, il était blême. Je le soutins pour boire ;  sous la clavicule, un trou, pas bien grand, qui n’avait l’air de rien et,  je pensai tout à coup que je trouais de la même façon un gigot d’agneau ou de porc pour le farcir de grains d’ail; c’était trivial en ce moment mais c’était exact.

Si nous avions été épargnés,  combien d’autres se souviendront ?

 Linge, argenterie, bijoux, chaussures, argent; il s’agissait d’une famille de réfugiés  juifs, les  Cohen qui étaient  à la Galaube, ils essayaient de fuir quand, une rafale les atteignit.

L’après midi était avancée et cependant personne n’avait envie de rentrer.

Quelque chose nous clouait là, à côté des autres,  hébétés, écoutant des doléances, des imprécations,  des gémissements.  Pourtant il fallait manger quelque chose, ce serait un déjeuner, dîner, goûter, j’avais  faim, papa aussi tant il est vrai que les émotions creusent.  Les jeunes un par un arrivaient, les «boches» les avaient cherchés ce matin «maquis hein» ?  Disaient-ils dans leur langage petit nègre. 

Le soir descendait. Le bruit se répandait que celui-ci, l’autre s’en va dormir ailleurs.   

Qu’allions nous faire ? Tous avaient besoin  de fuir le village ce soir. La valise au bout du bâton, Tante à mon bras nous partîmes vers l’Embarrado  (Fontiers C.) Sur le chemin c’était un véritable exode; chacun avec son paquet «comme à Mazamet» selon le proverbe.

Perry, Baisse, Fontiers  reçurent ceux qui n’ont pu rester chez eux en tête à  tête  avec l’ombre encore non effacée de ces pillards, l’écho mal apaisé de ces détonations, le fantôme mal assouvi de la mort. 

 A l’Embarado nous trouvâmes tous les Clary; les hommes allaient à la paille, nous dans les lits.

Toute la nuit, Jean-Pierre sauta d’un lit à l’autre; inutile de songer à dormir.

Et le lendemain matin, au petit jour le même cortège partit sur le chemin.

Les jours se traînaient, longs : espoir, découragement. Lacombe – Brousses -Lacombe en cars à pieds; l’histoire de nos malheurs brodée, agrémentée, se répètait. Nous étions devenus de véritables héros.    En ville, à coté, un peu partout, je me cachais pour éviter qu’on m’embête.   

Puis tout s’apaisa, tout cela ne parut qu’un mauvais rêve à se demander si vraiment nous l’avions vécu.    Seuls, les sinistrés revècurent au hasard des besoins quotidiens  des heures cruelles et firent le compte des choses disparues.

La maison forestière, avait flambé et tout ce qu’il y avait dedans, l’hôtel était complètement effondré,  le camp absolument rasé. (13)

 

13. Texte aimablement communiqué  par le Docteur  Jean Michel de Saissac; paru sur son journal :  «Le Passé Simple».

 

SUITE DES COMBATS

 

Après avoir fouillé les ruines fumantes, des camps de  La Gallaube et de Riètgé; un groupe de véhicules  se dirigea vers Arfons.

En passant, des soldats  fouillèrent à Bordeneuve, il n’y avait personne; Madame Portes et ses enfants s’étaient retirés chez des voisins, la famille Daudies à Lampy  Vieux. 

Les soldats  burent l’eau de vie d’une bouteille trouvée dans un placard.   

Arrivé au village, le convoi s’arrêta. Quelques maisons furent  fouillées. Interpellé le Maire M. Albouis se porta garant qu’il n‘y avait pas un maquisard dans le village; nombreux étaient les habitants  qui avaient fuit vers  l’Espinas et le moulin de Phalipou.  

La poursuite  reprit. A la sortie du village, plusieurs chenillettes empruntèrent le chemin du Moulin Bas, remontèrent vers Moulin Haut pour rejoindre  Escudiès. (l’intention était sûrement de prendre le hameau en tenaille).

 Le détachement lui,  suivit  la route (14). Arrivé au petit plateau, il fut immobilisé  par le tir des maquisards retranchés à la Prune, sous les ordres du brigadier -chef Garcia.

14. Témoignage de Marcel Raucoules,  cantonnier sur le chemin vicinal  n°  4  Arfons - Escudiers.

 

Huit allemands (selon une version) furent tués;  le convoi fut immobilisé  au centre de la cuvette  d’Arfons,  totalement nue à cette époque.

La situation était critique, craignant un encerclement; ils  mirent une mitrailleuse en batterie à la Croix de Madole,  (disparue aujourd’hui)  l’angle de tir était de 360 degrés.  

 A un kilomètre de là; effrayée par les détonations, Emilie Albert qui habitait Métairie Grande quitte la ferme avec ses quatre enfants pour fuir vers le hameau de Bastouls.

Repérés, une balle cassa le bras à Emilie, toucha la petite Marthe  (deux ans et demi)  à la tempe; elle  saigna, elle décèda en arrivant au hameau chez Léa.    

 

Emilie fut conduite à  l ‘hôpital de Revel, le corps de Marthe fut transporté à la ferme par  René Viallade et son épouse Jeanne, (sœur d’Emilie) qui habitaient  Espinas.  (15)

15.  Témoignage de  Jeanne Viallade.

 

DECROCHAGES

 

Forcé par la puissance de l’adversaire, le groupe Garcia décrocha. Les Allemands atteignirent Escudiès,  les soldats se déployèrent, cherchèrent, visitèrent les recoins.  Les habitants  étaient barricadés chez eux, tout était calme   trop calme.

Paul Enjalbert  père de cinq enfants habitait à l’étage  d’une maison, il déplaça à peine le rideau de la fenêtre pour voir.  

C’était assez,  un soldat visa, tira. Paul décèdera dans la semaine.

 

 Le Corps Franc se dispersa, la majeure partie des hommes rejoignirent le Pic de Nore,  d’autres  se replièrent vers Labrespy,  Roquerlan,  Montolieu.         

Un groupe indépendant placé vers Lampy, se déplaça  le 20 juillet en fin d’après-midi  vers la Forge; une trentaine d’hommes venant du pont de Compagne (rigole de la Montagne) traversa  le pré de Conquet  en file indienne  portant chacun  un sac à dos.

Peu après leur passage, une voiture Citroën (traction avant) arriva à Conquet,  un homme descendit et dit à Rosalie Escarboutel, « allez dire aux hommes qui sont passés, de ne pas rester à  la Forge. » 

 Accompagnée de sa fille Lucette,  Rosalie alla de suite à la Forge; un maquisard leur donna plusieurs poignées de sucre. (16)

 

16. Témoignage  de Lucette   Bousquet  (souvenirs d’enfance).

 

LE MASSACRE A TRASSANEL

 

 Dans les jours suivants, les Allemands patrouillèrent  dans toute la Montagne Noire, c’est ainsi qu’ils localisèrent le maquis de Trassanel.  

Ils firent  là un terrible massacre, 46 maquisards furent tués, prés de Labrespy. 

Deux maquisards furent fusillés à la ferme la Paladille,  la  ferme fut incendiée. 

A  Laprade deux autres furent abattus à Co de David, dans le chemin de Rohnis. Le groupe retiré sur Montolieu  engagea le combat  à la ferme Bataillé.

 

LA LIBERATION

 

 Enfin, commencés au début du mois d’août  1944, les replis des Allemands s’intensifièrent au cours du mois.   La  Montagne Noire  était libérée;  on dansa dans les villages,  dans les fermes; les réjouissances  qui avaient  difficilement  repris après l’armistice de la première grande  Guerre  et qui s’étaient  maintenues,  ne reprirent   pas. 

 

LE MONUMENT DE FONTBRUNO

 

Peu de temps après,  germèrent les idées  d’ériger un  monument à Fontbruno ; d’abord dans le champ cultivé, situé au dessus de la route.  

Tout manquait, l’emplacement retenu fut finalement   celui que nous connaissions. 

 L’inauguration eut lieu en présence du Général de Lattre de Tassigny  le 20 juillet 1947,  dans un profond recueillement,  trois ans  (jour pour jour  après l’attaque des Allemands à La Gallaube).

 Le  champ situé au dessus de la route était couvert de fleurs blanches, du blé noir.  

Les jeunes filles de Laprade avaient  confectionné une grande Croix de Lorraine avec des genêts tressés et des couronnes faites de fleurs des champs : bleuets, coquelicots, centaurées. Piquées de drapeaux, ces couronnes étaient suspendues à des perches  fixées au sol.

La journée était très ensoleillée et sans vent.

Entre les discours, le silence était à peine brouillé par les insectes,  en chasse sur les fleurs. 

 

ADDITIF : les  parachutages.

 

 L’éparpillement des groupes de résistants,  compliquait l’homologation des terrains de parachutage   situés prés de la limite de partage des régions :  Toulouse 4 et Montpellier 3.

Les confusions purent venir de ce partage. 

Des maquis isolés, proches de lieux habités, n’avaient pas  tous les moyens d’assurer correctement  la réception d’un parachutage. 

L’opération nécessitait une organisation. Il fallait chercher un terrain peu boisé de trois à quatre hectares, desservi par un chemin  autant que possible éloigné des lieux habités.  

Il fallait aussi prévoir une équipe de plusieurs hommes avec un responsable pour le balisage; ramasser le matériel, l’enlever le plus rapidement possible.  

Ces conditions ne furent pas réunies partout.

 

Lorsque la décision fut prise à Londres de parachuter du matériel, le chef du réseau concerné fut prévenu  par radio.

On lui annonça le caractère du parachutage, on fixa le jour  «J»  et  l’opération reçut un nom de code.

La  BBC lançait  des messages  successifs  convenus  confirmant  au réseau le parachutage pour ce jour  «J».

 

 Si une modification dans le temps entraînait l’annulation au dernier moment, celle-ci était signalée au réseau toujours par la BBC qui supprimait le message convenu et le remplaçait par un autre. 

Les parachutages se faisaient en général pendant les périodes de pleine lune,  afin de permettre au pilote de mieux repérer la zone de parachutage.  

Dans la Montagne Noire, au Conquet, le contact était établi avec le pilote à l’aide d’un poste-émetteur.

 

    L’emplacement du terrain, la direction du vent  relevait de signaux effectués à l’aide d’une lampe.  

A Co de David prés de Laprade,  les champs  furent balisés par  des feux de branchages, ce fut le cas aussi au Pic de Nore. 

Des recherches  permettraient de connaître les risques énormes  pris au cours de ces opérations, tant par les maquisards que par les pilotes.

 

    Peut-être les archives de la RAF à Londres contiennent les renseignements qui font défaut ?      Des informations   peuvent être  recueillies auprès des services   suivants (écrire en anglais) :

 M. Alan Thomas AHB    (RAF) Room 308 Ministry of Defence 3-5 Great Scotland Yard London   SWIA    2 H W   Angleterre.

 

Ces  opérations étaient réalisées par le SOE  (Spécial Opération Exécutive) et comme leurs registres sont gardés séparément par la branche historique de l’air;    l’ adresse SOE   pour ces renseignements spécifiques doit être demandée à :

 

 Duncan  Stuart  C M G   Foreing et Commonwealth   Office.

 Rom G 67 OLD Admiralty Building Whitehall London SW 1 A 2 AF.

 

On  peut consulter aussi le SOE–RAF qui garde les registres publics.

Sous fonctionnels

 I D6  5 A   4  PART 11   French  Résistance.

 Groups  Allied Assistance.

 

Ces documents sont utilisables par le public, ils renferment des informations classées.

 Des Agents font des recherches sur place, contre paiement.

 

Il y a aussi un livre publié par la station Majestic de la SOE  en France :

 

« An Account of the work of British Special Operation Executive en France. 1940-1944 by MRD Foot to inquire is still in print and to”

 

 Ces informations me furent communiquées par M. Gordon Carter commandant de bord sur bombardier  pendant la dernière guerre  et ami de Julian Sales. Ce  pilote  fut sérieusement aidé par des Revélois, sa fin tragique reste peu connue. 

 

Mes remerciements vont à tous ceux qui m’ont accordé du temps; beaucoup hélas ne sont plus là.

 

Ouvrages consultEs.

 

Corps Franc  de la Montagne Noire par  Roger Monpezat.

Corps Franc de la Montagne Noire par Sylvie Périllou  (2 volumes).

Résistance Audoise  par    L. Maury   (2 volumes).

Résistance en Languedoc Roussillon   (Rémy).

Résistance Sans Héroïsme   par Charles d’Aragon.

Résistance Juive dans le Tarn - Mémoire de maîtrise Valérie  Ermosilla.

Histoire de la Résistance en France par  Henry Noguères.

Chronique de la Résistance dans le Tarn par  Yves Bénazet.

Le Maquis du Massif Central Méridional. 

Les Terroristes de l’Espérance par  Gérard Bourdalou. 

Pour ne pas oublier par René Figarol.

Les Réfugies  Espagnols par Pascale Labit.

Forces Allemandes dans le Sud Ouest par David Wingate Pike.

Nous atterrissons de nuit par  Hugh  Vérity.

Deuxième Guerre Mondiale  dans l’Aude par Julien Alaux.

Revel des Années Noires par Francis Pujol  Jules  Soletchnik.

SOIREE

 

Saissac –

17 août 1941 , une soirée est organisée pour les prisonniers de guerre…

CONTAINER

Un container de parachutage découvert en 1978 (J.P. Calvet et J.C. Pétronio) dans la Montagne Noire

(près de Dourgne – à 800 m au nord du « Fromatgé-neuf »

dans la zone appelée « la Garrigue de Puech Latgé »).

 

SOLDATS

Retour de mission ou d’entraînement d’un groupe de soldats allemands.

Ce cliché a peut-être été pris du côté de Cennes-Monestiès ?

Une quarantaine de chevaux étaient à l’époque remisés à la « ferme de Gentil »

CONTAINER2

 

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