Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                       PARU DANS  LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE N° 3 - 1997

 

 

Les dominicains à Revel


Bernard MONTAGNES

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Les frères de l'ordre des Prêcheurs, qu'on nommait jadis jacobins (nom de leur couvent Saint Jacques de Paris), que nous appelons aujourd'hui dominicains (nom de leur fondateur). ont un rapport tout particulier au Midi toulousain : Saint Dominique a commencé son œuvre par la fondation de Prouilhe en 1207 et l'a poursuivie par la fondation du premier couvent de l'ordre à Toulouse en 1215-1216.


La première expansion de l'ordre dans le Midi a formé une province de Provence, dont le territoire couvrait toute la France méridionale de langue d'oc depuis l'Atlantique jusqu'aux Alpes : les cartes actuellement publiées de l'Occitanie en donnent à peu près la configuration.
 La province de Provence comprenait un réseau de 55 couvents fondés entre 1215 (Toulouse) et 1310 (Buis-les-Baronnies).
 En 1303 ce vaste territoire a été divisé en deux provinces, l'une à l'ouest, appelée province de Toulouse, l'autre à l'est, gardant le nom de province de Provence.
Comme la limite entre les deux passe entre Carcassonne et Narbonne, le Lauragais se trouve sur le territoire de la province de Toulouse.


L'ordre était implanté dans les principales villes de la région :


sans compter Prouilhe (où le Monastère des sœurs était doublé d'un couvent de frères) et Toulouse, il faut mentionner Montpellier (1220), Narbonne (1220); Carcassonne (1247-1252), Castres (1258-1263), Pamiers (1269-1270), Albi (1275-­1276).

Or au XlVème siècle la province de Toulouse poursuit son expansion par une seconde vague de dix fondations, qu'on pourrait dire destinées à remplir le tissu interstitiel.

Voici comment Revel s'insère dans la liste d'ensemble :

1321 Marciac (Gers) et Belbez (Dordogne)  
1324 Limoux (Aude)  
1335 Port Sainte-Marie (Lot et Garonne)  
1344 Bagnères de Bigorre (Hautes-Pyrénées)  
1350 Fanjeaux ( Aude)  
1355 Mauvesin (Gers)  
1372 L'Isle-en-Dodon (Haute-Garonne)  
1377 Revel (Haute-Garonne)  
1386 Auch (Gers)  

Une onzième fondation, plus tardive et mal datée, à la Réole (Gironde).

A Revel, les Prêcheurs se sont établis en 1377, trente-cinq ans après la fondation de la bastide, huit ans après le transfert des reliques de Saint-Thomas d'Aquin à Toulouse (en 1369).



Les deux documents les plus anciens concernant le couvent de Revel sont une lettre du roi Charles V, donnée à Senlis en juillet 1377, qui exonère de toute taxe deux arpents de terre pour la construction du couvent et de l'église des frères Prêcheurs de Revel.
Et une bulle du pape Clément VII, donnée à Avignon le 31 décembre 1380, adressée au prieur et aux frères dominicains de Revel, autorisant, pour aider à construire l'église et le couvent, à prélever jusqu'à 500 florins d'or sur les biens mal acquis qu'on ne sait à qui restituer.


Le premier de ces documents, conservé aux archives nationales et connu depuis longtemps, attribue la fondation au duc Louis d'Anjou, frère du roi, gouverneur du Languedoc.
Le second, que j'ai découvert aux archives vaticanes, présente la fondation à Revel, sous le titre de Saint -Thomas d'Aquin, comme une conséquence du transfert des reliques du saint docteur à Toulouse.
En acceptant de s'établir à Revel les dominicains répondaient à une offre qui leur était adressée, non seulement par le gouverneur du Languedoc, mais aussi probablement par quelque famille du lieu.

Au XVllème siècle, les frères étaient convaincus (mais sans avoir de documents pour le prouver) que les seigneurs de Belloc, dont ils recevaient une rente annuelle de trente sétiers de blé, étaient fondateurs et protecteurs du couvent.
Le couvent possédait un pré à Vauré, donné (pensaient-ils) au temps de la fondation par la famille de Belloc.
 

CARTE

L'emplacement que les dominicains ont occupé du début à la fin est celui que décrit le cadastre de 1690, tome III, folio 344 :

"Les Pères jacobins de lad.ville tiennent noblement (= sans être assujettis à aucune taxe foncière) dans l'enclos de lad.ville et du levant la place une églize, cloistre et jardin ; confronte du levant les escoussières de la ville, midy la rue des frères, couchant lad.place, septantrion demoiselle Isabeau de Callagues, Antoine Auger, Charles Salvaing, Guilhaume Bardou, héritiers noble Jean Dandrieu, Me Daniel Poitevin, Pierre Rieux, héritiers Jacques Vigourous, Estienne Armengau et Guilhaume Guilhaumon. Contient l'église : demy lougade, deux onces et demy ; le bastiment et maison du couvant : deux lougades et demy, demy-cart ; jardin : vingt une lougades".

 Pour avoir une idée exacte de ce qu'était le couvent avant les guerres de religion qui devaient le ruiner, il faut tenir compte que le bâti dont le cadastre de 1690 indique la surface est celui reconstruit après les destructions, notablement plus réduit par rapport aux édifices du XIVe siècle.
De plus une partie de l'emplacement primitif a été aliénée : les maisons édifiées en bordure de la rue de Soréze (celles dont le cadastre indique les noms des propriétaires) l'ont été sur une bande de terrain cédée par les dominicains.
Aucun document ne permet de savoir si, au commencement, la place où les frères se sont établis leur a été donnée ou s'ils l'ont acquise. Mais l'état des lieux permet de formuler une observation plus importante.

  

PERE

Moine des XII° et XIII° d'aprés une gravure ancienne

 

Dans les villes anciennes, un nouveau couvent ne trouvait d'emplacement libre qu'à la périphérie, le plus souvent hors les murs. Or à Revel, il en va tout autrement : l'emplacement libre se trouve au centre de la bastide et couvre une fraction notable de la surface de la ville.



D'où il faut tirer deux conclusions :


-1/ qu'en 1377 la bastide n'était encore que faiblement peuplée; le nombre de 3 000 habitants est celui qu'atteignait la population de Revel à la fin du XVlllème siècle, certainement pas à la fin de XIVe
-2/ que les Prêcheurs, en acceptant l'invitation qui leur était adressée, décidaient de prendre part au développement de Revel : ils y voyaient un objectif correspondant à leur vocation apostolique.

Sans doute espéraient-ils que Revel deviendrait un centre urbain important. Faute de documents (les actes des chapitres généraux de 1376 à Bourges et de 1378 à Carcassonne sont incomplets, les actes des chapitres provinciaux sont perdus), on ne peut rien dire de plus.
Avant d'en venir au recrutement du couvent, qui montrera une des manières dont s'est opérée la symbiose entre les dominicains et les Revélois, je dois en finir avec les constructions.


Le prieur Raymond Parent, dans le mémoire rédigé par lui en 1696, était en mesure de décrire la disposition des anciens bâtiments ruinés, que les dominicains avaient relevés de manière beaucoup plus modeste.
Le début de ce mémoire a subi quelques mutilations (d'où les coupures du texte, qu'indiquent les points de suspension) :


«  L'église ancienne avoit environ tretze canes de long, sans y comprendre le choeur et le presbytère (I.E. la partie où se tiennent les prêtres), et cinq canes de large, sans y comprendre les chapelles. Le chceur et le presbytère avoint huit canes de long, le chceur en avoit cinq de large comme l'église, et le presbytère trois et demi, estant en angles ronds. Il y avoit quatre chapelles du côté du midi et quatre du côté de l'aquilon ; elles avoint doutze pans de large dans ceuvre et environ trois canes de long. Les marques des quatre du côté d'aquilon restoint avant qu'on eust basti la petite église que nous avons aujourd'hui ; maintenant ne reste que les marques de trois. Le choeur et le presbytère estoint du côté d'orient, comme (...) pour les masures qui en restent. La (...)
l'église estoit du côté du couchant et dans (...)
endroit où elle est aujourd'huy. Au côté (...)
vers le midi estoit le cloître dont les (...}

et la sacristie estoint derrière (...).


 Autour du cloître estoit le chapitre et une chapelle, le réfectoire et autres offices. Et au-dessus estoit le dortoir (...)
au midi. L'infirmerie estoit au-delà du cloître du côté d'aquilon, et les chambres des hostes (...) de midi. Au delà des bastiments estoit un (...)
jardin jusqu'au chemin public qui est entre (...)
enclos et les murs de la ville. Au milieu du jardin, il y avoit un grifoul avec un bassin ; on faisoit venir l'eau par des tuyeaux souterrains du ruisseau qui faisoit moudre les moulins et passoit dans la ville avant qu'on eust fait la rigole du canal royal".

Si la description paraît embrouillée (compliquée encore par les lacunes du texte), qu'on aille voir ce qui reste de l'ancien couvent de Fanjeaux, édifié à peu près à la même époque, dont l'église est demeurée intacte :
Nef rectangulaire, couverte d'une charpente sur arcs diaphragmes, flanquée de chapelles de part et d'autre entre les contreforts, terminée par une abside plus étroite et plus basse (à Fanjeaux close par un mur droit et non voûtée ; à Revel de forme tournante, donc de plan polygonal, ce qui implique une voûte et des baies sur chacun des pans du polygone).


La disposition du reste des édifices conventuels autour du cloître (sacristie, chapitre, réfectoire, services, dortoir à l'étage, hôtellerie, infirmerie) et du jardin au-delà est des plus classiques (même si, à Fanjeaux, la reconstruction du XVlllème siècle a bouleversé ce plan usuel).
Jamais, après les guerres de religion, le couvent de Revel ne retrouvera son allure de jadis : les faibles ressources, en argent comme en hommes, ne permettaient pas une reconstitution à l'identique.

Passons du bâtiment au personnel :


L'effectif initial, exigé par les constitutions de l'ordre, était de douze frères, parmi lesquels devait se trouver le prieur et le docteur : un couvent de Frères Prêcheurs est toujours une maison d'études.
Le premier groupe venait des couvents plus anciens et suffisamment peuplés, mais, par la suite, le nouveau couvent devait pourvoir à son propre recrutement à l'intérieur de sa propre circonscription.
Cette circonscription se nomme la diète, de la distance qu'on pouvait parcourir à pied en un jour (dies), soit environ 25 kilomètres.


En août 1397, le chapitre provincial de Toulouse, fixant les limites entre la diète du couvent Saint-Dominique de Fanjeaux et celle du couvent Saint-Thomas de Revel, attribue la ville de Castelnaudary à Fanjeaux.
Jusque là les frères de Revel avaient prêché à Castelnaudary (en 1388, le lecteur - ou docteur - du couvent de Revel reçoit un franc d'or pour y avoir prêché la semaine sainte et Pâques).
C'est dire que le recrutement du couvent s'effectuait dans une partie du Lauragais d'une vingtaine de kilomètres de rayon autour de Revel : dans ces conditions, la plupart des frères devaient être des Revélois.
Or jusqu'à la ruine du couvent par les guerres de religion l'effectif a été supérieur à douze : en 1557, les seize frères qui prennent part à une délibération conventuelle ne constituent qu'une partie (la plus notable, il est vrai) de la communauté.


 Aussi, étaient-ils en mesure d'essaimer : en 1547, le couvent de Revel fournissait le frère Jean Magnely pour fonder un nouveau couvent à Quillan. L'ampleur des bâtiments permettait de loger vingt-cinq conventuels et même de recevoir, en juillet 1440, le chapitre provincial.

De quelles ressources vivaient-ils ?

D'une part du fruit de leur prédication (comme on en trouve trace dans les comptes de la ville de Castelnaudary en 1388 ou dans ceux de la ville de Revel en 1514-1515 : celui qui a prêché pour la fête de Saint -Thomas et pour la passion reçoit quatre livres quinze sols), d'autre part des revenus que leur procurent les donations qui leur ont été faites ou les fondations de messes pour les défunts (I.E. les obits).
La règle suivie partout pour la gestion financière consistait à transformer les donations ou les fondations en propriétés foncières dont la rente permettait de faire face aux besoins.
Un couvent se trouvait plus sûrement ruiné par la perte de ses archives que par la destruction de ses bâtiments car il ne pouvait plus recouvrer ses revenus.
Aussi, après le pillage du couvent par les huguenots à trois reprises, fallait-il reconstituer les archives avant de relever les édifices.


 Le succès des dominicains à Revel se mesure au nombre élevé d'obits fondés dans leur couvent par les Revélois qui choisissaient de se faire ensevelir dans leur église ou dans leur cloître et qui tenaient à s'assurer la prière des frères. Cette forme d'économie repose sur un échange de services.
Pourtant tel n'était par l'idéal de pauvreté mendiante qu'avait voulu Saint Dominique ; ainsi s'expliquent les sursauts qu'on observe à Albi, à Toulouse, dans les années 1490, pour revenir à l'idéal primitif et vivre sans revenus.
A ce mouvement de renouveau le couvent de Revel s'est associé. Mais il était difficile d'échapper longtemps aux contraintes économiques d'un monde dans lequel la pauvreté mendiante n'avait plus sa place.
Les dominicains de Revel ont été des prédicateurs dont l'activité n'a laissé que trop peu d'indices, mais aussi des théologiens qu'on découvre au hasard des documents conservés.
En 1454, le frère Guillaume Michel, appelé à déposer à Toulouse pour l'enquête en vue de la canonisation de Vincent Ferrier, est licencié en théologie. En 1561, le frère Germain de Torta est nommé à Avignon pour enseigner la théologie afin de devenir maître en théologie. En 1574, le frère Jean Mainier est chargé de cours à l'université de Toulouse ; en 1580, il est nommé maître en théologie.


 Plus significatif de l'atmosphère dans laquelle ont vécu les dominicains de Revel : leur couvent a adhéré en 1478 au mouvement de réforme, autrement dit de renouveau, qui l'a emporté à Castres, à Albi, à Toulouse, et qui a abouti à la création de la congrégation de France, détachée de la province de Toulouse ; la congrégation a tenu son chapitre au couvent de Revel en 1566.
Les frères aspiraient à retrouver l'inspiration de Saint Dominique autant pour la prédication apostolique que pour la pauvreté mendiante.
Or ce renouveau a préparé spirituellement et intellectuellement les frères à résister aux séductions du nouvel évangélisme à la manière des huguenots : dans d'autres régions les défections ne seront pas exceptionnelles ; à Revel (comme à Castres) la résistance ira jusqu'au sacrifice de la vie.

Par trois fois Revel a eu à souffrir des violences pour cause - ou sous prétexte - de religion.
Une première fois en 1567, le 29 septembre, où les dominicains sont chassés par les huguenots et leur couvent pillé, mais une quinzaine de frères peuvent revenir peu de temps après :

 "Les religieux qui avaient échappé à la fureur des rebelles et qui s'étaient retirés de la ville, y étant retournés peu de jours après, c'est-à-dire après que les rebelles en furent sortis, ils n'y trouvèrent que les murailles" (Mémoire du P. Raymond Parent en 1695).

 Une deuxième fois en 1576, le 13 décembre, où les protestants qui s'emparent de Revel massacrent plusieurs frères dont le chapitre général de Rome en 1580 fait mémoire comme victimes des hérétiques.

 "Le frère Sébastien Mennet, prêtre, et le frère Raymond Tireville, prêtre, tous deux du couvent de Revel, ont été d'abord transpercés à coups d'épée puis jetés dans un puits, en même temps que de nombreux fidèles de Revel, en 1577. Le frère Raymond de Cannerie, prêtre, du couvent de Rieux, atteint d'un coup de feu sous les murs de Revel, a été tué la même année 1577" (Actes du chapitre de Rome).


Ces indications brèves se recommandent par trois caractères :

-1/ par leur sobriété (trois victimes parmi les dominicains, plusieurs catholiques de Revel)
-2/  par le caractère officiel du document où elles figurent (actes d'un chapitre général, destinés à l'ordre entier)
-3/ par la source d'où elles proviennent (à ce chapitre de Rome en 1580 la congrégation de France - devenue province d'Occitanie - était représentée par son provincial, Flour Provins, et par son définiteur, Jacques de Lapalu, du couvent de Toulouse, susceptibles, le second surtout, d'être exactement informés).

 Elles rendent suspect le récit maximaliste du massacre de vingt et un dominicains recueilli et propagé par Jean de Rechac, auteur dominicain plus fervent que critique : sa version semble une amplification légendaire des renseignements authentiques publiés par le chapitre de 1580.

En 1577, l'église des dominicains a été épargnée provisoirement : elle a servi au culte des huguenots jusqu'au moment où ceux-ci, en 1590, ont construit un temple. Les protestants employèrent à cette construction une partie des matériaux de l'église des dominicains, qu'ils se décidèrent alors à démolir, comme le reste du couvent l'avait déjà été.

Quand, en 1603, cinq frères (dont le P. Jean Mainier, déjà rencontré, était prieur) se réinstallèrent à Revel, ils trouvèrent abri dans quelques masures que le couvent possédait sur la galerie de la place et qui avaient échappé à la destruction.

 "Ainsi les religieux se logèrent dans ces petites maisons, où ils étaient dans une très grande pauvreté, ne subsistant que par les bienfaits et les aumônes des maisons de noblesse du voisinage de la ville. Ils faisaient le service divin et (les) prédications dans une petite boutique desdites maisons, ils s'appliquaient à l'administration des sacrements et à l'éducation du peu de jeunesse catholique qu'il y avait dans Revel. En sorte que, sans eux, l'exercice de la religion y eût été éteint. Ainsi l'attestèrent avec serment les habitants catholiques devant Me Jean Bertrand, juge, le 22 mai 1603 "
(Mémoire de Raymond Parent).

Sur l'emplacement de leur ancienne église, ils aménagèrent un lieu de culte plus modeste, que vint bénir l'évêque de Saint - Papoul en avril 1603 (le siège de Lavaur, dont dépendait Revel, se trouvait sans évêque à ce moment-là).

Troisième épisode de violence en 1621, qui chassa de nouveau les dominicains jusqu'en 1629.
Les frères n'eurent plus de domicile fixe à Revel, même si quelqu'un d'entre eux y venait de temps à autre, ne fût-ce que pour faire valoir leurs droits.


 Dès 1628 pourtant, le maître de l'ordre permettait et ordonnait la reconstruction de quelques couvents ruinés, dont celui de Revel et celui de Nîmes. Les catholiques reprenaient pied dans Revel. Le carême de 1628, prêché par le dominicain Pierre Comes, vicaires du monastère de Prouilhe, donne droit à un paiement par les consuls de cinquante livres tournois (somme difficile à obtenir, puisque, le 28 octobre 1629, le vicaire de Prouilhe charge son frère, maçon au Villasavary, de venir à Revel réclamer le salaire qui lui était dû depuis un an).
En 1629, le prieur des dominicains, Jacques Delom, rentre dans Revel par l'autorité des commissaires royaux députés pour démanteler les fortifications de la ville. En 1630, deux frères logeaient provisoirement dans une maison de la rue Saint-Antoine.

 "Et le 7ème de mars suivant (fête de Saint -Thomas d'Aquin), le service divin que les hérétiques avaient fait cesser l'an 1621, fut rétabli dans la salle basse de ladite maison, et on commença d'y célébrer la sainte messe".
(Mémoire de Raymond Parent).

En 1631, un arrêt du Parlement de Toulouse condamna les consuls de Revel à faire reconstruire dans quatre mois l'église et le couvent des Jacobins de la ville, dans l'état où se trouvaient les bâtiments en 1621.
La même sentence fut confirmée en 1636 par la chambre de l'Edit siégeant à Castres, preuve que jusque là rien n'avait encore été fait.


Jusqu'en 1643, les dominicains durent demeurer dans des maisons particulières. Cette année-là, le 27 avril, "ils quittèrent la maison de Chauvet et se logèrent dans le couvent, où il n'y avait encore de bâti que deux chambres sur le jardin et deux autres sur la place, le réfectoire et l'église, le tout en très mauvais état parce que, les religieux ayant convenu avec ceux de la R(eligion) P(rétendue) R(éformée) à la somme de 2.500 livres pour le bâtiment qu'ils étaient obligés de nous faire (...), ils reçurent cet argent et le baillèrent par avance aux Mrs Isaac Augé, charpentier, et Pierre Augé, maçon, frères, sur les biens desquels ils furent obligés de poursuivre décret. Ce qui fut cause que le bâtiment demeura dans l'état que j'ai déjà marqué jusques en l'année 1676, qu'on y ajouta deux chambres du côté du jardin, et on acheva de couvrir la garlande en 1681 et 1682"
(Mémoire de Raymond Parent).

Désormais l'effectif de la communauté ne dépassa jamais trois ou quatre religieux : trois noms sont mentionnés dans un état au milieu du XVlle siècle ; au moment de la Révolution, ils n'étaient pas plus nombreux.
De leurs activités apostoliques à peu près aucune trace ne subsiste.


Sans doute participèrent-ils activement à la reconquête catholique d'une ville qui, en 1577, avait été l'une des places de sûreté données aux protestants. Un dénombrement du diocèse de Lavaur en 1779 indique à Revel 1780 anciens catholiques, 1055 nouveaux convertis, soit respectivement 63% et 37% : nouveaux convertis ou pseudo-convertis ? convertis par conviction ou par force ? la question reste ouverte, mais Revel fera figure au XIXème siècle de terre de chrétienté, où ne subsiste qu'une faible minorité de protestants.
Pour la même raison, semble-t-il, lorsque les doctrinaires qui tenaient l'école se retirent en 1778, les dominicains proposent leurs services par une affiche intitulée : Projet d'un établissement de pension chez les P.P. dominicains de la ville de Revel ".

Outre la Doctrine théorique et pratique de la Religion et des bonnes Moeurs, à laquelle on veillera avec l'attention la plus scrupuleuse, on s'engage à instruire les jeunes gens dans les Langues Française et Latine, L'Histoire, la Mythologie, la Géographie, les Mathématiques, la Physique, et les autres parties de la Philosophie moderne, sont les connaissances vraiment utiles auxquelles on les appliquera spécialement.
On se flatte d'avance que leurs progrès ne demeureront jamais au-dessous de leur degré d'intelligence. Ce beau programme reçut-il le moindre commencement d'exécution ? Je ne sais. Mais les dominicains de Soréze, fils de Lacordaire, qui possédaient ce document, y voyaient comme l'annonce de leur propre programme d'éducation.
Une fois les dominicains de Revel dispersés par la Révolution et leurs biens vendus à l'encan, la mémoire de ce chapitre de l'histoire religieuse de la bastide s'est peu à peu effacée.

 En raviver le souvenir rend justice aux Frères Prêcheurs, mais aussi aux gens de Revel dont ils ont partagé le sort durant un peu plus de quatre siècles.

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