Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                       LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE

(Bulletin de la Société de Recherches Spéléo Archéologiques du Sorèzois et du Revèlois n°12 – année 1974-1978)

 

NOTES SUR LES POTIERS DU SOREZOIS ET DU REVELOIS

D’après Yves Blaquière

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Devant certains fragments de poterie paléochrétienne trouvés à Berniquaut, Thierry Martin (spécialiste du site de Montans) nous dit un jour :

"N'y avait-il pas, sur l'oppidum lui ­même, des potiers ? "

 

La question paraissait énorme étant donné l'actuelle absence d'eau constatée en ce lieu. Pourtant Thierry Martin connait bien les problèmes de la céramique et de son identification. Pour moi, la question, si invraisemblable qu'elle paraisse, me semblait intéressante. Elle sous-entendait qu'on pourrait trouver dans les environs les traces de cet artisanat: sinon à Berniquaut, du moins dans les abords immédiats...

 

La réflexion de Thierry Martin me rappela alors une enquête que j'avais menée autrefois en 1961, incomplètement certes, sur les potiers de Revel.

 

 J'avais relevé dans des archives privées que les Chazottes avaient des fours en 1726 à la sortie de Revel, sur la route de Soréze et qu'à la même époque Jean LABEJAC était "potier de terre" à Belleserre.

Le mot "potier" était peu fréquemment employé dans le livre de Raison de Louis de Gouttes que je feuilletais.

 Par contre celui de "tuilier" revenait souvent. De là naquit un échange de correspondances entre le fameux collectionneur toulousain Félix Mathieu et moi.

Ces lettres furent suivies de rencontres et de conversations où il n'était question que de céramique ancienne. Car Félix Mathieu, déjà très âgé, n'avait point perdu son goût d'identification des ateliers, même les plus modestes.

Il me dit en gros ceci :certains ouvrages du XIX° siècle donnent quelques noms de potiers revélois :CHAZOTTES frères., DURAND, GARAIGE, MAILLABIAU".

 

J'appris alors par hasard que la tuilerie de "PAN­TOISS" (chez les Chazottes) était sur le point d'être démolie. J'y courus et je retrouvai là une douzaine de moules en plâtre, dont certains avaient les formes caractéristiques des débuts du XIX° siècle mais d'autres présentaient les caractéristiques du XVIII° siècle (quelques uns même étant plus proches de Louis XIV que de Louis XV).

 

Chez Mr et Mme Arnaud, marchands de bois et charbon, je rédigeai quelques notes sur les derniers potiers de Revel : Mme Arnaud me précisa que son père Paul Antonin Catala, né en 1867, fut potier jusqu'en 1913.

Il avait appris le métier à Pantoïss et à la "Verrerie" des Ducros, à Revel. Il avait été ouvrier chez SEYTES puis avait pris la "Poterie" à son compte.

 « La Poterie » n'est plus aujourd’hui qu'un nom de lieu. Elle aurait été créée par CHAFFERE puis reprise par Gratien CHAIS. Mme Arnaud, intarisable sur tout ce qui touchait le métier de son père, m'expliquait que la terre venait de la route de Vaudreuille et la couleur d'Issel (village de potiers entre Revel et Castelnaudary ) .

 

Paul Catala moulait " au tour et à la main, sans moule, ..., la terre était passée au rouleau avec un âne". Des mots chantaient dans sa mémoire :"les fossés … la meule à pédale... l'engobe ».

 Les couleurs : du rouge et du blanc. Un vernissage au minimum. Elle voyait encore le travail des femmes dans l'atelier : "Elles collaient la queue des "toupis" avec un peu de terre glaise". "Mon père chauffait deux nuits consécutives avec du char­bon de forge de Carmaux - jamais d'Albi !- et du fagot". Et elle énumérait les produits fabriqués :

 

- des séries de cafetières jaunes avec de petits dessins

- des "toupis", des casseroles, des "grésales" jaunes, ces cruches, jaunes également avec des dessins marrons.

- des pots à tabac en terre cuite nue.

 

Pierre Raymond, qui fut conseiller municipal de Revel et érudit, me signala qu'une poterie et une verrerie avaient été exploitées par une famille Pinel, sur la route de So­rèze, entre 1820 et 1860.

Il n'avait pas vérifié les dates et les avança sans trop de certitude. Cet atelier des Pinel se trouvait dans l'actuelle maison de Mr Follet architecte.

Récemment encore, à Bellesserre, Louis BOUSQUET était également potier. Né en 1866, il est mort en 1949. Il travaillait à la PEYRADE et prenait sa terre soit à l'ESQUIROL - qui lui appartenait - soit près de St Ferréol. Il semble que Louis Bousquet n'ait pas créé un atelier de poterie, mais continué un travail pratiqué avant lui dans sa famille. Des recherches d'archives pourraient nous éclairer sur ce point.

 

Chez son fils, Mr Clovis Bousquet, j'ai vu quelques ouvrages sortis de l'atelier paternel, notamment une belle série de six casseroles de terre cuite vernissée, l'extérieur vert clair, l'intérieur jaunâtre. Une paire de plats creux à cassoulet présente les mêmes caractéristiques.

 

Parmi les objets qu'il dut fabriquer en, grande quantité, citons :

 

1 -  Les « aparratals ». L'aparrat, en langue d'oc, est le moineau et plus généralement le passereau (1). L'aparratal est une espèce de nid en terre cuite qui ressemblerait assez à une casserole dont la queue serait creuse : c'est par elle qu'entraient les oiseaux.

 

2 - Les aparratals suspendus en haut des maisons rurales attiraient les oiseaux qui venaient y nicher. Lorsque les oisillons avaient atteint une grosseur suffisante, les habitants de la maison n'avaient qu'à décrocher ce nid-pièce pour avoir sans peine une belle brochette... Ces aparratals, nombreux naguère, ont aujourd'hui presque entièrement disparu. Louis Bousquet en avait disposé beaucoup sur sa propre habitation : ils auraient parait-il, servi de cibles aux enfants du village (c'est ainsi qu'ils auraient été cassés l'un après l'autre).

 

- les "toupis" : pots, vases de terre... dans lesquels on fait la soupe... etc... (1)

- les "rossignols" ou sifflets à eau, destinés aux enfants.

- de menus objets : toutes petites cafetières que les fillettes du pays devaient affectionner. Ces cafetières n'étaient généralement pas vernissées. Parfois, pour les décorer, " on laissait tomber une goutte de vernis : c'était plus joli".

 

Louis Bousquet allait vendre sa marchandise jusqu'à Carcassonne. Un âne (ou un mulet) portait le chargement. Il ne rentrait au logis qu’après, avoir tout écoulé. Son absence avait parfois duré une semaine.

 Pour une époque plus éloignée, je cite Louis de GOUTTE qui écrivait sur son livre de Raison : "Jean LABEJAC, potier de terre du lieu de Belleserre m'a pris en afferme pour quatre années complètes le "bois bas" de BANQUAREL, à commencé aujourd'hui, 1er Novembre 1723..."

 

                       

 

Dernièrement encore le hasard mit sous nos yeux un "Rôle des .habitants de la ville et communauté de Revel et son consulat" pour la capitation de l'année 1769.  Je relève :

 

- Jean DESPLAT, potier (1 livre, 10 sols) (qu'il était bien nommé !)

- CHAZOTTES, tuilier fils ainé (8 livres)

- Pierre Chazottes dit FOULAIRE (1 livre, 10 sols)

- Antoine CHAZOTTE tuilier  (3 livres)

Pour Vaudreuille :

- METGE Tuilier (1 livre)

- BARRAU ayné (prénommé Antoine) tuilier et un valet (5 livres)

Pour Couffinal :

- Jean Pierre BANQUET, tuilier (3 livres 10 sols)

 

Nous constatons que si peu de potiers sont nommés, il n'en est pas de même pour les "tuiliers". Depuis plus d'un siècle, les FONTES font des tuiles et des briques à Revel. Surnommés "les PERROTS", ils ont longtemps extrait leur terre à Couffinal et à Vauré.

Leur descendant actuel Guy Fontès, lui-même briquetier (mais spécialisé dans les produits réfractaires) m'a narré, avec un plaisir qu'il ne cachait pas, le rythme de vie de l'atelier d'autrefois. D'octobre à mars, on travaillait dans la carrière à extraire l'argile. De mars à octobre, on travaillait dans l'atelier.

 

Les charrois étaient fait par des chevaux qui connaissaient si bien leur chemin qu'ils l'auraient parcouru sans qu'on les guide.

"Pour l'exposition d'Août 1975, à Soréze, "Les Sources de l'Artisanat", Guy Fontes avait bien voulu me confier trois tuiles faîtières de la fin du siècle dernier. Elles portent une décoration naïve faite de branches et de feuilles. L'une d'elles montre une représentation humaine. La signature tient assez de place. Tout cela a été simplement incisé dans la terre mais on devine le plaisir de celui qui laissa sa trace... Guy Fontès me prêta aussi un outil utilisé jusqu'à la dernière guerre pour détacher de gros blocs d'argile : le "bios" (le seul poids du bios est une indication sur la force physique de ceux qui le maniaient - et sur leur effort !).

 

Il conserve avec un grand attachement les cahiers de comptes de ses ancêtres et j'en ai feuilleté un qui m'a particulièrement touché : les comptes eux-mêmes étaient précédés de poèmes. Jusque dans leur travail, les artisans avaient le temps de rester des hommes !

 

Des découvertes récentes réalisées par la S.R.S.A.S.R. sont venues éclairer des époques plus reculées.

 En 1973, dans la grotte du Calel, Roger Jullia découvrait et explorait, en compagnie de Joseph Vidal, Jean Prom et Christophe Blaquière, le réseau dit "Vidal-Jullia ».

 Ce réseau, qui avait jusque là échappé à l'homme, témoignait d'une extraction d'argile. Des hommes mais aussi des enfants avaient œuvré là. Ils y avaient laissé les traces de leurs pas, de leur travail, de leurs outils, des torches avec lesquelles ils devaient 's'éclairer (2), ils avaient tracé sur les parois de la grotte des graffiti, abandonné les quelques poteries médiévales, qu'ils devaient utiliser sur place.

 Jean Rossignol, responsable de la section de Géologie, nous fit remarquer l'extraordinaire plasticité de cette argile.

 SI cette extraction de glaise au Moyen-âge ne fait pas de doute, sa datation précise est plus difficile. L'abbé Baccrabère croit pouvoir avancer "fin du XII°, début du XIII° 'siècle".

Remarquons que si cette date se révélait exacte, elle pourrait expliquer l'un des caractères de cette "mine".

Il semble en effet que l'extraction de terre se soit arrêtée brusquement et qu'on n'ait pas pris le temps de remonter à la surface une grande partie de la terre entreposée dans certains endroits.

Comme l'a écrit Christophe Blaquière : "Y a-t-il un rapport ou non entre la fermeture des entrées de grottes sur le Causse de Soréze et l'ordonnance de Raymond VII, en 1223, qui exigeait, sous la pression du clergé toulousain, la destruction ou l'obstruction de toutes les cavités naturelles ou artificielles qui étaient suspectées d'abriter des cultes païens ou hérétiques ? "

 

Une autre question s'est posée : la paroi qui est recouverte de neuf graffiti, (ainsi que d'autres traces d'ailleurs,) ne serait-elle pas un témoignage sur des rites chtoniens ?

Christophe Blaquière aborde cette question avec réserve mais sans parti-pris, et son rapport laisse penser que le réseau "Vidal-Jullia" n'a pas encore livré son dernier mot, même sur le plan religieux (3)

Durant les congés de Noël 1974, une prospection de surface dans les environs de Soréze, aux "Mengauds", montrait qu'il avait existé là un four de potier.

 Les innombrables tessons qui couvraient le champ montrent la fabrication "d'oules" et de cruches assez proches de celles trouvées dans le nouveau réseau du Calel.

 Pourtant l'abbé Baccrabère les croit légèrement postérieures : fin du XIII°, peut-être, même XIV° siècle.

 

 Avec son bout plat l'herminette servait à extraire la terre par plaques. Nous avons d'autre part prélevé un bloc d'argile durcie accolée au rocher. Cette argile montre  l'utilisation d'un outil plat (peut-être herminette) et d'un pic qui devait permettre de vérifier qu'on avait bien atteint la paroi.

 Ce bloc est assez durci pour pouvoir être conservé tel quel. A d'autres endroits, pour connaître l'épaisseur de la couche d'argile, des sondages semblent avoir été faits avec des tiges de fer. Ce que je viens de citer est très insuffisant pour donner une idée des milliers d'empreintes d'outils visibles dans cette grotte.

Nous conservons également dans les réserves de la Maison du Parc Régional à Soréze, les reste d'une torche faits de fibres végétales.

 

Avant de quitter Revel, je dois mentionner une découverte qui, soigneusement étudiée, pourrait apporter un peu de lumière sur ce que recouvre généreusement le qualificatif "médiéval" lorsqu'il s'applique à la céramique. Notre ami Emile Mons, membre de la section d'Archéologie, fit effectuer, il y a quelques années, des réparations dans sa maison.

Une tranchée ayant été creusée dans la cour intérieure, il fut très impressionné par la quantité anormale de tessons de poterie qui se trouvaient là. Il recueillit tout ce qui pouvait l'être, nettoya, recolla et classa en tenant compte des couches où ces fragments avaient été prélevés.

 

Aucune commune mesure entre les débris de vaisselle ménagère trouvés à proximité d'une maison et cet amoncellement.

Dans pareil cas, on peut toujours parler de "dé­potoir". Mais la présence ici d'objets utilisés pour la cuisson des céramiques pourrait peut-être faire songer à un "dépotoir" bien particulier : celui d'un atelier de potier. Or ces tessons ont toutes les caractéristiques de ce qu'on appelle "médiéval".

Ce qui rend l'affaire intéressante, c'est l'emplacement de la maison Mons. Située à l'angle de la rue Victor Hugo et du boulevard Gambetta, elle est donc en bordure mais à l'intérieur des anciens fossés qui limitaient la Bastide de Revel.

 La charte de fondation de la ville étant de 1342, nous nous trouverions devant un atelier qui ne peut être antérieur à cette date.

Les quelques pièces de monnaie découvertes là le confirment d'ailleurs.

Pour avoir la certitude absolue de la présence d'un atelier, peut-être Emile Mons aurait-il dû trouver l'emplacement du four par exemple. C'était très excitant, mais il aurait fallu sans doute démolir la maison, ce qui l'était moins. Bernard Pousthomis et Christophe Blaquière ont regardé avec beaucoup d'attention l'ensemble des trouvailles. Le premier aimerait un jour étudier cela de plus près.

 

Ce que je vais ajouter n'est que lieu commun pour les archéologues. Mais je ne m'adresse pas à d'éminents spécialistes ! J'ai parlé tout à l'heure du qualificatif : MEDIEVAL".

 Il s'agit là d'un "fourre-tout" où se mêlent six ou sept siècles. Quand on sait avec quelle précision on arrive à dater la céramique gallo-romaine (à quelques années près), à situer l'origine de ces productions (village et même atelier : on sait jusqu'au nom du potier), on reste stupéfait devant l’imprécision et l'anonymat qui caractérisent ces périodes infiniment plus proches qu'on appelle médiévales.

 Cette anomalie a déterminé des spécialistes à orienter leurs recherches vers ce "Moyen-âge" là.

A Caen surtout, à Aix-en-Provence aussi, des centres d'études se sont constitués. Au niveau régional, les travaux de Bordenave et Viallèle, dans le Tarn, ceux de Baccrabère et Manière dans le Toulousain sont à noter.

Un peu partout d'ailleurs, les archéologues essaient de s'attaquer à ce problème. C'est dans cet esprit que nous publions l'excellente étude de notre ami Bernard Pous­thomis à propos des céramiques médiévales de Berniquaut.

Il est parti d'un chantier bien précis, à l'intérieur du rempart, où nous avions trouvé un ensemble très homogène de tessons et une monnaie raymondine du XIIO siècle!

Des travaux plus récents exécutés sur le même chantier de l’oppidum semblent confirmer singulièrement son hypothèse de travail. Des fouilleurs clandestins ayant à diverses reprises massacrés ce chantier, nous avons été amenés à le remettre en état et examiner les quintaux de terre remuée.

 

Une masse énorme de tessons de même type en ont été extraits.

Ce qui est remarquable c'est que deux nouvelles pièces de monnaie ont été découvertes, contemporaines de la première (4). La présence d'une seule pièce de monnaie du XII° siècle pouvait être attribuée au hasard. Aujourd'hui, trois pièces de la même époque semblent étayer plus solidement l'hypothèse de Bernard.

Il faudrait toutefois qu'un spécialiste puisse examiner tous les autres éléments : de fer, de verre, d'os, pour confirmer ou infirmer cet essai de datation).

Tout ce que je viens de dire explique l'importance des trouvailles d'Emile Mons, qui, pour sembler "médiévales" ne peuvent pas être antérieures au XIV° siècle.

Si Bernard Pous­thomis pouvait étudier successivement l'ensemble des poteries "Mons", les produits de l'atelier "des Mengauds" et qu'avec l'aide de notre section de Spéléo, nous puissions projeter un éclairage vif sur le réseau Vidal-Jullia du "Calel", une contribution tout à fait intéressante serait apportée à l'élucidation du mystère que recouvre encore le fameux terme "médiéval".

Avant de terminer cet article, je tiens à signaler quelques éléments disparates mais qui sont loin d'être dénués d'intérêt.

En premier lieu, au cours d'une prospection de surface, sur l'emplacement gallo-romain « d'En Solomiac » (Palleville), nous avons relevé un morceau (peu important par la taille certes) de moule destiné à la fabrication de poterie sigillée. Ce n'est encore là qu'un élément de recherche qui pourrait devenir le point de départ d'une enquête : existait-il en ce lieu des potiers, à l'époque gallo-romaine ?

 

Une autre prospection nous a révélé la présence près de "La Garrigole" (Soréze) d'une tuilerie médiévale : nous y avons prélevé des ensembles de tuiles ratées, soudées entre elles.

Troisième point : au pied de Berniquaut, l'ancienne tuilerie PRADET mériterait des recherches d'archives. Son existence est attestée au XVIII° siècle, dans le compoix de Soréze, fait sous Louis XV.

 Elle fonctionnait encore au XX° siècle, et fabriquait alors des carreaux pour revêtir le sol.

 Bien des maisons de Soréze en possèdent. J'ai même retrouvé un carnet d'échantillons de ces productions. L'une des constructions qui servaient d'habitation aux "tuiliers" s'étant effondrée, j'ai visité les ruines et remarqué pris dans un mur, un superbe BUGADOU (5) de terre cuite rose. Travail extrêmement rustique il est simplement décoré de trois points en creux faits probablement avec le doigt et qui font penser à ceux qui accompagnaient les signatures maçonniques (6).

Ce bugadou avait-il été fabriqué sur place, dans la "tuilerie" ?

 

Je n'en aucune preuve mais cela ne paraît pas impossible. Grâce à l'amabilité de Mr CRUZEL il a pu être acquis par notre section d'Archéologie et conservé

dans l'entrée de la Maison du Parc Régional du Haut ­Languedoc, à Soréze.

 

J'ai utilisé pour rédiger ces notes une partie du texte qui précédait le catalogue de l'exposition "Aux Sources de l'Artisanat" (Soréze 1975).

 Depuis cette exposition de nombreux renseignements m'ayant été fournis, de nouvelles prospections ayant été effectuées, j'ai voulu compléter ce que j'avais écrit alors.

 Le résultat aboutit à un aimable désordre que l'on voudra bien me pardonner.

 

Désordre dans la forme, oui... Mais qu'on ne m'accuse pas d'avoir mêlé l'archéologie à l'histoire d'un artisanat proche. En un mot d'avoir tout mélangé !

 Je crois que l'archéologue ferait preuve d'une belle inconscience s'il voulait ne connaître que les temps reculés et les données de sondages ou de fouilles. L'artisanat d'hier n'est pas étranger à celui des siècles lointains. Dans le monde rural que j'étudie, les évolutions étaient lentes, les traditions puissantes. L'homme qui modelait la terre dans nos villages et hameaux restait proche de ses ancêtres.

 Les lieux où l'on trouvait la meilleure argile, ceux où l'on pouvait utiliser toute l'eau nécessaire, ces lieux semblaient souvent héréditaires. Le savoir et la sagesse des anciens constituaient un patrimoine apprécié.

 Si, au termede cet article, j'ai un regret, c'est bien de ne pas avoir su plus méthodiquement exploiter les sources écrites.

 

 

(1) "Dictionnaire de la langue romano-castraise et des contrées limitrophes" par J-P. COUZINIE curé à Serviès (Tarn) 1850.

(2) Le moulage de l’empreinte d'une herminette a pu être réalisé grâce à l'aide de Mme Michèle ALAMELLE-­PELLETIER et de Mr ALAMELLE. Nous les en remercions ici.

(3) J'ai appris d'un ami sorèzien qu'autrefois les habitants du village, pour la Saint Jean, allaient au pied de la grotte de "FENDEILLE", là où sort l'eau souterraine du Causse (et donc du Calel). Ils allumaient un feu afin que l'eau toute l'année soit bonne et abondante. L'hypothèse d'un culte "païen" n'est donc pas à exclure.

 

 (4) La première et la troisième sont des oboles d'argent d'Alphonse Jourdain, comte de Toulouse (1112-1148). La deuxième un denier de billon de Roger II, vicomte de Carcassonne (1167-1194).

(5) BUGADOU (ou DOURC)       cuvier pour la lessive (voir note I)

(6) J'y ai surtout pensé en regardant les manuscrits concernant la loge maçonnique de SOREZE, au cours de la belle exposition organisée par Mr J. Fabre de Massaguel en 1976, pour le bicentenaire de l'Ecole Royale Militaire de Soréze. Ce n'est peut-être qu'une ressemblance tout-à-fait fortuite.

 

PIECES ANNEXES

 

 

Félix MATHIEU était l'un des collectionneurs de faïence les plus connus de la région toulousaine. A son goût de la faïence il joignait une grande curiosité d'esprit et une vaste érudition, fruit de toute une vie de recherches.

Je donne ici deux lettres qu'il m'écrivît en 1961 lorsque je pris contact avec lui au sujet de la découverte des moules de plats utilisés par les CHAZOTTES à Revel.

 Les longues conversations que nous eûmes à leur sujet étaient aussi riches que les lettres que je présente ici. Il aurait fallu pouvoir tout prendre en note immédiatement pour que la mémoire ne puisse déformer, et surtout pour ne rien oublier. Félix Mathieu fait allusion, dans sa lettre du 3 Novembre, à quelques moules que je l'avais chargé de remettre au Musée du Vieux-Toulouse.

 

 

1- Lettre du 14 Juillet 1961 -

Y. BLAQUIERE

"J'ai pris connaissance avec intérêt de votre intéressante lettre du 10 Juillet sur l'industrie potière à Revel.

 

Vous me parlez de moules en plâtre vus dans Revel et utilisés par les potiers du pays. Je les crois de la première moitié du XIX° siècle et ayant servi à la confection de plats et assiettes à pans coupés et bords perlés. Les grands ateliers en ont fait en terre blanche anglaise dans le goût de l'époque : cela a servi de modèle aux petites poteries de terre vernissée au plomb.

 

Vous supposez peut-être ces moules de la fin du XVIII° siècle. C'est possible. Jusqu'à maintenant personne ne s'est occupé de savoir si on avait fait de la faïence stannifère à Revel : cela ouvrirait des horizons nouveaux sur cette industrie. En s'aidant de recherches d'archives dans l'Etat Civil et les minutes notariales l'on pourrait faire quelques découvertes, ainsi que les prospections dans les caves et les greniers que vous avez commencées de faire. Je vous ai parlé de plats à pans coupés, vernissés brun et portant en creux, dessous, les lettres V.C.... PD... D... Je n'ai rien trouvé du côté Villemur : j'ai pensé à Revel, d'après les indications de l'ouvrage de DEMMIN. Il faut penser également à Lavaur, Albi, Graulhet : voyez que le champ d'étude sur l'industrie potière vernissée est vaste.

 

J'ai réuni quelques notes éparses sur le Tarn. Ainsi le 26 Avril 1866, il y eut à Albi une exposition d'art et d'industrie.

 Mr Jolibois, archiviste départemental, relate dans un rapport (imprimerie Papalhiace, page 27) : "la production céramique et verrière, verreries de Carmaux et Penchot, 'Les faïences de Ducros de Castres. Jeanjean d'Albi cuit ses faïences à la houille et relève par sa bonne fabrication la renommé de la production albigeoise."

 

Relevé aux archives de Sèvres et communiqué à une époque à Mr Fabrières de Lavaur : une lettre de Mr Debar fabricant de carreaux céramiques à Lavaur, occupant 20 ouvriers depuis 1835 (lettre datée du 27 Juillet 1839).

 

Dans la bibliographie Serpach 1891 : documents sur les anciennes faïenceries françaises : 28 Frimaire an III - sur les pétitions du citoyen SABA tendant à obtenir le bâtiment des Poids et Mesures de Lavaur pour y établir une fabrique de faïence... Diverses études dans la revue l'AUTA, sur Puybegon et un "bugadou" figurant au musée du Vieux Toulouse marqué en relief PIGNOL à PUYBEGOUN... Lettre de, l'abbé Batut à Engalières près Briatexte concernant la généalogie des Pignol à Puybegon... Voir également une poterie RIBAUTE à Soual l'Estap ayant marqué ses produits en creux et au cachet.

 

Je compte, à la faveur d'un temps pas trop chaud, aller aux archives départementales travailler Revel. Je vous informerai de mes trouvailles.

Donc à bientôt la plaisir de causer poteries et faïences.

 

Très cordialement   Félix Mathieu

 

2- Lettre de Félix Mathieu du 3 Novembre 1961

 

"Je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de m'occuper de Chazottes de Revel du fait qu'il confectionnait à la fois poterie et brique.

Thuile, dans son ouvrage "Les faïenceries de Montpellier", nous parle du potier SIJALON de Nîmes dont la maison, â son origine, s'appelait "lés Téules" au XVI° siècle et attenant au lieu où se fabriquaient "des vaisselles, des pots de terre, des tuiles et autres ouvrages".

Il est probable qu'à Revel, comme c'était le cas à Montpellier, certains tuiliers ne s'exerçaient que dans la production vulgaire des briques ; quant aux autres, c'étaient les orgeoliers.

 Le livre de raison que vous lisez est une preuve certaine de l'ancienneté d'une industrie potière à Revel mais que de recherches ne faudrait-il pas faire pour classer les cassots trouvés dans la terre et les déblais quelquefois cachés par les racines d'arbres : débris précieux par quelques tracés géométriques différents de ceux vus à COX, à Toulouse ou ailleurs.

Pour les moules en plâtre que je n'ai pas encore versés au musée du May je suis rêveur sur leur ancienneté exacte : fin XVIII° ou premier quart du XIX° siècle.

 Des cassots trouvés au hasard pourraient, par l'aspect de leur vernis, aider à ce travail, surtout émaillés blanc. Sur ceux-ci on pense a de la faïence blanche anglaise en terre de pipe qui, industriellement, remplaça la faïence stannifère et que les faïenciers du Nord et la mode imposèrent Choisy-le-Roi, Gien, Sarreguemines, Saint-Amand, Bordeaux et Valentine.

 

D'autres plus modestes, s'installèrent dans le Midi. C'est le cas de la faïencerie Ducros et Cie qui après la guerre de 1914 alla à Castres ; elle marquait ses produits d'un cachet semblable à ceux de Gien, de Choisy, de Creil et Montereau.

 

Il est probable que la vaisselle de Revel était ainsi estampillée et les derniers spécimens oubliés dans les placards mériteraient d'être recueillis pour le futur musée de Revel.

 

Dans le Tome 2 du "Guide de l'amateur de faïences et porcelaines" paru en 1873, le céramographe DEMMIN nous donne à la page 768 la liste des lieux, en France, où l'on fabrique de la poterie ; et pour Revel il donne ceci :

 Revel - Haute Garonne - CHAZOTES frères - DURAND - GARAIGE - MAILLABIAU.

 

Lesur et Hardy, en 1949, dans "Poteries et Faïences françaises", nous disent : Revel, Hte Gne, à 24 km de Villefranche - on y fit de la poterie et de la tuilerie au cours du XIX° siècle. Les noms des mêmes fabricants suivent mais fort maltraités.

Pas de recherches à Toulouse à Saint-Sernin.

 

A bientôt le plaisir de recauser de Revel. Mon très cordial souvenir. "

Félix MATHIEU

 

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