Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE |
VISITE DE MONSIEUR, COMTE DE PROVENCE, A SAINT-FERRÉOL, LE LUNDI 23 JUIN 1777
par Jean HEBRARD
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ARTICLE LIE : "LE VOYAGE DE MONSIEUR A SAINT FERREOL" par Paul Redon
ARTICLE LIE DANS VILLES ET VILLAGES - SOREZE "LA VISITE DE MONSIEUR A SOREZE"
Le comte de Provence, frère cadet du roi Louis XVI et futur Louis XVIII, fit un voyage dans les provinces méridionales du royaume en 1777 afin de raviver « le sentiment monarchique parmi les populations ». Louis XVI était monté sur le trône de France trois ans auparavant, à la mort de son grand-père Louis XV ; la situation financière était lamentable ; la tension sociale était forte, surtout à Paris ; la valse des ministres n’apportait pas de solution.
Monsieur, charmant jeune homme de vingt-deux ans, intelligent, aimable et plein de prestance, allait être pendant un mois l’ambassadeur de la cause royale dans la lointaine province de Languedoc.
Le 20 mai 1777, le secrétaire d’Etat Amelot écrivait de Versailles à Monsieur de Saint-Priest, intendant du Languedoc, pour lui donner l‘itinéraire du voyage et la liste de la suite de Monsieur : officiers, valets et laquais, au total quarante-cinq personnes.
Le 25 mai, Raymond Bastoulh, premier consul et maire de Revel, réunissait les Consuls et les Conseillers politiques de la Communauté à l’hôtel de ville et leur annonçait : « Qu’il demeure instruit par des lettres particulières que Monsieur, frère du Roy, passant par Toulouse et par Castelnaudary, devoir venir voir le bassin de Saint-Ferréol et de là se rendre à l’abbaye de Soréze, et comme dans cette route, il parait presque assuré qu’il passera dans cette ville (Revel), il convient, lors de son passage, de lui rendre les honneurs dûs à sa personne, à son état et au monarque bienfaisant duquel il est le frère, et comme ces honneurs demandent quelque dépense, le consul-maire demande, dans le cas il passât d’être autorisé à faire cette modique dépense, et dans le cas il ne passât point dans cette ville, et qu’il prît le chemin de la montagne pour aller de Saint-Ferréol à Soréze, le consul-maire ne doute point un instant que la troupe des volontaires de cette ville ne veuille se rendre au dit Saint-Ferréol avec MM. Les maires et consuls pour porter ses respects à Son Altesse Royale et lui demander sa protection, sur quoy prie de délibérer.
A été délibéré d’une commune voix que l’assemblée, faisant tant pour elle que pour le général de la Communauté, que dans le cas que Monsieur passât dans la ville, il lui sera rendu les honneurs et hommages dûs à Son Altesse Royale, et dans le cas il ne fît que s’arrêter à Saint-Ferréol, MM. De la jeunesse sont invités de vouloir y accompagner MM. Les Maires et Consuls pour lui présenter ses profonds respects et lui demander sa protection ».
Le voyage se déroula comme prévu ; le brillant équipage coucha le 10 juin à Orléans, le 11 à Tours, le 12 à Poitiers, le 13 à Angoulême, le 14 et les jours suivants à bordeaux, le 19 à Agen, les 20 et 21 à Toulouse, le 22 à Saint-Papoul.
L’hébergement fut parfait à l’évêché de Saint-Papoul ; Monseigneur Jean-Antoine de Castellane ne ménagea ni sa peine, ni son escarcelle : arcs de triomphe en ville, illuminations dans la cour de l’évêché.
Le lundi 23 juin, tout le monde était bien reposé, mais il avait plu pendant la nuit et il pleuvait encore dans la matinée ; cependant le temps était doux et le cortège des voitures se mit en route à huit heures trois-quarts, ce qui n’avait rien de matinal à cette date où-suivant l’heure solaire- il faisait jour dès quatre heures.
De Saint-Papoul à Saint-Ferréol, on suivit le chemin qui venait d’être remis à neuf par les soins des Etats de Languedoc, sans doute par Issel, Labécède et Vaudreuille.
En arrivant à Saint-Ferréol, la pluie avait cessé et le temps fut parfait.
Et Monsieur « trouva le peuple de trois diocèses (Lavaur et Saint-Papoul évidemment, et ensuite Toulouse ou Carcassonne) réuni sur la grande muraille de Saint-Ferréol.
« Quatre-vingts dragons à pied du régiment de Languedoc, les gardes du canal, la maréchaussée, un escadron de cavalerie et une compagnie d’infanterie de Revel, en uniforme bleu, parement et revers blancs, aussi bien vêtue, armée et disciplinée que les troupes réglées.
On avait construit sur la grande muraille un temple de verdure, dont le milieu était un salon octogone, avec deux salons aux deux côtés, et une grande colonnade de buis, garnie de fleurs et rubans de papier coloré, conduisait à ce temple. La table de Monsieur était placée dans le salon du milieu ; le buffet était dans le premier, la seconde table dans le second salon ».
« Monsieur visita d’abord le réservoir et se promena sur la grande muraille, ensuite il fut voir les deux voutes qui étaient éclairées par quatre cents bougies et des lustres. Les armes entourées de guirlandes étaient placées sur l’entrée des deux voûtes, et elles étaient aussi en transparence sur le fond de la voûte supérieure où étaient les robinets que l’on ouvrit pour lui faire entendre le bruit étonnant. Pendant le dîner de Monsieur, les trompettes jouaient des fanfares, et tous les spectateurs passèrent successivement par une galerie d’où on le voyait dîner. Cette fête fut charmante par la situation du local et le peuple immense qui l’entourait.
« Après dîner, Monsieur monta sur un cheval sage et sûr qu’on lui avait préparé, ainsi que des chevaux tous équipés pour sa suite ; il se rendit à cheval au collège de Soréze, escorté par les dragons de Revel. Le diocèse (de Lavaur) avait fait réparer le chemin pour son passage. Il trouva trois escadrons du régiment de Languedoc à la porte de Soréze qu’il passa en revue et dont il fut très content. Il vit ensuite les exercices du collège, toutes les classes ; il y entendit un concert des élèves et remonta à cheval pour se rendre par Revel à Saint-Papoul où il arriva à neuf heures et demie. Il reçut à Revel les plus grands applaudissements ; et on lui présenta le dais et les clefs de la ville. Il soupa le soir à Saint-Papoul dont la ville fut illuminée ».
Le lendemain, le voyage se poursuivait en direction de Carcassonne ; on alla jusqu’à Aix –en-Provence et, par Avignon, la vallée du Rhône et Dijon, Monsieur rentra à Versailles, satisfait, le 17 juillet 1777.
On peut s'étonner de l'importance des troupes qui vinrent à Saint-Ferréol le lundi 23 juin 1777 rendre les honneurs au Comte de Provence. Elles étaient de deux sortes :
1) les troupes royales (les « dragons » du régiment de Languedoc) qui cantonnaient momentanément à Revel, rue des écuries ; arrivées le 23 novembre 1776, elles repartiront le 26 septembre 1777 ; leur présence à Revel avait naturellement justifié leur mobilisation à Saint-Ferréol et à Soréze le 23 juin.
(Revel n'avait pas de casernement permanent, mais divers régiments y passaient régulièrement pour des séjours plus ou moins longs ; par exemple en 1775, le régiment de Touraine avait été envoyé en renfort de police dans la lutte contre l'épidémie de fièvre aphteuse qui avait ravagé les élevages de bovins de la région, les paysans se refusant à déclarer et abattre le cheptel atteint).
2) les troupes dites « jeunesse de Revel » ou « les volontaires de Revel » dont la présence avait été sollicitée par délibération du Conseil de la Communauté de Revel, le 25 mai (Voir au début de l'article) ; elles formaient deux compagnies paramilitaires, dont l'existence semble être antérieure à la fondation de Revel, aux temps obscurs du Consulat de Vauré ; elles incarnaient « la passion pour la gloire des armes » ; elles étaient dirigées par des « officiers » que « la jeunesse » nommait chaque année le dimanche de la Pentecôte, le lundi étant consacré à des exercices et parades militaires, concours de tir à l'arquebuse avec remise de prix, la journée se terminant par un bal, et ces festivités attiraient toute la population.
Il y avait une compagnie (ou escadron) de cavalerie et une compagnie d'infanterie, une centaine de jeunes gens au total, tous vêtus de brillants uniformes et « il est probable que le recrutement des jeunes ne devait pas poser de grands problèmes, assuré que l'on était de séduire sous cet aspect flatteur bien des coeurs féminins ». (Gustave Doumerc, Histoire de Revel).
Pour le Pentecôte 1777 (le 11 mai), « la jeunesse » avait nommé les officiers suivants :
pour l'ensemble des troupes
Commandant : M. Faure, ancien officier d'infanterie. Major : M. Paul (de) Portal, ancien officier.
Capitaine : M. Jean Pierre Molles de Pairedon.
Lieutenant : M. Bastoulh cadet.
Porte-drapeau : M. Lacombon
Capitaines : MM. Bermond-Lacombe et Bastoulh neveu (c'est-à-dire le 1e` Consul, maire).
Lieutenant : M. André Sarrat.
Porte-étendard : M. Laurens Massia. Aide-major : M. Lapergue.
Quartier-maître : M. Galinier.
Certains membres de « la jeunesse » députés à l'Hôtel de ville pour accompagner les officiers et signer le procès-verbal de leur nomination, nous ont laissé leur surnom « de guerre »... en dentelle :
Bordes, dit Sans façons ; Dumas dit Baise Moy ; M. Molles, dit Brindamour ; goût, dit la Gaieté.
On en connait d'autres par les P. V. des autres années : Samary, dit la Plume ; Ferriol dit Loyal ; Bastoul fils, dit Latendresse ; Pélissier, dit Latulipe ; Noël, dit Sancérémonie ; J. Sarrat, dit Joyeux ; Etienne Molles, dit Jolycoeur ; Galabert, dit Belair ; Salvat, dit Sanquartier ; un autre Bastoul, dit l'Atante tranquille ; Anel, dit Tranquille (tout court) ; Gustave Doumerc, dans son « Histoire de Revel », relève encore des Ladonis, Lamoureux, Galant, Réjouy, Papilotte, Lapipe, Léveillé, Tapage, Vadeboncœur, Bellepointe, Monplaisir, etc.
LA SUITE DANS LE VOYAGE DE MONSIEUR A SAINT-FERREOL PAR PAUL REDON