Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                        LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE

 

" Petite Histoire du Pastel "

 

par Jean Odol


RETOUR ACCUEIL

Voir un article paru dans les Cahiers de l'Histoire N°20

L'or blanc au Pays de Cocagne laine et pastel en Lauragais
dans la première moitié du XVIème siècle - par Gilbert Larguier

 

Le PASTEL (Isatis Tinctoria) est une étonnante crucifère bisannuelle, dont les feuilles donnent un bleu exceptionnel.

Auparavant les feuilles écrasées sous des meules produisaient une pulpe verdâtre, d’où l’on  confectionnait les cocagnes (pelotes rondes) ensuite travaillées pendant 4 mois, pour aboutir au produit fini : l’agranat !

 

 Le pastel plante fabuleuse qui donnait du bleu à toute l’ Europe il y a 400 ans, fit s’épanouir la Renaissance toulousaine  et s’enrichir la région au XVI° siècle.

 

Au temps du « pastel », Revel fut célèbre pour ses teintureries donnant la « Fleurée ».

 

Par ses retombées économiques, l’exportation vers les pays du Nord, forgea la légende du « Pays de Cocagne ».

 

 

Par définition, le Lauragais est le pays de Cocagne. C'est ici, en effet, dans cette terre aux collines exceptionnellement fertiles, que naît cette célèbre expression. Cette plante mythique, le Pastel, qui est très fortement associée à l'histoire du Lauragais.


Le pastel a donné au Lauragais du 15ème au 16ème siècle une richesse jamais retrouvée, un siècle d'or (de 1462 à 1562) qui a vu le pays se couvrir de châteaux, d'églises et de pigeonniers. Les coques également appelées cocaignes ou cocagnes, sont des boules séchées et dures de feuilles de pastel écrasées. C'est la plante mythique du pays de Laurac, on l'appelle " l'herbe du Lauragais", c'est dire combien la région et la plante sont étroitement liées. Plusieurs pays cultivaient pourtant le pastel mais comme le disait Olivier de Serres : « le pastel ne vient bien qu'en Lauragais ».

 

Le pastel contient dans ses feuilles un produit chimique qui permet de teindre en bleu les tissus de laine : c'est une plante, de la famille des crucifères, d'une hauteur d'un mètre environ lorsqu'elle fleurit et aux feuilles lisses, assez larges. Le pastel est très exigeant quant à la richesse du sol qu'il épuise rapidement. Semé en février-mars, sur de petites parcelles, la plante fleurit en avril-mai et les graines sont récoltées en juin, le cycle est de 15 mois environ. Sa culture est un véritable jardinage avec de multiples sarclages qui réclament une main d'œuvre importante.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les feuilles sont cueillies à la main de la St Jean à la Toussaint. Soigneusement lavées, elles sont écrasées au moulin pastelier.

Des centaines de moulins ont parsemé le Lauragais, il en reste d'ailleurs un, intact, au musée du pastel de Magrin (au sud de Lavaur dans le Tarn).
Le moulin est une simple meule de pierre qui tourne dans une auge et qui transforme les feuilles en une bouillie que l'on prépare en boules. Ces dernières sont ensuite placées dans une sorte de séchoir (voir par exemple celui de Magrin). Durcies, elles sont commercialisées surtout vers Toulouse, où se fait la préparation de l'agranat, c'est à dire la matière qui servira dans les cuves des teinturiers. L'agranat est formé de granulats noirâtres, résultat d'une longue préparation et de la fermentation des coques.

 

La "fleur de pastel" recueillie sur le bord des cuves des teinturiers sera utilisée comme pigment pour les Beaux Arts, elle était aussi utilisée par les "peintureux" (nom donné à l'époque pour désigner les peintres des carrosses et bâtiments) sous le nom de bleu charron).

 

 

Il faut noter que le pastel des peintres étaient utilisés en poudre. Ils ne supportaient que très peu l'huile, ce qui permet peut-être d'expliquer le fait qu'il était surtout utilisés en enluminure.
Il faudra attendre la fin du XVème siècle pour voir la peinture sèche prendre son essor en France, et que son utilisation en "crayons" soit avérée.

 

Pourquoi aussi peu de référence au bleu pastel des peintres ?
La corporation des teinturiers était très réglementée et a laissé de nombreux documents sur les pigments et la fabrication des couleurs, alors que celle des peintres n'existait pas. Les secrets des ateliers sur les procédés pour peindre ne seront que partiellement levé au Siècle des Lumières, avec la publication en 1788 du premier "Traité de la peinture au pastel" par Paul-Romain de Chaperon.

 

 

 

Le premier traité de peinture au pastel de 1788



 

Photo Kurt Stüber

 

Le pastel en fleur
Photo: Pethan

 

Un champ de pastel dans le Lauragais

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A cette époque, le commerce du pastel est international : depuis Albi et surtout Toulouse, des marchands pasteliers envoient les balles de pastel vers Bayonne, et de là vers l'Angleterre, les Flandres, les Pays-Bas, l'Allemagne rhénane; même circuit par Bordeaux, le Col du Somport vers l'Espagne, Burgos et la Castille.
Vers l'Est, depuis Toulouse, une autre voie commerciale dirige l'agranat vers Narbonne, Barcelone, Marseille et l'Italie.

Au 16ème siècle, Toulouse est la plaque tournante de ce type de commerce avec des princes du pastel aux noms célèbres pour les toulousains : d'Assézat, Bernuy, Cheverry, ou Lancefoc. Cette richesse a d'ailleurs laissé de nombreuses traces dans l'architecture civile et religieuse du Lauragais et de Toulouse. La plupart des hôtels Renaissance de Toulouse reposent sur des fortunes pastelières. Les capitaux tirés de la production et surtout du commerce du pastel sont investis dans les nombreux châteaux du pastel des 15ème et 16ème siècles (Marquein, Belflou, Espanès, Montmaur, Fajac la Relenque, Ferrals ).

La dîme était perçue sur le pastel, d'où la floraison "d'églises du pastel " (Donneville, Montgiscard, Montesquieu, Montgeard, Nailloux, Villefranche, Baziège, ...).

 

 

La boule de cocagne

 

Enfin les grands propriétaires ont construit, à cette époque, les plus beaux pigeonniers (de Bouyssou à Cintegabelle ou du Fort à Monestrol).

En 1562, les guerres de religion entre catholiques et protestants qui vont ravager le Lauragais et surtout l'apparition d'un produit tinctorial, l'indigo, vont signer l'arrêt de mort de la culture pastelière. L'indigo est tiré d'un arbuste tropical très bon marché, venant d'Amérique et des Antilles avec un pouvoir colorant supérieur à celui du pastel. Malgré les mesures prises par Henri IV qui alla jusqu'à prévoir la peine de mort contre quiconque emploierait l'indigo, le pastel disparaît.

Jean ODOL

Depuis quelques années, le pastel a été réintroduit en Lauragais.
En effet, le G.C.O. ( Groupement Coopératif Occitan ) à Castelnaudary, met en place des cultures chez une dizaine d'agriculteurs , dont le but est de récolter la graine.
Cette dernière est riche en huile, d'une qualité très prisée par les cosméticiens.
Le pastel est donc cultivé en Lauragais, avec un cycle de culture différent de celui pratiqué autrefois.
A l'heure actuelle, il est semé au mois d'Août, fleurit en Avril pour être récolté en Juin.
Le pastel refleurit donc en Lauragais : sa terre de prédilection.

 

 

Référence bibliographique : Jean ODOL  G.C.O. A.VENE  Couleur Lauragais N°2 - Mai 1998

 

Le pastel d'hier... d'aujourd'hui... de demain ?

par Jacques Batigne

 

   Les coques de pastel de notre pays de cocagne, appelé également "triangle d'or" (se situant entre Toulouse, Albi et Carcassonne) ont apporté, à cette époque là, une certaine opulence chez les "marchands pasteliers" ou négociants en pastel. Ceux-ci exportaient le bleu du Lauragais dans toute l'Europe. Ils nous ont légué les splendides hôtels renaissance dans les villes de Toulouse et Albi, et des édifices de moindre importance, tels que des châteaux avec leurs beaux pigeonniers et de nombreuses églises.
Cette plante tinctoriale, de la famille des crucifères (isatis-tinctoria) est à nouveau cultivée dans notre midi toulousain ; sa belle et odorante fleur jaune apparaît sur nos collines ensoleillées au mois de mai.


         C'est ce renouveau du pastel que nous allons aborder.
Il y a une dizaine d'années, une coopérative agricole lauragaise (devenue aujourd'hui le Groupe Coopératif Occitan à Castelnaudary) remettait en culture expérimentale quelques hectares de cette fameuse plante.

 Elle a pour cela collaboré avec l'École Nationale Supérieure de Chimie de Toulouse et son laboratoire des agro-ressources, afin de récolter les graines, car c'est de là que commence une nouvelle histoire aujourd'hui.


        Dans les laboratoires de cette grande école toulousaine, des recherches très poussées sur la graine de pastel ont permis de constater qu'elle renferme 30% d'huile. Celle-ci est composée d'acides gras essentiels polyinsaturés, aux propriétés revitalisantes, diurétiques et même antibiotiques. Quelques années après, ses recherches débouchent sur l'opportunité de fabrication de cosmétiques.

 Parallèlement, il poursuit les recherches sur le plan phytothérapeutique. Un marché est conclu avec la société Bourgeois qui, rapidement, commercialise trois produits cosmétiques contenant de l'extrait de pastel. Deux d'entre eux sont des fonds de teint, vendus sous les appellations : "Teint secret" et "Teint mat".

    Le troisième est un rouge à lèvres : "Rouge Bijou".
D'autres débouchés sont prévus dans l'industrie et peuvent trouver des applications dans l'agro-alimentaire mais aussi dans l'électronique, pour des supports magnétiques et vidéo.

    L'adjonction d'huile de pastel permettrait d'accroître la longévité des pellicules et bandes magnétiques.


          Ces années 1995/96 vont encore marquer un tournant dans la mythique culture du pastel. Alors qu'une cinquantaine d'hectares sont remis en culture dans le Lauragais pour la graine, nous venons de le voir, un couple de chercheurs bruxellois, Denise et Henri Lambert, viennent d'installer dans une ancienne tannerie du XVIème siècle, à Lectoure dans le Gers. Et là, Henri est intrigué par la couleur bleue des volets. Il s'interroge. En quelques années de recherche, il relance à titre expérimental deux hectares de culture de pastel et découvre de nouveaux procédés de fabrication de teintures, mais aussi et surtout de peintures. Ceci, toujours en collaboration avec l'École Nationale de Chimie de Toulouse.
En extrayant le pigment pur des feuilles de la rosette (plante) de pastel par un procédé moins complexe et surtout beaucoup plus rapide (24 heures) que par le passé, Henri Lambert produit une gamme de bleus, dont lui seul a le secret.
Il crée une société "Bleu de Lectoure" et se lance dans un premier temps dans la fabrication à titre artisanal de plusieurs produits chers aux artistes peintres : teintures, encres, peintures, crayons à dessin (fabriqués à partir de la "fleurée de pastel" qui est un concentré d'écume asséchée, mélangé à de la gomme-craie). Il commercialise ses teintures vers la haute couture parisienne. Les robes bleu pastel défileront au travers de tissus innovants chez les grands créateurs de mode. L'année dernière, une grande quantité de pastel est cultivée en Lauragais et avec la complicité d'une cave coopérative du Limousin (pour la macération des feuilles en grande cuve) préfigurent d'une pré-industrialisation de la teinture et surtout de la peinture de pastel. Cette dernière qui résiste à de très hautes températures, pourrait trouver des débouchés dans l'aéronautique et l'astronautique, nous affirme Henri Lambert.


           Nos alchimistes gersois d'adoption doivent être félicités et remerciés d'avoir su redonner un formidable renouveau à l'"Isatis-tinctoria" (nom savant), plante aux feuilles vertes, aux fleurs jaunes à la légère odeur de miel qui produit les couleurs bleues annonçant le pastel de demain.


           Avec le musée du pastel au château de Magrin (près de St Paul Cap de Joux - Tarn), nous avons le passé ; avec les graines de l'herbe du Lauragais pour les produits de beauté, nous avons les extraits d'huile de pastel d'aujourd'hui et avec le "Bleu de Lectoure", nous avons le pastel de demain, celui du futur...

 

Moulin pastelier de Lautrec

 

Moulin pastelier du chateau de Magrin

 

 

 


L'or blanc au Pays de Cocagne laine et pastel en Lauragais
dans la première moitié du XVIème siècle - par Gilbert Larguier

 

 Référence bibliographique : Jacques BATIGNE - Couleur Lauragais N°21 - Avril 2000

 

RETOUR BASTIDE DE REVEL LE PAYS DE COCAGNE

RETOUR VILLES ET VILLAGES - SAINT-FELIX DE LAURAGAIS