L'oppidum de Berniquaut à Sorèze

par Jean Marc Séguier

 

(in Archéologie Tarnaise n°5 – 1990 - publication du Comité Départemental d’Archéologie du Tarn, pp. 111-170.)

 

 

Connu de longue date (1), l'oppidum de Berniquaut a fait l'objet de fouilles importantes entre 1967 et 1974 sous la direction de Jean LAUTIER (2). Malgré une importante masse de mobilier protohistorique recueilli, ce dernier n'a jusqu'à ce jour fait l'objet d'aucune présentation synthétique, à l'exception des fibules du IIème âge du Fer (3), il reste inédit pour l'essentiel (4). Le regain d'intérêt pour la protohistoire tarnaise et le développement des recherches thématiques en cours d'élaboration souffrent de la rareté des monographies de sites, y compris pour ceux fouillés à une date récente, situation d'autant plus paradoxale que le Tarn est particulièrement bien fourni en gisements protohistoriques (5) .Berniquaut étant l'un des plus importants parmi les sites étudiés au cours des deux dernières décennies (6),sera présenté ici le mobilier découvert sur le plateau sommital de l'oppidum (7), en prélude à une série de monographies consacrées à la protohistoire du Sud de l'Albigeois.

I- L'OPPIDUM DE BERNIQUAUT : LE SITE

Aux confins de l'Albigeois et du Lauragais, le versant Nord de la Montagne Noire est, dans son extrémité occidentale, orienté SO/NE et présente de nombreux promontoires dégagés par des vallées encaissées. C'est sur l'un d'eux qu'est implanté l'oppidum de Berniquaut dominant la ville actuelle de Sorèze (8). Le massif est quelque peu dissymétrique, limité par les profondes gorges du Sor au S.0. et de l'Orival, son affluent, au N.E. (fig. 1, n°2). Le site lui-même occupe un plateau escarpé, en forme de croissant, culminant à 568m d'altitude, d'environ 9 hectares de superficie, divisé naturellement en deux parties topographiquement bien distinctes (fig. 2, n° 1). La partie inférieure, dite « Champ de ­manœuvre », en pente douce orienté S.N., qui occupe près des deux tiers de la surface totale du site ; ce secteur domine au Sud la vallée du Sor par des abrupts très raides et au nord se dirige en pentes plus douces vers la plaine de Sorèze. La partie sommitale constitue un plateau séparé du « Champ de manœuvre » par des sautes de rocher assez abruptes ; elle représente un tiers de la surface du site et montre une topographie irrégulière ; elle domine à la fois les gorges du Sor et celles de l'Orival. Son extrémité S.E.- est reliée au reste du massif par un isthme étroit qu'emprunte un chemin de crête qui se dirige vers le versant  audois de la Montagne Noire.

 

Le substrat géologique est constitué par des strates parallèles et relevées de calcaires et de schistes primaires (9) ; le versant Sud comporte plusieurs cavités appelées "chambres de Berniquaut ". Les pentes Nord sont recouvertes d'une forêt de feuillus, alors que le Champ-de-manœuvre porte une lande herbeuse et quelques buissons; le plateau sommital, occupé en grande partie par les ruines du village médiéval, porte lui une lande rase avec bosquets de pins, de buis et une végétation à caractère méditerranéen. Le site archéologique proprement dit montre en surface les vestiges de la dernière occupation, datée du Moyen-âge. Ainsi, dans la zone dénommée ici plateau sommital, plusieurs tronçons du rempart sont visibles tant du côté Nord, où il est le mieux conservé que du côté Sud. Sur ce dernier, le tracé supposé du rempart suit la rupture de pente en bordure du plateau tandis que, côté Nord, en pente plus douce et, en certains secteurs, étagés en terrasses naturelles et artificielles, il se trouve à la base d'un glacis et domine les pentes assez fortes de la forêt de Roquefaillade. Dans l'aire délimitée par la fortification apparaissent des vestiges de murs souvent très ruinés, restes d'habitations médiévales, ainsi que des plateformes correspondant à des terrasses ayant supporté des habitats. C'est dans ce contexte qu'ont été localisées les fouilles récentes (fig. 2, n° 1). Le chantier 1, localisé sur un tronçon du rempart Nord ; le chantier 2 correspond à la fouille d'un bâtiment médiéval qui dominait les pentes Sud ; le chantier 3 correspond à un secteur d'habitat de la fin de l'Age du Fer localisé sur le Champ-de-manœuvre (cf. note 7) ; enfin divers sondages numérotés 4 à 11, qui ont donné surtout des vestiges médiévaux ou qui correspondent à des secteurs perturbés.

 

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(1) On    trouvera une bibliographie complète des travaux antérieurs dans Lautier J. 1977.
(2) Une description générale du site, de l'architecture et des stratigraphies se trouve dans Lautier J. 1977. Une campagne de fouille a été dirigée par M. Passelac en 1979.
(3) étudiées dans Feugère M. 1985.
(4) Pourtant, par sa situation géographique et par le mobilier qui y a été découvert, Berniquaut fait figure de site de référence pour la compréhension des rapports entre le Midi méditerranéen et le sud-ouest de la France. Plusieurs allusions y ont été faites à l’occasion de synthèses régionales – voir par exemple :
Guilaine J. et  Allia, 1986
Passelac M., 1983 a et b
Rayssiguier A. et Séguier J.M., 1984.
(5) Pour le seul IIème âge du Fer, G. Mercadier (1988) signale un total de 64 gisements recensés. Ce chiffre doit être augmenté puisque pour la seule moitié Sud du Tarn, j’ai relevé à ce jour (janvier 1989) plus de 80 sites donc certains, il est vrai, sont difficilement contrôlables.
(6) Je remercie J. Lautier qui m'a autorisé à reprendre l'étude du mobilier protohistorique  dans le cadre d'un mémoire de diplôme de l'EHESS sous la direction de J. Guilaine. J. L a u t i e r m'a facilité l'accès à ses notes manuscrites, rapports de fouilles et inventaires et m'a fourni les clichés de monnaies illustrant cet article . Le mobilier issu de ses recherches est déposé à l'heure actuelle pour partie au dépôt départemental  à Albi et pour partie dans les réserves du musée régional du Parc du Haut-Languedoc à Sorèze.
(7) En 1974, a été fouillée en partie une habitation structurée avec trous de poteaux, foyer, rigoles, du 1 e r siècle av. J.C. sur une partie basse de l'oppidum (chantier 3,  Lautier J. 1977) dite « Champ de manœuvre » (cf.. infra). Cet ensemble homogène, en cours d'étude,     sera publié ultérieurement.
(8) coordonnées    Lambert   III, feuille Revel,       X=578,2 à 579,05  Y=3126,8 à 3127,07.
(9) complexe gréso-schisteux du Géorgien inférieur, calcaire à Archaeocyatus du Géorgien supérieur (carte géologique, feuille de Castres au 1/80000).

II - DONNEES GENERALES SUR L'OCCUPATION

Les fouilles réalisées par J. LAUTIER ont démontré une longue occupation du site depuis la Préhistoire jusqu'au Moyen-âge (10).
Les premières traces d'une fréquentation du site remontent au Chalcolithique - Bronze ancien (11) : habitat (?) sans doute de peu d'importance au moins sur le plateau sommital et sépultures dans les "chambres" et autres petites cavités (grotte Prom-Granier).
Mais c'est avec la Protohistoire que débute une longue période d'occupation du site caractérisée par une alternance d'occupations et de phases d'abandon.
Malheureusement, les stratigraphies n'autorisent pas une distinction niveau par niveau du mobilier. Les premières traces d'une occupation relativement importante sont à placer au Bronze final II-IIIa, mais les vestiges, encore peu nombreux sont cantonnés sur le plateau sommital.
Au Bronze final IIIb, période d'intense occupation, c'est encore la partie haute qui est seule concernée par l'habitat ; si on ne dispose de pratiquement aucune information sur les structures d'occupation, le mobilier est par contre assez abondant.

Une épingle isolée, trouvée dans le chantier 3 en contexte nettement plus tardif permet de s'interroger sur l'existence d'une nécropole sur le Champ-de-manœuvre. Le plateau sommital est encore habité au 1er âge du Fer mais de façon beaucoup moins dense, en apparence, qu'à la période précédente.
Entre le VIème et le IIème siècle av. J.C., l'oppidum semble être abandonné et il faut attendre la fin de l'âge du Fer pour voir s'installer une importante communauté. En l'état actuel des connaissances, c'est à cette époque que l'occupation est maximale en superficie puisque pour la première fois sont occupés, de façon concomitante le plateau sommital et le Champ-de-manœuvre. Les cavités sont à nouveau fréquentées à cette époque à des fins non compréhensibles pour l'instant. Par ailleurs, on ne connait pas encore de sépulture contemporaine sur le site ou aux alentours.
Pour la période du Haut-Empire, on ne peut parler d'habitat, les très rares trouvailles dispersées faites sur toute la surface du site (12) attestent de fréquentations sporadiques (13).
 Par contre, le site est réoccupé de manière relativement conséquente au cours de l'Antiquité tardive comme en témoignent un lot bien fourni de céramiques dérivées des sigillées paléochrétiennes (DSP) grises et oranges et une petite série monétaire couvrant la période comprise entre le milieu du IIIème siècle et le début du Vème siècle de notre ère (14).

Cette réoccupation semble ne concerner à nouveau que le plateau sommital et les cavités mais il est difficile de savoir si elle concerne un habitat permanent ou bien un habitat refuge à caractère temporaire. Si l'on ne sait rien du site au Haut Moyen-âge (15), les vestiges bas-médiévaux sont par contre très nombreux et témoignent du village fortifié cantonné sur la partie haute du site, le "castellare" de "Brunichellis" cité dès 1143 (16) est occupé au moins du XIème au XIIIème siècle. Il semble que le village d'alors se soit limité au plateau sommital mais des cases existent peut-être sur les pentes qui relient le plateau sommital au Champ-de-manœuvre (faubourg situé extra-muros ?).

 III - LES FOUILLES DU PLATEAU SOMMITAL :

STRATIGRAPHIES ET STRUCTURES DU CHANTIER 1

 Dans la plus récente publication (17), la stratigraphie synthétique du chantier 1 est la suivante, de bas en haut (fig. 2, n° 4) :

- couche 4 : Bronze final - 1er âge du Fer
- couche 3 : IIème âge du Fer
- entre les couches 3 et 2 est situé le niveau paléochrétien
- couche 2 : médiéval
- couche 1 : remanié récent et humus

 Il s'agit tout autant d'une stratigraphie théorique, à laquelle sont reliées des étapes architecturales de la fortification et le mobilier, que d'une situation stratigraphique effectivement rencontrée dans certains secteurs de la fouille.

En fait les stratigraphies du Chantier 1 sont, pour le moins, complexes et difficilement exploitables pour les périodes antérieures à l'occupation du Bas-Empire (18).

A cela deux raisons majeures, d'une part elles ont été fortement perturbées par l'édification du rempart et des habitations du Moyen-âge nécessitant des édifications de remblais et creusements divers et d'autre part, les couches de cette zone située en forte pente ont été affectées dans une large mesure par des phénomènes de colluvions très préjudiciables à la conservation des stratigraphies et des structures d'habitat. Par ailleurs, la reconstitution des associations de mobilier d'après les documents étudiés (19) fait ressortir de nombreuses anomalies qui prouvent de nombreux remaniements antiques et modernes (20) et qui poussent à considérer avec prudence les stratigraphies observées(21)

(10) Lautier J., 1977.
(11) Le    mobilier    est peu abondant   : hache    polie, flèche pédonculée en silex, flèche tranchante en quartz, tessons digités, tesson à mamelons superposés, 2 alènes losangiques en cuivre ou bronze.
(12) Quelques tessons de sigillée Sud-gauloise, paroi fine, céramique commune datant de la fin du 1e r siècle  de notre ère ; un moyen bronze de Commode (détermination de Michel Labrousse) peu attester d’une fréquentation du site au 2ème siècle ou appartenir au monétaire  en circulation sur le site dans la basse antiquité.
(13) La nature des fréquentations est difficile à déterminer : pâturages ou exploitation du milieu forestier ?
(14) Antoniniani de Gallienus, Tetricus Ier (2 exemplaires), silique de Valentinien II, monnaie d'Arcadius et     petit bronze de Constance II (déterminations de Michel Labrousse et P.Bécus-Bernet)
(15) période de fondation théorique de l'abbaye de Sorèze.
(16) J. Lautier, 1977, p. 176 signale que "la plus ancienne attestation du site est de 1143 (...) lorsque le vicomte Roger de Béziers donne en fief à Pierre Guilhem et aux Escaffre le Castellare de Brunichellis. Le même acte signale que le village fortifié s'appelait autrefois Verdun (...). Ce nom apparaît dans des actes antérieurs sous les formes Verdunnus, Verdunus,  Verdiminus, Verdinius dans des textes qui en réalité sont des faux fabriqués au XIIème siècle mais dont les noms de lieu gardent toute leur valeur à cette époque".
(17) Les données stratigraphiques ont été synthétisées dans Lautier J. 1977.
(18) les seules auxquelles je me sois intéressé.
(19) très aimablement fournis par J. Lautier.
(20) d'origine aussi bien naturelle qu'anthropique.

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Ces considérations sont essentielles car elles permettent de prendre du recul vis-à-vis des relations entre les couches archéologiques et les phases architecturales du rempart Nord de Berniquaut (22). On rappellera en effet que la couche 4a été mise en corrélation avec une première phase d'édification du rempart ("base des soubassements primitifs") (23) et que la couche 3 est mise en relation avec une seconde phase d'édification de l'ouvrage défensif ("fortifications élevées en utilisant le soubassement primitif") (24).

Ces deux hypothèses méritent quelques commentaires.

La première qui admet de façon implicite l'existence d'une enceinte dès le Bronze final III ou le 1er âge du Fer (25), parait difficile à soutenir. En effet, hormis le cas du fossé primitif de Carsac (26), on ne connait pas d'enceinte, dans le Sud de la France, qui soit attribuable au Bronze final IIIb, tout au plus des murs de soutènement (27) que l'on a du mal à assimiler à de vraies fortifications. C'est au mieux à ce type de structure que peut, à la rigueur, être assimilé le bourrelet de pierraille trouvé à la base de la stratigraphie de Berniquaut et en particulier devant le rempart médiéval à l'Ouest du "bastion", mais avec bien des réserves (28). Par ailleurs, cette couche, formée de gros blocs ressemble à un remblai de terrasse destiné à aplanir une zone déclive pour servir d'assiette à un habitat.

La seconde hypothèse admet de façon explicite l'existence d'un rempart en pierre daté de la fin de l'âge du Fer (29). Cette conclusion repose sur la fouille du "bastion" de l'enceinte médiévale en 1970, où a été trouvée une portion de mur presque totalement démantelé, à double parement et blocage interne (30) dont la liaison avec la stratigraphie est assez incertaine. Celle-ci se compose de 4 couches (fig. 2, n° 3: dessin d'après photo).

 - couche a : humus moderne
- couche b. couche grise avec mobilier médiéval et de l'antiquité tardive
- couche c. couche noire avec lentilles charbonneuses et mobilier du IIème âge du Fer
- couche e : couche rougeâtre avec mobilier mélangé du Bronze final au IIème âge du Fer et peut-être plus récent («verre abondant» d'après le rapport de fouilles).
La couche e est sous-jacente au mur d (et à son éboulis ?) alors que les couches b et c sembleraient s'appuyer sur lui.

 Mais les photos prises à l'époque et le relevé montrent que les liaisons entre le mur d et les couches b-c-e sont peu claires de par la nature du terrain (appui, recoupement ?) ; par ailleurs, le contenu du niveau le plus ancien peut être suspecté d'hétérogénéité sur le plan chronologique. Il y a donc tout lieu d'émettre des réserves sur l'hypothèse d'une enceinte gauloise dans ce secteur du site. D'autant que l'architecture mise en œuvre (mur simple à double parement et blocage interne), pour caractéristique qu'elle soit du Languedoc méditerranée (31) n'est pas attestée dans le Toulousain et l'Albigeois, ni, d'une manière générale, sur la bordure S.0. du Massif Central où les enceintes connues font appel à des modèles différents, connus dans le domaine celtique (enceintes de terre et bois, murs à poutrage interne) (32) (33).

Du reste, existe à l'extrémité Ouest du Champ-de-manœuvre (fig. 2, n° 1) un talus de terre qui peut correspondre à une enceinte de la fin de l'âge du Fer qui est encore à étudier. On comprendrait donc mal que deux techniques aussi différentes aient été mises en œuvre sur le même site et à même époque (bien que des incertitudes chronologiques demeurent) (34).

Les structures d'habitat relevées dans les couches anciennes (4 et 3 de la stratigraphie générale) sont rares et imprécisément datées. Dans la couche 4 ont été signalées (35) des plaques d'argile cuite correspondant à des foyers à sole d'argile installés directement sur le roche (36) ; ce type de structure suppose un aménagement du substrat préalable à l'installation de l'habitat, tout au moins son déblaiement.

Dans la couche 3 (37) il n'a été remarqué aucune structure à proprement parler mais ont été observées des alternances de couches de cendres et de charbons associées à un mobilier abondant (aires de combustion ? dépotoirs ?) et de niveaux stériles. Il semble enfin que, localement, les couches 3 et 4 aient été séparées par un niveau stérile (38).

(21)Celles-ci sont bien réelles puisque observées par les fouilleurs mais les conditions de sédimentation et  de conservation des couches sont telles que la stratigraphie n'a qu'une valeur relative et n'est pas forcément synchrone des phases d'occupation, tout au moins pour les niveaux les plus anciens

(23) ibid.
(24) ibid.
(25)  sans que l'on puisse trancher mais il serait logique de la rattacher à l'occupation la plus importante, soit le Bronze final IIIb.
(26)  Guilaine J. et allia, 1986.
(27) oppida de la Jouffe à Montmirat (Gard) et du Baou-Roux à Bouc­-Bel-Air   (Bouches-du-Rhône) ; voir Arcelin P. et Dedet B., 1985 sur l'absence d'enceinte à aussi haute        époque au Cayla de Mailhac, voir Guilaine J. et allia, 1986, p.179.
(28) d'après le rapport de fouilles et     des photographies datés      de 1971 cette structure constituée de blocs assez volumineux aurait  eu 2 m de large e t aurait  été surmontée par la couche 4. Parmi le mobilier rencontré dans ce secteur figurent de nombreux tessons du BF IIIb mais aussi un gobelet presque complet du BF II et un fragment de vase cylindrique du 1er âge du Fer. Ce mélange donne l'impression qu'en ce point, la C4 correspond à un remblai plus récent que le mobilier qu'il contient.
(29) Lautier J., 1977 p. 180.
(30) bien visible sur les clichés de l'époque ; cf rapport de fouilles 1970, D.A.H. Midi-Pyrénées.
(31) Arcelin P. et Dedet B. 1985.
(32) Buchsenschutz 0, 1984. Jusqu'en Lauragais même où sur l'oppidum du Roc à Villeneuve-la-Comptal, existerait une enceinte à fossé (et peut-être palissade) datée du IIème âge du Fer (?) (Passelac M.,1985, p. 53) dans la tradition des  enceintes de Carsac et de la cité de Carcassonne (Rancoule G., 1985, p. 55).
(33) Cependant on ne peut exclure à priori l'existence de courtines de type méditerranéen dans la région considérée bien que l'architecture    protohistorique, pour très mal connue qu'elle soit, semble faire appel majoritairement à la terre et au bois.
(34) tout au moins dans une même ambiance chrono culturelle.
(35) Lautier J., 1973 (manuscrit inédit) ; appelée couche 5.
(36) ce type de foyer est connu au 1er ag e du Fer sur l'oppidum de la Liquière (Py M.,   1984).
(37) Lautier J., 1973 ; appelée couche 4.

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IV - ETUDE DU MOBILIER PROTOHISTORIQUE

Avant de présenter en détail le mobilier, il convient de préciser quelques points de méthode. Le matériel provient dans sa presque totalité du chantier 1 ; quelques éléments trouvés en d'autres points du plateau sommital y ont été joints. Il ne sera présenté aucun décompte statistique étant donné les conditions de gisement, seulement quelques estimations lorsque cela est possible. Le mobilier de la couche 4 est issu du mélange des vestiges de trois périodes différentes (Bronze final II-IIIa, IIIb, ler âge du Fer) et c'est sur des bases purement typologiques qu'il a été scindé en trois lots différenciés sur le plan chronologique (39). On pourra toujours discuter de l'opportunité de tel ou tel classement, la partition réalisée doit approcher de très près la réalité c'est par l'expérience acquise sur divers sites du Sud du Tarn que repose, par exemple l'attribution des coupes tronconiques rustiquées au Bronze final IIIb et celle des coupes arrondies au 1er âge du Fer (40) ; de même, la plupart des vases décorés d'incisions ou d'impressions fines pointillées ont été attribuées au Bronze final IIIb alors que ces décors perdurent localement au 1er âge du Fer mais y sont statistiquement beaucoup plus rares (41). Par ailleurs on a essayé de représenter le plus de mobilier possible mais certains éléments tout à fait atypiques (quelques décors digités) ont été volontairement écartés parce que jugés trop peu discriminant sur le plan chronologique, malgré l'intérêt que peuvent présenter de tels documents lorsqu'ils proviennent de contextes fiables et homogènes.

Le mobilier est présenté selon l'ordre chronologique de l'âge du Bronze final à l'âge du Fer.

V- LE MOBILIER DU BRONZE FINAL II – IIIa

Comme il est fréquent sur les gisements contemporains, la céramique présente d'excellents caractères techniques : pâte fine, bien épurée, surfaces noires polies, spécifiques de la vaisselle fine. Les caractères techniques les plus marquants sont la fréquence des bords profilés, agrémentés de méplats et cannelures légères, et les épaulements de vases soignés. L'échantillon de vases attribuables à cette période est réduit à une trentaine de récipients (fig. 3). Les formes fermées sont représentées par des urnes à col court, bord facetté et paroi bombée (n° 1,2,10,19) dont un exemplaire orné d'oves imprimées (n°1), par un fragment de jarre carénée à décor digité (n°9) et par un bord d'urne sans col à bord rentrant facetté (n°23). Ces vases, de volumes plus ou moins important (il y a sans doute un déficit des jarres par rapport à la population d'origine) renvoient à des modèles connus au Bronze final II ; c'est le cas, en particulier, pour la jarre, d'un type sans doute proche des grands récipients de la Cauna-de-Martrou à Mas-de-Cours (42) ou du vase sans col, forme peu typée il est vrai, que l'on retrouve avec un bord facetté à Pech Egos à Penne (43) .

Les urnes à col court rappellent celles de Pech-Egos (44) et de Camp-Redon à Lansargues dont les bords sont moins facettés (45). Parmi les formes basses, on retiendra la fréquence relativement élevée des jattes carénées à épaulement cannelé (n°3-b) et des jattes à col cylindrique à décors de cannelures (n°5) ou d'incisions (n°14), aux bords très facettés ou cannelés (n°12-15-20-22). Si le premier type est plutôt caractéristique du Bronze final II (46), le second serait plutôt à placer au Bronze final IIIa (47). Parmi les coupes tronconiques à polissage interne et externe (48), on peut distinguer trois variantes ; la première à bord épaissi facetté formant un talon interne (n°24-25), la seconde à bord facetté simple (n°28-30) et la troisième à bord aminci à nombreuses cannelures fines (n°26-27). Enfin, trois gobelets illustrent bien la datation ambigüe de la série : l'un à col haut et épaulement court cannelé (n°6), stylistiquement Bronze final II, est proche d'une jatte étroite de la Cauna-de-Martrou (49) ou du gobelet de l'incinération GV16 de Barbuisse-Courtavant (50) ; un autre, à col court déjeté et panse arrondie cannelée (n°7) se rapproche d'un vase du Laouret à Floure-Minervois, daté du Bronze final IIIa (51) ; le dernier (n°8) renvoie à la même forme. Si cet ensemble est chronologiquement homogène (ce qui est loin d'être acquis) il peut appartenir à un Bronze final II évolué ou à un Bronze final IIIa ancien. En ce sens, l'absence de motifs cannelés en torsades ou guirlandes interdit de lui attribuer, une datation haute ; de même, l'apparente rareté des incisions interdit d'abaisser trop la datation. Toutefois, les conditions de gisement et l'indigence de la série sont telles que l'on ne saurait aller bien loin dans l'analyse de l'ensemble, d'autant que certaines formes sont manifestement sous-représentées (jarres et urnes) ce qui limite les comparaisons avec les sites contemporains.

38) en outre, j'ai retrouvé dans les réserves du musée de Sorèze une certaine quantité de torchis brûlé avec empreintes de clayonnage qui proviendrait d'un niveau protohistorique non précisé de Berniquaut.
(39) sur les bases de la typologie conventionnelle et en fonction de l'expérience acquise sur divers sites de la région, en particulier des nécropoles ainsi que sur la foi du témoignage des rapports de fouilles de Berniquaut.
(40) l'étude des nécropoles et dans une moindre mesure celle des habitats montre que, dans le Sud de l'Albigeois, les coupes tronconiques rustiquées sont nombreuses au BF IIIb et se raréfient au 1er âge du Fer tout en évoluant nettement: raréfaction des méplats internes, évolution de l'aménagement des surfaces externes (lissage plus fréquent au 1er âge du Fer), évolution du profil (plus volontiers rectiligne au 1er âge du Fer) et de la lèvre (biseautée et profilée au BF IIIb, plus souvent arrondie au 1er âge du Fer).
(41) Sur ce point, voir Rayssiguier A. et Séguier JM., 1984 ; cette approche statistique a été largement confirmée par les découvertes ultérieures ; dans les ensembles funéraires, la proportion de vases décorés passe de 40-60 au BF IIIb selon les sites, à moins de 10  le plus souvent au 1er âge du Fer.
(42) Gasco J.,1983.
(43) Gasco J.,1985.
(44)Carozza L. et Gasco J., 1988.
(45) Dedet B., 1985.
(46)Guilaine J.,1972 ;GascoJ.,1988,fig. 3.
(47) Guilaine J.,1972 ; par exemple au Baous de la Salle à Bize
(48) inconnues au périodes plus récentes.
(49) Gasco J.,1983.
(50) Piette J. et Mordant C.,1988.
(51)Guilaine J.,1972.

VI - LE-BRONZE FINAL IIIb (52)

VI.1 - La céramique :

Les pâtes des vases sont d'aspect assez divers, incluant des dégraissants (calcaire, quartz, mica) relativement bien calibrés mais parfois inégalement répartis, Les teintes des vases sont variables, en général plutôt claires, tirant sur le gris ou l'orangé, ou bien sombres. La fabrication sur le site même n'est pas exclue car certains tessons sont manifestement des ratés de cuisson, à pâte légère, bulleuse; parfois déformés (fig.8, n°20) ; par ailleurs, ont été recueillis des fragments de torres et un fragment de sole perforée en torchis cuit, qui pourraient être des accessoires d'enfournement et un fragment de four (53).
Il est possible de distinguer 7 grandes séries de formes: urnes, urnes sans col, coupes tronconiques, jattes bitronconiques, jattes à épaulement, gobelets et microcéramique (fig.4 n°9).La forme la plus fréquente sur le site est l'urne dont il existe plusieurs variantes de forme et de volume. La plus abondante est une urne à panse arrondie dont l'épaulement porte des méplats ou cannelures larges (fig.4, n° 6-7 ; fig. 5, n° 3-5-6 ; fig. 8, n° 7-8-14-15-17-21-23-25).
Cette forme est presque toujours décorée à la base de l'épaulement d'incisions géométriques (fig. 4, n°6) parfois combinées avec des zoomorphes (fig. 4, n°7) ; impressions pointillées réalisées à la cordelette illustrant des motifs divers comme la ligne simple (fig. 8, n° 20-23-24), le pendentif (fig. 8, n° 2-6-9) ou les zoomorphes (fig. 8, n°7-8); impressions pointillées réalisées au peigne (fig. 9 n°4-7-8); impressions diverses (fig. 8, n° 14-18); incisions courtes obliques; estampage d'une tige creuse (fig. 7, n°23).
Les types de cols et de bords équipant cette forme sont variés (fig. .5, n° 3-5-6 et fig. 6, n°1-13) (54).
Cette forme existe dans un format plus réduit (fig. 8, n°13), décorée à la cordelette (55). Une autre forme est représentée par une série de vases à panse arrondie moyenne, à col court de profil convexe, ornée d'incisions courtes et d'impressions en oves (fig. 5, n° 1-2-4-7) Il existe enfin une dernière forme, galbée et à profil sinueux, à décor incisé situé au niveau du diamètre maximum de la panse, de zoomorphes, anthropomorphes, carrés à diagonales et motifs complexes (fig. 7, n° 14-19).
Une grande urne sans col est ornée de cannelures obliques et d'incisions simples, dans la tradition du Bronze final II-III (fig. 6, n° 15). Un second vase est à rattacher à cette forme, rare par ailleurs (fig. 6, n°16).
Les coupes tronconiques paraissent nombreuses (56) et toutes sont rustiquées extérieurement alors que l'intérieur, soigneusement lissé ou poli, porte méplats et larges cannelures (fig. 6, n°17-23). Les moyens de préhension sont des mamelons sous le bord (fig. 6, n°25) ou des languettes horizontales collées à la lèvre (fig. 6, n° 31-32). Un exemplaire porte trois registres de triangles emboités incisés au double trait et sur le fond une cupule associée à un motif cruciforme cannelé (gig. 4, n°5) ; un autre montre des triangles incisés imbriqués (fig. 7, n° 18).
Les jattes bitronconiques, moins fréquentes, sont parfois lisses (fig. 9, n°22-26) mais le plus souvent décorées d'incisions au simple ou double trait (fig. 7, n° 1-13) : méandres symétriques (n°          2-3-10,13), triangles hachurés (n°9-11), chevrons (n°5), zoomorphes (n°1) ou autres (n° 4-6-8-12). Trois d'entre-elles portent un décor de cannelures fines (fig. 9, n°9-20-21) associées dans un cas à un motif au peigne ou à la roulette.
Les jattes à épaulement sont toujours décorées, qu'elles soient à carène anguleuse ou adoucie (fig.8, n°1-16-22 ; fig.9, n°2-9-10-13-19). Les décors sont :

impressions fines à la cordelette (fig.8,n°22) avec pendentifs (fig.8, n°1-16) ;
impressions fines à la roulette (fig.9, n°2), au poinçon (fig.9, n°13) ;
rangées d'incisions courtes (fig.9, n°9-10), métopes cannelées (fig.9, n°19).
Les gobelets appartiennent à des formes classiques au Bronze final IIIb, à panse arrondie ou légèrement carénée (fig. 9, n°27-29). L'un d'eux est rustiqué au contact col-panse (n°28) et un autre porte un décor incisé en métope (fig.7, n°17) (57).
La microcéramique est représentée par un petit récipient à bord resserré, embouchure étroite, décor de cannelures et d'incisions au double trait (fig.7, n°22), vase de fonction inconnue.
Enfin, parmi les fusaïoles de la couche 4, figure un fragment en tonnelet décoré d'incisions courbes (fig. 7, n°15) qui peut relever de cette période.

(52) Je conserve ici l'appellation consacrée pour le Sud de la France et introduite par J. Guilaine (1972) qui définit le groupe Mailhac I ou les groupes contemporains. Mais il ne fait guère de doute aujourd'hui que le groupe Mailhac I pour le Languedoc et le BF IIIb en général en France représente une césure chrono-culturelle importante par rapport aux groupes antérieurs du BFII-IIIa (voir par exemple Brun P., 1986); il faut donc sans nul doute voir en lui les premières manifestations du 1er âge du Fer. Mais ces caractères culturels propres, en particulier dans le domaine de la céramique et des productions métalliques, obligent à le démarquer nettement des groupes du VIIème siècle et autorisent à conserver l'appellation traditionnelle. Pour ma part, je distinguerai un 1er âge du Fer au sens large, incluant le BF I I I b et au 1er âge du Fer au sens strict dont les débuts sont synchrones du faciès Grand-Bassin I en Languedoc occidental (Louis et OdetteTaffanel, 1958) et  du faciès Suspendien en Languedoc oriental     (Coste A. et allia, 1976; Py M.,1984).
(53) sur ce type de mobilier, voir par exemple Py M., 1984 ; la fonction de ces objets, souvent associés à des restes de fours à sole perforée est discutée;  ils ont pu être utilisés dans des fours à poterie ou des fours culinaires.
(54)cette forme est attestée dans les nécropoles de G o u r j a d e à Castres, de la Traytié à Lautrec (inédits) et de la Génibrette à Lautrec (Séguier JM.,1988).
(55) forme connue à Gourjade avec un décor à la cordelette (inédit, fouilles personnelles).
(56)comme sur les autres habitats contemporains de la région; sans qu'il soit possible de calculer un pourcentage, cette forme semble représenter sur les habitats entre un tiers et la moitié des récipients.
(57) même forme, même aménagement et même décor sur des gobelets des nécropoles de Gourjade et la Traytié (inédit).

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VI.2 - Le métal :

La couche 4 a fourni quelques éléments de parure en bronze qu'il faut sûrement rattacher au Bronze final IIIb : deux perles globuleuses (fig.4, n°2-3), une perle annulaire (fig.4, n°1) et un bracelet lisse fermé à section ovale (fig.4, n°4) (58).
L'épingle en bronze du Champ - de – manœuvre, à petite tête cylindro-conique et à col orné d'incisions fines horizontales (fig.4, n°8) appartient à un modèle bien connu dans les stations littorales des lacs alpins (59) mais rare en Languedoc (60).

VI.3 - Synthèse :

L'ensemble Bronze final IIIb de Berniquaut est conforme à ce que l'on connait des sites contemporains de l'Albigeois, essentiellement des nécropoles à incinération (61).
La céramique montre un faciès associant deux composantes culturelles, caractérisées l'une par un ensemble d'éléments appartenant à un fond local typique de l'Albigeois, et l'autre par des éléments bas-Languedociens, de style Mailhac I.
Au rang des premiers on peut classer les jattes à épaulement, les décors pointillés réalisés à la cordelette, au peigne ou à la roulette, les décors de pendentifs et les jattes bitronconiques à bord cannelé. Les éléments Mailhac I sont surtout représentés par le décor incisé au trait simple ou double reprenant les thèmes chers à ce façiès culturel, à savoir les zoomorphes et anthropomorphes schématiques et les motifs géométriques qui leurs sont souvent associés en compositions complexes (62) et certaines formes de vases comme les gobelets et les types d'urnes. La symbiose de ces deux courants culturels est illustrée par l'interprétation locale de certains motifs de style Mailhac I. Ainsi en va-t-il des zoomorphes schématiques traités à la cordelette ; de même, l'utilisation du trait simple large pour le traitement de certains motifs mailhaciens pourrait-elle être considérée dans ce sens (63). Par ailleurs, la persistance de décors de cannelures légères (croix, métopes) est un phénomène connu en Bas-Languedoc (64) et bien dans la lignée du Bronze final IIIb (65)
Sans vouloir dépasser le cadre d'une monographie, il me semble nécessaire de s'interroger, fut-ce à titre préliminaire, sur la signification des éléments Mailhac I de Berniquaut. En d'autres termes, Berniquaut se trouve-t-il inclus dans l'aire d'extension de la culture Mailhac I ou seulement dans son aire d'influence ?
 On ne se trouve peut-être pas suffisamment armé à l'heure actuelle pour répondre à cette question, d'autant que la situation est complexe au regard de ce problème, mais, au moins, peut-on tenter une approche de la question (66).
Les sites connus dans le sud du Tarn accusent des situations diverses quant à la fréquence relative des éléments Mailhac I lorsqu'ils en comportent. Si l'on s'en tient aux seuls décors typiques de ce groupe, c'est la nécropole de la Traytié à Lautrec (inédite) qui en a fourni le plus : 18 vases ornés dans ce style soit exactement 50 % des vases décorés, c'est-à-dire une proportion nettement plus forte que sur certains sites du Bas-Languedoc (67).
Sur les autres sites où ils sont connus, ces décors se limitent pour l'instant à quelques exemplaires et sont nettement minoritaires par rapport aux autres décors (incisés géométriques comme les méandres ou les triangles hachurés ; style pointillé à la cordelette, etc) (68). Enfin d'autres sites semblent ignorer ou n'accorder qu'une part extrêmement réduite à ce type de décor (69). Dans ces conditions, il est délicat de tirer des conclusions (70), mais de façon générale, on peut suggérer que le faciès Bronze final IIIb du Sud-Albigeois appartient bien à une mouvance culturelle du groupe Mailhac I tout en ayant développé des caractères propres perceptibles tant dans le domaine de la création céramique que dans celui des productions métalliques (71), constituant ainsi un faciès local original de ce groupe (72). Berniquaut, gisement situé le plus au Sud-est de ce faciès Sud-Albigeois, aux marches du Lauragais, témoigne assez nettement de cet état de fait, offrant quelques unes des compositions les plus typiquement mailhaciennes du Tarn (73).

 

(58) modèle connu au BFIIIb, par exemple dans la nécropole de Las Fados à Pépieux (Louis et Odette Taffanel, 1958).
(59) groupe G de Audouze F. et Courtois J.C., 1970.
(60) une  épingle de ce type dont le col est orné d'incisions plus complexes provient de las Fados (Louis et OdetteTaffanel, 1958).
(61) outre Gourjade, laTraytié et la Génibrette, on signalera l'oppidum de Cordouls à Puylaurens (inédit) et    les habitats ouverts du Lautrécois, eux-aussi en cours d'étude.
(62) sur   les styles décoratifs du groupe Mailhac I, voir Guilaine, 1972 et pour le Languedoc oriental, voir la documentation exceptionnelle issue des habitats lagunaires de la région de Mauguio (Prades H., Dedet B. et Py M., 1985).
(63)l'utilisation du trait simple pour la réalisation de zoomorphes et anthropomorphes pourrait être un signe de marginalisation relative par rapport    au Mailhac  I  typique, dans ce sens milite le décor de la jarre de Lestrade à Mireval-Lauragais (Passelac M., 1983b) et le fait que tous les décors mailhaciens de la nécropole de la Traytié à Lautrec soient traités au trait simple, parfois à la limite de la cannelure étroite, comme sur certains vases de Berniquaut. Le trait simple est connu dans le Mailhac I vrai, au Moulin par exemple, mais dans des proportions plus faibles semble-t-il. Je ne crois pas que la substitution du trait simple au double trait soit uniquement liée au volume des récipients comme le suggère M. Passelac (1983b) puisque            dans le castrais ce sont surtout de petits vases qui sont ainsi ornés. Par contre a-t-elle une signification chronologique? Ou bien cela est-il plutôt affaire de tradition et de personnalité culturelle?
(64) à las Fados par exemple (Louis et Taffanel, 1958).
(65) mêmes observations à Gourjade, Cordouls et la Traytié, pour la zone tarnaise et jusqu'au Cluzel à Toulouse (Müller A., 1979)
(66) je     ferai appel, une fois encore, à des ensembles inédits de découverte récente.
(67) à las fados d'après la publication de Louis et Taffanel (1958) en ne comptant pas les méplats sur épaulement et en ne comptant pas les vases hors-tombes, on obtient un total de 7 vases de style Mailhac I sur 37 vases décorés.
(68) cas de Cordouls et de Berniquaut.
(69) cas de Génibrette (Séguier JM., 1988) et de G o u r j a d e (sur ce dernier site : Giraud J.P . , 1988 signale des méandres symétriques et des incisions géométriques).
(70 voir ce qui avait été déjà pressenti sur une base documentaire bien plus faible dans: Rayssiguier A. et Séguier J.M., 1984.
(71) Séquier JM., à paraître.
(72) les convergences entre les deux faciès sont, à mon sens, trop nombreuses pour que l'on puisse se contenter de parler d'influence, encore que ce genre de concept soit toujours à définir clairement.
(73) on notera qu'au contraire, le Nord de l'Albigeois semble ignorer presque totalement le décor figuratif schématique de type Mailhac I dont la limite Nord de diffusion semble coïncider à peu près avec la vallée du Dadou (Rayssiguier A. et Séguier JM., 1984). Les décors schématiques du Centre-Ouest de la France, de datation similaire, sont bien différents sur le plan stylistique (Gomez J., 1978).

VII - LE MOBILIER DU Ier AGE DU FER

Il est beaucoup moins abondant que celui de la phase précédente et se compose également de fragments de vases et de quelques parures métalliques.

VII.1 - La céramique :

Techniquement, la céramique non-tournée de cette phase est peu différente de celle de la phase précédente. L'aspect des pâtes et dégraissants est le même ; on notera seulement que les vases de teinte ocre ou orangée sont plus rares mais la série reste numériquement limitée pour que ce phénomène ait une signification technologique.
Les urnes se partagent en cinq séries représentées chacune par un petit nombre d'individus. La première série comprend des urnes à col court divergent et paroi peu galbée autant que l'on puisse en juger par les fragments conservés (fig.10, n°2-4-10-12 et peut-être 14). Ces vases sont décorés au contact du col et de la panse soit d'impressions fines obtenues à la roulette (fig.10, n°2-12), soit d'impressions plus larges (fig.10, n°10-11), soit de cordons imprimés avec parfois un peignage de la panse. On connait aussi une urne à panse arrondie galbée et col divergent (fig.10, n°1), une urne à profil caréné à cordon imprimé au poinçon double (fig.10, n°13) et trois bords d'urnes à col convergent (fig.11, n°17­-19).
Quant aux urnes sans col, elles sont représentées par trois vases décorés d'incisions courtes obliques (fig.11, n°7-9) agrémentés de mamelons.
La présence du vase cylindrique, si caractéristique du 1er âge du Fer local est attestée par un bord (fig.11, n°20), un fond et au moins deux anses à section carrée.
Les vases bas sont surtout des coupes et coupelles arrondies à bord divergent, droit ou convergent (fig.11, n°1-6) dont une porte une anse horizontale.
Les coupes tronconiques rustiquées pourraient persister à cette période (fig.11, n°10-13), accompagnées d'exemplaires à paroi externe lissée et bord aplati (fig.11, n°11-12).
Les gobelets sont représentés quant à eux par des récipients arrondis à col très court (fig.11, n°15-16).
On signalera enfin trois éléments très intéressants (fig. 11) : deux pieds hauts cylindriques ayant pu équiper des urnes ou des coupes (fig. 11, n°8-9) et un tesson d'urne ou de gobelet à décor excisé comportant des chevrons et peut-être des dents de loups (fig.11, n°14).

VII.2 - Le métal :(fig.10)

Un fragment de bracelet fin en bronze (n°7) portant un décor incisé de groupes de traits verticaux et un chevron rayé appartient à un type commun dans les contextes du Bronze final IIIb et du 1er âge du Fer.
Un fragment de bracelet fin ouvert en bronze, à section asymétrique porte un décor original de chevrons alternés contenant des groupes de trois courts traits verticaux (n°5).
Le dernier élément est un fragment de torques ou de bracelet en bronze à cannelures longitudinales (n°6).

VII-3 - Synthèse :

La datation de cet ensemble est chose relativement peu aisée dans la mesure où les points de comparaison avec les nécropoles à incinération, seuls éléments de référence au plan local, sont limités et où l'on ne sait pas si ce mobilier correspond à une seule et unique période d'occupation. Les urnes à col très développé et panse surbaissée des sépultures du VIIème et du début du VIème siècle av. J.C. (74)  semblent faire défaut ici mais cela est peut-être dû à la grande fragmentation de la céramique.
Mais certains vases tels que les urnes peu galbées à col court sont bien dans la tradition des nécropoles de la fin VIIème - début VIème siècle (75). Par ailleurs, localement le développement des urnes sans col semble être le fait, principalement, des groupes du VIème siècle (76). De même, les vases à pied tronconique ou cylindrique haut, apparus dès le VIIème siècle (77), connaissent un important développement dans la première moitié du VIème siècle (78). C'est dans cette fourchette chronologique qu'apparait la céramique à décor excisé en Languedoc (79) avec, cependant, des exemplaires un peu plus tardifs au Cluzel à Toulouse (80). Il me semble donc possible, dans l'état actuel de la documentation, de placer la série céramique au VIème siècle av. J.C. mais cependant pas plus tard que les environs du milieu du siècle du fait, entre autre, de la persistance des décors pointillés et de l'absence des coupes et gobelets carénés qui deviennent nombreux dans les nécropoles à cette époque là.
Parmi les parures en bronze, l'une (n°7) donne une note ancienne puisque ce type de bracelet apparaît au Bronze final IIIb (81) mais persiste largement au ler âge du Fer (82) ; une autre (n°6) donnerait au contraire une note plus récente puisque en Aquitaine les torques à cannelures couvriraient la fin du VIème et le Vème siècle (83), mais une datation aussi basse parait difficilement compatible avec le contexte céramique.

VIII - LE MOBILIER DU IIème AGE DU FER

Ce mobilier, abondant, provient dans sa presque totalité de la couche 3 du chantier 1 qui parait, dans l'ensemble et à quelques exceptions près relativement homogène. On notera que, contrairement au matériel de la couche 4 qui est très morcelé, celui-ci, quoique fragmenté, comprend des récipients remontables en grande partie ou intégralement ce qui suppose une moindre dispersion de moindres contraintes mécaniques et des conditions de sédimentation différentes.

(74) urnes funéraires des nécropoles de la Gayé (Bordenave J., 1972) de Barthou (Rayssiguier A. et Séguier JM.,1984).
(75) Barthou par exemple (ibid.).
(76) nécropole d'Orsière à Puylaurens (inédit, fouille personnelle) pour la 1ère moitié du VIème siècle, nécropole de Sainte-Foy à Castres pour une datation plus incertaine (inédit, collection musée Toulouse-Lautrec à Albi ; je remercie J. L a u t i e r qui m'a facilité l'accès aux collections de Protohistoire du musée d'Albi).
(77) à la Gayé par exemple (Bordenave J., 1972).
(78) à Orsière en particulier où ces      pieds équipent des urnes et des coupes arrondies.
(79) Dedet B., 1980; voir également      les tessons excisés de Carsac dans Guilaine J. et allia, 1986.
(80)Muller A., 1979 (dans un contexte de la fin du VIème ou du début du Vème siècle).
(81)par    exemple  à Las Fados (Louis et Odette Taffanel, 1958); dans le Tarn voir les fragments de la T2 de la Génibrette (Séguier J.M . , 1988) .
(82) dépôt du Peyré à Sabarat, Ariège (Guilaine J.,1972); tumulus G9 de Cazevieille, Hérault (Gasco Y.,1984).

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VIII.1 - La céramique non tournée :

Deux formes seulement sont attestées : l'urne et la jatte à bord rentrant.
L'urne (fig.12 et fig.13, n°1-19-22) est la forme dominante assez stéréotypée, avec un col court, droit, un bord légèrement éversé et souvent épaissi et une panse régulièrement arrondie. A de rares exceptions près (fig.12, n°2), les urnes présentent une différence de finition entre le col toujours poli ou lissé et la panse habituellement rustiquée ou peignée. Les décors, relativement nombreux, sont variés : impressions rondes (fig.12, n°1-2) ou losangiques (fig.13, n°4-5-14), impression d'une baguette creuse refendue (fig.12, n°8), ou d'un peigne (fig.12, n°4), cannelures étroites (fig.13, n°1-12), incisions courtes (fig.2, n°6-10 ; fig.13, n°15-18), ondes tracées au peigne (fig. 13, n°13-16-19). Un tesson est orné à l'aide d'une roulette ou d'une molette à dents triangulaires (fig.13, n°17) (84). Le diamètre d'ouverture de ces récipients varie, sur 24 exemplaires mesurables de 9 à 25 cm avec un maximum d'individus entre 16 et 21 cm.
Les jattes à bord rentrant sont peu nombreuses (fig.13, n°20-21-23-26) et associent une variante arrondie à une variante plus tronconique.

VIII.2 - La céramique tournée grise :

Elle est nettement plus abondante que la céramique non-tournée (environ deux fois plus) et fait appel à une gamme de formes plus étendue. Il n'y a aucun indice permettant de croire à une production indigène. Il y a une assez grande diversité de teintes de la pâte, en général fine et bien épurée, contenant comme dégraissent des grains blancs, du mica et de la chamotte ; la dureté de la pâte est également variable, de même que la finition des surfaces qui montrent lissages, polissages et engobages.
La forme la plus abondante est la jatte à bord rentrant (fig.14, n°1-11) dont le diamètre varie de 15 à 35 cm avec surtout de grandes vasques de 25 à 35 cm. Contrairement à ce qui a été observe dans le Toulousain et la Vallée de l'Aude (85), le bord externe n'est pratiquement jamais rainuré (un seul cas . fig.14, n°7).
Une autre forme fréquente est la jatte profonde à profil de S à lèvre éversée (fig.15, n°1-7). Une forme proche mais moins galbée est connue à la Lagaste (86). Ces vases sont en général polis et décorés soit d'incisions fines, soit "a stralucido" (au brunissoir).
Les autres formes basses sont connues à petit nombre d'exemplaires : coupes tronconiques (fig.15, n°13-14), couvercle ou coupe décorée d'une onde "a stralucido" (fig.15, n°16) ; petite coupe carénée (fig.16, n°21) ; jatte carénée (fig.15, n°8); faisselle à fond conique. Le répertoire des formes basses connait aussi des imitations de céramique à vernis noir : trois patères imitant la forme Lamb.36 (fig.14, n°12-14) et imitation de la forme Lamb.27b -c (fig.15, n°15). Un fond de vases ouvert porte une croix gravée après cuisson sous le pied (fig.15, n°12).
Deux bords appartiennent à des vases cylindriques ou tronconiques profonds, dont un décoré "a stralucido" (fig.16, n°17-18) (87).
Le groupe des vases fermés comprend des urnes dites "ovoïdes" et des balustres (fig.16, n°1-16 ; fig. 17, n°2-9) dont un vase décoré "a stralucido" (fig.17, n°2), une urne carénée (fig.17, n°1), un gobelet étroit (fig.17, n°10) ainsi qu'un fragment de vase à col renflé (fig.16, n°20).
On signalera enfin un bord de vase à engobe blanc-crème épais dont la pate, riche en mica, ne diffère en aucune façon de celle des autres céramiques grises tournées (fig.16, n°19).
Dans l'ensemble, cette céramique est conforme au répertoire de la céramique grise tournée régionale dont quelques ateliers sont connus (88). Il semble qu'à Berniquaut existe un faciès local caractérisé par l'absence (provisoire ?) de l'urne peignée tournée, la rareté des jattes carénées, celle des rainures sur les jattes à bord rentrant et la fréquence relativement élevée des jattes a profil en S (89).

VIII-3 - Récipients de stockage et mortier :

Les dolia sont peu nombreux et de dimensions assez modestes (fig.17, n°3-7) ; ce sont des récipients tournés à pâte brune ou grise, à dégraissant sableux riche en mica, sans doute de fabrication locale. Les bords sont droits, repliés ou aplatis (90)
Un curieux mortier (fig.17, n°8), de teinte brun-gris à orangé porte un cordon pincé et une onde incisée sur la lèvre. Ce vase, tourné, d'un type unique à ma connaissance, peut-être inspire des mortiers italiques, contient un dégraissant de petits graviers, calcaire pilé et parcelles de schiste ; il peut s'agir d'une fabrication locale également.

VIII.4 - Céramiques fines importées :

VIII.4.1 - céramique à vernis noir :

Les fouilles du plateau sommital ont livré une cinquantaine de fragments de céramique à vernis noir; deux seulement appartiennent à la campanienne B et tous les autres à la campanienne A.

Campanienne A.
Les pâtes sont généralement tendres, de teinte brun-rouge à rose-brun, avec un vernis noir mat à reflets irisés; les traces de tournassage sont fréquentes. Certains récipients portent de nombreux trous de réparation. La forme la plus fréquente est la coupe Lamb.A 27B (fig.18, n°1-4-6-9-13). Le bol Lamb. A 27b-c est représenté par au moins un exemplaire (fig.18, n°10 et peut-être n°21).

(83)cependant la chronologie de ce type d'objet est loin d'être claire et le classement systématique à la fin du 1er âge du Fer / début IIème âge du Fer (Mohen JP.,1980)n'est pas toujours convaincant.

(84)l'usage de la roulette pour le décor d'urnes est attesté également à Castres dans le puits funéraire de Lameilhé (CERAC,1968- 19­69).
(85) Fouet G., 1970 ; Rancoule G.,1970.
(86)Rancoule G.,1970 ; fig. 18, n° 20D.
(87) ibid. fig. 19, n° 36.
(88) entre autres à la Lagaste (Rancoule G.,1970) ; à Montans  (CERAM, 1988); près de Castelnaudary (Passelac M.,1983a).
(89) cependant, il   n'est pas certain que la céramique tournée grise de Berniquaut provienne d'un atelier unique. Il est possible d'imaginer que les centres producteurs étaient plus nombreux que ce que les découvertes laissent croire. On ne peut, du reste, que regretter l'absence d'étude de synthèse sur ces productions, A Berniquaut, il n'y a aucune trace de fabrication locale.
(90) sur le Champ-de-manœuvre, dans le chantier 3, existent des dolia tournés incluant dans la pâte des scories de fer pilées (observation identique sur un dolium du Haut-Empire de G o u r j a d e à Castres - inédit).


Quatre bords appartiennent à la coupe Lamb. A 33b (fig.18, n°14-17). La patère Lamb A 5/7 est représentée par un bord et un fond incisé (fig.18, n°6-18). On connait également deux bords et un fond du bol Lamb A 31b (fig.18, n°19-20-24) dont deux éléments à filets blancs surpeints. Certains fonds (fig.18, n°4-22-23) portent des cercles incisés. Enfin, on signalera un jeton taillé dans un fragment de paroi (fig.18, n°12).

Campanienne B.
Dans cette catégorie on ne connait que deux tessons à pâte jaune et vernis noir mat de bonne qualité : un fragment de patère Lamb B 5 (fig.18, n°25) et un tesson portant un graffito gravé (fig. 18, n°11). Ce dernier est sans doute incomplet si c'est bien une lettre qui est gravée, il pourrait s'agir d'un caractère ibérique : soit la voyelle "e", soit le syllabique "ka" (91), ou bien d'un "A" archaïque, grec ou latin.

VIII.4.2 - céramique ibérique :

Elles est rare et représentée par deux petits pichets à anse en céramique grise de la côte catalane (92), l'un à pâte gris clair tendre, sans enduit (fig.18, n°26) et l'autre à pâte gris clair dure et surface polie (fig.18, n°27).

VIII.4.3. - céramique tournée à pate claire :

Ce type de mobilier semble très rare à Berniquaut. On ne peut signaler que quelques fragments de panses de vases à liquides en pâtes jaune à jaune-orangé.

VIII-5 - Amphores :

N'ayant pu examiner qu'un nombre restreint de documents malgré la grande quantité de tessons récoltés, je me limiterai à quelques remarques sur le matériel amphorique. Il semble que toutes les amphores recueillies à Berniquaut soient d'origine italique. Deux bords triangulaires allongés relèvent indiscutablement de l'amphore gréco-italique vraie, antérieure au milieu du IIème siècle av. J.C. (fig.19, n°1-2). Mais la plupart des éléments examinés appartiennent à la forme Dressel IA à lèvre triangulaire courte (fig.19, n°3 à 6-8), mais il faut avouer qu'il n'est pas toujours aisé, à partir du seul rebord, de distinguer ce type d'amphore gréco-italique récente (ou de transition). Les amphores les plus tardives du lot, à bord haut en bandeau incurvé, appartiennent au type Dressel IB (fig.19, n°7-9).
Deux estampilles sur amphore italique proviennent du chantier 1 (fig.19, n°10-11); on présentera également deux autres estampilles découvertes sur le Champ -de-manœuvre (fig.19, n°12-13):

 - n° 10 : sur épaulement : marque incomplète LVP( ) avec boucle de P non fermée ; à rapprocher des marques LV de Nages, Ensérune, Rome, Ampurias, etc (92 bis) .
- n° 11. sur épaulement. AR. rétrograde ; boucle du R séparée de la haste.
- n° 12 : au sommet d'une anse : RV.B ; boucle du R non fermée, B dissymétrique ; à rapprocher de la marque RV de la Lagaste (92 ter).
- n° 13 : deux estampilles accolées sur épaulement : ( ) ACA rétrograde et souligné (noter les deux graphies différentes du (A) et ( ) ACAR ou ACAST rétrograde et souligné ; il n'est pas certain que ces deux estampilles aient été imprimées avec le même cachet.

VIII.6 - Le mobilier métallique :

Le métal devient abondant dans la couche 3 et, à coté d'objets identifiables, apparaissent des fragments de tiges et plaquettes de bronze tordues et écrasées ainsi que de petites scories qui attestent de la récupération d'objets brisés pour la refonte, témoin d'un artisanat local. La métallurgie du fer est prouvée, en particulier sur le Champ-de-manœuvre, par des scories.
Les objets en fer sont peu nombreux sur le plateau sommital et se limitent à des clous, des fragments informes et à un fer de lance bien conservé (fig.20, n°1). Ce dernier appartient au type en feuille de saule, caractéristique de la Tène III (93).
Les objets de parure et accessoires vestimentaires sont tous en bronze à l'exception d'une fibule en argent.
Les fibules ont déjà été étudiées par M. Feugère (94). Trois exemplaires (fig.20, n°2-4) appartiennent au type pseudo-la Tène II, à arc filiforme et pied attaché à l'arc, type 3a et 3b1 de M. Feugère (95), daté du 1er siècle av. J.C. (96). Une fibule, repliée sur elle-même à arc à section losangique (type 9a de M. Feugère et 7 de C. Tendille) (97) est typologiquement l'une des plus récentes de la série (fig.20, n°6). Une fibule de Nauheim ou de la Tène III, à arc filiforme et porte-ardillon ajouré (fig.20, n°7) est du type 5b1 de M. Feugère et 16 de C. Tendille (98). La fibule en argent (fig.20, n°8) à arc plat décoré porte-ardillon ajouré et ressort protégé par un élargissement de l'arc, est du type des fibules à coquille ou schüsselfibeln (type F d 1 de M. Feugère) (99) et datée du 1er siècle av. J.C. Enfin un ardillon isolé appartient à un type indéterminé (fig. 20, n°5).
Les bracelets appartiennent à trois types. Le premier est un bracelet filiforme ouvert dont les extrémités sont cassées (fig.20, n°9) ; il pourrait s'agir d'un bracelet à double attache en spirale attesté à Nages (100) et à la Lagaste (101) au 1er siècle av. J.C.
Un bracelet fin à section quadrangulaire plate (fig.20, n°10) renvoit à des modèles plus anciens du 1er âge du Fer mais provient bien de la couche 3.



(91) d'après le tableau donné dans Solier Y., 979, p.70.
(92) sur les importations de céramique de la côte catalane en Languedoc, voir en dernier              lieu : Py   M., 1978a ; cette céramique est bien attestée à Vieille-Toulouse (Vidal M. et Magnol JP., 1983).
J'ai pu identifier un fragment de «sombrero de copa» (inédit) dans le mobilier du puits funéraire de Lameilhé à Castres (sur ce site, voir CERAC, 1968-69).
(92bis) Py M ; 1978a
(92ter) – Rancoule G., 1980.
(93) c'est à ce type qu'appartiennent les fers de lances de la Lagaste (Rancoule G., 1980) et ceux des tombes nîmoises de Pissevin tombe 1 et Camplanier tombe 1 (Py M.,1981).
(94)Feugère M., 1985.
(95) ibid.
(96) mais dont l'utilisation se prolonge au 1er       siècle de notre ère.
(97)Feugère M., 1985 ; Tendille C;,1978.
(98) ibid.
(99)Feugère M., 985.
(100) Tendille C., 1979.
(101) Rancoule G., 1980.

ACCUEIL

Enfin trois bracelets à jonc tubulaire (fig.20, n°15-17) sont d'un type connu dans le Sud de la Gaule au 1er siècle av. J.C. (102) deux ont été tordus et aplatis pour la refonte ; l'un d'entre-eux est orné d'incisions courtes (n°16) ; le système-fermoir fait appel à deux modèles différents : l'un avec bague coulissante (n°15), l'autre avec trous -permettant la fixation d'agrafes (n°16).
On citera aussi de petites appliques décoratives en cabochons (fig.20, n° 21-23) ; des appliques quadrangulaires destinées à être cousues ou rivetés ornées de cercles concentriques obtenus au repoussé (fig.20, n°18) ou d'incisions "a tremolo" (fig.20, n°19) ; un anneau pendeloque (fig.20, n°24) (104) ; une bague ou boucle d'oreille à arc serpentant sur lequel est enfilé une perle en bronze (fig.20, n°20) (105). On signalera enfin une petite épingle à tête sub-losangique plate perforée et à col mouluré d'un type inconnu (fig.20, n°14) ainsi qu'un fragment de chainette à maillons ovales repliés sur eux-mêmes.
L'outillage se limite à deux aiguilles à chas ovale (fig.20, n°11-13) et une spatule (fig. 20, n°12).

VIII.7 - Mobilier divers :

En terre cuite on signalera des fusaïoles façonnées qui peuvent appartenir au IIème âge du Fer ainsi que des disques découpés dans des tessons d'amphore italique.
Quelques objets en verres sont connus ; ce sont une petite perle sphérique en verre brun et deux petites perles filifor­mes en verre bleu cobalt (106) ; J. Lautier signale également un fragment de bracelet lisse à section demi-circulaire en verre bleu (107) que je n'ai pu retrouver.
On signalera également des fragments de meules en basalte et en poudingue, de type rotatif, toutes d'origine extrarégionale semble-t-il.
Enfin deux monnaies proviennent de la couche 3 du secteur b1 :

- monnaie 1 : argent ; flanc carré ; p = 2,15 g (fig.21, n°1)
D/ tête à gauche stylisée, à lèvres épaisses et nez triangulaire chevelure disposée en deux rangs de croissants imbriqués et motif similaire sur le cou ;
R/ dans un double rang de grènetis, sanglier à gauche à soies hérissées, queue longue en S et gros œil rond, surmonté de deux croissants ouverts en haut.

- monnaie 2 : argent ; flanc rectangulaire ; p=2,13 g(Fig.21,n°2)
D/ tête à gauche très incomplète avec chevelure stylisée et point derrière la nuque.
R/ sanglier à gauche avec queue relevée, entre les pattes : un annelet surmonté d'un croissant ; au-dessus motif incomplet.

Ces 2 monnaies appartiennent aux émissions ruthènes, type LT 3433-3444 (108), trouvées dans plusieurs trésors de la région : Goutrens (Aveyron), trésor dit de Castres, trésor de la Paulhe à Labessonnié (109). Cette frappe, dont la métrologie est peut-être alignée sur celle des monnaies à la croix, présente des analogies avec les monnaies au sanglier, attribuées à AVENIO/Avignon (type LT 2513-2516) dont la légende AOYE ou AYE se retrouve dans le trésor de la Paulhe.

VIII.8 : Synthèse :

En l'état actuel des connaissances, les céramiques grises et non-tournées ne sont que d'un maigre secours pour atteindre un certain degré de précision chronologique au sein de la séquence de la fin du IIème âge du Fer. Les proportions de ces deux catégories de céramique semblent variables d'un site à l'autre. Dans le chantier 1, il n'est pas possible de les mesurer mais la céramique tournée est nettement plus abondante que la non-tournée.
 Dans le chantier 3 (Champ-de-manœuvre), une estimation partielle sur le mobilier de la couche 2 a donné pour 1060 tessons de céramique grise et non-tournée, une proportion de 56 % de céramique tournée pour 44 % de non-tournée. Ces chiffres sont sans rapport avec ceux obtenus sur un habitat ouvert du Lautrécois, la Bertrandié à Lautrec (110) qui donne un rapport 93,5 / 6,5 en faveur de la non-tournée dans le sondage 2 - couche 2 et 72 /28 dans le même sens dans le sondage 3 couche 8. La signification de ces données est pour l'instant incertaine. Peut-être faut-il y voir une certaine forme d'opposition entre sites ruraux de plaine où la céramique non-tournée, fabrication traditionnellement familiale, est majoritaire et les habitats de hauteur "proto-urbains" plus ouverts aux courants de diffusion de la céramique tournée où cette dernière devient majoritaire.
Cependant, la méconnaissance profonde que l'on a des habitats de la fin de l'âge du Fer en Albigeois ne permet pas de confirmer cette hypothèse. En tout état de cause, ces divergences statistiques n'ont, à mon sens, aucune signification chronologique.
S'il paraît clair, comme le montrent les amphores, les fibules, le mobilier métallique et les monnaies, que Berniquaut connaît une importante occupation au 1er siècle av. J.C., certains éléments comme les amphores gréco-italiques démontrent une occupation dès le IIème siècle av. J.C. L'analyse des céramiques fines importées permet une approche chronologique plus fine. La nette prédominance de la campanienne A sur la B se retrouve également dans le chantier 3 où, sur 51 tessons de céramique à vernis noir, 50 appartiennent au style A et un seul au style B (111).

(102) à la Lagaste par exemple (Rancoule G.,1980) à Nages et Cambroux (Tendille C.,1979).
(103) connus aussi à la Lagaste (Rancoule G., 1980).
(104) ces objets sont stylistiquement anciens et évoqueraient le 1er âge du fer mais proviennent bien de la couche 3.
(105)un   fragment d'arc serpentant provient de la Lagaste (Rancoule G., 1980) ; c'est un thème classique pour certains bracelets celtiques de la Tène I finale.
(106) types connus à la Tène III ; voir par exemple celles du site de Lacoste à Mouliets-et-Villemartin (Boudet R.,1987).
(107) c'est le type  le plus fréquent au 1er siècle sur l'oppidum de Nages (Py M., 1978a).
  (108) La Tour,       1892.
(109) Labrousse M., 1959.
(110) Séguier JM.,Jauzon P. et Rayssiguier A.,1986.
(111) la répartition des formes se fait comme suit.
- campanienne A
Lamb.27B: 3
Lamb.27b-c: 4
Lamb.31b: 3
Lamb.33b: 4
Lamb.5/7: 5
Lamb. 6: 1
Lamb.36  : 1
- campanienne B
Lamb. 5 : 1.

Cette situation a valeur chronologique dans la mesure où les importations de campanienne B, bien qu'apparues tôt dans le IIème siècle av. J.C. (112) ne deviennent sensibles numériquement qu'à partir du second quart du 1er siècle (113) pour ne se développer pleinement en Languedoc occidental et en Catalogne que dans la seconde moitié du 1er siècle (114)
Par ailleurs, le répertoire typologique fait la part belle aux formes A27B et A33b. La première forme est omniprésente aux IIème et 1er siècle av. J.C. en campanienne A classique et A tardive ; on la retrouve avec une fréquence élevée dans la seconde moitié du IIème siècle en Languedoc (115). La forme 33b est, quant à elle un type représenté tout au long du IIème siècle mais qui disparait dès le début du 1er siècle (116).
Il y a tout lieu de penser que l'occupation de Berniquaut débute dans le courant du IIème siècle et ce, sans doute, dès avant 150 (117) le faciès de la céramique à vernis noir suppose un abandon progressif dans le courant du Ier siècle, ce phénomène étant accompli de façon quasi-totale dans le troisième quart du 1er siècle (118), l'oppidum semblant déserté dès avant la période augustéenne, sans doute entre 50 et 30 av. J.C.

IX – CONCLUSIONS

L'occupation de l'oppidum de Berniquaut, tout au moins sur le plateau sommital, se résume en définitive à quatre phases d'habitat attribuées respectivement.
- période I : au Bronze final II-IIIa
- période II : au Bronze final IIIb
- période III : au premier âge du Fer
- période IV : aux IIème et 1er siècle av. J.C. (119)

Dans l'état actuel des connaissances, cette séquence est marquée de hiatus, dont une rupture majeure entre les périodes III et IV. Ce fait n'a rien d'exceptionnel puisque divers sites de Gaule méridionale connaissent également une occupation discontinue (120). Par ailleurs, il existe également un hiatus apparent entre les périodes II et III, phase d'inoccupation correspondant, grosso modo à la majeure partie. du VIIème siècle (121) (122). Quant à la continuité entre les périodes I et II, elle n'est pas démontrée.
En l'absence de données sur la structuration de l'habitat et sur la signification fonctionnelle et ethnographique des dépôts fouillés par l'équipe de J. Lautier, il est difficile de se prononcer sur la densité de l'occupation pour chaque période. D'autant plus que l'on ne sait pas si le secteur étudié (chantier 1) a une valeur ponctuelle ou s'il est représentatif de l'ensemble du plateau sommital. On peut toutefois, sur ce point tirer quelques conclusions des données acquises, au moins à titre d'hypothèse de travail.
Le mobilier relatif à la période I est numériquement très limité et il n'est pas certain qu'il représente en ensemble homogène sur le plan chrono-culturel. En fait, la période I ne donne pas l'impression de correspondre à un habitat important.
Par contre le mobilier correspondant à la période II est nettement plus abondant et semble indiquer la création d'un habitat plus conséquent que celui de la période I.
Cette appréciation va dans le même sens que l'idée selon laquelle, dans le Sud de l'Albi­geois, comme dans l'ensemble du Languedoc d'ailleurs, le Bronze final IIIb correspond à une phase de création de bon nombre d'habitats de plein air avec, pour corollaire, la création d'importantes nécropoles à incinération. Ceci est peut-être à mettre au compte d'une pression démographique accrue et d'une certaine expansion économique (123).

A Berniquaut, toutefois, on ne saurait encore estimer ni la densité réelle de l'habitat (quelques cabanes dispersées ou communauté villageoise importante ?) ni la longévité de l'occupation, d'autant qu'il n'est pas possible d'apprécier la superficie occupée.
La période III semble, elle, correspondre à l'établissement d'une communauté assez réduite, certainement moins importante que celle de la période II, du moins en fonction des résultats du chantier 1. Du reste, la phase ancienne du 1er âge du Fer (au sens strict) ne semble pas correspondre, dans le sud de l'Albigeois, à une période d'expansion par rapport à la phase immédiatement antérieure si l'on se réfère au nombre de sites actuellement recensés. La datation proposée étant une datation moyenne, il est, là aussi, impossible d'évaluer la longévité de cet habitat.

(112) à Nages, dès la phase II récent de l'oppidum (Py M., 1978a).
(113) Morel JP., 1978, p. 167.
(114)Vidal M. et Magnol JP., 1983 : les proportions enregistrées à la Lagaste (environ 50 % pour chaque style) sont significatives sur ce site qui, selon G. Rancoule (1980) ne serait occupé qu'après la fondation de Narbonne et en relation avec cet évènement historique.
(115) c'est le cas en particulier à Nages où elle est très fréquente dans les niveaux de la              phase II   récent     (Py M., 1978b, p.67); c'est aussi la forme la plus fréquente à Saint-Blaise (Cayot A. 1984).
(116) Cayot A., 1984; cette   forme ne fait pas partie du     répertoire de la campanienne A tardive du Languedoc oriental Dedet B.  PY M., 1979).
(117) pour tenir compte de la présence des amphores gréco-italiques vraies ; la rareté des formes campaniennes A 27 b-c et l'absence (pas                forcément significative sur    cet échantillon) de rosettes ou palmettes sur les vernis noirs de style A donnerait une note plus tardive à l'ensemble.
(118) Dans le même sens va l'absence des parois fines italiques et de la céramique à enduit interne rouge-pompéien assez fréquente     dans les contextes locaux    du Ier siècle av. J.C. (voir le cas de la Bertrandié à Lautrec : Séguier J.M., Jauzon P. et Rayssiguier A., 1986), de même que l'apparente rareté de l'amphore Dressel I B.
(119) c'est-à-dire la fin de la Tène II et la Tène III de la chronologie d'Europe continentale, si tant est que cette périodisation, encore employée dans le Toulousain et l'Albi­geois, ait un quelconque sens dans la région étudiée, ce qui parait douteux.
(120) par exemple dans la région nîmoise l'oppidum de Roques-de-Viou occupé au BF IIIb puis au IVème siècle av. J.C. (Py M., 1978a).
(121) ce hiatus est peut-être provisoire, de nouvelles fouilles étant susceptibles de modifier légèrement le schéma chronologique adopté pour le 1er âge du Fer de Berniquaut.
(122) la   datation   de la phase initiale du 1er        âge du Fer tarnais (en chronologie conventionnelle) doit, à mon avis, être remontée au-delà du milieu du VIIème siècle comme pour les cultures contemporaines de Grand-Bassin I (Languedoc occidental) et du Suspendien (Languedoc oriental) (Py M., 1984) à l'inverse de l'opinion émise initialement dans : Rayssiguier A. et Séguier J.M.,1984.
(123) dans le même sens : création d'habitats de hauteur importants comme le Cayla à Mailhac (Aude), Roque-de-Viou à Saint-Dionisy (Gard), Cordouls à Puylaurens (Tarn) ou encore le premier "camp à fossés" de Carsac à Carcassonne (Aude).

La période IV voit la création d'un important habitat groupé. Dans l'état actuel des connaissances, cet habitat semble créé ex nihilo, sans trace de fréquentation préalable entre le Vème et le IIIème siècle. On regrettera de ne pas savoir si le site a été peuplé de façon graduelle ou si l'occupation fut importante dès le début.
Quelle est la nature du site à cette époque ? La présence d'une fortification en terre de type bord de plateau sur le Champ-de manœuvre suggère une communauté relativement forte et structurée et il est possible d'envisager une proto-urbanisation (?), à l'instar des sites méditerranéens sans que ni les formes du "tissu urbanisé" ni la structuration globale de l'habitat ne fussent, d'une quelconque façon décelables.
On ne peut savoir s'il existe une différence fonctionnelle entre le plateau sommital et le Champ-de-manœuvre ni si ces deux "quartiers" ont été créés simultanément ou si l'un procède de l'extension de l'autre (124). La présence d'un important dépotoir d'amphores sur les pentes S.0. de l'oppidum et la superficie du site ont fait penser que le Champ-de-manœuvre était une zone de marché jouant un rôle important dans le commerce des vins italiens (125).

L'hypothèse ne saurait être exclue à priori, mais il faut toutefois noter que, proportionnellement à la taille du site, la quantité de produits importés (amphores et céramiques fines) n'est ni plus ni moins importante que sur certains habitats ouverts du Castraise t du Lautrécois, dont le caractère rural est bien marqué et que, par ailleurs, la série monétaire reste bien réduite pour un site-marché. Il est de toute façon trop tôt pour comparer Berniquaut aux "oppida-marchés" de la Lagaste et de Vieille-Toulouse (126). Il serait par contre intéressant d'analyser les relations qu'a pu entretenir Berniquaut avec les habitats ouverts de la plaine environnante, parfois très importants comme celui d'en Solomiac à Palleville (Tarn), occupés eux-aussi dès le IIème siècle av. J.C.
On a vu qu'au Bronze final IIIb Berniquaut appartient à une région (essentiellement le Sud-Albigeois et le N.O. du Lauragais peut-être une partie du Nord-Albigeois) dont les caractères culturels sont le fruit de la symbiose de courants occidentaux et méditerranéens, témoignant ainsi pour cette période (au moins ...) de l'absence de frontières culturelles nettes ou tout au moins de la perméabilité de ces frontières (si tant est que cette notion ait une signification à cette époque). Cette situation se maintient d'ailleurs au 1er âge du Fer comme l'attestent des dépôts launaciens (127) et le mobilier des nécropoles à incinération du Tarn, en particulier le mobilier métallique (128). Mais à Berniquaut, le mobilier du 1er âge du Fer est peu typé par rapport à celui des nécropoles et la composante méditerranéenne n'est pas particulièrement nette. On notera, du reste, avec intérêt la découverte d'un fragment de bracelet ou torques à cannelures longitudinales d'un type connu sur le piémont pyrénéen et dans les Landes, dont on a ici l'exemplaire le plus occidental connu à ce jour.
Au IIème âge du Fer, le mobilier atteste nettement des courants économiques en vigueur à cette époque.
Berniquaut est effectivement situé à proximité immédiate du couloir Aude-Garon­ne, important axe d'échanges entre la Méditerranée et l'Atlantique. Cet axe n'a pas pu se limiter au seul tracé de la voie d'Aquitaine (129) et englobe également des voies latérales dont la vallée de l'Agoût dût être un élément important dans les échanges S.N. et E.O.
 La dépression Castres-Revel et la Vallée du Sor (que contrôle Berniquaut au début de son parcours dans la plaine) ont dû jouer un rôle important dans ce sens puisqu'elles constituent les trajets les plus logiques pour rejoindre, depuis le Lauragais, la région de Castres et la moyenne vallée de l'Agoût et, au delà, les secteurs miniers de l'auréole de métamorphisme de contact située autour du massif granitique du Sidobre. Cette situation ne fait probablement que perpétuer une tradition héritée au moins du Bronze final et du 1er âge du Fer, périodes au cours desquelles se mettent en place des axes de circulation privilégiés (130).
Aux IIème et 1er siècles, les échanges avec le Languedoc méditerranéen sont, en volume et d'après la céramique, importants (amphores vinaires surtout, mais aussi vaisselle à vernis noir, pichets de la côte catalane) alors que les productions de Gaule continentale sont très rares (perles et bracelets en verre) (131). Les céramiques de fabrication locale et régionale de Berniquaut montrent bien l'intégration du site au contexte culturel du Languedoc occidental avec ce métissage d'un fond local et d'apports celtiques mais le problème du statut géopolitique de la région à la fin de l'âge du Fer est loin d'être définitivement clarifié (132).
Force est de constater, finalement, que l'oppidum de Berniquaut constitue un gisement fondamental pour l'étude de la protohistoire du Haut-Languedoc. Mais la connaissance du site reste très lacunaire à bien des égards.

(124) mais la contemporanéité d'occupation des deux zones est assurée par le mobilier, tout au moins pour le début du 1er siècle av. J.C.
(125) Lautier J., 1977
(126) on notera également que l'accès au site depuis la plaine est plutôt malaisé ce qui serait curieux pour un centre important de transactions commerciales portant sur des matériaux aussi lourds et volumineux que les amphores... De plus Berniquaut est          abandonné avant   la période augustéenne, contrairement aux emporiae de la Lagaste et Vieille-Toulouse ou au vicus Eburo­magus-Bram (Passelac M., 1983a).
(127) sur les dépôts de Vielmur et Briatexte, voir : Guilaine J., 1972
(128) sur ce problème: Rayssiguier A. et Séguier J.M., 1984.
(129) sur ce tracé, voir: Passelac M., 1983a.
(130) en  témoignent le nombre et l'importance des sites du BF IIIb et du 1er Age du fer mis en évidence dans la vallée de l'Agoût et le Lautrécois ainsi que la précocité des apports de céramiques méditerranéennes, d'abord étrusques, puis grecques, massaliottes et ibéro-languedociennes (découvertes récentes et inédites)
(131) le mobilier métallique en peut être pris en compte car presque tous les types diffusés en Gaule méridionale sont de création celtique mais pas forcément leur fabrication, loin s'en faut.
(132) ainsi se trouve posé le problème de l'appartenance de la région située entre la Montagne Noire et la Vallée du Dadou aux Volques Tectosages ou aux Ruthènes Provinciaux et de son hypothétique intégration à la Narbonnaise. La solution de ces épineux problèmes, étroitement liés, ne peut pas reposer sur la seule exégèse des textes antiques mais doit intégrer les réalités archéologiques en prenant en compte la circulation monétaire et la diffusion des céramiques fines importées.

Si, au travers de cette étude, les problèmes chronologiques ont été en grande partie résolus, il subsiste encore de larges zones d'ombre concernant la structure même des habitats qui s'y sont succédés, les formes de l'architecture domestique et des aménagements collectifs, les activités domestiques, l'économie de subsistance, l'exploitation de terroirs contrastés en zone de contact plaine-montagne, etc.

Sa position géographique à la limite de l'Albigeois et du Lauragais, en fait un des sites privilégies pour la compréhension des rapports entre les pays méditerranéens et l'Aquitaine durant un millénaire riche en évolutions techniques, économiques et sociales.

BIBLIOGRAPHIE

Liste des abréviations utilisées

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