Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                     PARU DANS LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE N° 16 - 2011

 

HISTOIRE VERITABLE ET MIRACULEUSE DU PENDU DE REVEL

 

RETOUR ACCUEIL

 

PAGE-GARDE

LE PENDU DE REVEL-01 LE PENDU DE REVEL-03

 

le pendu de revel-04 le pendu de revel-05

 

le pendu de revel-06 le pendu de revel-07

 

le pendu de revel-08 le pendu de revel-09

 

le pendu de revel-10 le pendu de revel-11

 

le pendu de revel-12 le pendu de revel-13

page14

 

 

L'HISTOIRE MIRACULEUSE DU PENDU DE Revel(1)

Relevé par Jacques Rey

 

(d’après Les Cahiers d’Histoire de Revel, n°16 – 2011)

 

Nous sommes en janvier 1628, les guerres de Religions se poursuivent. Trois mois se sont écoulés depuis que le duc de Rohan s’est emparé de Revel grâce à la complicité de quelques revélois appartenant à la religion réformée (article du cahier n° 16 de Jean-Paul Calvet et Bernard Velay).  Au-delà de son côté tragi-comique, ce document a le mérite de nous confirmer par une autre source cet évènement et les conséquences dramatiques pour les auteurs de ces actes. Le texte original a été volontairement remanié  afin que la lecture en soit plus agréable.

 

 

Le vingt- quatre janvier mille six cent vingt-huit, Etienne Portail, âgé de vingt ans et son père Martin Portail, boucher à Toulouse, revenaient d’acheter du bétail. En passant près des vignes de Puylaurens, ils furent poursuivis par Sanson, Antoine Faure et Condorès, habitants de ce lieu.

1

 

Ces derniers blessèrent le père d’un coup de pistolet, s’emparèrent du fils qu’ils emmenèrent à Revel afin d’en tirer une rançon. Sanson fut tué peu de temps après. En liaison avec ces actes, il faut se souvenir que le capitaine Maisnault-Roux, Bartissol et Mendrat, trois des principaux factieux du dit Revel, avaient participé en mille six cent vingt-cinq à la prise de Durfort .Là, ils avaient fait pendre le vicaire et le consul du lieu .Ils furent par la suite découverts dans le consulat d’Auriac, à cinq lieues de Revel.

Conduits de Carcassonne à Toulouse, ils y furent jugés pour divers meurtres, vols et autres délits en compagnie d’un nommé Dupuy, syndic de Revel. Ce dernier avait été trouvé traversant la contrée avec des lettres de créance qu’il portait au duc de Rohan. Il avait fait soulever la ville de Revel contre le service du Roy et ce par perfidie, malgré le serment fait au mois d’octobre mille six cent vingt-sept de demeurer dans l’obéissance du Roy. En effet, il avait ravi les clés aux consuls et aidé à l’escalade des murs. Tous les quatre furent condamnés à mort et exécutés. La nouvelle étant parvenue à Revel, le frère du dit Bartissol, un nommé Olivier mais aussi neveu de Roux ainsi que d’autres se rendirent chez Dumas où Etienne Portail était retenu prisonnier, fers aux pieds, en attendant la remise de la rançon. Ils dirent à Dumas qu’ils allaient le pendre en représailles des condamnés de Toulouse. Portail se mit à prier Dieu à genoux en leur demandant pardon et en invoquant sa jeunesse. Ils lui répondirent qu’ils le pendraient malgré tout et qu’il pouvait prier Dieu si bon lui semblait. Alors Etienne Portail dit son chapelet en se recommandant à Dieu et à la Vierge Marie. Environ une demi-heure après, Bartissol et Olivier, accompagnés de deux cents hommes de pied, lui ôtèrent les fers et lui firent passer la corde au col par un nommé Mille autre prisonnier à rançon.

Portail demanda un confesseur; on lui répondit qu’il n’y avait ni prêtre ni moine mais qu’il pouvait disposer d’un ministre s’il reconnaissait que sa foi n’était pas la bonne. Portail répondit que sa foi était la bonne et qu’il ne voulait point de ministre. La corde au col, les bras liés par derrière, ils l’emmenèrent à environ trois mousquetades à l’extérieur de la ville. Là, dans un champ où se trouvait un grand pommier, Portail se mit à genoux et récita sa confession générale. Puis, à l’aide des fûts de leurs mousquets on le fit se lever tandis que l’on obligeait Mille à monter sur le pommier.

Ce dernier essaya vainement de faire monter Portail. De guerre lasse, on lui délia les bras. Voyant qu’il allait mourir, Mille l’ayant presque étranglé, le col tout écorché, il monta gaiement sur le pommier s’étant résolu à la mort.

Mille lui lia les bras dans le dos puis attacha une corde à une branche. Il le poussa dans le vide et lui monta sur les épaules pour l’étrangler. Soudain, la corde se rompit et Portail tomba à terre. On lui passa une nouvelle corde autour du cou puis ils le soulevèrent tant qu’ils le purent se servant même de leurs mousquets. Là, ils essayèrent de l’étrangler en le tirant par les pieds. Pour la deuxième fois la corde se rompit. On fit alors doubler la corde et cette fois-ci tout le monde se mit en devoir d’aider Mille à le soulever. Ce dernier monta à nouveau sur les épaules d’Etienne Portail.et pour la troisième fois la corde se rompit. Fou de rage de ne pouvoir le faire mourir, ils envoyèrent chercher une échelle à une métairie voisine. Sur ces entrefaites arriva Bernard Monge, habitant de Revel, accompagné d’un chirurgien qui leur fit force remontrances leur disant que Dieu ne voulait pas qu’il mourut. Ils répondirent qu’à Toulouse on pendait les leurs et qu’ils voulaient faire de même. Monge leur dit qu’à Toulouse il s’agissait d’une décision de justice. Malgré tous ces arguments, ils dirent qu’ils allaient le tuer à coups d’arquebuses .Monge et quelques autres se mirent devant et ôtèrent la corde en leur disant qu’il ne mourrait point. Dans la confusion qui suivit et sur le coup de la colère, ils se jetèrent sur Mille et le tuèrent à coups de mousquets et d’épées. Portail fut reconduit à Revel par Bernard Monge qui le soutenait sous les bras et qui l’emmena dans sa maison. Il le fit aussitôt soigner avec des onguents et des linges chauds, puis il le fit se coucher dans un lit de sorte qu’il se remit rapidement sur pied. Des soldats de Pamiers qui avaient fui à Revel lors de la prise de cette ville, voulurent à leur tour s’en prendre à lui, le conduire devant Desilles-Maisons, gouverneur de la ville, pour qu’il soit condamné à mort. Une fois encore Monge intervint leur disant que le gouverneur les condamnerait eux. Le lendemain, Portail reçut la visite de femmes de Revel pleines de compassion et  outrées de ce qu’on lui avait fait. Le ministre le conduisit au temple pour  que Dieu lui accorde sa protection. La Cour du Parlement de Toulouse  fut aussitôt informée de ces actes odieux. Les faits se trouvèrent vérifiés par la déposition de plusieurs témoins faisant profession de la religion prétendue réformée. Huit jours après, la rançon ayant été versée par le sieur Bedos, habitant de Puylaurens, appartenant à la dite religion, Portail fut conduit à Puylaurens chez le sieur Bedos et de là à Toulouse…

 

 

2 3

6

Les illustrations concernant les pendus et Louis XIII ne proviennent pas du document d’archive analysé dans cette publication.

 

200px-Louis_XIII.jpg

Portrait de Louis XIII.

 

 

8

 

Mise à sac d'une église par les huguenots....

Ce douloureux épisode nous montre à quel point ces guerres de religion furent cruelles même pour les petites gens.

Trahisons, crimes, vengeances et violences semblent avoir été leur lot quotidien et pour couronner le tout la peste fit son apparition en 1629. (Voir livre Henri Ricalens “La peste en Lauragais“).

Ce document, contrairement aux Mémoires du duc de Rohan, ne met pas en cause le gouverneur de Revel Desilles-Maisons. Seul Dupuy aidé par des protestants aurait commis cette trahison.

Celle-ci coûtera cher à la ville de Revel car l’année suivante Louis XIII fera raser les remparts de la ville. Cependant la totalité de l’enceinte ne fut pas entièrement démolie puisque l’on vient d’en découvrir les derniers vestiges (2).

 

 

ANNEXE

 

 

Bien différent est ce document, relevé aux ADHG par J.P. Calvet, transcrit et annoté par J. Hébrard ; rédigé par le juge royal du bailliage de Revel, il est antérieur de 15 ans aux évènements précédents.

Nous le donnons dans son intégralité.

 

 

« JUGES ET CONDAMNATIONS A MORT A REVEL ... »

TRANSCRITION D’UN DOCUMENT D’ARCHIVES DES ADHG de Toulouse

par Jean HEBRARD (cote FF2).

 

Jean de Rossel, docteur es droicts, con(seill)er du Roy, juge pour sa mag(es)en la ville de Revel et son ressort

 

A tous ceux verront Salut Scavoir faisons et attestons comme ce jourdhuy au bas escript Par devant Me Gabriel Guillelmi, bach(elli)er es droicts ancien ad(voc)at en Parlement en mõ(n) absence avoit comparu Me Isac Ruan Scindic de la Communauté de ladicte ville de Revel lequel a dict Avoir Besoing d’atesta(tai)re en forme de Notoriete pour luy servir ou il appartiendra Comme de toute antienete et despuis tel temps quil n’est mémoire du Contrere Les Si(eu)rs Consuls de la dicte ville estant en possession et exercant la Justice crimminelle en toute sorte de Crimes Ayant faict Mesme exécuter a Mort plusieurs divers Malfaicteurs  faux monoyeurs Autres condemnés aux galères, bannissement, en esmandes honorables et au Colier. N’ayant Jamais Aultres qu’eulx en lade ville & ressort d icelle faict faire aulcune execution de Justice Crimminnelle. Pour de quoy nous attester aurait présenter  en Tesmoings S(ieu)rs Pierre Salvaing vieulx Aagé de septante six ans Jean Oustry vieulx aage de septante huict ans, Antoine Bertrand, agé de septante cinq ans, marchans natifs dudt Revel Jean Batinhe âge de quatre vingts cinq ans Bernard Marty age de septante cinq ans natifs dudt Revel  et ha(bit)ans de Sourèze Pierre Cers, sergent trompette de lade ville age de quatre vingts ans, et Durand Auriol charpentier age de sep(tan)te cinq ans, Tous de qualité requise pour déposer Lesquels la main levée a dieu Lung après Lau(tr)e ont dict et attesté d une commune voix estre véritable que de toute antieneté et despuis tel temps qu il n’est mémoire du Contrere et veu que la Justice Crimminnelle a esté et est encore exercée par lesdts  Srs  Consuls en la dicte ville et leur ressort de toute sorte de Crimes ayant de leur authorité faict executer à mort plusieurs et divers Malfaicteurs et faux monoyeurs, aultres condemnés aux galleres, au fouet, bannissemen, es mande honorable & colier et sont aultres estre memoratifs qu il (y) a environ cinquante à cinquante cinq ans  que d’authorité desds  Srs Consuls et a leurs assistans Ung nommé Ramond        et  audt Verdalle prevenus et convaincus de Crime de faulce monoye furent pendus et après bolie (bouillis) en huille dans une chaudière en la place publique de ladite ville. Et despuis neuf à dix ans de ça avoir aussy veu que de leur authorité et eulx aussi assistans George       prevenu deffaillant  et convaincu dudit crime de faulce monoye feut executé en effigie a mort et sa femme ayant esté fustigée par la dite ville. N’ayant jamais veu qu’en lade ville aulcunes executions soit fe (fait) de mort ou autre(ment) ayant este faicte que d’authorité des Srs Consuls ce qu’ils disent avoir pour estre natifs ou ha(bit)ans de lade ville de laquelle attestaient Ledt  Ruan, Scindic avoit requis luy en expédier acte. Ce que par ledt  Guill(elm)n Ancien ad(voc)at auroit esté Ordonné seroit faict en Tesmoing de quoi ces pre(sen)tes ont esté expédiées, signées et Scellées A Revel Ce trentième jour du mois de novembre mil six cens trez.

 

Guillelmi dr ancien adat  P Salvaing   IO (Jean Oustry)

 

  1.  Depuis la fondation de Revel, les consuls étaient juges au nom du roi dans les causes criminelles ; comme ils n’avaient aucune compétence juridique, le roi leur donnait un juge et un procureur, docteurs en droit.
    Le 12 juillet 1555, Catherine de Médicis, comtesse de Lauragais et détentrice des droits royaux, céda aux consuls de Revel pour 300 écus le droit de choisir leur juge, et 100 écus à chaque vacation.

  1. Mais il y eut des difficultés avec la Sénéchaussée de Lauragais, siégeant à Castelnaudary où le juge-mage prétendait nommer le juge de Revel ; ainsi le 17 mars 1576, le sénéchal de Lauragais nomme Edouard Varennes à l’office de juge de Revel ; le premier consul de Revel, Anne Durand, le refuse et nomme le 17 avril Jean Moillet docteur en droit, qui exercera jusqu’en 1579 (voir P.A. Barrau dans les tables annexes de son Histoire de Revel).

  1.  Le document ci-dessus est un acte de notoriété confirmant les droits des consuls dans l’exercice de la justice, avec le témoignage de vieillards d’une remarquable longévité.
    Le document est plus intéressant dans la mesure où il donne dans le détail les diverses peines, de l’amende honorable à la pendaison ; quant à ébouillanter le pendu dans un chaudron, cela me laisse perplexe.

 

 

 

5

Je crois savoir (cf. J. Hébrard) que les difficultés venaient du fait qu’à cette époque, les Consuls de Revel, qui avaient depuis 1555 le droit de nommer leur juge, oubliaient de faire confirmer cette nomination par le roi ;

le sénéchal de Lauragais, siégeant à Castelnaudary, prétendait de ce fait être la seule autorité royale habilitée à la nomination du juge de Revel ; c’est ainsi, par exemple, que le 17 mars 1576, le Sénéchal de Lauragais nomma Edouard Varennes pour remplir l’office de juge ;

le 1er Consul de Revel, Anne Durand, le refusa et nomma Jean Moillet, docteur en droit, le 17 avril, comme juge.

 

 

Notes:

 

 

ACCUEIL