Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol PARU DANS LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE NUMERO 3 - 1997 |
1342, naissance d'une bastide en Lauragais Sylvie Malary |
Revel fut l'une des dernières bastides fondées au XIVe siècle dans le sud-ouest de la France. Construite à partir de 1342 dans une plaine bordée d'un côté par la Montagne Noire, et de l'autre par une série de coteaux constituant la cuesta dite de Saint Félix Lauragais, la bastide de Revel occupe une position charnière entre le Lauragais et le pays Castrais.
De fondation royale, cette bastide ne fut pas, semble-t-il, une création ex nihilo c'est-à-dire située sur un territoire qui était auparavant tout à fait inoccupé.
Les documents d'archives et les recherches archéologiques témoignent d'une présence humaine antérieure.
Une occupation du sol trEs ancienne.
Les trouvailles archéologiques permettent de constater qu'il existait, dès l'époque antique, des centres de peuplements dispersés dans la plaine revéloise.
Plusieurs traces de petits habitats, d'origine gallo-romaine, ont été mises à jour lors de différents travaux. Des morceaux de tegulae, des fragments de poteries romaines, ... furent découverts à l'emplacement de la future bastide.
Non loin de là, en bordure de la route allant de Revel à Soréze, un tronçon de voie romaine fut trouvé au début des années 1970.
L'étude de cartes anciennes nous apprend qu'il existait au XVlllème siècle, tout près de ce morceau de voie, une métairie du nom de la Caussade, toponyme d'origine romaine signifiant "chaussée".
Les vestiges d'une nécropole barbare, découverte au XIXème siècle sur le site de Revel, permettent de conclure à une continuité dans l'occupation du sol de l'Antiquité au Haut Moyen âge.
Les tombes, mises à jour, ont livré plusieurs objets témoignant d'un travail remarquable : plaques et boucles de ceinturon, agrafes de baudrier, etc.
Toutes ces découvertes semblent confirmer que l'emplacement de Revel était habité dès le début de notre ère(1).
Un examen trop rapide des sources peut conduire à une version erronée des origines de la bastide(2).
La charte de fondation de Revel affirme que cette ville est née du déboisement de la forêt royale de Vauré :
" Au nom du seigneur roi, nous avons procédé à la fondation d'une bastide, à laquelle nous avons donné le nom de Revel, au nom du Roi, dans la forêt royale de Vauré ..." (extrait de la charte de fondation de Revel).
Or, nous pouvons affirmer, sans aucun doute, que le futur emplacement de Revel avait déjà été défriché par endroits puisque des témoins d'une occupation romaine, puis germanique nous sont parvenus.
En 1342, la nouvelle bastide fut édifiée dans une plaine où il existait des clairières défrichées et cultivées depuis l'époque antique.
Sceau de Philippe VI de Valois fondateur de la Bastide Royale de Revel.
1. MALARY Sylvie, Le Canton de Revel de l'Antiquité à la fin du Moyen Age, p. 53-54, 1990.
2. BERTHE Maurice, Les Territoires des bastides, p. 100-101 dans Cadres de vie et société dans le Midi Médiéval, Hommage à Charles Higounet, Privat, 1990.
La plaine de Revel au Haut Moyen âge
L'article III de la charte de fondation mentionne :
"que les consuls de Reibel soient juges au nom de notre Sire le Roi, dans les causes criminelles, à Revel et aux lieux de Vauré, de Dreuilhe et de Vaudreuille et que les dits lieux soient unis au lieu de Revel, et qu'en tout ce qui est du ressort de notre Sire le Roi, ils ne fassent qu'un corps de communauté et qu'un consulat avec le lieu de Revel".
Qu'étaient ces villages avant leur rattachement à Revel ?
Une étude historique montre qu'ils existaient déjà avant la création de Revel. Tout atteste de leur ancienneté : la toponymie, la dédicace des églises, les témoins archéologiques, etc.
Au début de XIllème siècle, Vauré était un village administré par un consulat.
L'étude du plan cadastral napoléonien nous apprend que Vauré était un village fortifié et ceint de fossés.
A l'intérieur de l'enceinte se dressait l'église entourée de son cimetière et de quelques habitations. La dédicace Saint Saturnin (1er évêque martyr de Toulouse IIIème siècle) de l'église atteste de son ancienneté(3).
Dreuilhe présente aussi un plan typique des habitats du Haut Moyen âge. Le village semble être, à l'époque féodale, un village de type ecclésial, fermé d'une ceinture de maisons entourant l'église Saint Saturnin. Cité pour la première fois dans un acte de notation de 1093, Dreuilhe était fortifié et entouré de fossés(4).
Une autre église dédiée à un saint mérovingien permet d'attester l'ancienneté du village : c'est l'église Saint André de Couffinal aujourd'hui disparue.
Il semble que cet édifice marquait l'emplacement du village primitif de Couffinal.
Situé près du lieu-dit le Fort, ce petit habitat était constitué d'une demeure seigneuriale et d'une église entourée de son cimetière.
Le toponyme le Fort nous amène à déduire que le village Saint André de Couffinal devait être fortifié(5).
Quant à Vaudreuille, la seigneurie fut citée pour la première fois en 1189 dans un contrat de mariage.
Le village primitif, appelé Saint Martin de Vaudreuille, était situé sur une colline à l'est de la vallée du Laudot.
Construite sur une petite éminence, l'église délabrée existe toujours. Sa dédicace à Saint Martin (évêque de Tours, IVème siècle) constitue la preuve de son ancienneté.
Près de l'église, des labours ont permis de relever des tegulae, des tessons d'amphores romaines et des poteries médiévales. Le site fut donc occupé pendant plusieurs siècles(6).
A la fondation de Revel, Vaudreuille, comme Vauré, Couffinal et Dreuilhe, fut rattaché au consulat de la nouvelle bastide et en restera dépendant jusqu'en 1581(7).
La nouvelle communauté conserva, et conserve encore une structure polynucléaire, celle d'une ville-mère entourée de ses hameaux satellites(8).
Nous pouvons supposer qu'il y a bien eu déboisement de la "forêt de Baure" mais la construction de la bastide n'occupait qu'une partie du terroir défriché, formé pour l'essentiel de l'assemblage des finages des villages anciens de Vauré, Dreuilhe, Couffinal, Vaudreuille.
3. MALARY S., op. cité, p. 98-99. 4. MALARY S., op. cité, p. 89-90. 5. MALARY S., op. cité, p. 84 6. MALARY S., op. cité, p. 138-139. 7. DOUMERC Gustave, Histoire de Revel en Lauragais, Albi, 1976. 8. BERTHE Maurice, ouvr. cité, p. 100. 9. BERTHE Maurice, ouvr. cité, p. 101. DOUMERC Gustave, ouvr. cité, p. 176. 10. BERTHE Maurice, ouvr. cité, |
Le regroupement territorial s'est accompagné d'une fusion administrative des villages anciens et de la nouvelle bastide en un seul "corps de communauté" et en un "consulat" unique(9).
Monsieur Berthe, professeur à l'Université de Toulouse le Mirail, affirme qu'il n'y a point eu mise en valeur des nouveaux terroirs agricoles puisque les sols essartés n'ont constitué que des terrains à bâtir.
Dans ce cas, la bastide peut être considérée comme une forme de concentration de l'habitat rural.
La fusion territoriale, résultant d'une décision politique, permettait d'uniformiser sous l'autorité des consuls et des coutumes, le statut des populations.
C'est l'affirmation de la volonté du pouvoir royal de concentrer la population rurale en vue de mieux la surveiller.
Les villages rattachés à Revel sont parfaitement repérables dans les avancées et les excroissances du territoire communal actuel de la commune.
Les bastides, dont les sources indiquent qu'elles ont regroupé des terres de plusieurs villages, offrent généralement des exemples de territoires hypertrophiés(10); c'est le cas de Revel.
Carte de l'occupation du sol dans la commune de Revel de l'époque antique à la fin du Moyen-âge
Site gallo-romain ∎ Nécropole barbare ∎ Châteaux disparus :• Châteaux © Eglises et cimetières disparus O Villages fortifiés Villages ouverts
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Revel, bastide médiévale
La construction de la bastide débuta le 8 Juin 1342 en exécution des lettres royales de Philippe VI de Valois.
La charte de fondation de la ville est constituée de 89 articles qui se suivent dans le désordre et qui établissent l'organisation de la bastide, des obligations, des droits et privilèges accordés aux habitants. Les institutions de Revel reposent essentiellement sur la charte de fondation.
Le texte de 1342 fournit des indications précises sur les conditions mêmes de la fondation : chaque habitant recevait un lot à bâtir de cinq brasses et une raze de large sur onze brasses et trois razes de long ; il s'engageait à y bâtir sa maison dans les trois ans à venir. Des terrains, servant à la dépaissance des troupeaux ont aussi été accordés aux futurs résidents.
La charte prévoyait aussi la construction de l'église, de plusieurs chapelles, et déterminait l'emplacement du cimetière.
La ville de Revel arbore le plan type des bastides du XIVème siècle avec sa halle centrale autour de laquelle s'articulent les maisons. La place est encadrée de couverts à arcades. Les rues se coupent toutes en angle droit. Des vestiges de maisons à colombage et de maisons à encorbellement peuvent être admirés, encore aujourd'hui, dans certaines rues de Revel telle la rue de Sœurs.
Le tracé de la ville offre encore une régularité remarquable.
L'étude de cartes anciennes et du plan cadastral de 1831 démontre que hors les murs, la maille orthogonale de la ville se poursuit assez loin dans la campagne environnante où elle a servi de support à l'extension récente de la ville.
Le tracé initial de la bastide avait en effet été considérablement réduit, comme ce fut souvent le cas, lors de la construction de l'enceinte en 1355(11).
11. LAURET A., MALEBRANCHE R., SERAPHIN G., Bastides villes nouvelles du Moyen Age, p. 214-1988
Extrait du plan cadastra napoléonien de Revel (1831).
Les fortifications ont entraîné une rupture dans le quadrillage des rues et délimitent donc la superficie de la bastide.
Dans un premier temps, quatre portes permettaient l'accès à l'intérieur de l'enceinte.
Plus tard, leur nombre passera à huit. Aux quatre entrées se trouvaient des "padouenés" c'est-à-dire des terrains en friche qui servaient de dépaissance aux animaux.
L'enceinte, qui avait presque la forme d'un polygone était constituée d'une muraille bordée d'un fossé qu'alimentaient les eaux du Sor.
Les consuls de Revel avaient dû traiter avec l'Abbé de Soréze qui les autorisa à détourner une partie des eaux du Sor à partir du Pont Crouzet en creusant un canal qui irait jusqu'au padouvenc de Soréze (actuel moulin du Roy).
Six moulins banaux furent établis sur cette dérivation du Sor.
Plan de Revel, extrait de l'ouvrage Bastides, villes nouvelles du Moyen âge cité en bibliographie.
La fondation de Revel a entraîné des modifications dans l'occupation du sol en ce sens que la bastide a attiré dans ses murs les habitants des petits villages alentour empêchant dès lors tout développement.
Selon Monsieur Berthe, la création de bastides a résulté plus de la restructuration de l'habitat et de la concentration des populations rurales dispersées, que d'un rassemblement d'habitants issus d'une poussée démographique.