Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                   PARU DANS  LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE NUMERO 14 - 2009 -

 

    L’ORIGINE DU NOM DE REVEL
Pierre BOUYSSOU


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S’attaquant avec beaucoup d’érudition au très difficile et controversé problème de l’origine du nom de notre ville, Revel, Pierre Bouyssou commence par nier l’affiliation possible de Revel et d’un Mons Revellus (Mont Revel) qui n’a jamais été localisé.
Pour lui ce serait un mythe.

 

Par contre il établit un lien solide avec la seigneurie de Revel en Auvergne, aux mains du chancelier de Philippe VI de Valois, Guillaume Flote.
L’hypothèse est séduisante, basée sur des faits très plausibles.
Elle n’avait jamais été formulée avec tant d’éloquence savante.

 

 

 

 L’origine étymologique de Revel ne fait aucun doute: c’est le fier mot latin: « rebellis » celui qui commence la guerre, qui se révolte, rebelle, indocile (Gaffiot, p. 1316, éd. 1934). Mais comment Revel a-t-il été nommé Revel?

            

Après la conférence du Professeur Poumarède(*), une discussion s’est instaurée sur l’origine du nom de la nouvelle bastide dont la charte de fondation avait été longuement analysée. J’ai fait figure d’iconoclaste en jetant un doute sur la filiation habituelle avec un château dénommé « Mont Revel » qui aurait été situé dans les environs. Voici les causes de mon doute et la solution qui me paraît évidente.

              

              LE MYTHE DE MONT REVEL

 

Gustave Doumerc (« Histoire de Revel, 1976, p. 48 et suivantes) considère comme acquis que Revel vient du château que Jourdain-Izarn et Guilhem de Saissac avaient été autorisés à édifier sur une colline (« podium », à noter qu’avec beaucoup de liberté Doumerc traduit ce mot, p.21, par « un bien rural »!) au lieu dit « Mons Revellus ».

Notre historien romance longuement (p. 48) sur l’emplacement selon lui vraisemblable du château au pied d’une colline « au sud du bassin de Saint Ferréol, à l’emplacement du château de l’Encastre ».

Sylvie Malary, autre historienne récente, reprend pratiquement ligne à ligne le texte de Gustave Doumerc, en y ajoutant prudemment que des fouilles n’ayant pas été exécutées à l’Encastre, on ne peut en savoir davantage… (« Le canton de Revel de l’Antiquité à la fin du Moyen Age »).

Elle s’appuie sur l’autorité de Vic et Vaissete (sic!) pour affirmer que « le château de Mont Revel aurait donné son nom à la future bastide ».

 

(*) NDLR: conférence organisée par la Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol, donnée à la Mairie  de Revel, le 25 janvier 2008 sur la fondation de Revel

 

Elle ne fournit pas ses références, mais il doit s’agir de remarques figurant dans « l’Histoire générale du Languedoc » (t. VI, p. 64 et 1064): nos savants auteurs écrivent au conditionnel que « le château de Mont Revel pourrait bien avoir donné l’origine de la petite ville de Revel » et « Revel, en Lauragais, doit peut-être son origine au château de Mont Revel ».Cette origine du nom de Revel posait problème depuis longtemps.

Catel, l’historien toulousain du XVIIe siècle, prédécesseur de Dom Devic et Dom Vaissete, affirmait que le nom venait de Philippe le Bel et qu’il s’agissait d’une bastide anciennement nommée « bastide de Lavaur », commettant cette confusion entre Lavaur (alors Vaurus sans préfixe) et Vauré (Vauro).

Il s’appuyait sur l’inscription latine gravée sur une des portes de la ville:
Nunc nota quae quondam vauri bastida vocabat Dicta Rebellus ero Regis honore mei…
Que l’on peut traduire: Appelée autrefois bastide de Vauré
Je serai dénommée Revel en honneur à mon roi…

 

 

Philippe VI de Valois et ses Conseillers

Le Roi fondateur de la bastide de Revel  n’est pas Philippe le Bel mais  bien Philippe VI de Valois

 

 

La mention finale de la phrase avait rendu possible, par une interprétation tout de même hasardeuse, l’attribution à Philippe le Bel de la fondation de Revel.

Dom Devic et Dom Vaissete avaient rectifié ce qu’ils considéraient à juste titre, comme une erreur et attribué à Philippe VI de Valois la fondation de la bastide.

Le débat n’était pas clos. Un autre érudit tarnais, à la fin du XIXe siècle, Curie-Seimbres, attribuait cette fondation à Eustache de Beaumarchais, désigné comme sénéchal de Toulouse par Philippe le Hardi en 1275. Il exprime avec certitude une affirmation que rien n’étaye (« Essai sur les villes fondées dans le Sud-ouest de la France sous le nom générique de bastides », Privat, 1880, pp. 288-290).

 

Molinier, dans la dernière édition de « l’Histoire générale du Languedoc » (Privat, 1885, t. IX, pp. 609, 610) réfute cette opinion avec force et s’étonne que Curie-Seimbres n’apporte aucune preuve de son affirmation. Molinier rétablit ce qu’il croit être la vérité (et qui va le rester!).

 En se fondant sur l’acte passé entre le prieur de Saint Martin des Champs le 2 juillet 1251 (le prieur était le conseiller du roi chargé des affaires de la « lingua occitania ») et les habitants de Revel, il fait remonter la date de la fondation à 1341, approchant ainsi à une année près de la vérité (HGL, t. IX, note 1, p. 620).

 

Philippe VI de Valois

 

Ajoutons, pour conforter les affirmations de Doumerc et de Sylvie Malary, qu’il précise là, (cette fois sans utiliser, comme Dom Devic et Dom Vaissete, le conditionnel…) que « dès avant 1341, il y avait un château à Revel, sur la colline où s’élève aujourd’hui la ville ».

Il s’appuyait naturellement sur le seul texte disponible, l’acte d’hommage de 1174 qui donnait au château ce nom de « Mons Revellus » (HGL, t. VIII, pp. 307, 308).

 

 

 

Mais, Molinier, plus avisé dans d’autres cas, a suivi la lettre de l’acte de 1174 qui parle d’un « podium », alors que Revel n’a pas été édifié sur une colline, faut-il le rappeler, mais dans la plaine.

Molinier, qui rétablit à un an près la date de la fondation, se trompe donc (faute, sans doute, d’avoir visité les lieux!) sur la localisation et il se trompe encore en affirmant que le choix du nom de Revel (op. cit. p. 621) venait de « Mons-Revellus ».

Revenons, d’abord, sur tant  d’éléments qui excluent, a priori, la filiation de Revel au « MonteRevellus» évoqué dans l’acte de 1174 qui a servi de référence jusqu’à ce jour.

 

Observons, en premier lieu, le temps des verbes utilisés dans l’acte: ils ont une sérieuse importance, qui n’a pas, jusqu’à ce  jour, attiré l’attention.

 

 

 

 

La bastide de Revel

 

Isarn-Jourdain et Guillaume de Saissac, appartenant à la grande famille éponyme du flanc sud de la Montagne Noire, reconnaissent le 30 août 1174 que le vicomte de Béziers leur a donné (« dedisti nobis ») une colline (« unum podium ») qui est appelée « Mons-Revellus » pour y construire un château (« ad edificandum ibi castrum »): il s’agit donc, en quelque sorte, pour employer un terme moderne, d’un « permis de construire ».

A ce stade de notre analyse une évidence s’impose: il n’existe sur le « Mons-Revellus » aucun château, ni habitat quelconque au temps de l’acte d’hommage.

Le temps des verbes utilisés ensuite, le futur, le confirme:… « Le château et autres fortifications qui y seront construits (« quod castrum et omnes forteras que ibi facte erunt »; et encore, à deux reprises: « le château qui sera construit à Mont-Revel» (« quod castrum in MonteRevello erit…) et:…« de ce château et des fortifications qui y seront… » (« De quo castro ne que de forteras qui ibi erunt… ») (HGL, t. VIII, pp. 307, 308).
Il est donc certain qu’en 1174 le château n’est qu’un projet.

En second lieu, qui peut affirmer que le projet a été réalisé? En dehors de cet acte de 1174, aucune source diplomatique ne le confirme et il ne sera jamais cité pendant les deux siècles et demi qui le séparent de l’édification de Revel.

En troisième lieu, à supposer qu’il ait été construit, rien ne prouve qu’il l’ait été près de Revel.
L’analyse attentive de l’acte de 1174 permet encore d’en douter. Le premier témoin est la vicomtesse de Narbonne qui n’a jamais eu ni possession directe, ni droits féodaux sur le flanc ouest de la Montagne Noire et qu’aucune source ne cite comme témoin lorsqu’un acte concerne ce secteur.
Les autres témoins sont tous originaires de localités situées entre Narbonne et Carcassonne (Cabaret, Montréal etc..).
L’étude de nombreux actes contemporains montre que les témoins sont généralement choisis dans la proche région. A titre d’exemples à peu près contemporains, on constate qu’un accord, en 1141, entre les vicomtes de Béziers et de Lautrec voit intervenir comme témoins des seigneurs venant de Castres, Verdalle, Le Gua, Saint Félix (HGL, t. V, pp. 1049, 1050).
Dans un acte d’hommage du 7 août 1162, Isarn-Jourdain de Saissac (l’un des signataires de l’hommage fait pour Mons-Revellus) concernant Verdun et Saissac, hommages plus importants, les témoins viennent de toute la région: Rodez, Najac, Montaigu, Villeneuve d’Aude, L’Isle en Jourdain, en présence de l’évêque de Carcassonne, dans l’église d’Alzonne (HGL, t. V p. 1252).
Dans un plaid tenu par le vicomte Trencavel, le 12 décembre 1163, concernant les seigneurs de Termes, donc au sud dans les Corbières, interviennent Ermengarde de Narbonne, les seigneurs de Laurac, Capendu…
Aucun n’est originaire de l’ouest (HGL, t. V, p. 1278). Enfin, en 1173, des différends survenus dans la famille de Dourgne à propos de possessions à Puylaurens et Verdalle, sont réglés en présence de l’abbé de Saint Pons (qui est alors un Roquefort, voisin de Dourgne!), des seigneurs de Labruguière, de Lautrec, de Sabournac (au
nord de Puylaurens), de chevaliers de Puylaurens (HGL, t.V, pp.1307, 1308).

Si l’hommage de 1174 correspondait à un bien situé à côté de Revel, à l’évidence seraient intervenus les seigneurs de Dourgne, d’Hautpoul, de Saint Félix et les Roquefort directement intéressés par un établissement au sein de leur seigneurie, alors que les différends existant entre eux et les Saissac à propos de leurs droits respectifs dans la Montagne avaient été tranchés par Trencavel lors d’un plaid intervenu dix ans plus tôt, en novembre 1163 (HGL, t.V, pp. 1275, 1276).

La même observation vaut pour la tour de Fournès, à Soréze. Certains auteurs ont voulu y voir un vestige de Mont-Revel.

 

Là nous n’avons même pas le rapprochement des noms. Comment supposer que le « podium » (et son château, s’il a été construit!) ait perdu son nom en moins d’un siècle? En effet, vers 1248, Guillaume Rafard, originaire de Roquefort, évoque la « tour de Fournès » : avec son père et deux verriers de Soréze, il rencontrait là un « parfait » blessé, Nadal, qui attend la nuit pour entrer dans Soréze où il va consulter le médecin Hélie, lui-même hérétique (déposition du 31 août 1278 devant les inquisiteurs Hugues Amiel et Jean Galand, registre de Parnac, transcrit par Jean Duvernoy). Il faut donc abandonner encore cette autre piste: un château ne disparaît pas de la toponymie locale en moins d’un siècle.

 

Motte castrale de la « Tour de Fournès » près de Saint Ferréol.

 

La topographie des lieux laisse à penser qu’il s’agit à l’origine d’une motte féodale (premier type de sites fortifiés au moyen âge) avec système défensif  (présence de fossés autour de la structure). La tapisserie de Bayeux (XIème siècle) montre une motte castrale avec sa tour sommitale entourée d’une palissade en bois.

 

En résumé sur ce point, il n’existe aucune preuve qu’un château ait été construit sur le podium de Mons-Revellus, aucun élément permettant de le localiser, encore moins dans la région de Revel ou de Soréze. Revel ne tire pas son nom de cet hypothétique château.

QUELLE ORIGINE POUR REVEL?

 

Mais d’où peut donc venir le nom de la bastide?
Molinier, dans ses notes critiques, tout en admettant avec une apparence de certitude la construction de Revel à l’emplacement du château de Mons-Revellus, reconnaît cependant, en historien objectif, que le nom de Revel n’apparaît jamais dans les textes avant Philippe VI.
Il constate qu’il ne figure ni dans la bulle de Jean XXII de 1317 délimitant le diocèse de Lavaur, ni dans un autre texte contemporain (« procuratio integra diocesis vaurensis » HGL, t. IX, pp. 620, 621).
De même n’existe-t-il aucune référence à un habitant originaire de Mons-Revellus, particulièrement dans les procès-verbaux de l’Inquisition de 1232 à 1282, concernant les localités de la Montagne Noire et de la plaine: Roquefort, Durfort, Dreuilhe, Soréze, Cahuzac, Palleville, Las Touzeilles et surtout Vauré (P.V. d‘interrogatoires traduits par Jean Duvernoy, CEC, Carcassonne).
Faute d’habitants de cet improbable « castrum », nous avons recherché si les patronymes analogues rencontrés au cours du XIIIe siècle et de la première moitié du XIVe siècle pouvaient apporter une solution.
En effet, le patronyme de Mons-Revellus apparaît épisodiquement. En octobre 1267, Guillaume de MonsRevello, inquisiteur dominicain, intervient pour régler des différends entre le comte Alfonse et les consuls de Toulouse, puis, en 1268, pour diminuer les frais de fonctionnement de l’Inquisition, ce qui lui vaut des félicitations du comte…(HGL, t. VII, pp. 893, 908).
Il réside à Toulouse et nous n’avons aucune information sur son lieu de naissance.

Même observation pour Pierre de MonsRevello, procureur royal en Languedoc en 1336/1337. Notons, pour l’anecdote, qu’il règle un différend survenu entre le sénéchal de Toulouse et les frères Bertrand et Philippe de Lévis à propos de leurs frais de voyage de Montréal à Albi (HGL, t. X, p. 800). Notons surtout qu’il intervient parmi les témoins signataires de la charte de juin 1342, avec les titres de docteur en droit et de juge mage de Toulouse (Ramière de Fortanier, « Histoire du droit municipal en Lauragais », p. 590).

Le rapprochement du nom et de la qualité du signataire ont conduit allègrement Jean Clos à lui attribuer la paternité de Revel: « Ce Pierre de Mont-Revel, qui est le premier témoin, donna selon toute vraisemblance son nom à la nouvelle bastide, et il tenait lui-même ce nom d’un château situé sur une colline du voisinage et qui fut bâti en 1174 par des seigneurs de la maison de Saissac » (« Notice historique sur Soréze et ses environs », Jean Clos, 1822, p. 59).
En dehors de cette homonymie, rien ne permet de rapprocher le Mons-Revellus de la charte de 1342 et la bastide de Philippe VI de Valois.

Plus intéressant est-il de constater que ce nom de Revel, alors que la bastide n’existe pas, se rencontre à deux reprises à la fin du XIIIe siècle. Un Guillaume Revel intervient le 27 mars 1263 devant les commissaires royaux pour la restitution de biens injustement confisqués à une famille de Sauzens (Aude) où il réside avec les autres témoins (HGL, t. VII, p. 321). Rien ne permet d’établir ici encore un lien avec Mons-Revellus…
Curieusement, c’est à proximité de notre Revel (qui n’existe alors toujours pas!) que l’on rencontre une seconde fois ce patronyme: Isarn de Revel, seigneur de Cuq, prête serment à Philippe le Hardi en décembre 1271 (en même temps qu’Aymeric et Jourdain de Roquefort, sans doute ses cousins) puis en janvier 1272, parmi les nobles de la baillie de Saint Félix.
Nous le retrouvons en 1318, mais avec ajout de Roquefort à son patronyme, à l’occasion d’un arrêt du Parlement de Paris (11 mars 1318) qui le décharge, avec trois autres co-seigneurs, de la basse justice de Cuq (Ramière de Fortanier, op. cit. p. 563).
Il est bon de souligner, à ce propos, qu’après avoir recensé les Roquefort pendant trois siècles, nous n’avons jamais rencontré une autre alliance des deux noms.
Ici, encore, une évidence: le modeste co-seigneur de Cuq n’a pu avoir aucune influence sur la dénomination ultérieure de la bastide. Alors, d’où vient ce nom?

Si l’on oublie l’hommage à Trencavel des Saissac pour Mons-Revellus et l’apparition fugitive du patronyme, il est employé pour la première fois dans la charte du 8 juin 1342. Il est choisi, comme le rappelle le sénéchal, et imposé par le roi: « processimus ad fundationem bastida, cui nomen imposuimus Revel, nomine Regio, in foresta Regia de Vauro », que l’on peut traduire:

« Nous procédons à la fondation de la bastide à laquelle nous imposons le nom de Revel, par dénomination royale, dans la forêt royale de Vauré ».

On sent bien à la lecture de ce préambule, une manifestation d’autorité pour imposer ce nom, alors que celui de Vauré paraissait plus normal, s’agissant et de la forêt et de la bourgade éponyme située en ce lieu.

 

Cet abandon du nom de Vauré est étrange.

 

Vauré est au début du XIVe siècle, un consulat, autrement dit une agglomération dotée de sa propre administration.

 Le 4 décembre 1322, le juge mage de Toulouse concède à Pierre Adalbert et Arnaud d’Assoual, consuls, et à toute la communauté de Vauré divers privilèges dont le plus important est celui de la justice criminelle avec nomination du Juge Royal par la communauté, privilège sans autre exemple selon Ramière de Fortanier   (op. cit. p. 563).

Cet acte apparemment inconnu de Catel, Dom Devic et Dom Vaissete, Molinier, publié pour la première fois par Ramière de Fortanier, montre l’importance prise par cette communauté de la plaine. Il est même précisé que le juge de Lauragais (« judex           ordinarius lauragensis ») tiendra ses assises à Vauré.

 Sa juridiction couvrait les localités voisines depuis Saint Félix (« ultra limitationem Sancti Felici »). Peut-être l’institution inhabituelle d’un juge doté de tels pouvoirs était-elle dictée par l’insécurité qui, dit-on, était entretenue par les brigands de la forêt voisine.

En tous cas, Vauré dispose de tout ce qui est nécessaire pour assurer la justice royale: prisons fourches, piloris (« carceres, fourche, opillorium… »). Vauré tient ses marchés une fois par semaine (« mercatum semel in septimana ») et ses foires deux fois par an au jour fixé par le sénéchal.

 Cinq jours après cette promulgation par le juge mage, Jean de Trie, sénéchal de Toulouse, confirme les privilèges concédés en son nom aux consuls de Vauré et, l’année d’après, en juillet 1322, Charles IV le Bel les confirme à son tour sous le titre plaisant de: « carte constitutiones et privilegia ibi declarate, date et concesse consulibus et universitate ville de Mauro (sic) in senescalia Tholose ».

 

Encore en février 1342, la lettre d’instructions de Philippe VI au sénéchal de Toulouse (qui n’est pas nommé) pour défricher le sol de la nouvelle bastide ne fait-elle aucune allusion à Revel, mais à Vauré (« si fieret nova bastida in foresta nostra de Vauro »). (Ramière de Fortanier, op. cit. p. 568).

 

Alors pourquoi ce nom de Revel surgit-il trois fois

 

LE SEIGNEUR DE REVEL

 

En recherchant les patronymes qui évoquaient Revel, mais dont aucun ne pouvait fournir la solution, nous avons été frappés de la fréquente mention dans de nombreux actes du « seigneur de Revel » (« dominus de Revello »), alors que Revel, ni avant, ni, bien sûr, après sa fondation n’a jamais eu de seigneur (HGL, t. X, pp. 40, 754, 1028 à 1035, 947, 442, 445, 543).

 

Le « seigneur de Revel » cité depuis la fin du XIIIe siècle est un titre qui appartient à la famille de Flote, dynastie de grands serviteurs de la Couronne dont le fief de Revel se trouve à l’est de Clermont Ferrand.

 Mais le château a changé de nom sans doute vers la fin du XIIIe siècle.

Revel d’abord, connu depuis 1171 date à laquelle Bernard de Revel en était le seigneur, est devenu 1283 propriété du roi de France, Philippe III le Hardi, fils de Saint Louis qui l’agrandit, le ceint de tours et le nomme Ravel. La forteresse remaniée ne restera pas longtemps dans le domaine royal.

 En 1294, Philippe le Bel la donne à son principal conseiller, Pierre II de Flote, chargé de missions importantes, premier laïc à devenir chancelier de France et donc nouveau « seigneur de Revel » , avant d’être tué en 1302 à la bataille de Coutrai.

 Son fils, Guillaume Ier, à son tour seigneur de Revel  et d’Escolles, sera, lui aussi, chancelier de France, entre 1339 et 1347. Il va souvent intervenir en Languedoc. Louis le Hutin lui confie par lettre du 5 octobre 1315 la mission d’y « juger les abus des commissaires royaux », (HGL, t. IX, p. 358).

 

Vauré n’est aujourd’hui qu’un petit hameau. L’analyse du plan cadastral de 1830, montre un parcellaire arrondi faisant penser à un village ecclésial.

 

En1325, le roi le nomme plénipotentiaire avec l’évêque de Viviers, le connétable Jean de Cherchemont et Alfonse d’Espagne, cousin du roi, pour conclure la paix avec le roi d’Angleterre (op. cit. p. 436).
Mais quel rapport entre cette seigneurie lointaine et notre Revel? Voici sans doute l’explication. Guillaume Bardin, parlementaire toulousain qui tient une chronique jusqu’au milieu du XVe siècle, nous apprend que le chevalier Guillaume de Flote est le sénéchal de Toulouse vers 1332 (Du Mège, « Histoire de Languedoc », t. 6, p.584). Il l’est encore en 1337 (HGL, t.X, p. 787). Il est improbable qu’il le soit resté en prenant ses fonctions de chancelier de France, semble-t-il à partir de 1339. Molinier (op. cit.) pense qu’il a été nommé commissaire du roi pour la fondation de la bastide cumulant ainsi cette fonction avec celle de chancelier.
Il avait dû recevoir, en tant que sénéchal, les plaintes des « vauréens » et proposer au roi la solution: créer là une bastide, c’était civiliser l’endroit, y implanter d’une manière plus directe l’autorité royale et satisfaire le voisinage. L’affaire a du être longue à instruire aboutissant à la lettre du roi du 24 février 1342, adressée au sénéchal de Toulouse.
Etait-ce déjà Agout des Baux? Celui-ci avait été nommé sénéchal de Nîmes le 3 octobre 1340, puis à Toulouse un 3 mars sans qu’il soit possible de préciser selon les renseignements glanés par Molinier à diverses sources, si c’était en 1341 ou 1342, et si donc c’était Agout des Baux qui avait reçu les instructions de février 1342 (op. cit. pp. 620, 621).
Notons pour souligner toutes les incertitudes qui ont pu marquer les origines de Revel que Dom Devic et Dom Vaissete indiquent la date de 1332 pour sa fondation, date retenue par les diverses éditions du Larousse. Molinier, après divers calculs, retient la date de 1341 et Ramière de Fortanier 1342, en s’appuyant sur le « vidimus » (acte de confirmation) donné par Philippe VI de Valois à Paris en décembre 1343.

Quel que soit le nom du successeur de Guillaume de Flote au début de l’année 1342, et en admettant que ce soit déjà Agout des Baux, on peut affirmer qu’il n’a eu d’autre responsabilité que celle de proclamer la charte du 8 juin 1342, octroyée par le roi et manifestement l’œuvre de Guillaume de Flote, préparée lors de son long séjour en Languedoc.

Insistons encore sur la manifestation de cette volonté royale rappelée par Agout des Baux dans le préambule de la charte: « par la force des instructions directement reçues du roi » (« vigore quarumdem litterarum Regiarum nobis directarum »).

Et c’est bien ainsi par décision souveraine que la seigneurie de Guillaume de Flote a transmis son nom à ce nouveau Revel.

 

 Dom Devic et Dom Vaissete l’avaient admis,  alors que Molinier, cité plus haut, préfère « Mons-Revellus »: « Il y a apparence qu’il nomma commissaire pour la fondation de cette ville Guillaume de Flote, seigneur de Revel, et que celui-ci imposa le nom de Revel, car nous voyons que la plupart des bastides construites dans la Province depuis le milieu du XIIIe siècle jusqu’au milieu du siècle suivant, prirent le nom des seigneuries que possédaient les lieutenants du roi, les sénéchaux ou les commissaires qui les établissaient ». (HGL, t. IX, p. 621).

 

 

Schéma simplifié du château de Ravel

 (Puy de Dôme) en Auvergne

 

Pierre de Flote père de Guillaume.

 

 

 

C’est, à n’en pas douter, en récompense des services rendus et en hommage à cette dynastie des seigneurs de Revel que Philippe VI a imposé ce nom, venu de l‘Auvergne lointaine, à la nouvelle bastide qui aurait dû s’appeler Vauré.

 Ne le regrettons pas: plutôt qu’une filiation avec le mythique Mons-Revellus, il vaut mieux le parrainage d’un chancelier de France, plus tard connétable (HGL, t.X, pp. 1050, 1086 à 1109), dont le fils sera Amiral de la Mer. Revel se trouve ainsi rattaché à de grandes pages de l’histoire de France.

 

Si Revel doit sa création à Philippe VI de Valois et l’a honoré en lui donnant le nom de sa place centrale, elle doit son nom à Guillaume de Flote sans qui Revel ne serait pas Revel: à quand une place, ou une avenue Guillaume de Flote?

 

Nota: rien n’est simple dans les origines de Revel. Le Larousse fait par erreur de Guillaume de Flote, le seigneur d’un autre Revel doté d’un château, en Dauphiné…

 

CHANCELIER DE FRANCE.

 

 C’est le chef de la justice et de tous les conseils du roi. Il est le premier président né du grand conseil : il peut aussi, quand il le juge à propos, venir présider dans tous les parlements et autres cours ; c’est pourquoi ses lettres sont présentées et enregistrées dans toutes les cours souveraines.

Il est la bouche du roi et l’interprète de sa volonté : c’est lui qui les expose dans toutes les occasions où il s’agit de l’administration de la justice. Lorsque le roi tenait son lit de justice au parlement, le Chancelier était au-dessous de lui dans une chaise à bras, couverte de l’extrémité du tapis semé de fleurs-de-lys qui était aux pieds du roi. C’est lui qui recueille les suffrages, et qui prononce. Il ne peut être récusé.

Sa principale fonction est de veiller à tout ce qui concerne l’administration de la justice dans tout le royaume, d’en rendre compte au roi, de prévenir les abus qui pourraient s’y introduire, de remédier à ceux qui auraient déjà prévalu, de donner les ordres convenables sur les plaintes qui lui sont adressées par les sujets du roi contre les juges et autres officiers de justice, par rapport à leurs fonctions, prééminences et droits.

C’est encore une de ses fonctions de dresser, conformément aux intentions du roi, les nouvelles ordonnances, édits et déclarations, et les lettres patentes qui ont rapport à l’administration de la justice. L’ordonnance de Charles VII, du mois de novembre 1441, fait mention qu’elle avait été faite de l’avis et délibération du Chancelier, et autres gens du grand conseil, etc.

C’est à lui qu’on s’adresse pour obtenir l’agrément de tous les offices de judicature.

 

Pierre de Flote – Chancelier de France

 

Né probablement en Languedoc dans la deuxième moitié du XIIIème siècle, il reçoit une formation juridique.

 Il sera le redoutable adversaire des ennemis du Roi de France: le Roi d'Angleterre, Edouard 1er Plantagenêt et du pape Boniface VIII.

 Pierre Flote est expédié par le Roi à Rome pour négocier la canonisation de Louis IX.

L'an 1300 marque l'apogée de Pierre Flote qui est revêtu de la dignité de chancelier de France.

Cette charge jusqu'alors réservée au clergé est, pour la première fois dévolue à un laïc.

Il reçoit en cadeau la forteresse de Ravel.

Philippe IV s'appuiera encore sur l'habileté peu scrupuleuse de Pierre Flote lors de l'affaire Saisset..

 En 1301, il lit en plein conseil du Roi les chefs d'accusation portés contre Bernard Saisset, évêque de Pamiers.

Ce dernier avait été emprisonné par Philippe le Bel pour haute trahison.

En fait, il n'avait tenu que des propos désobligeants.

Aussitôt, Boniface prend la défense de son subordonné et par la bulle " Ausculta Fili " rappelle le monarque à la modération, traite ses conseillers de ministres de " l'idole Bel ".

Parmi ces ministres, le chancelier se trouvait en bonne place. Cette bulle nous apprend même qu'il était borgne.

Il aura un fils Guillaume de Flote, Chancelier de France de 1339 à 1347.

 

 

Le château de Ravel est situé dans la commune de Ravel, dans le département du Puy-de-Dôme, en Auvergne. Ancienne forteresse royale du XIIe siècle, il a été l'hôte du tournage du film Les Choristes. C'est un des plus beaux châteaux d'Auvergne.

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