Histoire de Revel Saint-Ferréol                                  CAHIERS DE L’ HISTOIRE - N° - Année 201 - p..

DOURGNE - LES ARDOISIERES de LIMATGE

D'après le livre de Bernard Lagarde

 

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Dans l’annuaire du Tarn de 1860 on pouvait lire:

« le schiste, plus abondant et ordinairement brun ou gris, est fréquemment ardoisier et on l’exploite comme tel notamment à St-Aignan, près de Lacaune et à Dourgne. »

En 1888, à Dourgne, des règlements précis régissent l’exploitation des ardoisières communales. Une commission mi-partie de conseillers municipaux et d’ardoisiers délimitera les concessions et le transport des déblais, proportionnera les surfaces concédées au nombre d’ouvriers employés et à la qualité d’ardoise extraite.

Cette exploitation de l’ardoise à Dourgne remonte, dit-on, à l’époque romaine. Il est difficile aujourd’hui de dater avec précision le début de l’exploitation des ardoisières de Limatge, lieu appelé autrefois « l’Alleu del Fossat ».

En 1885, plusieurs exploitants travaillent sur divers chantiers, ils se nomment:

-Auguste Fabre à Limatge,
-Mathurin Fabre,
-Fontes,
-Seguier,
-Veyrie,
-Boyer.

En 1887 viennent s’ajouter à cette liste: Albert, Alboui, Armand, Audie, Auge, Benazeth, Bertoumieu, Beteille, Bonafous, Bonnet, Bouisset, Carrière. L’annuaire du Tarn de cette année ne précise pas les différents lieux d’exploitation.

Ce qui est intéressant de constater, c’est le nombre impressionnant d’exploitants pour une même commune, et le peu de toitures d’ardoise dans le pays, les abbayes n’ayant vu le jour que quelques années plus tard.
En effet, à l’aube de ce siècle, ils sont plus d’une centaine, 109 exactement, à travailler à la carrière de Limatge, venant de Dourgne, mais aussi d’Arfons, de St-Amancet, de Massaguel ; c’est à pied qu’ils rejoignaient le matin comme le soir le lieu de travail ou leur foyer.

 

 

 

 

Victor Benazeth ouvrier et couvreur avec son chargement d’ardoises.

 

Un groupe d’ardoisiers au début du siècle pose pour le photographe dans le chantier principal de Limatge :
le directeur, M. Morand est en haut à droite avec le chapeau. On y reconnaît entre autres, Léopold Augé, Victor Bénazeth et un certain Jean dit En Nicarel de la Montagnarié.

Sur cette photo, différents sentiers sont visibles : notamment le sentier des Arfuntols venant de La Vialette par la ferme de Galant. Les ardoisiers qui empruntaient ces chemins à pieds arrivaient déjà bien fatigués pour attaquer une dure et longue journée. Ils en repartaient après avoir cultivé quelques légumes dans les « bouzigues », petits jardins aménagés à côté de la route.

Ils n’oubliaient pas, même après une dure journée de labeur, de cultiver quelques légumes à la belle saison dans leurs « bouzigues » (jardins) implantées de part et d’autre du chemin d’accès à l’ardoisière ; ils rentraient avec la nuit, en laissant traîner leur bâton ferré avec un bruit caractéristique, un gros fagot de bois sec sur les épaules. Le temps était bien employé.

En mars 1904, éclata une grève des ardoisiers qui réclamaient une augmentation de 0,25f  pour une journée de 8 heures. On put les voir descendre à Dourgne en cortège avec des drapeaux rouges et en chantant, sur l’air de la Carmagnole, ces paroles en patois:

« Uno Arfountolo, escoutas pla,
   Uno Arfountolo, escoutas pla,
   Uno damo voulio sembla,
   Mès es qu’un vielh fagot... »

Toutes ces paroles étaient en fait destinées à la femme du patron d’alors (M. Fabre) qui, parait-il, influençait beaucoup son mari. Elle venait d’Arfons, ne savait presque pas parler le français mais se faisait passer pour une grande dame, ce qui ne plaisait pas toujours aux pauvres ardoisiers qui subissaient souvent ses décisions.

Pendant qu’ils faisaient grève aux ardoisières, un peu plus tard, les ouvriers employaient leur temps à travailler à la construction de l’abbaye Ste Scholastique.

Charrettes de lauzes à l’entrée du faubourg dans l’attente d’être convoyées jusqu’à la gare

 

Le transport de l’ardoise de toiture se faisait, bien évidemment, avec des charrettes tirées par des vaches ou des bœufs. Elles étaient souvent entreposées au bout du faubourg en attente de traction.
Ce transport était effectué par les agriculteurs locaux qui n’avaient plus de travail, l’hiver ou après les moissons. Ils ne pouvaient faire qu’un voyage par jour et ne transportaient que 15 toises (60m²)
Sur le chemin d’accès à la carrière, les ouvriers avaient découvert un filon de grès. Cette pierre, découpée, était utilisée pour affûter les outils de taille et même, beaucoup plus tard, les disques en tungstène et diamants.

Différents chantiers s’étageaient dans la carrière à ciel ouvert:

- sur le côté nord: les chantiers de St-Ferréol, du Bureau, de la Forge et de la Cuisine.

- sur le côté sud: les chantiers du Peuplier Haut, du Peuplier Bas, de Port-Arthur et de la Sauzo.

A la fin du siècle dernier, pour couvrir l’usine textile de Lastours, les ardoisières de Dourgne, qui employaient alors plus de cent ouvriers, détachaient leurs équipes de couvreurs auxquels s’ajoutaient les charpentiers et les ferblantiers pour un travail en commun.

En septembre 1947, sous la direction d’un ingénieur des mines, c’est par une galerie creusée horizontalement au fond des gorges du Taurou, que l’on espérait atteindre les couches sédimentaires ardoisières. Le creusement étant en cours, quelques vieux ardoisiers, s’ils se rendent à l’argument géologique, objectent que le clivage de l’ardoise de Dourgne présente un sens déterminé, un « fil » et qu’on ne saurait donc l’aborder avec profit dans un souterrain car ou bien des éboulements s’en suivront ou bien le matériau trop dur opposera une résistance pénible à vaincre.

Les différents propriétaires exploitants à se succéder à la tête des ardoisières de Limatge:

- Fabre
- Morand
- De La Roque
- Benazeth H.
- Benazeth E. (mon grand-père maternel « en Poumpi »)
Un contrat d’exploitation fût signé en 1936 pour 99 ans

 

Un chantier de Limatge au début du 20ème siècle. Les wagonnets à bascules sur rails Decauville, servaient à transporter les déchets d’ardoise du chantier jusqu’aux remblais.
Les ardoisiers refendaient entre leurs jambes les blocs d’ardoise sur place avec ciseaux, marteaux et tenailles avant d’être taillées en lauzes toujours à la main, à l’intérieur des ateliers.

Les trous de mine étaient creusés longuement à deux, un ardoisier tenait et faisait tourner la barre mine, un autre frappait celle-ci avec une masse appelée « bourre ».
Un forgeron, employé à plein temps, s’occupait de façonner et d’entretenir tous les outils métalliques : ciseaux, burins, marteaux et tenailles.

Le principal remblai de l’ardoisière donne sur la vallée du Baylou dominé par le plateau de Cantemaraud : de nombreuses voies y aboutissaient venant des divers ateliers et chantiers.

C’est dans ce grand chantier de Limatge que partaient principalement les rails aux remblais.
Un jour, une malheureuse vache de la ferme de Sacaze  y fut retrouvée par les premiers ouvriers, éclatée, après avoir chuté du haut du grand mur.

A cause de ce grand chantier mobile, il a fallu déplacer la route départementale venant de Dourgne et allant à Arfons. Les ardoisiers arrivaient tous les jours de St Amancet, Arfons, Massaguel et Dourgne par des chemins à travers bois et champs.