Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                      LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE

 

 

 

LES CASSES au temps de la CROISADE DES ALBIGEOIS

 


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SOMMAIRE

 

PROLOGUE

 

INTRODUCTION

 

CHAPITRE I - Les CASSES site d'un habitat très ancien

1) Ibères - Celtes

2) Romains

3) Les invasions : les Wisigoths

4) Les Mérovingiens et les Sarrasins

 

CHAPITRE II - Il y a 800 ans : Jeanne d'Angleterre assiège Les CASSES

1) Le récit de l'évènement

2) Les luttes féodales

3) Les CASSES au cœur du Catharisme

 

CHAPITRE III - La religion et l'église cathare : "concile" de Saint Félix Lauragais

1) Hérésie et tolérance

2) La charte du "concile" de Saint Félix

3) La religion des "Bons Hommes"

4) L'implantation cathare aux CASSES

 

CHAPITRE IV - L'invasion

1) Déclanchement de la croisade des Albigeois

2) La conquête des domaines de Trencavel

3) Simon de Montfort investit le Lauragais

 

CHAPITRE V - Le Bûcher des CASSES

1) Les évènements : date et lieux

2) Des sources d'information divergentes

3) Les enjeux stratégiques de cette chevauchée

4) Les cathares surpris aux CASSES

 

CHAPITRE VI - "Terre de feu et de sang"

1) Montferrand

2) Première bataille de Castelnaudary

3) La revanche des Occitans

4) La capitulation de Raymond VII

 

CHAPITRE VII - L'inquisition

1) Principe et organisation

2) Des témoignages parfois contradictoires

3) La délation

4) La terreur

5) Hymne à la mémoire

6) Connaissance des hommes et des métiers

 

CHAPITRE VIII - Massacre des inquisiteurs et chute de Montségur

1) Avignonnet

2) Montségur

3) Exode

 

CHAPITRE IX - Les croix et stèles discoïdales dites "cathares"

1) Origine

2) S'ont-elles "cathares" ?

3) L'Orant des CASSES

4) Les bornes :"Bodula" (boules)

5) Les croix ornées d'un triangle

6) Pierres tombales

 

CONCLUSION

 

               

 

 

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PROLOGUE

 

            Ce fascicule a été réalisé à l'occasion de la journée "Historiades des Cassès" du 20 juin 1998.

Il est le fruit du travail de recherches historiques effectuées par la "Section Patrimoine" de la M.J.C.

Il a été rédigé par Reine Expert et Pierre Crespy.

Avant tout, il est un document rassemblant des textes écrits par des historiens expliquant les évènements de quelques histoires sur Les Cassès et n'a pas la prétention d'être une œuvre littéraire. Il n'est qu'une lecture égocentrique d'ouvrages écrits par des historiens.

Les auteurs que nous citons écrivent certains noms propres différemment (Raymond - Raimon) (Bouffil - Bofils - Boffilh pour traduire Bonus Filius, cathare bien connu des Cassès).         

Par ce fascicule et cette journée "Historiades des Cassès" nous avons voulu faire mémoire d'un évènement qui s'est produit il y a 800 ans:

"Jeanne d'Angleterre, épouse de Raymond VI, assiège les Cassès".

 

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LES CASSES AU TEMPS DE LA CROISADE DES ALBIGEOIS

 

INTRODUCTION

 

            Entre mer méditerranée et Océan Atlantique, entre Montagne Noire et Pyrénées, le Fort, plate-forme du "Castrum" brûlé pendant la croisade des albigeois, surveille le sillon du Lauragais.

 

            L'éparpillement de débris de poteries, et même la présence de pierres taillées et polies témoignent d'une occupation très ancienne, mais ne nous fournissent pas des renseignements très précis sur la vie locale de nos ancêtres.

 

            Combien de marchands, de conquérants, de religieux, d'artistes, de jongleurs et de troubadours, de princes et de rois, sont passés par les chemins qui sillonnent le Causse et gravissent les "cuestas" ?

            Combien de générations de paysans se sont succédées sur ces terreforts, pour exploiter les champs, les haies et les bois de chêne ?

            Combien de pèlerins, de bonshommes, de brigands et de gueux ont profité des reliefs des collines et des bois pour s'abriter des rafales du vent d'Autan, du froid et de la pluie venant du Cers notamment pendant la croisade des Albigeois et la résistance clandestine des cathares en Lauragais ?

 

            Haut lieu du catharisme, tristement célèbre pour son bûcher, de son château, il ne reste que la plate-forme appelée le "Fort". Le rôle joué par la famille de Roqueville, seigneur des Cassès, l'activité des diacres, des parfaits et même des habitants des Cassès est attestée par les historiens se référant à des documents authentiques. La réalisation d'une synthèse présente l'intérêt de retrouver la vie clandestine des cathares en Lauragais et leur émigration notamment en Italie.

            Il y a huit siècles, Jeanne d'Angleterre, épouse de Raymond VI comte de Toulouse, fit le siège des Cassès (château lui appartenant en biens propres et dont les seigneurs lui manifestaient des signes de mécontentement.)

 

ORIGINE DU NOM

 

            Au fil des siècles la toponymie (étude de l'ensemble des noms de lieux) de LES CASSES s'est modifiée.

 

            Avec l'aide du dictionnaire topographique de l'Aude (abbé Sabbarthès), nous avons pu retracer cette évolution :

 

            En 1211 nous trouvons        LES CASSAS

            En 1226    "           "              VILLA CASSE

            En 1271    "           "              CASSORS/CASSERS

            En 1494    "           "               ESCASSES

            En 1781     "          "               LES CASSES

 

LES CASSES-VIEUX, localité disparue, qui a du précéder le village actuel (archives de l'Aude, ref. H 421)

 

Deux hypothèses sont à retenir pour l'origine du nom :

 

- Origine Celte (gaulois ; VIIème siècle avant J.C.) de cassano (chêne) qui a donné "casse" en occitan. La variété de chênes qui entourait le village expliquerait l'origine de son nom.

Cette hypothèse plaît aux habitants des Cassès. Est-ce  parce qu'ils ont planté des haies qu'ils sont fiers de leur village et véhiculent l'image du chêne ?

 

- Origine Latine : Casa (casae) ou casser désigne l'habitation primitive, une maisonnette, une hutte  un fonds de terre avec maison. Dans son ouvrage " La femme au temps des croisades", Régine Pernoud analysant les documents juridiques du royaume de Jérusalem écrit :"De nombreux accords sont ainsi mentionnés touchant des biens agricoles, de la terre ou des "Casaux" - probablement terroirs avec maisons, ce que nous appellerions des fermes. Les militaires vivent dans des casernes.


CHAPITRE I

LES CASSES, SITE D'UN HABITAT TRES ANCIEN

 

            Les affleurements rocheux de calcaire et de grès qui dominent les "cuestas" étaient sûrement très propices à l'habitat de l'homme dans les temps les plus primitifs. Ces abris naturels au pied des petites falaises ou "cuestas" à proximité de l' eau des sources du Marès et du Fresquel sont favorables à la vie.

            Des pierres polies et des haches y ont été découvertes, dont quelques unes très effilées. A quel âge appartiennent ces intéressants vestiges? Nous ne nous permettons pas de les dater. Il est reconnu que les plus anciennes pourraient appartenir à l’âge néolithique qui est contemporain de l'époque des dolmens.

 

 

 

1) Ibères - Celtes

 

            Vers le dixième siècle avant notre ère, nos contrées étaient habitées par des peuples venus d'Espagne: les Ibères, précédemment chassés du littoral hispanique par les Phéniciens et les Grecs. Ces Ibères avaient envahi une partie des terres bordant la Méditerranée jusqu'en Italie, mais ils furent repoussés par un autre peuple, les Ligures, qui envahirent à leur tour le littoral.

            Dans le même temps, une première migration de tribus les Celtes ou les Gals, c'est à dire les gaulois, venus de l'Europe centrale, Haut Danube, Bohème, Main, s'établirent d'abord sur les bords du Rhin, de la Seine et de la Loire, puis devenus plus nombreux, s'avancèrent vers le Midi et refoulèrent vers l'Espagne et la Provence, les Ibères et les Ligures. Le mélange de ces nouveaux venus avec la population primitive donna naissance à deux nations, les Celtibères et les Celtoligures, ces derniers étendant leur domination sur le littoral méditerranéen.

            Mais vers 330 ans avant J.C. et peut-être même plus tard vers 200, deux tribus celtiques quittant les bords de la Meuse et de la Moselle, viennent envahir sous le nom de Bolg ou Volque-Tectosages et d' aréconiens, tout le pays compris entre le Rhône et les Cévennes, la Garonne et la Méditerranée. Les Aréconiens s'implantèrent dans la partie orientale, de l'embouchure du Rhône à celle de l'Aude jusqu'à la Garonne et la Montagne Noire. Ces divisions correspondent à peu près à celles du Haut et Bas-Languedoc actuels et constituaient la Gaule Narbonnaise. Vers 260 avant notre ère, les Celtes ou Gaulois dominent entièrement le pays depuis la Méditerrané jusqu'à la Garonne, au point qu'Annibal, général carthaginois qui traverse le Languedoc en 218, déclare n'y avoir rencontré que des Gaulois.

            Ces Celtes se sont rapidement adaptés au pays. La conquête s'accompagne en effet d'une suprématie matérielle, morale, sociale telle, que les îlots Ibères, d'abord rebelles, sont rapidement assimilés. Ces nouveaux venus deviennent agriculteurs, bûcherons, mineurs .Ils travaillent habilement le fer (c’est le deuxième âge du fer), forgent des armes, épées, poignards, boucliers, ainsi que des outils, des parures, ils créent une monnaie grossièrement imitée des monnaies Grecques. La population est organisée en tribus avec chacune un chef, mais en cas de danger, elles élisent un chef de guerre qui concentre et dirige l'ensemble des tribus. Ces peuples croient à l'immortalité de l'âme, ils ont pour chef religieux les druides qui sont en même temps prêtres, magiciens, médecins et juges chargés d’arbitrer les conflits.
C’est vers cette époque qu’ont dû être érigées les pierres plantées de Peyre-Basal et de Picarel.

 

2) Romains

Mais successivement, en 109 avant J.C., une invasion de peuples germaniques déferle sur le pays, suivie en 106 d’une révolte des Volques contre les Romains où ils sont battus. Suit peu après une nouvelle invasion des Cimbres, Ambries et Teutons (103).
C’est Jules César qui de 56 à 52, soumettra le pays en étendant jusqu’au Rhin les possessions de l’empire.
A l’époque d’Auguste, quelques années avant l’ère chrétienne, l’empire romain est à son apogée.
On peut dire que la Gaule Narbonnaise est entièrement romanisée, sauf dans les régions reculées ou montagneuses où la race indigène celto-ibérique s’est maintenue et gardera encore longtemps la langue gauloise et son culte druidique (Histoire de Revel – d’après Gustave Doumerc).

 

            La "Pax Romana" va durer jusqu'au IV° siècle après J-C. Les débris de terre cuite, tuiles poteries, pieds d'amphores, fours, etc... Que l'on trouve disséminés en de nombreux sites, sont la preuve d'une vie économique intense.

            Le paysage que nos parents ont connu au début du XX siècle, (avant la révolution de l'agriculture et le remembrement) ait été façonné par les Gaulois et les Gallo-Romains.

 

            Les villas gallo-romaines, très nombreuses en Lauragais, sont le signe d'une exploitation intense du potentiel agricole de cette région. Leur répartition est identique à celle des traces de cadastrations romaines: elle privilégie les plaines et néglige les zones de reliefs abrupts et les terrains arides comme ceux de la Piège. Ces cadastres témoignent à la fois d'un souci d'organisation et de contrôle fiscal, mais aussi d'une mise en valeur des terres par drainage.

            Mais de nouvelles agglomérations se créent dans la plaine, sur l'axe routier qu'emprunte le commerce romain: Eburomagus(Bram), Elusiodonum (Montferrand). Fondées au IIe siècle avant J-C., elles connaissent durant le 1er siècle une intense activité liée en particulier aux échanges avec l'Italie: importation de vin, exportation de céréales et de produits métallurgiques. Créées sous l'impulsion romaine, ces agglomérations aux noms celtiques étaient habitées surtout par des indigènes qui ont conservé leur mode de vie. Leurs habitations étaient proches de celles des oppida.

            Etablies au sein d'une zone rurale, les deux agglomérations de la région, Eburomagus (Bram) et Elusiodunum (Montferrand) ont plutôt une vocation commerciale et artisanale, et militaire.

            La première qui a le statut de vicus est à l'époque romaine une véritable petite ville, par ses dimensions et son organisation. Au Haut-Empire, elle s'étire sur 1km environ le long de la voie d'Aquitaine. Un très large espace est aménagé entre la voie elle-même et les façades des premières maisons, qui étaient protégées par un portique. La quantité des produits importés, notamment des amphores de toutes provenances, atteste l'importance des échanges réalisés dans ce marché. Une inscription découverte en 1969 nous apprend qu'Eburomagus possédait un théâtre offert par les trois magistri vici qui administraient l'agglomération. Le monument était dédié au génie des Auguste et à Apollon. Parmi les activités du vicus au début de l'empire, la fabrication de céramiques communes, de présigillées, de gobelets à parois minces et le travail du fer originaire de la Montagne Noire ont revêtu une importance Régionale. Les maisons des vicus ont livré les mêmes matériaux de construction et éléments de décoration que les villas du Lauragais. Plusieurs observations ont permis, en outre, de mettre en évidence des constructions à pans de bois>>. ("Aspect de l'Habitat Rural en Lauragais" Michel Passelac.)

 

Entre Avignonet et Baziège, la voie d'Aquitaine traverse forêts et marécages. Pour éviter ces dangers il est vraisemblable que des voyageurs aient suivi les nombreux chemins parallèles de Castelnaudary vers Toulouse dont certains passent par Les Cassès. Sur  l'axe Espagne Auvergne, datant de cette époque une voie passe par Montferrand, Montmaur, traverse le Causse près de St Paulet, entre le village actuel des Cassès et le village abandonné du "Fort", bifurque vers St Félix en passant par en Clauselle et vers Montgey et Puylaurens en passant par les Clausades. A proximité de son tracé on trouve des vestiges et des débris de terre cuite (poterie, pieds d'amphores, tuiles, verreries et faïences). A Montmaur au site d'en Bouquié on a découvert récemment une sépulture sur une butte rocheuse.

 

3) Les invasions: Les Wisigoths

 

            L'occupation wisigothique a laissé dans la contrée des traces beaucoup plus nombreuses et bien plus caractéristiques. Les nécropoles barbares, récemment fouillées dans le midi de la Gaule, contiennent en effet beaucoup d'objets comme armes, ustensiles bijoux, qui sont de provenance gothique. Cela s'explique aisément, car ainsi que le dit M. Barrière-Flavy dans un ouvrage paru tout récemment sur cette question, les Francs mérovingiens ne séjournèrent pas dans ces contrées. L’occupation de la Gaule méridionale, après la bataille de Vouillé (507) ne fut qu'une course militaire, le roi franc s'en étant retourné après avoir laissé quelques postes sur les limites de la Septimanie, conservée par les Wisigoths. D'après l'auteur cité plus haut, ces limites correspondraient à la limite de Lauragais dans laquelle coule actuellement la rigole du canal du Midi. De ce côté, en effet, beaucoup de points naturellement fortifiés pouvaient servir de stations frontières sur les crêtes où apparaissent aujourd'hui Puylaurens, Montgey, Saint-Julia, Montégut, Saint-Félix, Les Cassès, Saint-Paulet, Montmaur, Montferrant et Avignonnet. Et les fouilles faites dans les cimetières de la région semblent indiquer le passage de peuples d'origine différente.

            On ne peut douter, qu'il y ait eu une nécropole barbare près de Saint-Félix. On découvrit en effet, il y a une vingtaine d'années, beaucoup d'ossements, et d'objets de fer et de bronze sur le versant oriental de la colline au-dessus de laquelle s'élève la ville et qui fait face à la Montagne Noire. Mais ils ne furent pas recueillis. On a même trouvé là  des tombes jusqu'à une distance de 500 m. dans la plaine, près de la ferme des Clausades,(1) citée plus haut. Une sépulture fouillée près de la route a mis à découvert un squelette suffisamment  conservé, à la poitrine duquel adhérait une plaque de bronze et une boucle de ceinturon.

            Comme objet de parure, Saint-Félix a encore fourni quelques perles de verre soufflé et de pâte de verre assez délicates. Ces découvertes semblent prouver que Saint-Félix, avec ses alentours, était dès la période mérovingienne et wisigothique, un centre assez important. ("Histoire de Saint Félix"  Abbé G. B. Morère.)

 

4) Les Mérovingiens et les Sarrasins

 

            Les Arabes ou Maures d'Afrique vainqueurs des Wisigoths vinrent établir leur empire dans la Septimanie et pousser leur conquête jusqu'aux portes de Toulouse (721) qui leur résista courageusement, le duc Eudes, occupé d'un autre côté à lutter contre Charles Martel, n'ayant pu les chasser entièrement de ses états, notre région resta en leur pouvoir et garde encore par une infinité de noms le souvenir de leur séjour: Pech Maur, bois communal de Labécède au-dessus du bassin de Saint-Ferréol, rec Mouré, petit ruisseau qui traverse notre plaine, la Mourèbe, les Moureaux, Mont Mouré, ces derniers points durent être leur postes avancés vers l'Albigeois, comme Maureville Mont-Maur, Mourvilles, Maurens, Mauremont le furent du côté de Toulouse et ce qui prouve bien mieux encore cette domination des Sarrasins (2) dans notre plaine, c'est l'époque de la fondation du monastère de Soréze par Pépin le bref en 759, année où ce roi chassa complètement les Arabes de la Septimanie et les refoula en Espagne, car si ce lieu eut été alors soumis aux ducs d'Aquitaine le roi de France n'eut pu y faire encore acte d'autorité, puisqu'il n'attaqua Waiffre que l'année suivante et même par les frontières de la Loire et ne fut définitivement maître de l'Albigeois et du Toulousain qu'en 767 après la prise de Toulouse. (" Histoire de Revel" P.A. Barrau.)

 

            La terre des Cassès porte en elle même les traces de ces millénaires de vie. On en a la certitude avec les pierres polies, les débris de poteries, les chemins, le village abandonné du "Fort" et bien d'autres indices et particulièrement son nom "Les Cassès" qui, s'il vient vraiment du gaulois évoque le roi de la forêt : le chêne.

            Le 1er écrit mentionnant "Les Cassès" relate un événement qui s'est passé en janvier 1199 il y a 800 ans, et que nous n'arrivons pas à comprendre.

Jeanne d'Angleterre assiège le château des Cassès, bien propre de son époux Raymond VI comte de Toulouse. Ce fut un échec total.

 

(1) Les Clausades et En Clauselle dont la racine latine est Claudere, devaient être des fermes fortifiées

 

(2) <<Le Mont est qualifié de sombre avec Monsmaurus devenu Montmaur du latin maurus, noir, plutôt qu'à une éventuelle présence Maure>> "Actes du colloque de Baziège 1996" Lucien Ariès

 

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CHAPITRE II

IL Y A 800 Ans :

JEANNE d'Angleterre

assiège LES CASSES

 

 

            Jeanne d'Angleterre était :

- fille du roi Henri II Plantagenêt,

- sœur de Jean sans Terre et de Richard Cœur de Lion,

- veuve du roi de Sicile Guillaume II.

- troisième épouse du Comte de Toulouse Raymond VI

- mère du dernier comte Raymond VII.

 

En 1199 elle décède en couches.

 

1) Récit de l'Evénement :

 

            Le chroniqueur Guillaume de Puylaurens nous rapporte une anecdote : c'est vraisemblablement en janvier 1199, que la comtesse Jeanne d'Angleterre fit le siège du "castrum" des Cassès - domaine propre des comtes de Toulouse - dont les seigneurs de Saint -Félix s'étaient emparés >> (profitant de l'absence de leur suzerain Raymond VI).

Références : -"Les grandes heures de l'Histoire de France (La tragédie cathare) Georges Bordonove G. Wattelet- p 75" ; -"Notice historique sur Soréze et ses environs par J.A. CLOS -1822 - P45" ; -"Archives Départementales de l'Aude.2J 171/1"

 

            La comtesse Jeanne, sœur de Richard Cœur de Lion "Pleine de courage et de zèle" se présenta donc devant Les Cassès et à la tête d'une petite "troupe" commença à en faire le siège. Mais quelques uns de ses propres gens la trahirent, approvisionnant les assiégés et leur fournissant des armes en cachette. "Elle ne se sauva qu'avec peine" ayant eu du mal à sortir de son camp, car les siens y avaient mis le feu avec l'intention de la brûler vive. Elle mourut quelque temps après de dépit ou de la honte que lui causa cette expédition." "Ailleurs les félons eussent été pendus. Or il n'apparaît nullement qu'ils subirent un châtiment quelconque ni que les chevaliers de Saint Félix aient été sanctionnés."

 

Les luttes des seigneurs à l'époque féodale, ou / et, le développement du catharisme, peuvent expliquer cette anecdote

 

2) Les Luttes Féodales

 

            Au Xe siècle s'installe le régime féodal. Il consiste en une sorte de hiérarchie entre seigneurs, l'un suzerain concède des terres ou des fiefs au vassal contre certaines obligations dont le service des armes.

 

Fonction militaire

 

            Le château des Cassès était un bien propre des comtes de Toulouse.

Dominant la plaine de Castelnaudary, le château des Cassès, ainsi que ceux de Montferrand, Avignonet, Montmaur, St Paulet, et St Félix constituaient une véritable ligne de protection de la ville de Toulouse.

            De cette structure archaïque, le petit château du XIIème siècle porte témoignage, avec son donjon dépourvu d'ouverture au sol, et ne donnant que sur le chemin de ronde ou courtine. Son seigneur avec sa "mainade", pouvait participer de plein pied à la défense commune, mais il pouvait aussi se retrancher aisément et continuer à résister en cas de prise ou de trahison de la garnison.

            L'activité que l'on pourrait qualifier de normale de cette cavalerie est la guerre privée (guerra) de seigneur à seigneur, qui depuis le petit raid dévastateur sur des terres limitrophes jusqu'à l'expédition lointaine d'un comte de Toulouse en Camargue contre le comte de Provence ou celle d'un comte de Foix dans les comtés pyrénéens du roi d'Aragon. (" Cathares, Vaudois et Béguins" Jean Duvernoy) Parfois même, encore plus loin, ils vont en croisades pour délivrer  Jérusalem.

 

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Les Cassès dans la mouvance de la hiérarchie féodale

 

            On retrouve les traces de la hiérarchie féodale sur les stèles discoïdales des Cassès sur lesquelles figurent les armes, symboles héraldiques du roi des Francs (fleur de lys) du comte de Toulouse (croix du Languedoc) et du comte de Foix (fer ou triangle).

            Au XIIème siècle, le roi des Francs était le suzerain lointain et oublié des comtes de Toulouse. Le vicomte de Carcassonne, Raymond de Trencavel qui fut assassiné à Béziers en 1167 était vassal du comte de Toulouse, pour les fiefs d’Albi dont la seigneurie de St Félix dépendait. Mais par ailleurs il avait un autre suzerain, le roi d'Aragon Alphonse II ennemi de Raymond V sur les terres de Provence. Roger II avait 18 ans lorsqu'il succéda à son père comme vicomte de Razès, Albi, Béziers et Carcassonne. Résolu à venger sa mort, il fit alliance avec Alphonse roi d'Aragon et le reconnut pour suzerain au détriment du comte de Toulouse. Parmi ces terres figurait le château de St Félix, un des premiers fiefs du pays toulousain. Aussitôt Raymond V comte de Toulouse pour le punir, transféra l'héritage de Trencavel à Roger Bernard, comte de Foix et à Cécile, sa femme, sœur de Roger II. Mais cette translation ne s'opéra pas réellement. Roger sut garder ses terres sous l'autorité du roi d'Aragon. Il fit même la paix avec son suzerain légitime le comte de Toulouse Raymond V en épousant sa fille Adélaïde (1171)

            A la fin du siècle ces alliances sont remises en cause. Raymond Roger Trencavel succède à son père en 1193. Raymond VI de Toulouse succède à son père en 1194, et Pierre II devient roi d'Aragon en 1196. Les vieilles querelles de famille et de voisinage réapparaissent notamment en Provence ou se trouve Raymond VI en 1199 loin du siège des Cassès. Il ne faut pas oublier que Trencavel soutient le roi d'Aragon et que Guillaume, seigneur de Saint Félix est baile de Carcassonne. Les seigneurs des Cassès sont attestés en 1211 vassaux de Toulouse et non de Carcassonne. Dans ce maquis de pouvoirs et de contre pouvoirs il n'est pas surprenant que la comtesse de Toulouse Jeanne d'Angleterre ait eu à intervenir. D'autant plus que le catharisme avait trouvé un terrain favorable pour s'organiser et se développer à la suite du concile de Saint Félix.

 

3) Les Cassès au cœur du catharisme

 

- L'hérésie envahit l'Occitanie

 

            Au XI ème et XII ème siècle des mouvements contestataires de l'Eglise romaine se développent un peu partout en Europe à partir de l'an mil que ce soit à Châlons sur Marne, à Arras, à Orléans à Lièges comme à Toulouse. Il semblerait que l'hérésie vienne d'ailleurs : de l'Orient byzantin en passant par l'Italie. On fait souvent référence à Bogomil qui signifie "ami de Dieu" prêtre d'un village Bulgare en 972. D'autres font référence à des textes d'Origène écrits à Alexandrie au III ème siècle.

 

            Cette hérésie s'est propagée en même temps que les échanges culturels et commerciaux qui se sont développés avec l'Orient sûrement liés aux pèlerinages à Jérusalem. Les chemins des croisades en Terre Sainte passent justement par la Lombardie et la Bulgarie.

            Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, et son épouse Elvire d'Aragon, avec des français de langue d'oc, passent par l'Italie, la Dalmatie, la Serbie et arrivent à Constantinople le 27 avril 1097.

            Le comté de Tripoli, dont la conquête (Tortose, Mont-Pèlerin) a été entreprise par Raymond de Saint-Gilles et achevée par son fils Bertand en 1109 sera tenu par leur descendants jusqu'à la mort de Raymond III en 1187, peu après la bataille de Hâttin. (La femme au temps des Croisades, Régine  Pernoud).

            A Orléans, Arras, Châlons, Liège et ailleurs, les foyers hérétiques sont sévèrement réprimés, il n'en est pas de même en Occitanie.  Raymond Trencavel (Vicomte de Béziers, Carcassonne et Albi) est assassiné à Béziers par les hérétiques le 13 Octobre 1167. Le comte de Toulouse Raymond V était catholique: <<L'hérésie est partout, ... les forces me manquent pour la combattre>> écrit-il en appel au roi de France. Son fils Raymond VI de Toulouse et Roger II Trencavel étaient tolérants envers les hérétiques. A Lombers (1165) il les soutient publiquement face aux prélats catholiques. Raymond de Foix était lié au catharisme.

            En 1177-78, Roger retient prisonnier à Albi, l'évêque catholique du lieu, qu'il fait semble-t-il garder par son sénéchal albigeois Guilhem Peire de Bram, de famille cathare notoire.

            "L'immense mansuétude des comtes et vicomtes du Midi de la France et l'incapacité des évêchés locaux à lutter contre le catharisme a permis a ce dernier de s'épanouir profondément dans la société occitane du XII ème siècle.

            "Que puis-je faire écrivait en 1177 le comte Raymond V, catholique sincère, au chapitre général de l'ordre de Citeaux. Mes vassaux et arrière-vassaux eux mêmes sont contaminés par l'hérésie et la protègent ouvertement". (Petit Précis du catharisme. P 92"Anne Brenon.)

 

            En 1198, Othon, évêque de Carcassonne "argue de son grand âge pour expliquer son impuissance à prendre les mesures que sa charge lui imposerait, et offre sa démission : il occupe son siège depuis vingt huit ans, et le venin de l'hérésie a empoisonné la plupart de ses diocésains"...  (L'Epopée Cathare. P 148" Michel Roquebert.)

 

- Les Cassès épicentre du catharisme

            << A la fin du XII ème siècle, le Lauragais et le Carcassès, étaient tout imprégnés de catharisme. Si l'on fait même le bilan des renseignements qu'on possède sur l'implantation de l'hérésie dans les années précédant la croisade, on s'aperçoit que cette région témoigne, par rapport aux autres, d'une telle densité qu'on a pu  parler d'elle comme l'épicentre du catharisme>>.  (L’Epopée Cathare. P96" Michel Roquebert.)

 

            Aux Cassès, plus qu'ailleurs la solidarité entre nobles et moins nobles s'établit. Les cathares étaient partout. Le concile de St Félix (1167) avait créé des vocations. Alazaïs mère de Raymond et Bertrand de Roqueville  co-seigneurs des Cassès tenait une maison cathare aux Cassès, ainsi que Alamande et Esmengarde Bertrand.

            Les maisons cathares étaient ouvertes sur le monde.

 

            On sait d'après les dépositions des registres de l'Inquisition que "toute la terre de Saint Félix y compris Les Cassès, Saint Paulet etc.. possédait des maisons de parfaits et de parfaites avouées et que Les Cassès - St Félix avait pour diacre Bernard Clergue."

            "Bien que la richesse de ces renseignements vienne en partie du fait que cette région à fait l'objet d'une inquisition plus intense et que les registres relatifs y ont été mieux conservés, il semble bien que c'est dans ce diocèse du Toulousain que le développement de la religion nouvelle ait été le plus dense et qu'il ait le mieux pénétré la population. La prolifération des maisons dans certaines localités du Lauragais vient de ce qu'à côté de la grande maison officielle existent des domiciles où, après leur conversion, les notables, les artisans, ou de très petites gens mènent une vie régulière en compagnie d'un membre de leur famille. C'est ainsi que le diacre Bouffil, des Cassès y fut élevé par son père et  son oncle, qui étaient parfaits - à domicile - vers 1205". ("L'Histoire des Cathares"-p. 232- 234- Jean Duvernoy.)

 

- Les Menaces du Pape

            L'anecdote du siège Des Cassès par Jeanne d'Angleterre est significative de la faiblesse des comtes de Toulouse. Elle peut être motivée par les pressions du pape sur le comte de Toulouse.

            <<En 1198, le pape Innocent III lance un nouvel appel:" s'armer contre les hérétiques" lorsque frère Rainier et frère Guy jugeront à propos de le leur ordonner...>> <<Le 4 novembre 1198 Innocent III lui accorde son pardon moyennant qu'il fit un pélerinage en terre sainte. >> (L'Epopée Cathare, Michel Roquebert). Il commence à parler de croisade en terre chrétienne.

            Trois mois après l'échec de Jeanne d'Angleterre aux Cassès le pape fait paraître la "décrétale de Viterbe" qui rappelle avec encore plus de vigueur que les hérétiques et ceux qui les protègent seront bannis et leurs biens confisqués. Elle sera appliquée dix ans plus tard à l'encontre de Raymond Trencavel vicomte de Béziers et Carcassonne.

 

            Le chroniqueur excuse Raymond VI: <<Il était du moins excusable dans la mesure où il ne pouvait tenir en sécurité ses propres biens, car la guerre de ses sujets ne lui laissait pas de trêve>>, et il en fournit un exemple dramatique:<< Le même comte épousa en 1196 illustre dame Jeanne, sœur du roi d'Angleterre Richard (...); en femme de cœur et de tête qui ne pouvait souffrir les atteintes aux droits de son mari, que beaucoup de nobles et de grands offensaient, elle assiégea et attaqua contre les seigneurs de St Félix leur château des Cassès. Mais cela lui fut de peu d'utilité, car quelques-uns de ceux qui étaient avec elle procuraient aux assiégés des armes et le nécessaire, par traîtrise et en cachette. Elle quitta donc avec rancœur le siège, ayant à peine la faculté de quitter le camp avant que les flammes de l'incendie allumé par les traîtres ne menacent sa sortie.>>

 

            Cet événement, est un prémice à la véritable guerre qui va être déclenchée dix ans plus tard, la croisade des albigeois, au cours de laquelle le château des Cassès sera assiégé et brûlé par Simon de Montfort.

 

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CHAPITRE III

LA RELIGION ET L'EGLISE CATHARE :

"CONCILE" DE St FELIX LAURAGAIS

 

1) Hérésies et tolérance

 

            Dans son livre "Cathares, Vaudois, Béguins, dissidents du Pays d'Oc" Jean Duvernoy analyse les différents religieux qui ont pacifiquement cohabité en Occitanie pendant près de deux siècles.

            Il est un fait que depuis 1020 environ jusqu'à la croisade de 1209 on ne rapporte aucun bûcher en Languedoc. Alors que les Cathares et les Vaudois mordent sur toute la chrétienté occidentale, il n'existe ni dans le midi ni en Italie du Nord un consensus populaire suffisant ...

            ... Le monastère catholique a pour lui la force de la tradition, le rang élevé de ses membres, la légende de ses saints, parfois ses lettrés et sa bibliothèque, son beau cloître où le donat sera enterré.

            Au cours du demi siècle qui précède la croisade et ses atrocités, des équipes itinérantes de moines cisterciens et de prêtres espagnols tentent de convaincre les égarés. Fin juin 1145, Saint Bernard se rendit à Verfeil... On refusa de l'écouter et il fut conspué par la foule. Alors Saint Bernard lança sa malédiction sur la ville "Verfeil, que Dieu te dessèche" prophétie que se chargea de réaliser la croisade. >> (Le Pays Cathare P 62. J.L. Aubartier, Michel Binet. J.P. Bouchard)

 

Au tournant du XIIème et XIIIème siècle, l'élite en commençant par les familles comtales, sollicite son entrée dans l'église cathare, et paie comme pour un monastère, le droit d'y faire une bonne mort ...

            ... Le catharisme bénéficie d'une réputation intellectuelle que seule va attaquer la prédication vaudoise. (Cathares, Vaudois, Béguins, dissidents en Languedoc. Jean Duvernoy)

 

            "Entre 1220 et 1225, c'est le diacre Bofils des Cassès, qui rassemble ses adeptes dans la maison de Na Baiona : l'un des assistants, nous disent deux témoins, entra en dispute avec les hérétiques". (Le Languedoc Cathare. P 196 Elie Griffe.)

 

"Nous avons vu le diacre Bofils des Cassès, exercer son ministère à Avignonet. Il n'était pas le seul prédicant à fréquenter les nombreuses familles de celle localité qui se déclaraient du parti des hérétiques. Ainsi, en 1228, on y rencontre un des principaux chefs des hérétiques du Toulousain, Jean Cambiare. L'hérésie n'arrivait pas cependant à gagner toute la population. Certains donnaient leurs sympathies aux Vaudois ; d'autres critiquaient les croyances cathares : tels Raymond Bru, qui déclare devant les Inquisiteurs que loin d'approuver les hérétiques, il était entré en dispute avec eux. Une fois, Guillaume Azéma, grand ami des parfaits, le fit entrer à force d'insistance dans une maison d'Avignonet ou se trouvaient Bofils, son socius et deux parfaites : il se plut à les questionner pour les embarrasser. Il nous apprend que, dans d'autres occasions, la discussion porta tantôt sur la loi de Moïse, tantôt sur la résurrection". (Le Languedoc Cathare. P 192.193  Elie Griffe.)

 

            Michel Roquebert dans" L'Epopée Cathare tome II p. 525", fait état d'une dispute (discussion) à Avignonnet entre le diacre cathare Bouffil des Cassès et le vaudois Raymond de Bru. Il y avait en 1215 des Vaudois à Avignonnet. L'église romaine les soutenait, et on pouvait les voir mêlés aux clercs, lire et chanter" M. S. 609-136 A".

 

            L'opulence et la toute puissance éclatante des prélats de l'église romaine est reçue par le peuple comme un contre témoignage de l'évangile. Ces sermons sont méprisés des hérétiques cathares, vaudois et plus tard des béguins, respectueux de la lettre du nouveau testament et scandalisés par la conduite des ecclésiastiques et leur mépris pour les vœux de pauvreté et de chasteté.

 

            Il faudra attendre François d'Assise, Ste Claire en Italie et la venue à Fanjeaux de Diègue évêque d'Osma et de son chanoine Dominique, qui arrivent avant la croisade des Albigeois, mais trop tard pour l'empêcher.

 

            Dominique Guzman, religieux espagnol et futur Saint Dominique, envoyé par Innocent III vint s'implanter à Fanjeaux et y résidera pendant neuf ans vivant de la même manière que les cathares dans la pauvreté et l'austérité. Il y obtint de nombreuses conversions... Avec conviction mais sans violence, il prêcha avec constance contre l'hérésie... et jamais ne prêcha la croisade.

            Au printemps 1207, Dominique organisa une grande discussion religieuse ou "dispute" entre cathares et catholiques ou il s'affronta  "à grands renforts d'arguments contradictoires et de vérités incompatibles" à Guilhabert de Castres qui succèdera bientôt à l'évêque hérétique du toulousain.

            "C'est dans la pénombre de l'Eglise de Fanjeaux que se cache encore aujourd'hui la fusto ou poutre qui aurait été témoin de la dispute entre Dominique et Guilhabert de Castres. Au moment de désigner le vainqueur de cette joute oratoire, le jury aurait procédé à une ordalie (jugement de Dieu) et jeté au feu le parchemin de Dominique, qui aurait résisté avant de s'envoler et de noircir la fameuse poutre". (Pays Cathare Magazine n° 1 P 19.21)

 

            En 1167, l'église cathare s'organise au concile de St Félix et atteint son apogée jusqu'à la croisade des albigeois et à l'inquisition.

 

2) La charte du "Concile" de St Félix

 

            Charte de Niquinta, antipape des hérétiques Albigeois, contenant les ordinations des évêques de sa secte, par luy faites en Languedoc, à moy communiquée par feu M. Cazeneuve, prébendier au chapitre de l'Eglise de St Etienne de Tolose, en l'an 1652.

 

            En l'an 1167 de l'incarnation du Seigneur, au mois de mai, en ces jours-là l'Eglise de Toulouse amena le pape Niquinta au castrum de Saint-Félix, et une grande multitude d'hommes et de femmes de l'Eglise de Toulouse et des autres Eglises voisines s'y réunit pour recevoir le consolamentum que monseigneur le pape Niquinta se mit à conférer.

            Ensuite Robert d'Epernon, évêque de l'Eglise des Français vint avec son conseil. Marc de Lombardie vint de même avec son conseil. Sicard Cellerier évêque de l'Eglise d'Albi, vint avec son conseil, Bernard Cathala vint avec le conseil de l'Eglise de Carcassonne, et le conseil de l'Eglise d'Aran fut là.

            Tous réunis de façon innombrable, les hommes de l'Eglise de Toulouse voulurent avoir un évêque, et élirent Bernard Raimond. De même Bernard Cathala et le conseil de l'Eglise de Carcassonne, requis et invités par l'Eglise de Toulouse, et de l'avis, la volonté de monseigneur Sicard Cellerier, élirent Guiraud Mercier; Les hommes d'Aran élirent Raimond de Casals (Cazau?).

            Puis Robert d'Epernon reçu le consolamentum et l'ordination d'évêque pour qu'il soit évêque d'Albi. De même Marc reçu le consolamentum et l'ordination d'évêque pour être évêque de l'Eglise de Lombardie. De même Bernard Raimond reçut le consolamentum et l'ordination d'évêque pour être évêque de l'Eglise de Toulouse. De même Guiraud Mercier reçut le consolamentum et l'ordination d'évêque pour être évêque de l'Eglise de Carcassonne. De même Raimond de Casals reçut le consolamentum et l'ordination d'évêque pour être évêque d'Aran.

            Après quoi le pape Niquinta dit à l'Eglise de Toulouse:"Vous m'avez dit de vous parler sur les Eglises primitives, si elles étaient légères ou rigoureuses. Je vous dirais que les sept Eglises d'Asie ont été séparées et délimitées entre elles, et aucune d'elles ne faisaient quoi que se soit contre les droits de l'autre. Et les Eglises de Romanie, de Dragovicie, de Mélenguie, de Bulgarie et de Dlmatie sont séparées et délimitées, et aucune ne fait quoi que se soit contre les droits de l'autre. Et ainsi elles ont la paix entre elles: faites de même".

            L'Eglise de Toulouse choisit Bernard Raimond, Guillaume Garcias, Ermengaud de Forest, Raimond de Bémiac, Guillabert de Bonvilar, Bernard Guilhem Contor, Bernard Guilhem Bonneville et Bertrand d'Avignonnet pour qu'ils soient arbitres du bornage. L'Eglise de Carcassonne choisit Guiraud Mercier, Bernard Cathala, Grégoire, Pierre Caldemas, Raimond Pons Bertrand de Mouly, Martin de la Salle et Raimond Guibert pour qu'ils soient arbitres du bornage. S'étant réunis et ayant délibéré, ils dirent que l'Eglise de Toulouse et l'Eglise de Carcassonne seraient divisées selon les évêchés.

            Le territoire qui s'étend du côté de Toulouse depuis la limite entre l'évêché de Toulouse et l'archevêché de Narbonne en deux endroits et la limite entre l'évêché de Toulouse et l'évêché de Carcassonne: à partir de St Pons, la montagne, entre le castrum de Cabaret et celui d'Hautpoul, la séparation entre les castra de Saissac et de Verdun, entre Montréal et Fanjeaux et la limite entre les autre évêchés de la sortie du Razès jusqu'à Lérida: que ce territoire soit dans le et l'administration de l'Eglise de Toulouse. Et que l'Eglise de Carcassonne ainsi délimitée et divisée ait en son pouvoir et son administration tout l'évêché de Carcassonne et l'archevêché de Narbonne et le reste du territoire ainsi délimité et indiqué de la mer jusqu'à Lérida. Que ces Eglises soient délimitées comme il a été dit, afin qu'elles aient la paix et la concorde entre elles et qu'aucune ne fasse rien contre les droits de l'autre.

            Sont témoins et garants de ceci Bernard Raimond, Guillaume Garcias, Ermengaud de Forest, Raimond de Baimiac, Guilabert de Bonvilar, Bernard Guilhem Contor, Bernard Guilhem Bonneville et Bertrand d'Avignonnet. De l'Eglise de Carcassonne Girond Mercier, Bernard Cathala, Grégoire, Pierre Caldemas, Raimond Pons, Bertrand de Mouly, Martin de la Salle et Raimond Guibert. Tous ordonnèrent et dirent à Ermengaud de Forest de rédiger et faire acte de l'Eglise de Toulouse, et de même ils ordonnèrent à Pierre Bernad de rédiger et faire l'acte de l'Eglise de Carcassonne. Et ainsi fut fait et exécuté.

            Monseigneur Pierre Isarn fit faire cette copie d'une vielle charte, faite du pouvoir de ceux qui délimitèrent les Eglises comme il est écrit plus haut le lundi d'août 14e jour depuis le début du mois, l'an  1232 (1223) de l'Incarnation du Seigneur, Pierre Poulain a transcrit tout cela sur sa demande et son ordre.>>

            Guillaume BESSE; Histoire des Ducs, Marquis et Comtes de Narbonne. Paris 1660, p. 483   (L’histoire des cathares.pp.216-217. Jean Duvernoy.)

 

            Mme Pilar Jimenez Sanchez, nous affirme que le nom de "concile" ne convient pas vraiment. Il s'agit d'un rassemblement des représentants des églises cathares occidentales. Dans la revue "Hérésies" n° 22 éditée par le CNEC elle écrit: <<Pour nous permettre de voir plus clair dans la problématique du document, il faut faire un bref résumé du contenu lui-même.

            La "Charte de Niquinta" nous décrit la composition de l'assemblée cathare qui s'était réunie en 1167 dans le castrum de St Félix de Caraman, autour de Niquinta, l'envoyé oriental. Elle nous donne les noms des représentants de toutes les communautés cathares venues de l'Europe occidentale; à savoir: Robert d'Epernon, évêque de l'église des français, Marc de Lombardie, Sicard Cellerier, évêque de l'église d'Albi, Bernard Cathala représentant l'église de Carcassonne, tous avec leur conseil, ainsi que celui de l'église d'Arant.

            Elle nous renseigne, ensuite, sur l'élection qui a eu lieu au sein des communautés qui ne possédaient pas encore un évêque, celles de l'église de Toulouse, de Carcassonne et d'Arant; puis, le "pape Niquinta" ordonne et confère le consolamentum à tous les représentants des églises, il leur adresse un discours les conseillant sur les bonnes relations, de paix et d'harmonie, qui doivent se maintenir toujours entre eux.

            Pour finir, la charte contient l'acte de bornage qui s'était déroulé devant des témoins choisis par les deux communautés concernées, les églises de Toulouse et de Carcassonne, définissant les limites territoriales de ces nouveaux diocèses.

 

3) La religion des "Bons Hommes"

 

            Le catharisme se définit lui-même comme l'héritier direct, et le seul authentique, d'un message du Christ ; C'est l'église des bons chrétiens, des Bons Hommes, par opposition à l'église romaine usurpatrice. Cette église à part entière comporte des sacrements, une ecclésiologie, une métaphysique, un clergé et une morale de salut qui lui sont propres.

            Le dogme cathare à puisé ses fondements chrétiens dans l'Evangile de Jean, lui donnant une interprétation dualiste en totale opposition avec l'orthodoxie romaine:" La lutte de deux principes créateurs distincts et opposés, le Bien et le Mal; ces deux principes étaient représentés l'un par une réalité spirituelle, invisible, incorruptible et éternelle: le royaume du Dieu Bon, et l'autre par une réalité matérielle et temporelle, le Monde visible, transitoire où le mal se manifestait. Le Mal a emprisonné les âmes dans des corps de chair; de ce fait, l'homme, par son âme, procédait du royaume du Dieu Bon et par son corps du Monde visible. Pour libérer l'âme de son véhicule temporaire, l'homme devait pratiquer l'ascèse en se détachant du monde matériel; le Salut s'opérait par le "consolament", baptême unique, baptême de l'esprit, réunion spirituelle de l'âme et de l'esprit; si une seule existence ne pouvait suffire à la libération de l'âme celle-ci était soumise à la chaîne des réincarnations (métempsycose) ; la réincarnation se faisait dans le corps des animaux qui n'étaient jamais tués par les cathares, ni jamais consommés (sauf les poissons) et «le refus d'égorger un poulet conduisit maintes dames cathares au bûcher" ( Duvernoy).

 

            Le Nouveau Testament est le livre saint des cathares, le Pater leur prière. Le consolament, seul sacrement, tient lieu à la fois d'extrême-onction pour les croyants et de sacrement d'ordination pour les Parfaits.

            Le catharisme avait ses fidèles ou "croyants" et ses ministres, les Parfaits qui formaient le clergé. Les croyants vivaient comme le commun du peuple.  Ils avaient cependant certains devoirs envers les Parfaits, devaient les saluer rituellement, écouter leur prédication et assister aux cérémonies religieuses.

 

            A son apogée, l'église cathare du midi de la France est divisée en cinq diocèses. A la tête de chacun d'entre eux, un évêque assisté d'un Fils Majeur et d'un Fils Mineur. Dans les localités importantes, un diacre. Dans les villages, un ancien et des Maisons. La Maison cathare,  où travaillent et vivent selon la règle quatre ou cinq Parfaits ou Parfaites, est un atelier (de tissage, de couture, de peausserie), un hôpital ou une école. Tous les villages du Lauragais entre 1209 et 1240 commettent une ou plusieurs Maisons cathares" (le Lauragais Cathare" p.60, 61. Jean Odol)

 

4) L'Implantation Cathare aux Cassès

 

            "Le Lauragais septentrional avait été, avant la croisade le domaine du diacre Bofils, originaire des Cassès". (Elie Griffe. Le Languedoc Cathare au temps de la  Croisade. 1209 - 1229. P 190)

 

"Pierre Bofil, des Cassès racontait à son inquisiteur en 1245 une enfance bien exemplaire. L'on ignore tout de son origine sociale : manifestement, la famille n'était pas noble. Sans doute "bourgeoise" mais à quel degré ? En tout cas, avant 1205 son père Bernard Bofil, son oncle Pierre et son frère Bon Fils étaient parfaits cathares et lui enfant vivait avec eux, dans leur maison. Son frère Bon Fils ou Bofilh fera même carrière dans l'Eglise du Toulousain, puisqu'on le connaît par ailleurs comme diacre de Saint Félix ou de Montmaur entre 1205 et 1239. (L'on est au XIII ème siècle à la racine des patronymes naissant de prénoms, de surnoms, de noms de métier; il n'est pas toujours facile de s'y retrouver, ni de rendre correctement la valeur des noms en français moderne). ( Les Femmes Cathares. P 173 Anne Brenon.)

 

            Au XIIème siècle, le castrum de St Félix devait se situer sur le petit mamelon au nord-est du bourg actuel, là où se trouvent les restes des trois moulins à vent. Ce site parait bien petit pour accueillir un si grand rassemblement qui demandait une infrastructure et un encadrement important de seigneurs entièrement favorables à la nouvelle religion.

            C'est avec un certain chauvinisme  et un peu d'humour que je suis tenté de poser la question : n'est-il pas possible que cette "assemblée générale des Eglises Hérétiques Européennes sous la présidence du dignitaire bogomile, l'évêque de Constantinople Nicétas" se soit déroulée aux Cassès?

            Les corniches du Fort des Cassès et du Bouffil semblent des sites mieux adaptés. Mais est-ce parce que Les Cassès était bien propre du comte de Toulouse que nous n'avons pas de références écrites avant le début du XIIIème siècle.(Il n'est pas sûr que l'acte de vente de Ste Marie del Casse le 4 avril 1170 par Pierre Duppuy à B. Carle concerne un territoire des Cassès).

            Les Cassès était une place avancée importante pour le toulousain (cf. infra, ch.XXIX). On ignore l'identité des féodaux locaux lors du concile de St Félix et même lors de l'incident de 1199. Les Roqueville sont attestés co-seigneurs des Cassès à partir de 1203. Raymond de Roqueville, co-seigneur des Cassès est interrogé par l'inquisition en 1245 au titre de  la localité de St Félix (M.S.Toulouse 609, fol 216).

            "Saint Félix possède un couvent de parfaites en 1205 où l'on faisait l'éducation de jeunes filles" (L'Epopée Cathare. Tome I  P 391) Or la litérature mentionne davantage de parfaites, de parfaits et de diacres aux Cassès qu'à Saint Félix. N'y a t-il pas confusion entre Saint Félix et les Cassès comme pour la déposition de Raymond de Roqueville?

 

             Les Roqueville apparaissent dans toutes les publications relatives au catharisme, à la croisade, à la clandestinité, au siège et au bûcher des Cassès, dans les embuscades qu'ils dressent contre les croisés, dans leur rôle d'organisateur d'escortes pour la protection des grands dignitaires cathares, leur exil en Lombardie.

            Vers les années 1170-1190, Alazaïs de Roqueville donne le jour à huit garçons avant d'être ordonnée parfaite. Très active elle exerce son ministère dans ses maisons des Cassès et de Montesquieu vers 1210. Son époux Estol (ou Estieu) est inhumé dans le cimetière cathare de Montesquieu. Raymonde épouse du principal seigneur des Cassès devient parfaite et finit ses jours à Montségur.

            Bertrand de Roqueville seigneur des Cassès, de St Paulet et de St Paul Cap de Joux se fait diacre.

            Un autre co-seigneur, Arnaud des Cassès se fera parfait, sera ordonné diacre et finira sur le bûcher de Montségur. En 1215 il protège Bernard Bouffil, son frère et son fils. Aux Cassès la famille Roqueville fréquentait assidûment, dès1205 les sermons du diacre Bouffil et de son père. Vers 1215 on le voit en grande discussion à Avignonnet avec le vaudois Raymond de Bru. Il participe au concile de Pieuse en 1226.(M. S. 609 f° 54): Guillaume de Baraigne, d'Avignonnet, fut consolé à sa mort par le diacre Boffilh des Cassès. Blanche, la femme de Raymond de Peiremarty donna aux parfaits de sa part  200 sous, et lui  l'affranchit ainsi que ses deux fils de l'hommage qu'ils lui devaient. Doat f° 131 v°:Une marmite de 600 sous enterrée sous le seuil de la maison. Il s'agissait d'ailleurs d'un dépôt de l'Eglise.

 

            "L'initiation se faisait parfois très jeune. Le mémorandum de 1209  indique qu'à Montmaur, Bernard de Villeneuve et Guillaume Teisseyre y sont parfaits vers 1205. Le premier a un serviteur âgé de dix ans, Raymond Aimery des Cassès. Le second donne le consolament à un garçon de dix ans, Raymond Léglise, qui resta parfait dix années puis fut réconcilié par Foulques (Ms 609, 225a, 55b)". (L’Epopée Cathare P 532 Michel Roquebert.)

 

            "A Saint Paul Cap de Joux "Pagane Bouffil, parente des parfaits des Cassès, Stéphane Doumerc et son frère Toulzan tiennent une maison vers 1210. En 1215 on les retrouve chez les moines de Soréze". (L’Epopée Cathare T. 1. P 535  Michel Roquebert;)

 

            Le castrum des Cassès ainsi que les localités avoisinantes : Saint Paulet, Montmaur, Saint Félix, etc..., devinrent des places ouvertes à la religion des Bons Hommes jusqu'au milieu du XIII ème siècle. "Curés et Bons Hommes parfois se fréquentaient, en général cohabitaient sans grand problème". . (Petit Précis du Catharisme. P 97" Anne Brenon)

            "Plusieurs témoignages devant l'inquisition font également état d'un moine bénédictin de Soréze : Guilhabert Alzeu prieur de l'Etablissement de Saint Paulet, qui menait une action de professionnel dans le sauvetage des Parfaits en péril : Raimon de Roqueville, le chevalier faydit, le mari de la parfaite Raimonde, explique que ce saint homme gardait les proscrits en son logis, sous la protection de fausses lettres de réconciliation qu'il avait extorquées à l'Archevêque de Narbonne, dont il était un familier. Et l'on pouvait ainsi venir chez lui écouter et saluer les parfaits. Raimon de Roqueville, avec son frère Bec et Bernard de Raissac, visita par exemple trois ou quatre fois, chez sa servante Gavaude, le diacre Bofilh et son compagnon Pierre Coma, aux alentours de 1220. Il précisera même, dans sa déposition, que tout le monde adora alors les hérétiques, ce qui semble signifier que le prieur lui même ne s'en priva pas. Guilhabert Alzeu,  moine de  Sorrèze, protégeait également deux parfaites sous couvert des ces faux papiers : dame Alamande et Aimengarde Bertrand qu'il ne gardait pas chez lui, bien entendu, mais aux besoins desquelles il subvenait, dans leur maison des Cassès qui était la demeure propre de dame Alamande : il leur faisait passer des provisions et en particulier, connaissait bien leur rite du poisson". (Les Femmes Cathares. P 201  Anne Brenon.)

 

            Raymond Pierre de Roqueville est moine à l'abbaye de la Grand Selve (ordre de Citeaux). Il en devient le 13e abbé. Il vivait encore en 1221 (Roqueville - Jean Odol)

 

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LES CASSES_10

 

CHAPITRE IV

L'INVASION

 

 

1) Déclenchement de la croisade des Albigeois

 

            - 1208 - Assassinat de Pierre de Castelnau

            "Depuis de longues années", le pape "Innocent III essayait d'imposer aux princes d'Occident le principe d'une croisade en terre chrétienne."

            "Les nouveaux infidèles étaient Raymond VI de Toulouse et son neveu, Raymond Roger Trencavel vicomte de Carcassonne," "excommuniés" tous deux par le pape "et coupables de tolérer et protéger l'hérésie".

            « Le roi de France Philippe Auguste".»Voyait d'un fort mauvais œil les prétentions de la théocratie pontificale à régler les affaires intérieures de ses grands vassaux de Languedoc." mais l'assassinat en janvier 1208 à Saint Gilles du légat pontifical Pierre de Castelnau "que l'on mit fort à propos sur le compte du parti toulousain l'obligea à laisser faire : il autorisa ses barons à répondre à l'appel vibrant à la croisade que lançait le pape ulcéré". (Petit précis du catharisme p 103  Anne Brenon.)

 

            "La mort du légat" va "être le prétexte" de la guerre. Elle sera implacable et furieuse, comme toutes les guerres où les combattants sont animés du fanatisme religieux..."Les moines de Citeaux" prêchent la croisade "ils fulminent contre l'hérétique et promettent aux croisés plus de pardons, plus d'indulgences que n'en avaient obtenus ceux qui avaient été combattre l'infidèle" (à Jérusalem). "Partout on se croise" contre les Provençaux et les Languedociens. (Conférence sur la guerre des Albigeois 4 Août 1895. Docteur Marfan. Castelnaudary. P 5. 6)

 

            -Raymond VI - soumission et humiliation

            "Raimon VI de Toulouse, pour éviter le pire, s'empressa de faire porter sa soumission à Rome, alla au-devant des croisés à Saint-Gilles et là s'humilia publiquement pour expier le meurtre du légat Pierre de Castelnau : mieux, ayant prêté serment de pourchasser lui-même les hérétiques de ses domaines, il demanda à prendre la croix personnellement ...Du coup, le comté de Toulouse se trouvait placé sous la protection directe du Saint Siège, comme tous fiefs et domaine de croisé. Le légat n'eut donc pas d'autre solution que de dévier la croisade contre les terres de Raimon Roger Trencavel, autre protecteur d'hérétique, à qui il refusa toute possibilité d'utiliser le même procédé que son oncle Raimon VI". (Le Vrai Visage du Catharisme  Anne Brenon.)

 

2) La conquête du domaine des Trencavel

 

            Siège de Béziers et de Carcassonne

            <<Cette armée dirigée par Arnaud Amaury (abbé de Citeaux) et Simon de Montfort (croisé d'Ile de France) vint assiéger Béziers dont le siège s'acheva le 22 Juillet 1209 par le massacre de ceux qui s'étaient réfugiés dans l'Eglise de la Madeleine."Pas un, je crois, n'en réchappa, nous dit Guillaume de Tulède. Devant l'hésitation de certains croisés à commettre de tels actes, Arnaud Amaury, le chef spirituel de la croisade leur aurait-il vraiment dit "Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens".>> (Regard sur le Temps des Cathares P 61)

 

            Le 15 Aout 1209, les croisés entrèrent dans Carcassonne. Raymond VI y arriva passivement. Pierre II d'Aragon tenta une médiation qui échoua, mais il n'intervînt pas militairement. Trencavel capitula. Fait prisonnier, il mourra quelques jours plus tard. "Les habitants durent quitter la ville en braies et en chemises, autant dire nus, "n'emportant que leurs pêchés" ironise le chroniqueur Pierre des Vaux de Cernay.

            Est-ce par la crainte de Dieu ou celle du bras séculier du pape que ces princes restent divisés? Leurs querelles de voisinage les aveuglaient-elles à un point tel qu'ils ne prévoyaient pas le danger qui les menaçait ? Le chef des croisés Simon de Montfort devient comte de Carcassonne.

 

            Cathares et faidits (seigneurs dépossédés) se réfugient à Minerve, Termes et Cabaret et résistent pendant deux ans. Ils retardent l'avancée de Simon de Montfort vers Toulouse;

 

 

3) Simon de Montfort investit le Lauragais

 

-Lavaur:

            Les Croisés se rendirent ensuite à Lavaur, propriété féodale de Dame Guiraude qui "fut jetée vivante dans un puits qu'on combla avec des pavés, sous le prétexte qu'elle était une hérétique obstinée". (Conférence sur la guerre des Albigeois - Docteur Marfan - P 12 et  P 13)

 

            "Pons Carbonnel, habitant du Faget, héberge Raymond VI. Ils rencontrent Guiraud de Gourdon et Bouffil. Ensemble, ils prirent le chemin de Lavaur qui était assiégé." (Epopée Cathare" T I "L'Invasion" p.387  Michel Roquebert)

 

            "Raymond VI crut bon de faire une apparition sous les murs de Lavaur. Dans l'armée des Croisés, il rencontra ses deux cousins germains, Pierre et Robert de Courtenay, comme lui petits fils du roi Louis VI. Ils le châpitrèrent sur son attitude, mais sans rien obtenir de lui. Finalement, Il quitta Simon de Montfort plus aigri que jamais. Sur ces entrefaites, on apprit l'indigne guet-apens qui fut perpétré contre un important contingent de Croisés, qui, de Carcassonne, venait rejoindre Simon de Montfort au siège de Lavaur. (Le Languedoc cathare au temps de la croisade - Elie Griffe - 1209 - 1229.  p 64)

 

            -Montgey:

 

            C'est à "Montgey, situé à une dizaine de kilomètres au sud de Puylaurens" que le comte Raymond Roger et son fils Roger Bernard ainsi que Guiraud de Pépieux (" chevalier du Minervois qui après s'être rallié à Simon de Montfort l'avait trahi" : Elie Griffe p 64) "avaient dissimulé leurs troupes, qui comprenaient un fort contingent de routiers. Bénéficiant de l'effet de surprise, les Méridionaux aidés par les paysans de la contrée qui étaient aussitôt venus à leur rescousse massacrèrent à peu près intégralement les renforts croisés, les dépouillèrent de leur argent, de leurs vêtements et de leurs bagages, et se partagèrent le butin. Pierre de Vaux de Cernay raconte au passage que Roger Bernard de Foix tua lui-même à coups de hache " sur la tonsure", un prêtre croisé qui avait cherché refuge dans une église voisine... (L'Epopée Cathare - 1198-1212 - Michel Roquebert - p 389).

 

            Après avoir quitté Lavaur, Simon de Montfort se dirigea avec les siens vers Montgey pour venger les victimes de l'agression.

            "Quand ils arrivèrent sur le champ de bataille" un phénomène étrange se produisit. Foulques l'évêque catholique de Toulouse raconta à Pierre de Vaux de Cernay la chose suivante dont il avait "été le témoin oculaire : tout d'abord les croisés aperçurent une colonne de feu qui descendait sur le champ de la mort ; puis ils trouvèrent tous les cadavres couchés sur le dos, les bras en croix... Montgey, que les habitants avaient cette fois abandonné par crainte de représailles fut détruit de fond en comble". (L'Epopée Cathare - Michel Roquebert - p398-399

 

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CHAPITRE V

LE BUCHER DES CASSES

 

1) Les évènements : date et lieux

 

            Juste après la prise des Cassès, c'est à dire le 20 Mai 1211... (Epopée Cathare T1Roquebert)

 

            "Une autre opération de police" parut s'imposer à Simon de Montfort "désormais sur les terres de Raymond VI : il s'agissait à une dizaine kilomètres du sud de Montgey du castrum Des Cassès, dont les Roqueville de Montgiscard étaient les seigneurs sous la suzeraineté du comte de Toulouse ...

            Cette fois on s'attaquait à une citadelle qui servait d'abri à de nombreux hérétiques. Se voyant encerclés, les chevaliers décidèrent de se rendre.  On Leur laissa la liberté, mais ils durent abandonner les hérétiques qui étaient au nombre d'environ soixante. Entrant dans la forteresse, les évêques qui accompagnaient les Croisés s'appliquèrent à obtenir d'eux une abjuration. Ne pouvant y arriver, ils quittèrent les lieux, et les malheureux hérétiques  furent brûlés par les croisés. >> (Le Languedoc cathare au temps de la Croisade - p 65  Elie Griffe.)

            Il est évident que la citadelle se situait au lieu dit « Le Fort».

            En ce qui concerne l'emplacement du bûcher nous avons des indices sur le lieu précis. Lors de travaux de création du réseau d'irrigation, en 1985, on a remarqué qu'au fond de la tranchée, en deux lieux différents, une couche de cendres de 10 cm d'épaisseur sur une longueur de 15 et 20 m.  Mais aucune analyse n'a été faite pour les dater.

 

2) Des sources d'informations divergentes :

 

En ce qui concerne le nombre d'hérétiques et le déroulement des évènements de 1211 et 1212, plusieurs sources existent:

-Celle de la "Notice historique de Soréze et de ses environs" par J.A.Clos. 1822 qui nous a été transmise par les Archives Départementales de l’Aude (2 J 171/1) et que nous retrouvons dans l'ouvrage "Revel" raconté par Antoine Barreau et Gustave Doumerc. Cette version fait  référence à Pierre de Valsermai.

<<On a pu voir comment le comte de Montfort, après avoir ruiné le village de Mongey, s'était rendu aux Cassès pour en faire le siège. Le comte de Toulouse, Raymond VI, qui se trouvait à Castelnaudary, n'osa pas venir au secours; il quitta même Castelnaudary, après y avoir mis le feu. Ce départ découragea les assiégés, ils délibérèrent de se rendre, ce qui leur fut accordé, à condition qu'ils livreraient les hérétiques qui se trouvaient dans ce lieu. Il s'y trouva en effet beaucoup de ceux qu'on appelait les "parfaits" ou "revêtus"; parfaits parce qu'ils se piquaient d'une plus grande sévérité dans les principes; revêtus parce qu'ils avaient un costume qui les faisait remarquer. Les croisés s'efforcèrent de leur faire abjurer leurs erreurs; mais ils persistèrent tous. On les mena hors du village et on en brûla environ 60. D'où il est aisé de voir dit Pierre de Valsermai, combien le comte de Toulouse favorisait les hérétiques, puisque en un seul de ses plus petits domaines, on en trouva plus de 50. (en 1211)

 Quelques temps après les "Albigeois" du lieu de Roqueville parvinrent à se loger, au nombre de 80 dans une tour du château des Cassès. L'abbé de Cîteaux, qui avait sous sa conduite une partie de l'armée des croisés, se présenta devant ce fort, fit donner l'assaut, et prit tous ces sectaires qu'il fit aussi brûler vifs. Il détruisit la tour, le château et le village, sans y laisser, dit-on, pierre sur pierre. Cependant, on voit que par la suite, ce village tomba au pouvoir tantôt de Simon, tantôt de Raymond.>>

 

Dans son ouvrage "l'Epopée Cathare" T.1"L'Invasion" Michel Roquebert, cite des références fondamentales dont les auteurs ont vécu l'évènement, chacun dans son camp. Le troubadour Guillaume de Tudèle était au côté de Raymond VI, tandis que Pierre de Vaux Cernay était le chroniqueur de Simon de Montfort. Il était absent fin 1211 début 1212.

Michel Roquebert nous explique ces évènements et dessine les chevauchées sur des cartes.

<<C'est vers les Cassès, au sud de Montgey, qu'ils se dirigèrent d'abord. Les Roqueville en étaient seigneurs, sous la suzeraineté de Raymond VI. C'est contre le gré de ce dernier, assure la "Chanson", qu'ils avaient donné asile à des parfaits, ce qui n'empêchera pas l'église de tenir Raymond pour responsable du fait. Montfort assiégea la place, qui capitula au bout de peu de temps. Les chevaliers eurent la vie sauve: ils étaient vassaux de Toulouse, et non de Carcassonne comme les faidits de Lavaur. Comme à Minerve, les religieux de l'armée croisée tentèrent de convertir parfaits et parfaites, mais ce fut en vain. Alors de nouveau, on dressa un bûcher, où l'on jeta quelques soixante hérétiques- dont la mère du chevalier Arnaud de Rouville- de nouveau" avec une très grande joie". 

"Ce chiffre de soixante est fourni par Pierre des Vaux de Cernay. Guillaume de Tulède dit pour sa part qu'on en avait trouvé "jusqu'à quatre vingt quatorze" cachés dans une tour du château. Il est certain que sur de nombre il y avait beaucoup de réfugiés"

Puylaurens, Avignonnet, Montmaur s'étaient libérés en automne 1211... Ce fut bientôt le tour des Cassès, St Félix,Cuq...Montfort venait de prendre Hautpoul (1212)... Il reçut des renforts... (Ce qui lui permit) de récupérer Cuq, Montmaur, St Félix, Les Cassès, Montferrand, Avignonnet... On ne connait aucun détail, on sait simplement que St Michel de Lanès fut détruit de fond en comble. >> (. L'Epopée Cathare T 1  Michel Roquebert.)  

 

3) Les enjeux stratégiques de cette chevauchée :

 

Simon de Montfort eut << l'intention de se porter sur Toulouse mais il était informé que des négociations se poursuivaient auprès du Saint Siège pour amener la paix.  Le comte de Foix avait lui même fait le voyage de Rome ; le Comte de Toulouse avait envoyé des ambassadeurs au pape, autant pour obtenir une trêve que pour se faire relever de l'excommunication....

Pendant que les croisés opéraient dans la région, le comte de Toulouse avait pris quelques mesures défensives, selon une stratégie très aisée à comprendre. Si les croisés s'approchaient de Toulouse, ils essaieraient de garder le contact avec Fanjeaux et Carcassonne, points de ralliement de leurs renforts. C'est donc quelque part sur la route de Carcassonne à Toulouse qu'il fallait implanter un solide réduit. Incapable sans doute d'éparpiller ses forces, Raymond VI incendia Castelnaudary, dont les défenses d'ailleurs, n'étaient pas très puissantes>>. (L’Epopée Cathare T1  Michel Roquebert.)

 

"Ce fut une faute de laisser prendre les Cassès... car les soixante malheureux seront invoqués par la suite comme preuve que Raymond VI n'avait pas tenu la promesse faite à Saint Gilles de chasser les hérétiques et que ceux-ci pullulaient dans ces domaines puisque dans un seul petit château on avait pu en saisir un si grand nombre."La Croisade contre les Albigeois    Pierre Belperron                       

"C'est contre le gré de ce dernier, assure la Chanson, qu'ils avaient donné asile à des parfaits. (L’Epopée Cathare  Michel Roquebert.)

 

4) Les Cathares surpris aux Cassès :

 

"Il s'agit du bûcher collectif Lauragais le plus célèbre, avec ceux de Lavaur et de Labécède" Le Lauraguais cathare  Jean Odol

"Quand les Croisés ont commis un massacre, c'est en pleine connaissance de cause... Béziers, Bram, Preixan, Lavaur, Minerve, Les Cassès. Mais on y voit toujours de justes représailles et un juste devoir. Il (Pierre des Vaux de Cernay) ne cache pas qu'aux Cassès les croisés saisissant soixante hérétiques, "ils les brûlèrent avec une grande joie". (L’Epopée cathare  Michel Roquebert.)

 

Lors du bûcher des Cassès en mai 1211, l'on trouvera une soixantaine de parfaits dans leur château.

"Nous connaissons assez bien cette famille des Roqueville, qui était possessionnée à Montgiscard ainsi qu'aux Cassès et à Baraigne, en Lauragais. A l'arrivée des Croisés, elle était complètement gagnée à l'hérésie : selon l'expression de Guillaume de Tulède, les Roqueville avaient les hérétiques dans leur amour. L'occupation de leur castrum des Cassès par Simon de Montfort ne fit que resserrer les biens qui les unissaient aux parfaits. (Le Languedoc cathare  Elie Griffe)   

                                                                      

"Curieusement, les parfaits les plus souvent attestés aux Cassès avant la croisade, Bernard Bouffils, son frère et son fils, qui était diacre de Saint Félix, ne furent pas parmi les victimes" ( du bûcher des Cassès en 1211) "ils avaient dû prendre le large assez tôt, puisqu'on les voit tous trois réinstallés vers 1225, sous la protection du seigneur Arnaud des Cassès, qui n'était lui-même que croyant.... les sort des trois Bouffils est inconnu. On sait seulement que le fils exerça son ministère jusqu'en 1239 à travers tout le Lauragais. Il avait un frère nommé Pierre, qui bien qu'il ait été élevé cinq ou six ans dans l'hérésie, demeura simple croyant, mais fut néanmoins condamné à la prison perpétuelle par une sentence de l'Inquisition toulousaine, le 3 Juin 1246".

 

  La mère du chevalier Arnaud de Rouville est brûlée aux Cassès.

 Alazaïs de Roqueville, mère des seigneurs des Cassès, disparait à partir de 1210.

 

"Issel a deux maisons hérétiques, Guillaume Garrigue et Pierre Requis qui disparaissent des documents en 1210 et ont donc peut être péri à Lavaur ou aux Cassès".

"Raines de Mazerolle, coseigneur de Montréal ...une fois chez les Roqueville expira avant l'arrivée des ministres cathares"  (L’Epopée cathare   Michel Roquebert.)             

"Fabrissa de Mazerolles, comme Bernard Coldefy et Arnaud Terrat...dont on ne retrouve plus de traces après 1209 ont été parmi les 400 ou 500 victimes des bûchers de Lavaur et des Cassès (1211)".

 

Il est à noter que le ruisseau des "Rotis" prend sa source entre le mamelon des "Fourches" et la ferme "la Plagnole" et s'écoule vers la Garonne, limitant les communes des Cassès et de St Félix. Un nommé Bernard Planhole est cité à Montmaur vers 1206 (MS 609-228a)

 

 

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LES CASSESter

 

CHAPITRE VI

"TERRE DE FEU ET DE SANG"

 

1) Montferrand

 

Des Cassès, Simon de Montfort se dirigea avec le Comte de Châlons nouveau croisé, vers Monferrand, castrum situé sur une hauteur, non loin de la voie romaine de Carcassonne à Toulouse, tout près de Naurouze.

 Ce castrum relevait du comte de Toulouse qui en "avait confié la garde à son frère Baudouin." Ce dernier bon catholique "était né en France au cours d'un séjour que sa mère Constance avait fait à la cour de son frère, Louis VII le Jeune. Constance, qui fut répudiée ensuite par Raymond V, avait laissé le bébé en France et il fut élevé à la cour de son oncle dans une atmosphère purement française et catholique. Lorsqu'en 1194, à la mort de son père, il revint, âgé d'une vingtaine d'années à Toulouse, son aîné affecta de ne pas le reconnaître pour son frère, de sorte que le jeune homme dut retourner à Paris chercher des lettres de légitimation. Raymond alors l'accueillit, mais ne ferma pas l'oreille à certaines accusations de bâtardise et ne lui constitua qu'un apanage dérisoire. Toutefois les rapports entre les deux frères étaient normaux. Baudouin avait vaillamment servi son frère en Provence et par son testament de 1209 celui-ci le nomma cotuteur de son fils et l'appela éventuellement à la succession.

 Baudouin, se défendit si énergiquement contre l'attaque des croisés que Simon, surpris de la résistance de cette bicoque résolut de s'attacher un si valeureux baron. Une entrevue eut lieu : Simon le complimenta sur sa belle défense, sut faire revivre des souvenirs communs, et termina en lui offrant des terres importantes s'il s'engageait à ne plus porter les armes contre l'Eglise et contre les Français.

 Non seulement Baudouin accepta, mais encore à la suite de circonstances assez mal connues se brouilla définitivement avec son frère".  La Croisade des Albigeois  Pierre  Belperron

"Il rendit le château et tous les assiégés sortirent avec leurs armes, ayant fait serment sur les Saints Evangiles de ne plus guerroyer de leur vie contre les Croisés, et de ne plus maintenir la misérable gent mécréante"  (Le Languedoc Cathare  Elie Griffe.)

Baudouin se rallia bientôt à la cause de Simon de Montfort. En 1214, ayant été arrêté et conduit à Montauban, il fut pendu par ordre de son frère et on lui refusa l'assistance d'un prêtre.

                                                                                 

2) Première bataille de Castelnaudary (automne 1211)

 

- Simon de Montfort triomphe:

Trahi par son frère Baudoin, excommunié par le pape, à l'issue du siège de Montferrand, Raymond VI se trouve dans la situation de Trencavel en 1209.

  Cette fois encore les humeurs batailleuses et cupides l'avaient emportées sur le désir de paix des Princes Occitans. Face à la croisade ils vont resserrer leurs rangs.

 <<Après l'échec du premier siège de Toulouse, Simon de Monfort s'était retiré à Carcassonne et avait laissé une faible garnison dans le château de Castelnaudary; C'est alors que les Occitans décidèrent de passer à la contre-offensive pour rejeter les croisés "jusqu'à Montpellier" et chasser définitivement Montfort; les armées des princes occitans se réunissent à Toulouse: Raymond VI et Raymond Roger de Foix, avec des gens de Cerdagne; le comte de Comminges, le vicomte de Béarn Gaston VI avec des routiers navarrais; les villes - Montauban, Moissac, Castelsarrasin, Auch, Agen, Toulouse évidemment - envoient les milices urbaines; le sénéchal du roi d'Angleterre, Savary de Mauleon arrive avec sa troupe. Les croisés vont avoir affaire à une armée redoutable, sinon par sa combativité du moins par ses effectifs.  Lauragais   Jean Odol

Le choc décisif débute par une attaque du comte de Foix qui dispose d'une écrasante supériorité. Mais son infanterie se débande pour piller. Simon de Monfort tente une manœuvre désespérée et fonce sur le comte de Foix qui se trouve pris entre Simon et l'armée croisée de Bouchard de Marly qui arrive en renfort. Les occitans subissent de lourdes pertes et lèvent le camp. Raymond VI est resté passif sur la colline du Pech

L'absence de plan tactique ainsi que de chef unique marqueront également la bataille de Muret (1213) où fut tué le roi Pierre II d'Aragon, dit "le Catholique", qui s'était joint aux occitans pour lutter contre l'invasion du roi de France.

 

- Les Bonshommes se cachent:

L'église de Toulouse, elle, a réussi à sauver sa hiérarchie en place avant la croisade - grâce de toute évidence, à la fondation de Montségur où l'évêque Gaucelin et son fils majeur Guilhabert de Castres ont pu trouver rapidement refuge. Là encore, certes, des hommes nouveaux qui seront plus tard appelés aux plus hautes fonctions - Bernard Marty, Jean Cambière, Bernard de Lamothe - seront dans les années 1220 de puissants auxiliaires de la réorganisation de l'église; mais il ne fait aucun doute que, grâce à Gaucelin et à Guilhabert, la continuité a pu être assurée. >>  (L'Epopée Cathare  T IV  Michel Roquebert.)

... Guilhem Graile, des Cassès, expliquait en 1245 à l'inquisiteur :

J'ai eu une sœur, du nom de Rixende, qui s'est faite hérétique, et son mari Bernard Cogul lui aussi s'est fait hérétique. Ils ont quitté tous deux le castrum, et sont allés vivre dans les bois durant très longtemps, c'était il y a vingt cinq ans et plus. (Vers 1220)>> (Les femmes cathares  Anne Brenon).

 

Le Lauragais septentrionnal avait été, avant la croisade, le domaine du diacre Bouffil, originaire des Cassès. Il réussit, semble-t-il, à s'y maintenir au cours des années difficiles. (Le Languedoc Cathare Elie Griffe).

 

3) La revanche des occitans :

 

Le retour de Raymond "le jeune":

Suite à la bataille de Muret, Simon de Montfort entre dans Toulouse. En novembre 1215, le concile de Latran destitue officiellement Raymond VI de tous ses droits, et déclare Simon de Montfort comte de Toulouse. Mais les toulousains et tous les occitans ne l'entendent pas ainsi, s'insurgent et rappellent Raymond VI; Simon de Montfort est tué au siège de Toulouse. Raymond "le jeune",  entreprend la reconquête du comté de ses ancêtres. Après la victoire de Baziège, c'est Castelnaudary qui lui ouvre ses portes en 1220. Le 13 juillet Amaury de Montfort se précipite vers Castelnaudary pour l'assiéger. Le 20 juillet au cours d'un assaut, les défenseurs faillirent perdre l'un des co-seigneurs des Cassès Raymond de Roqueville. C'est un habitant de Castelnaudary, Raymond Arrufat, qui le raconte 25 ans plus tard à l'inquisiteur Bernard de Caux: "Alors que Castelnaudary était assiégé, Raymond de Roqueville y fut grièvement blessé. J'ai entendu dire qu'il fut hérétiqué chez Guillaume Arnaud et la nièce de sa femme, avant qu'on ait retiré le trait de son corps. J'ai vu dans la maison, par le trou d'une porte, deux hérétiques, dont l'un s'appelait Vadassac. J'ai vu avec eux Bernard de Roqueville et Guillaume d'Issus, et d'autres dont je ne me souviens pas. C'était il y a 23 ans environ..." (L’Epopée Cathare T III  Michel Roquebert).

Encore une fois Amaury de Montfort lève le siège. En 1224 il renonce et rentre en France.

 

-Le retour des "bonshommes":

Alors que le comte de Montfort assiégeait Castelnaudary, Guilhabert de Castres s'y trouvait, dans la maison de Pierre Marty, avec l'hérétique Raymond Agulher. Pierre Marty était avec eux quand je suis arrivé. Là moi-même, Guillaume de lahille, de Laurac, et Bernard de St Martin, qui étaient venus avec moi, nous avons adoré les hérétiques. Puis nous les avons fait sortir de Castelnaudary, et nous les avons conduits à Boulbonne, chez les moines, mais ceux-ci ne savaient pas que Guilhabert était là. Le lendemain, nous sommes partis avec les hérétiques, nous sommes allés à Foix, où nous les avons remis à Raymond Sans de Rabat, qui les conduisit à Miramont... Il y a 22 ou 23 ans de cela. >> (Témoignage de Bernard-Othon de Niort en 1242)  (Epopée Cathare  T III  Michel Roquebert ).

Gaucelin ou "Gaucelm était l'évêque cathare du Toulousain. Après la mort de Simon" (de Montfort) "il y eut moins de danger à parcourir le pays cathare".>>  (Le Languedoc Cathare  Elie Griffe).

C'est en Lauragais en effet, aux Cassès exactement, et vers 1220, que Gaucelin réapparait après son séjour au château de Raymond de Pereille (Montségur). Là, chez un certain Sicre del Bosc, en compagnie d'un parfait nommé Bernard Pons, il prêche devant les seigneurs du lieu, les trois frères Raymond, Guillaume-Pons et Bec de Roqueville, et un chevalier de St Paul Cap de Joux, Pierre Guillaume de Séguret. C'est la seule mention que l'on ait de Gaucelin à son retour de Montségur...

Guilhabert de Castres lui succède...

Guilhabert ne dut pas avoir de peine à se faire offrir l'hospitalité par la noblesse locale. Il s'installa chez Estol de Roqueville, ou du moins dans une maison que celui-ci louait aux Canast, et les contacts se nouèrent aussitôt avec les co-seigneurs et leurs familles, au premier rang desquels les frères Roqueville, les Canast, et surtout les fils de Garsende du Mas.Plus tard, les témoins de ces entrevues ne parleront que de ses sermons...

"Bernard de Lamothe : fils majeur de Guilhabert de Castres) "...le chevalier Estolt de Roqueville assure qu'aux environs de 1225 il l'a conduit, lui et ses compagnons hérétiques, de Montségur jusqu'aux Cassès, et qu'il eut même pour cette mission vingt sous toulzas". (Mourir à Montségur  Michel Roquebert).                                                                       

Un jour en 1238, sa soeur Rixende lui fit savoir par Arnaud de Clérens,  l'ambigu agent des clandestins, qu'elle désirait lui parler ; il se rendit au rendez-vous qu'elle lui fixait, mais là, la parfaite errante lui demanda de lui donner quelque chose pour le secourir, et il assura à l'inquisiteur qu'il refusa. Quelques années auparavant c'était son beau-frère Bernard Cogul qu'il avait revu dans la maison de son frère Bernard Graile et qui y prêchait avec son compagnon. Les deux Bons Hommes clandestins l'exhortèrent, à ce qu'il dit, à se faire à son tour Parfait, mais il ne le fit pas. D'autres témoins, d'autres gens des villages convoqués devant le tribunal d'Inquisition, se rappelleront avoir vu ça et là le parfait Cogul ou la parfaite Cogula.

Le voisin de Guilhem Graile, Tholsan Bertrand des Cassès, raconta lui aussi une pauvre triste histoire. Il dit que sa mère, Guillehme Lagleize, s'était faite hérétique à Auriac, vers 1230, et qu'elle y avait mené une existence de parfaite durant trois ans. Puis elle avait été capturée et emmenée à Toulouse, là elle avait abjuré, et après sa conversion, elle avait récupéré son mari et maintenant elle vivait chez son fils aux Cassès>>.  (Les femmes Cathares Anne Brenon).

Le Concile de Pieusse:

Nous entrâmes dans la maison des parfaits, et y trouvâmes de nombreux parfaits réunis, jusqu'à cent, parmi lesquels il y avait Guilhabert de Castres, Pons Bernard, Benoît de Termes, Bertrand Marty de Cailhavel, Raimon Agulher et Bouffil des Cassès, et d'autres que je ne connaissais pas. Ils firent alors un concile général, dans lequel les parfaits du Razès demandèrent et requirent qu'il leur fût donné un évêque... On donna à ces gens Benoît de Termes comme évêque, auquel Guilhabert de Castres, l'évêque des parfaits toulousains, conféra le "consolament" et l'imposition des mains ou ordination. Après quoi on fit Raimon Agulher Fils majeur, et Pons Bernard Fils mineur... (Le vrai visage du catharisme  Anne Brenon).         

 

4) La Capitulation de Raymond VII :

 

- Face à la Croisade Royale:

En décembre 1225 Raymond VII est à son tour excommunié au concile de Bourges.

Le roi Louis VIII prépare sa croisade.

Pour resserrer les liens de ses vassaux Raymond VII donne en fief à Roger Bertrand de Foix, le château de St Félix et toutes ses dépendances qui comprennent Les Cassès, St Paulet, Montmaur, Airoux, Soupex, Souilhanels, Dreuilhe, Roumens, Montégut, St Julia, Nogaret, Le Vaux, Toutens et Cessales. Nous expliquerons dans un autre chapitre comment nous retrouvons les marques de cet acte gravées sur des croix et des stèles des Cassès et des environs.

Raymond VII confisquera ces domaines au comte de Foix en 1242, lorsque celui-ci, abandonnant sa cause, fera une paix séparée avec le roi de France et déclarera la guerre à Toulouse.

 

En 1226 Louis VIII soumet Avignon, et, de succès en succès, se dirige vers Toulouse. Malade, il abandonne. Après sa mort, les troupes du jeune roi Louis IX conduites par Humbert de Beaujeu ont le même succès (Massacre de Labécède). Mais avant qu'elles attaquent Toulouse, Raymond VII accepte la paix de Meaux ratifié par le traité de Paris (1229)

 

- Le traité de Paris (1229):

- Il fut une véritable capitulation du comte de Toulouse. Il abandonne au roi et à l'église la plus grande partie de ses états. Il ne conserve que le diocèse de Toulouse et quelques autres domaines.

- Sa fille Jeanne se marie avec Alphonse de Poitiers, frère du roi. Raymond VII mourut sans enfant mâle en 1249. A la mort de Jeanne et Alphonse de Poitiers c'est le roi de France lui-même, Philippe III qui devient comte de Toulouse.

- Les murs de trente châteaux et villes seront rasés et leurs fossés comblés.(Fanjaux, Laurac, Castelnaudary, Labécède, Avignonet, Puylaurens, St Paul Cap de Joux, Lavaur, Rabastens, Gaillac ...)

- L'Université de Toulouse est créée, et confiée aux frères prêcheurs.

- Désormais Raymond VII sera tenu de combattre l'hérésie et bientôt de soutenir l'inquisition.

-Il faudra attendre le massacre des inquisiteurs à Avignonet pour que Montségur soit pris et les parfaits brûlés en mars 1244.

 

- Retour à Montségur et à la clandestinité des bonshommes:

 Dès la capitulation de Raymond VII et la promulgation de l'ordonnance royale, la panique s'empara de l'église cathare. Avec l'aide de la noblesse locale, mais moyennant finances, Guilhabert de Castres, les diacres et tous les parfaits de la ville réussirent à quitter de nuit St Paul Cap de Joux. Pris en charge par des escortes de chevaliers amis, dont les Roqueville, qui se relayaient de cachette en cachette, Guilhabert passa par un mas près de St Félix, par Les Cassès où il resta huit jours, par un taillis des environs de Laurac, puis par le bois d'Esquier, ou plutôt "dels Quiers" (des rochers)... Arrivés à Montségur, ils demandèrent à Raymond de Péreille seigneur de ce castrum de les y accueillir afin que l'église cathare puisse avoir son siège et sa tête (domicilium et caput)...

 

Un jour de 1240 arriva le seigneur des Cassès, Bernard de Roqueville, dont on connait bien les liens qui l'unissaient, lui et ses frères, à l'église cathare et à sa hiérarchie. Arnaud Roger de Mirepoix l'accueillit et le conduisit en personne auprès de Bertrand Marty et du diacre Bernard de Mayreville. Mais après les saluts et les bénédictions d'usage, Bernard de Roqueville pria Arnaud-Roger de sortir "parce qu'il voulait parler en secret avec les hérétiques"... Il voulait sans doute discuter de l'église clandestine du Lauragais, dont Bernard de Mayreville était diacre et à propos de laquelle Arnaud-Roger n'avait pas à intervenir...>> (L’Epopée Cathare  Michel Roquebert).

 

            "Un chevalier de Verfeil, Raymond de Montcabrier, déclare que vers 1229, il eut l'occasion de voir dans la maison d'Alaman de Rouai le parfait Bernard de Lamothe et son socius... A la même époque les frères Estout et Bec de Roqueville louèrent les services d'un certain Etienne Massapour pour transporter deux hérétiques, qui se trouvaient dans leur maison de Toulouse, jusqu'à une métairie des environs de Lanta". (Le Languedoc Cathare Elie Griffe).      

 

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CHAPITRE VII

L'INQUISITION

 

1) Principe et organisation

 

Tribunal d'enquête religieux dépendant directement de la papauté dont le but était de rallier la population cathare à l'Eglise romaine.

 

Mais très vite, l'institution fonctionna sur le système de la délation organisée et généralisée, et la terreur commença peu à peu à déstructurer les liens de solidarité de la société des bourgades occitanes. Véritable bureaucratie avant la lettre, l'Inquisition, confiée aux dominicains et aux franciscains, fonctionna avec ses scribes et ses notaires, qui copiaient dans des registres la totalité des dépositions des populations interrogées. Et ces registres prirent allure de fichiers, contenant des milliers de noms de frères, de voisins, d'amis, de connaissances ou de vieux adversaires, dénoncés, suspects, coupables bientôt, d'avoir salué, hébergé, nourri les hérétiques clandestins, d'avoir assisté à une bonne fin, d'avoir cru qu'ils étaient de bons chrétiens, qui avaient le plus grand pouvoir de sauver les âmes...

Les pénitences furent au début assez légères pour les simples croyants réconciliés : des pèlerinages au Puy ou à Rocamadour, des croix jaunes à coudre sur leur habits. Elles s'alourdirent bientôt à des emprisonnements et à la confiscation des biens. Seuls les hérétiques obstinés étaient abandonnés au bras séculier - c'est à dire condamnés à mort. L'Inquisition a tué très peu. Là n'était pas son rôle. Son rôle était de faire disparaître l'Eglise hérétique clandestine par le moyen de procédures d'enquête à grande échelle... Tout en brisant les solidarités et les volontés de résistance de tout une population. Elle y excella. (Petit Précis de Catharisme. p.108-109  Anne Brenon).

                                                                                 

2) Des témoignages parfois contradictoires

 

            Mais les déposants cachaient ou déformaient ce qu'ils savaient; par exemple Alazaïs de Roqueville est morte sur le bûcher en 1211, selon certains témoignages et en 1242 selon d'autres.

 

            Alazaïs de Roqueville est la mère des seigneurs des CASSES. On sait d'elle qu'elle est parfaite et qu'elle sera brûlée " à Toulouse en 1242"  (L'Epopée Cathare. p.123  Michel  Roquebert).                                                                                

                                                                                 

            "Quant aux chevaliers Bec, Pierre Guillaume, Bertand et Raymond de Roqueville, c'est peut être dans le bûcher des Cassès qu'ils virent disparaître leur mère Alazaïs, dont toute trace se perd à partir de 1210". (L'Epopée Cathare p.400  Michel Roquebert).                                                                         

            "Aux Cassès, la famille des Roqueville était toute pénétrée de catharisme : Alazaïs de Roqueville était parfaite ; Pierre Guillaume fréquentait assidûment des 1205, les sermons du diacre Bouffil et de son père ; tout comme Raymond, chevalier et seigneur des CASSES dont l'épouse Raymonde, devenue parfaite avec la complicité de son mari, de son fils et d'un des ses beaux frères, sera dénoncée, arrêtée et brûlée en 1245". (L'Epopée Cathare p.391 Michel Roquebert).

 

            "Guillehme et Arnaud de Clérens reçurent chez eux et cachèrent quelque temps deux autres parfaites, Marquesia et sa compagne Raimonde. On était en 1241. Les deux femmes leur avaient été confiées par Raimon de Roqueville, seigneur des Cassès lui-même, qui ensuite se chargea à nouveau, avec son frère Bertrand de Roqueville, de les escorter en lieu sur, à Avignonet. Il faut dire que la Parfaite Raymonde avait été la dame Raimonde de Roqueville, et la propre épouse du seigneur des Cassès"... (Femmes Cathares. P268  Anne Brenon).

 

            "Le chevalier faydit et protecteur d'hérétiques Raimon de Roqueville est appelé par Guillehme de Clérens le mari de l'hérétique Raimonde ; et il est de fait que ce mari, demeuré seul continuait à veiller sur son ex-femme parfaite et sa compagne Marquesia, leur assurait son escorte d'une cachette à l'autre dans les bois du Lauragais. Pourtant, interrogé à son tour par le même inquisiteur, Raimon de Roqueville restait très laconique... Dame Raimonde, mon épouse, a mis à profit une maladie pour quitter notre domicile. J'ai appris depuis, et je tiens pour certain, qu'elle s'est rendue chez les hérétiques à Montségur et qu'elle y est morte il y a cinq ans. En 1240 donc. En 1241 pourtant la parfaite Raimonde de Roqueville, bien vivante, circulait en cachette dans les bois du Lauragais sous la protection de son mari le chevalier faydit... Mais étant donné la mince plage d'imprécision des dépositions, peut être est-elle morte en fait sur le grand bûcher du 16 Mars 1244". (Les Femmes Cathares  Anne Brenon   P 189)

                                                                                 

            "De Raymonde de Roqueville, épouse du seigneur des Cassès, on sait seulement qu'elle s'enfuit de chez elle à la Sainte Cécile 1240". (Mourir à Montségur p.186  Michel Roquebert).

                                                                                 

3) La délation

 

            "De 1243 à 1246, l'étau de la terreur s'était définitivement resserré. Paysans du Lantarès et seigneurs toulousains se retrouvaient à même enseigne, dans la grande égalité humide des cachots... sentence fut rendue...contre le trois frères Roqueville, faydits notoires, Estout et Pierre, dit Trésemines, co-seigneurs de Montgiscard, et Bernard, seigneur des CASSES : prison perpétuelle. (Les Femmes Cathares Anne Brenon. P 233).                                                                                

            "On connaît au moins un croyant qui après avoir fait preuve du plus grand zèle, se mit au service de l'Inquisition et fit arrêter plusieurs personnes : Arnaud de Clérens des Cassès        (L'histoire des Cathares p.203 Jean Duvernoy).

 

"Arnaud de Clérens, ce petit chevalier des Cassès et sa femme Guillehme, que nous avions déjà rencontrés, et qui étaient ... compromis dans la protection d'hérétiques... essayèrent eux aussi de se disculper... en s'embrouillant et en nous embrouillant dans de sombres histoires de dénonciations". (Les femmes Cathares  Anne Brenon P 268).

            "Près des Cassès, ainsi, dans les dures années 1242-1245, les frères Pons et Arnaud Ainart, Bons Hommes clandestins, veillaient sur leur mère Marquesia et sa socia, Parfaites en leur errance. Lorsque, par la faute d'Arnaud de Clérens, ce chevalier compromis dans la défense d'hérétiques et qui tentait probablement de se racheter aux yeux des autorités, elles furent toutes deux capturées, les deux Bons Hommes orphelins marquèrent leur douleur". (Les Femmes Cathares. P 186 Anne Brenon).

                                                                                 

4) La terreur

 

             "Aux temps de la clandestinité, les liens de famille se resserrèrent, les Bons Hommes clandestins se rapprochèrent autant que faire se pouvait de leurs sœurs Parfaites, pour les aider et les protéger. Dans le bois de la Guizole, près des Cassès, vers 1240, le parfait Sicre Aimeric s'était associé, avec ses compagnons, à sa sœur Aurenche Aimeric qui vivait là avec ses deux socias. Et leur autre frère, Guilhem Aimeric demeuré simple croyant, venait leur apporter des fruits et demander genou fléchi leur bénédiction. Mais le curé de Saint Paulet, malgré la vigilance des frères, réussit un peu plus tard à faire prendre dans les bois, les trois parfaites". (Les Femmes Cathares. P179 Anne Brenon).

 

            "Un autre co-seigneur, Arnaud des Cassès, se fera parfait, sera nommé diacre et périra sur le bûcher de Montségur en 1244". (L'Epopée Cathare. p 391 Michel Roquebert).

 

            Durant la semaine sainte de 1235, les Prêcheurs durent lancer une grande "prédication générale" pour inciter les gens à dénoncer ou à se confesseur spontanément... pour recevoir en audience délateurs et pénitents volontaires. Le temps de grâce écoulé, on partit à la recherche de ceux qui n'avaient pas daigné se présenter... l'inquisiteur Pons de Saint Gilles put.. arrêter un certain nombre de personnes. L'une d'entre elles, un brasseur nommé Arnaud Domergue, menacé de mort par le viguier lui-même s'il ne se présentait pas, révéla que onze parfaits se cachaient aux Cassès, en Lauragais. Il y conduisit l'abbé de Saint Sernin, le viguier et plusieurs sergents, qui en arrêtèrent sept en effet, les autres ayant réussi à fuir avec l'aide des paysans. Domergue fut assassiné quelque temps après, pendant son sommeil, près d'Aigrefeuille... (Mourir à Montségur p.268-269. Michel Roquebert).

 

5) Hymne à la mémoire

 

            "Si quelque souvenir vivant peut demeurer aujourd'hui du catharisme, il est sans conteste dans le regard qu'on porte sur la courbure d'un chemin, l'épaule d'une colline, la couleur des sillons d'un labour qui, soudainement, en Lauragais, en Lantarès, appellent une image de Toscane ; dans l'horizon illimité qui, depuis les tours de Montgey, dessine la silhouette de Saint-Félix sur un fond de Pyrénées et de neige et qui, de Saissac, de Montréal, de Fanjeaux, de Bram, de Carcassonne, de Montolieu, s'arrête sur le sommet lointain du pic de Saint-Barthélémy qui désigne Montségur. Le jeu de pierres a roulé ; démolies, rebâties, les demeures n'ont plus la même silhouette, les villages ont descendu des pentes, des mottes cadastrales se sont désertées, des vignes ont été plantées, des forêts abattues, de grandes églises se sont élevées, canal et autoroute ont tracé leurs sillons. Seul demeure, dans le vent des paysages, l'écho des noms que le Moyen Age a copiés et recopiés ; des noms de villages, de hameaux, de lieux-dits oubliés et défigurés, des noms de personnages vivants, 'êtres humains, hommes ou femmes, aux prénoms souvent étranges et beaux : Isarn, Braïda, Sicard, Mir, Gaïa, Mabilia, mais aux patronymes familiers, fraternels : Cathala, Vidal, Authié, Gasc, Barthe, Azéma...Des repères incongrus de ville comme Castelnaudary, Castres, qui étaient déjà des villes, de rivières comme l'Aude, de bourgades comme Fanjeaux, comme Mirepoix, comme Cuxac-Cabardès, que l'on a l'habitude de traverser en voiture ou de choisir peut-être comme halte pour y faire des courses.

Subtil mélange du familier et de l'oblitéré, présence-absence d'un passé qui ne se révèle qu'en creux, dans le non-dit ou dans le trop-dit". (Le vrai Visage du catharisme p.166 Anne Brenon).

                                                          

 6) Connaissance des hommes et des métiers

 

            Nous avons vu le rôle de guidage qu'avaient les seigneurs. Les Roqueville sont très souvent cités comme des protecteurs et guides des parfaits et le rôle primordial de liaison entre Montségur et le Lauragais montre qu'ils figuraient parmi les principaux chefs de la clandestinité.

            Nous avons vu les libéralités que reçoivent des parfaits en argent ou en nature (poisson, nourriture, apporter le pain aux clandestins, construire des cabanes dans les bois...)

            Des métiers reviennent souvent (peausserie, tissage, filage de la laine...) 

Le 14 Décembre 1245 Pierre Roger des Cassès (Aude) dit qu'il à vu des hérétiques résider publiquement aux Cassès allant au marché et en revenant... Ce fut avant la paix (de 1229). Item il dit qu'il eut un frère nommé Pons Roger. Il alla à Toulouse pour apprendre le métier de la peausserie, et là il se fit hérétique (parfait) à ce qu'il croit il y a quinze ans environ...

            Le 18 Novembre 1245. Guillemette épouse de Clarens (des Cassès).... dit qu'à la Guizole, près des Cassès restaient (dans un bois) Madame Brune et deux autres parfaites ses compagnes. Elle leur a cuit du pain deux fois et son mari le leur a apporté. Ces parfaites filaient la laine à prix fait. Mais de ce prix, elles n'eurent rien, car peu de temps après le curé de Saint Paulet (Aude) les arrêta. Il y a sept ans environ...                                  

             Mais il y avait, grâce notamment à l'émigration languedocienne en Lombardie, des opérations beaucoup plus importantes ... en1245. "Le 22 juin 1246, Jean Pagès ... dit qu'il acheta à Pierre Gaubert 34000 aiguilles, et promit de lui donner pour ces aiguilles 6 livres Melgoriennes. Arnaud Pradier diacre des hérétiques, se porta caution auprès de Pierre Gausbert pour lui témoin. Mais il ne rendit pas cet argent au dit Pierre Gausbert. Par contre, lui et Arnaud Cavalier rendirent les aiguilles à Arnaud de Clérens des Cassès, pour qu’il les rende à l'hérétique Pierre Gausbert. Il y a un an environ." (Le catharisme: la religion des cathares  Jean Duvernoy).

 

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CHAPITRE VIII

MASSACRE DES INQUISITEURS

ET CHUTE DE MONTSEGUR

 

1) Avignonet

 

Tout comme les Cassès, Avignonet se distinguait par la présence de cathares tout au long du XIII ème Siècle.

En mai 1242, les inquisiteurs Guillaume Arnaud et Etienne de Saint Thibéry "établirent leur base au château d'Avignonet". Le 27 Mai 1242, Pierre Roger de Mirepoix, gendre de Raimond de Péreille, seigneur de Montségur, s'introduisit dans Avignonet avec la complicité du bayle de cette cité Ramon d'Alfaro. "Les inquisiteurs et leur suite, surpris dans leur sommeil, furent massacrés à coup de hache. A Pierre Roger de Mirepoix, qui avait demandé qu'on lui ramène la tête de Guillaume Arnaud pour en faire un hanap, son ami Guillaume Azéma aurait répondu : votre coupe est brisée". (Le pays cathare  J.P. Bouchard. J.L. Aubarbier; M. Binet).

                                                                                                                                            

"L'attentat d'Avignonet, perpétré contre des hommes d'Eglise particulièrement intouchables, désigna Montségur aux yeux des puissants de ce monde, le pape de Rome et le Roi de France. Il faut décapiter l'hydre, déclara la régente Blanche de Castille". (Petit Précis de Catharisme. 112 Anne Brenon).

                                                                                  .

2) Montségur

 

Au début de l'été 1243, une armée de croisés, levée par les évêques méridionaux et dirigée par le Sénéchal Royal de Carcassonne, vint mettre le siège autour du pech de Montségur. Pierre Roger de Mirepoix avait fait ravitailler la place, par des convois de blé des villages et des razzias de bétail. Le castrum perché était défendu par une formidable position stratégique, plus que par la cinquantaine d'hommes d'armes qui durent faire face à la grande armée. Durant de longs mois, messagers et visiteurs passèrent sans encombre au travers des lignes des assiégeants.

Dans l'hiver 1243-1244, le siège se resserra, quand l'armée croisée prit pied sur le pech de Montségur, après avoir attaqué par surprise le petit poste qui défendait un angle de la montagne.

Les combats se rapprochèrent dès lors inéluctablement des murailles du village, au point que des catapultes et une grosse machine purent être employées, écrasant de lourds boulets de pierre les toits des humbles maisons. La situation devint vite intenable, et le 1° mars 1244, Pierre Roger négocia une trêve de quinze jours, avant reddition définitive....

D'après le chroniqueur Guillaume de Puylaurens c'est au matin du 16 Mars 1244 que les cathares trouvés dans le castrum furent "jetés dans un enclos fait de pals et de pieux auxquels on mit le feu, et passèrent directement des flammes du bûcher à celles de l'Enfer" (Petit précis de Catharisme p.112-113 Anne Brenon).

Le lieu supposé de ce bûcher collectif est connu aujourd'hui sous la dénomination du "Prat des Cramats".

Quelques noms des deux cent vingt cinq brûlés est parvenu jusqu'à nous parmi lesquels leur évêque Bernard Marty, le successeur de Guilhabert de Castres.

Michel Roquebert cite 43 personnages morts  sur le bûcher à Monségur (1245)

Parmi eux on trouve les parfaits:

- Arnaud des Cassès, chevalier.

- Etienne Isarn, des Cassès.

- Raymond Isarn, frère du précédent.(p.360)

- Arnaud des Cassès (Arnaldus del Cassers) chevalier, seigneur des Cassès, en Lauragais oriental, où il est attesté comme croyant en 1220, 1225, 1233, 1237, puis comme parfait, "vers 1243"; Il dut donc gagner Montségur peu de temps avant le début du siège, sans doute au cours de l'exode de fin 1242. un autre co-seigneur des Cassès, Raymond de Roqueville, confirme qu'il fut ordonné: il se fit hérétique et fut brûlé à Montségur. (p.419)

Déposition de Guillelme femme d'Arnaud de Clarens des Cassès en décembre 1245 (M. S.609-224 a).

- Etienne Isarn (Stéphanus Isarni) voir le suivant

- Raymond Isarn (Raymondus Isarnus, del Cassers): originaire des Cassès en Lauragais, où ils étaient encore en 1242, les frères Raymond et Etienne Isarn durent gagner Montségur avec l'exode de la fin de cette année. A ce que j'ai entendu dire, ils allèrent à Montségur, se firent hérétique et y furent brûlés".(Mourir à Montségur  Michel Roquebert p.421)

 

En 1246, le chevalier Bernard de Roqueville, seigneur des Cassès, avait été convoqué devant l'inquisiteur pour recevoir sa pénitence. il refusa de se présenter. Ses biens furent confisqués et lui-même n'eut d'autre ressource que de fuir en Italie; Vers 1260 Pierre Bauville le rencontra à Crémone, où était installé un autre membre de la famille, du nom de Raymond; Un autre Roqueville, dont nous avons l'interrogatoire à la date du 18 mai 1274, se rendit lui aussi en Italie, mais à ce qu'il dit, c'était pour aller à la curie. A Plaisance il fut reçu par Pierre Bauville et il vit un parfait que son oncle Bec de Roqueville avait fait son héritier ou du moins, son exécuteur testamentaire. Ce Bec de Roqueville était un fugitif condamné pour hérésie. Sans doute est-il le même que le frère d'Estolt de Roqueville de ce nom, que nous rencontrons au Mas Saintes Puelles, vers 1220, écoutant la prédication hérétique et, en 1228, à Toulouse, servant de son mieux les hérétiques qu'il abritait dans sa maison de Roqueville.(p;132-133)

(1299)...Pierre Authier et ses disciples tentèrent même de pénétrer dans les régions qui, avant la croisade, avaient fourni à l'hérésie tant de croyants et de sympathisants. Nous saisissons leur action à Castelsarrasin, à Verfeil, à Villemur, dans la région de Lavaur, de Lanta et de Caraman et dans plusieurs localités du Lauragais: Les Cassès, Saint Papoul, Villemagne, Le Mas Sainte Puelles, Fanjeaux. (p.181) (Le Languedoc Cathare et l'Inquisition 1229-1329 Elie Griffe).

 

 

3) Exode

 

"La chute de Montségur était un symbole. Mais, si elle consacrait la disparition de la forme monastique la plus achevée, avec sa hiérarchie complète, sa supérieure, ses parfaites, ses maisons, ses services mensuels, elle n'affectait qu'assez peu le ministère actif des prédicateurs encore nombreux disséminés dans la clandestinité.

C'est l'inquisition qui pour deux ou trois cent d'entre eux allait provoquer l'arrestation, la conversion, la fuite en exil ou la mort de privations...

L'Inquisition passe des dominicains aux évêques... Les proches s'engageaient pour des sommes importantes, à procurer la comparution des accusés, que l'on laissait en liberté. Si ceux-ci prenaient le chemin des bois ou de la Lombardie, la caution restait acquise à l'évêque. Un registre de ces engagements tenu à Carcassonne est révélateur : des cautions de 50 livres, somme alors énorme, ne sont pas rares. Il s'y ajoutait la faculté donnée aux condamnés de racheter leur peine par leur passage en Terre Sainte". (L'Histoire des Cathares P 302 Jean Duvernoy).

                       

            Il ne restait plus aux missionnaires cathares qu'à secouer sur leur patrie la poussière de leurs sandales. Le chemin de la Lombardie était de longue date connu des occitans, qui commerçaient avec Gênes et les villes lombardes, et des cathares qui ne pouvaient qu'avoir des liens avec l'église d'Italie depuis le concile de Saint Félix... On possède sur l'émigration des cathares Occitans en Italie, la remarquable autobiographie devant l'Inquisition d'un marchand d'Avignonet, Pierre de Bauville :

...Je vins à Crémone où je restai deux ans, et j'y vis demeurant publiquement, Pierre de Sauzet de Lanta, Pons Brezeit des Cassès, Bernard Colomb de Goderville, Bernard Robert du Lantarès, Raimon du Vaux, Raimon Peire de Dreuilhe et beaucoup d'autres hérétiques revêtus... J'y ai vu souvent les parfaits Etienne Donat, Raimon de Roqueville et Bernard de Roqueville, des Cassès, qui y habitaient.

...Sans qu'on ait les moyens de rien chiffrer, on peut considérer qu'il y eut un transfert important de talents et de moyens financiers du Languedoc en Italie du Nord". (Histoire des Cathares p.304-307 Jean Duvernoy)

 .                                                        

            "...Bec, Pierre Guillaume, Bertrand et Raymond de Roqueville.. eux mêmes et leur descendance devaient jouer, plus d'un siècle durant, un rôle important dans la résistance, puis dans l'émigration cathare en Lombardie, perdant parfois l'un  ou l'autre des leurs, comme la femme de Raymond, dans les flammes de l'inquisition". (L’Epopée Cathare. P 400 Michel Roquebert).

                       

 

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CHAPITRE IX

LES CROIX ET STELES DISCOIDALES

DITES "CATHARES"

 

1) Origine

 

            « C'est contre l'église que sont alignées de splendides stèles discoïdales et un rarissime Christ de type "Bogomile". Notons que les stèles discoïdales ou croix "Cathares" que l'on trouve dans la région toulousaine datent de l'époque cathare, mais n'ont aucun lien officiel ou connu avec le catharisme et ornent surtout des cimetières catholiques. » "Le Pays Cathare" J.L. Aubarbier et M. Binet.

            Les croix et stèles des Cassès, comme partout ailleurs, furent oubliées au coin du cimetière et leur valeur ignorée de tous. En 1956, Raymond Ausserès, garde-champêtre des Cassès, en découvrit quelques unes  au milieu des broussailles, dans un coin du cimetière.

            En 1963, "l'Orant" a été volé. Grâce à la photo d'Henri Puig que René Nelli avait inséré dans son ouvrage "Musée du Catharisme" il a été retrouvé, prêt à être exporté vers l'Amérique. C'est pour les protéger contre un nouveau larcin, que Monsieur Henri Puig, Maire des Cassès à cette date, a transféré ces stèles et croix, au cœur du village, à la vue de tous.

 

2) Sont elles "Cathares"?

 

            <<La stèle discoïdale est un type de monument des plus dignes d'intérêt tant par sa diffusion à travers le temps et l'espace que par le mystère dont il reste entouré... Ces monuments furent signalés par la revue "Revue Archéologique du Midi" (1866-1867) ...D.Roché devait par la suite émettre l'opinion que certains de ces vestiges étaient des monuments funéraires cathares. >> Cathares, Vaudois, Béguins, Dissidents du Pays d'Oc" J. Duvernoy.

"Les cahiers d'études cathares" 1949-n° 4 évoquait les stèles manichéennes et cathares du Lauragais.

Des études plus approfondies depuis cette date ont révélé que depuis les bogomiles de Cosmas les cathares ne vénéraient pas les croix. L'étude systématique de Georg Wild écarte cette hypothèse. Il n'existe pas de symbolique cathare, même avant 1209.

Même si elles ne peuvent être qualifiées de "cathares", il est à peu près certain qu'elles ont toutes été utilisées pour des sépultures, parfois même dans des cimetières postérieurs à la révolution.

 

3) L'Orant des Cassès

 

            C'est cette pièce unique qui fut dérobée dans le cimetière en 1963. Les représentations humaines de ce type sont rares. Dans la région on ne signale que cette croix et les énigmatiques bustes de Lavalette. Cette représentation anthropomorphique présente des ressemblances avec les sépultures de Bosnie. La corrélation avec origines du catharisme et les bogomiles bosniaques peut expliquer la dénomination de " croix cathares" ou "bogomile".

            C'était  oublier que Bogomil, prêtre anticlérical bosniaque vers 950 et plus tard de Niquinta, pape cathare présidant le congrès de St Félix en 1167 ne vénéraient pas la croix car disaient-ils " On ne peut vénérer l'objet de la souffrance et de la mort du Christ".

            Les termes de "cathare" ou "bogomile" étant incompatibles avec l'origine de cette croix certes très ancienne, il nous parait plus prudent de la désigner sous le terme de "Orant". <<Sur une croix trilobée est représenté un homme debout, les bras étendus, les mains largement ouvertes, lequel n'évoque nullement le crucifié traditionnel...La posture de son personnage n'est pas du tout celle d'un christ en croix : il a les bras coudés (plutôt dans l'attitude de l'oraison ou de l'invocation, et ses mains largement ouvertes ressemblent  tout à fait aux saints bogomiles>>. (Le phénomène Cathare  René Nelli)

 

 

4) Les bornes : "Bodula" (boule)

 

            La 4ème stèle et celle qui est de l'autre côté de la rue, portent gravée la fleur de lys sur une face et la croix d'occitanie sur l'autre. La fleur de lys est le sceau du roi de France. La croix d'Occitanie est le sceau du comte de Toulouse.

            Ces stèles matérialisent le mot latin "bodule" (boule) qui revient souvent dans les actes de délimitation de l'époque. Nous pensons qu'il s'agit d'une conséquence du traité de Paris en 1229. Ce bornage ne saurait être intervenu avec quelque vraisemblance, qu'entre le traité de Paris (1229) et la mort du comte de Poitiers (1271). Ensuite c'est le roi de France qui hérite du comté de Toulouse. Ce n'est qu'en 1361 ? Que le comté fut rattaché au royaume de France.

            Chaque localité a reçu la charge ou a tenu à se borner, ou encore à exhiber aux endroits utiles, les signes de son allégeance (obligation de fidélité et d'obéissance envers une nation, un souverain).

            En ces temps de répression par l'Inquisition, la hiérarchie cathare (Evêques, diacres et parfaits), les"faidits" (nobles expropriés et chassés) et tous les malfaiteurs justiciables qui circulaient sur les marchés et dans les localités avaient intérêt à être renseignés sur l'appartenance politique. Les frontières semblent bien avoir fait l'objet de contrôles.

 

            « Les fleurs de lys ne sont plus désormais pensées comme l'expression des trois vertus, foi, patience et chevalerie (c'était l'interprétation que l'on donnait des trois pétales de la fleur à l'époque de St Louis), mais comme le symbole de la trinité, protectrice de la France. Elles ont été envoyées du ciel par Clovis, roi fondateur de la monarchie, au moment de sa conversion au christianisme, et ont aussitôt pris place dans ses armoiries, en remplacement des crapauds- figures entièrement diaboliques- qu'il passait pour porter le jour de son baptême...

            Il faut attendre 1211 pour voir, sur son sceau, un prince Capétien porter le célèbre écu aux fleurs de lys. Et encore il ne s'agit pas du roi Philippe Auguste (1180-1223) lui-même, mais de son fils le prince Louis, futur Louis VIII. ("Figures Héraltiques" Michel Pastoureau).

            La croix du Languedoc: cette stèle représente au recto la croix du Languedoc, sceau des comtes de Toulouse: croix grecque chanfreinée entourée des douze perles.

Au verso est sculptée en relief une très belle croix grecque qui peut nous rappeler que Raymond IV de St Gilles comte de Toulouse qui après avoir dominé une grande partie de la terre occitane répondit en 1095 à l'appel du pape Urbain V pour la première croisade afin de  délivrer Jérusalem. Raymond IV de St Gilles, chef des croisés occitans partit en 1096, traversa l'Italie, la Bosnie, la Bulgarie et l'Asie mineure. Il créa le comté de Tripoli près de Jérusalem où il s'installa loin des terres occitanes abandonnées à la convoitise de ses vasseaux. Il est à noter que le bouclier de Raymond IV gravé sur la monnaie, portait déjà les douze perles, qui ornaient une croix latine et non grecque.

 

 5) Les croix ornées d'un triangle

 

            Plus énigmatiques sont les croix ornées d'un triangle.  Le dessin triangulaire qui orne ces monuments funéraires pourrait être le symbole du fer, d'un outil. Un triangle court (croix n° 2) représenterait une pioche ou le soc d'une araire pour un laboureur, ou une truelle pour un maçon, un triangle long représentant le fer d'un glaive pour un seigneur. La stèle n° 9 plaiderait dans ce sens.

             Le triangle qui orne ces croix représente un soc, c'est la partie principale d'une charrue, celle qui attaque le sol. A cette époque, les paysans labouraient avec des araires en bois, en occitan "l'arnés".Seul le soc était en fer et avait une forme triangulaire. On l'appelle "la reille" en langue d'Oc. On a découvert une "reille" en fouillant le château de Cabaret  (Lastours) dans la partie détruite pendant la Croisade des Albigeois.

 

6) Pierres tombales :

 

             Antérieures à 1223

            La lame du glaive profondément sculptée au verso et les cercles concentriques qui ornent les flancs, font penser à une pierre tombale d'un seigneur ou chevalier vassal des comtes de Foix. Une autre hypothèse paraît plus vraisemblable. Le triangle représenterait le sceau de Raymond Roger comte de Foix décédé en 1223.

<<Les trois pals des armes des comtes de Foix peuvent être expliqués comme des armes parlantes. Il se serait agi d'une pioche (fossorium, cf. fuxum) à trois dents. Si cette explication hasardée était  vraie, elle le serait encore d'un signe qu'il est loisible d'appeler un fer de pioche ou de houe. Le sceau de Raymond Roger,comte de Foix, décédé en 1223, à la différence de celui de ses successeurs ne porte pas encore de pals ou les vergettes.>>(Cathares,  Vaudois, Béguins, dissidents du Pays d'Oc  Jean Duvernoy)

            Le 18 mai 1226, Raymond VII comte de Toulouse, donna en fief à Roger Bernard comte de Foix, St Félix Lauragais et toutes ses appartenances: à savoir, 15 châteaux, villages et maisons fortes situés dans le triangle Caraman, Revel Castelnaudary. Une zone disons-le à très forte implantation cathare, avec des lieux comme les Cassès, Montmaur, St julia, St paulet, Airoux, Soupex, Souilhe, la moitié de Souilhanels, Dreuilhe, Roumens, Malserie (Montégut), Le Vaux, Nogaret, Toutens et Cessales.

            Cet acte est en fait la confirmation d'un legs fait, en 1215, au comte de Foix Raymond Roger (décédé en 1223) par le dernier seigneur de St Félix, Raymond Guilabert.

            Si ces triangles représentent le sceau des comtes de Foix, il est vraisemblable qu'il a été gravé entre 1215 et 1223. Ils peuvent même être antérieur, car en 1167 (l'année même du concile cathare de St Félix), Raymond V comte de Toulouse, pour punir Roger II vicomte de Carcassonne qui avait fait alliance avec le roi d'Aragon, transfère l'héritage de Raymond Trencavel à sa fille Cécile, sœur de Roger II et épouse de Roger Bernard I, comte de Foix. Parmi ces terres était le château de St Félix un des premiers fiefs du pays toulousain. Mais cette translation ne s'opère pas réellement, car Roger II vicomte de Carcassonne épouse Adélaïde fille du comte de Toulouse.

 

 

 

CONCLUSION

 

 

Après 20 ans de guerre (1209-1229) où les pires atrocités ont été commises, le traité de Paris a soumis le Languedoc au royaume de France. La paix signée à Paris ne sera vraiment acquise qu'après la prise de Montségur. Le bras séculier de Rome a réussi à soumettre ou démettre les princes occitans et décapiter, à Montségur, l'église cathare. Mais ce n'est qu'un siècle plus tard, que le dernier bûcher est dressé à Carcassonne, en 1329.

            Le nom des Roqueville, malgré l'exode, est mentionné jusqu'au  XV siècle.

            Bertrand de Roqueville est frère prêcheur (ordre de St Dominique après 1288).

En 1397, on trouve le nom de sœur Géraude de Roqueville et de nombreux membres de la famille, dans le testament de Jean de Roqueville, qui fait donation aux sœurs clarisses de Notre-Dame des Anges des Cassès

            Une porte de la bastide de St Félix Lauragais porte encore le nom de Roqueville.

Roqueville est le nom  actuel d'une ferme de Bélesta  et d'une chapelle de Montgiscard.

            A partir de 1333, Marguerite de Lisle Jourdain, épouse du seigneur de St Félix, fonde l'abbaye  des Cassès. Le village actuel s'est construit autour de l'abbaye, au détriment de "Les Cassès-Vieux "qui se situait près du Fort.

 

            C'est une autre histoire des Cassès qui commence.

 

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