Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE - N°15 - Année 2010 |
UN ARTISTE SOREZIEN : AUGUSTE METGE (1883 – 1970) par Jean Paul Calvet |
Le but de cet article n’est pas de retracer en détail la vie d’Auguste Metgé, d’autres l’ont déjà fait et bien fait, notamment H. Pevel dans la Revue du Tarn en 1971. Mais il nous semblait utile presque 40 années après son décès, de rappeler l’œuvre de ce sorèzien de cœur, et notamment de mettre l’accent sur l’iconographie de sa vie et de ses œuvres…
(Dossier présenté avec la collaboration de la famille Prom) |
Auguste Metgé est né à Soréze le 6 août 1883, il est issu d’une lignée d’ébénistes et de menuisiers bien connus à Soréze. Son père veut lui donner une formation et une technique complète de son art, il l’inscrit aux cours de sculpture à l’Ecole des Beaux- Arts de Toulouse de 1899 à 1903 et il en sera un brillant élève.
Pendant ses cours, il travaille déjà dans l’atelier familial.
Il n’obtiendra pas le « Grand prix de sculpture » qui clôture les études aux Beaux-Arts, mais l’œuvre qui lui sera imposée « Homère chez les potiers » sera classée troisième ou quatrième… Les commentaires de la presse à l’époque seront plus qu’élogieuses envers son travail artistique.
Ses études terminées (alors qu’il aurait pu faire carrière dans la grande ville, s’y imposer et acquérir rapidement une grosse réputation), il préfèrera revenir à Soréze pour garder sa personnalité (il estimait en effet que le contact avec d’autres artistes aurait pu empêcher son art de se développer librement).
Auguste Metgé – séance de peinture … |
Auguste Metgé est un ébéniste restaurateur et aussi un créateur émérite. Il travaille dans son atelier sorèzien appelé le « Vert-Vert ».
Il est toujours habillé d’une grande blouse de travail qui est en quelque sorte son « uniforme », symbole de sa modestie et de sa haute conscience professionnelle.
Il sculpte et fait de la peinture. En 1910 (mais aussi d’autres années), il expose au salon de Paris.
Il sera Directeur d’un congrès artistique organisé à Soréze.>
A la mort de son père, Auguste Metgé prend la direction de l’atelier d’ébénisterie, il devient patron. Il restera d’une grande simplicité, ses clients feront sa renommée, et l’atelier grandira. De nouveaux ouvriers viendront compléter l’équipe. Il assimilera rapidement les tendances nouvelles avec bon goût.
Pas de grande publicité, ni de tapage … sa renommée sera faite par ceux qui le connaissent bien ; le « bouche à oreille » va fonctionner.
Si le meuble d’art est sa principale activité, il n’abandonne pas la sculpture apprise aux Beaux-arts. Des œuvres sortiront de son atelier, sculptées à la gouge ou pétries à la glaise. Des moules permettront la création d’œuvres en bronze (exemple le buste de Jean-Joseph Roquefort).
Pendant la première guerre mondiale, il sera affecté au 42ème colonial, il sera caporal puis sergent. Après avoir vu de nombreux collègues tomber au feu, il sera lui-même blessé le 4 mars 1915, lors de la bataille de Verdun à Vauquois.
Il n'en parlait guère. Toutefois, quand on l'en priait, il évoquait, par bribes, quelques souvenirs. Nous citerons le paragraphe d’Henri Pevel paru dans la « Revue du Tarn », qui a relaté les souvenirs de guerre d’Auguste Metgée :
« Ils étaient atroces. Français et Allemands, terrés dans les tranchées, des trous plutôt, creusés sommairement dans ce qui avait été les caves des maisons détruites par les bombardements n'étaient séparés que par la largeur de la rue. L'ordre d'attaque arriva. Il fallait sortir du trou et se jeter en avant, parmi les éclatements d'obus, sous la fusillade terriblement meurtrière que dirigeaient ceux d'en face à quelques mètres à peine. « Le lieutenant bondit le premier, expliquait Auguste Metge. Je le suivais. Je sentis quelque chose sur l'épaule : c'était la cervelle du lieutenant. Je ne sais pas comment j'ai fait. Je me suis retrouvé dans le trou de l'autre côté, tout seul. Je ne pouvais pas lever la tête : ça tirait de tous les côtés. Je ne voyais personne. Ça a duré je ne sais combien. A un moment, j'ai essayé de lever un peu, un tout petit peu la tête. C'est alors... ». C'est alors qu'il avait reçu une balle qui lui fit une longue estafilade sur le dessus du crâne. Impossible d'être évacué. Il dut attendre des heures avant de pouvoir se glisser de trou d'obus en trou d'obus et rejoindre à pied, seul et le crâne en sang, le poste de secours qui se trouvait à cinq kilomètres de là. »
Après la guerre de 1914-1918, marqué par cette guerre, il réalisera les monuments aux morts de Soréze (1) et Durfort, un christ à l’abbaye d’En Calcat, une vierge à l’abbaye Sainte-Scholastique, on lui devra notamment le buste de Jean Joseph Roquefort dans le square du même nom à Revel, des bustes (notamment l’œuvre « Bacchus enfant mangeant une grappe de raisins » qu’il acheva juste avant sa mort), des bas reliefs…
Il considérera son activité de sculpteur, comme une activité annexe, pour lui, le travail d’ébéniste était aussi noble que la sculpture, il aimait son travail.
Il refusait d’établir une hiérarchie entre les arts, pour lui un meuble bien fait était aussi une œuvre d’art….
Chez lui, point de mobilier tapageur. Auguste Metge était simple, une simple cheminée rustique chauffait son intérieur, mais il disait qu’il se chauffait avec du bois valant une fortune – ne brulait-il pas en effet les restes de bois précieux ou exotiques de l’atelier …
Le journal « l’Illustration » s’en fera l’écho, en publiant une douzaine de monuments, il signalera celui de Soréze situé sur la « placette du Ravelin ». L’originalité de la conception, la profondeur et la sincérité de l’inspiration, l’habileté de l’exécution seront décrites en détail.
« Hiver comme été, coiffé d'un béret basque et les pieds dans de robustes chaussures à tige montante, invariablement il était vêtu d'une blouse de toile écrue, soigneusement boutonnée par devant, comme une longue lévite. C'était une des figures les plus singulières de Soréze et qui s'harmonisait à merveille avec les ruelles médiévales et les maisons bossues aux poutres sculptées. Il évoquait un Nicolas Flamel ou quelque alchimiste de la Renaissance. » d’après H. Pevel
Il sera décoré en 1932 par M. Mistler (à l’époque Secrétaire d’Etat aux Beaux-arts), de la Légion d’Honneur. Toujours modeste, il n’osera l’arborer et on ne le verra jamais la porter.
Il fut Chevalier du Mérite Artisanal. Il enseigna aussi le dessin au lycée de Revel…
Il sera membre du jury du Meilleur Ouvrier de France. Lorsqu’on parlait d’Auguste Metgé on disait « Monsieur » Metgé, démontrant ainsi tout le respect qu’on lui attachait.
Fort de sa compétence reconnue à l’extérieur de Soréze, il sera appelé à Toulouse, Montpellier, Marseille, Lille et Paris pour que l’on profite de ses connaissances.
A Paris, notamment, il travaillera avec Jansen (célèbre décorateur), mais il n’en éprouvera aucune vanité..
Par la presse le 10 août 1929, on apprend sa démission de l’école professionnelle du collège de Revel dans lequel il était professeur (en même temps que la démission de M. Lagarrigue autre peintre bien connu à Revel). La haute compétence est signalée dans cet article pour M. Metgé et M. Lagarrigue, l’auteur signale qu’ils ont démissionné pour avoir été victimes de vexations de la part des édiles revélois. Leur départ est regretté par les élèves…
Le monument aux morts de Soréze.
(1) Ce monument de Soréze a une particularité ; en effet l’artiste a voulu représenter les personnages d’après photo … les représentations des soldats correspondent donc à des visages de combattants sorèziens Une copie existe à la mairie de Soréze (salle d’honneur).
A 87 ans, Auguste Metgé travaille encore dans son atelier, et transmet son savoir à ses descendants.
Au fond d’une ruelle du « Vieux Soréze »se situe une vieille bâtisse à la façade décrépie, un atelier d’une apparente pauvreté qui aurait pu déconcerter plus d’un visiteur, c’est le lieu de création du maitre.
Auguste Metge n’aimait pas « paraître » il « était ». De son vieil atelier sortaient des « trésors ».
Au cour de ce XXème siècle, la demande évolue, le meuble aussi, les formes traditionnelles du meuble d’art deviennent des formes épurées. Cette conception esthétique n’est pas acceptée par Auguste Metgé qui y préfère le respect de la tradition. Il refusait l’art moderne, restant fidèle au meuble d’art, dans une sorte d’académisme forcené.
N’avait-il pas dit « Des Picasso, moi j’en ferais dix dans la journée ».
Pourtant, ses descendants, son gendre, arriveront à faire nuancer son jugement.
En 1970, à l’âge de 87 ans, Auguste Metgé s’éteindra dans son sommeil.
La veille avait été une journée comme les autres … Il avait dessiné, distribué le travail, plaisanté avec les ouvriers. Le matin de bonne heure, comme chaque jour, il avait rendu visite à sa femme au petit cimetière.
Ce matin là, il l’avait rejoint pour l’éternité…
La tradition professionnelle et familiale se perpétue de nos jours par son gendre et ses petits enfants du nom de Prom à Soréze.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES - Portal Ch. – 1971 – Dict. Art. Tarn (Albi, 1925) |
|
|
L’œuvre en plâtre d’Auguste Metgé, réalisée en 1909, a permis de confectionner le « moule négatif »
pour faire le buste en bronze de Jean Joseph Roquefort. Elle a été conservée par la famille.
Le buste de Jean-Joseph Roquefort (bienfaiteur de Revel, créateur de l’ Hôpital-Hospice qui porte son nom) est situé dans le square situé à proximité de l’église de Revel et de l’Hôpital.
Mis en place au début du XXème siècle, le buste en bronze a été fondu par les allemands lors de la deuxième guerre mondiale. Dès 1946, un nouveau buste était mis en place pour remplacer l’ancien. |
Le monument aux morts de Durfort
|
Arc de triomphe créé à l'occasion du Congrés Eucharistique de Soréze en 1934 (découpe de presse)
Statue de « Vierge aux épis de blé ». Cette œuvre a été volée, elle était située au bord de la route près de Juzes (sculpture sur pierre). |
Le buste de Jean Gabolde – œuvre d’Auguste Metge dans la salle des Illustres de l’Abbaye-école de Soréze…
Droit de présentation à la Société des Artistes Français en 1910
|
|
A. Metgé dans son atelier
|
Plaque en bronze offerte à Auguste Metgé en octobre 1922 « commune de Soréze reconnaissante » bronze signé Navarre » |
Par A. Duolé- "Auguste Metgé enfant" huile 1885 |
Auguste Metgé - "Autoportrait" pastel |
Auguste Metgé "Jean Prom enfant" pierre dure 1939 |
Auguste Metgé "Sa Mère" pastel 1905 |
Auguste Metgé - Paulette Metgé (sa fille) pastel 1927 |
Auguste Metgé - (son père) pastel |
|
||
|