Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                   PARU DANS LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE Numero 14 - 2009

 

LES ENIGMES DU BLASON DE SOREZE

 D’après Bernard Velay  

 

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(publié sur « le Ravelin » n°9- décembre 2000- pages 4 à 7 (publication de la Commission de la Culture de la Mairie de Soréze)

Le blason de Soréze fait partie de ce corpus de sceaux armoriés ou blasons des communautés villageoises ou urbaines qui constituent ce que l'on appelle l'héraldique municipale.

 

Quand est apparu le blason de SorEze ?

 

Il ne figure pas dans le Corpus des sceaux français du Moyen-âge Tome 1 :
 « Sceaux des villes avant 1500 » établi par Brigitte BEDOS, conservateur aux Archives Nationales, grande spécialiste de la sigillographie et cousine de notre ami Georges BEDOS, membre de la Société d'Histoire de Revel Saint-Ferréol, très attaché au Lauragais et à Revel.

 

Les premiers blasons ont été utilisés dans la mêlée des batailles du Moyen-âge afin de distinguer les combattants. Boucliers, harnachements des chevaux, gonfanons et bannières, vers le XIIe siècle, arboraient fièrement le blason de leur « chef », du seigneur, du chevalier. Ces blasons que l'on appellera ainsi « armes » se transmettront de générations en générations !

 

L'héraldique municipale que d'aucuns qualifient « de murale » (allusion aux fortifications et aux couronnes murales qui surmontent les blasons des cités) ne découle pas d'une obligation guerrière, mais d'une nécessité administrative.


    En effet, s'affranchissant des tutelles seigneuriales pour gagner un statut de communes libres, les villes ont rapidement affiché leur autonomie en institutions identifiées par des sceaux ou des blasons. Avant la naissance de l'héraldique (XIIe siècle) et l'apparition des sceaux armoriés, les sceaux étaient hagiographiques(iconographie embellie ou magnifiée), influencés par la mentalité religieuse médiévale, ils représentaient souvent la Vierge Marie, un saint patron portant ses attributs (Saint Pierre : la clé, le grill de Saint Laurent...). Ou dans l'attitude du martyr (sceaux hagiographiques de Laon et Montpellier...)
            

              

BLASON

SOREZE a peut être longtemps utilisé le sceau orné de Notre Dame de la Sagne L'histoire de Soréze commence et se confond avec celui de sa célèbre Abbaye. Certaines cités « mettaient en scène »,au centre de leur sceau, les édiles municipaux symbolisés par des personnages le plus souvent vêtus de tunique ou simplement par des têtes très stylisées.

 D'autres cités, par exemple :Condom, Castres, Castelsarrasin, Castelnaudary... affirmaient leur puissance, la défense de leur pouvoir par leurs fortifications : tours, châteaux ou remparts.

 

 

 

 

On trouve aussi des sceaux équestres, une façon de rappeler le pouvoir seigneurial, ou l'auteur de l'affranchissement de la Cité (Douai, Dijon...). Aucune trace sigillaire concernant Soréze n'a été découverte à ce jour. Il faut donc toujours se référer à cette pierre armoriée, exhumée des anciennes murailles de Soréze par le Curé Cailhassou en 1772. Pourtant le dictionnaire Larousse de 1907, en huit volumes, très richement illustré, précisément d'armoiries, à la rubrique « Soréze » nous annonce le blason suivant : « d'azur à la bisse (serpent en héraldique) d'argent mise en pal (dressée verticalement) torsée de trois tours ».

Hélas, la gravure héraldique du blason de Soréze ci-dessus décrite, ne comporte pas de références !

L'Armorial général des communes de France de J.J. Lartigues, membre du Conseil Français d'Héraldique, donne trois descriptions du blason de Soréze.

 

1° « D'azur à un château d'argent, maçonné de sable (noir) sommé (surmonté) de trois tours crénelées d'argent accompagnées en chef (partie supérieure du blason) d'une colombe éployée du même et en pointe d'un serpent aussi d'argent ».

2° « D'azur à un serpent contourné en forme de s d'argent » (cette dernière description héraldique est pratiquement semblable à celle donnée par le dictionnaire Larousse de 1907).

3° « De gueules (rouge) à une tour d'argent maçonné de sable, sommée d'une colombe s'essorant d'argent et accompagnée en pointe d'un serpent ondoyant d'or brochant (figurant en partie contre la tour) ».

 

fontainemairie

- Le blason est présent dans les rues de Soréze -

 

    également très avare de références !

 

L'Armorial Général de France de d'Hozier, Généralités du Languedoc que j'ai consulté à l'ancienne Bibliothèque Nationale, salle des manuscrits, nous permet de découvrir le blason peint de Soréze parmi bien d'autres enregistrés pour notre province.

 

Ce blason peint correspond à la description héraldique suivante :«d'azur, à un château d'argent maçonné de sable, sommé de trois tours crénelées d'argent (avec des créneaux) accosté en chef d'une colombe éployée du même (argent) et en pointe d'une guivre (serpent en héraldique) d'argent (réf. : 1,561) ».

Dans le très intéressant dictionnaire « des Communes du Tarn » publié par le Conseil Général et les Archives Départementales du Tarn, sous la direction de Jean Le Pottier, directeur des services d'archives, on peut lire >deux descriptions du blason de Soréze accompagnées d'un dessin héraldique :
 

-« de gueules à la tour crénelée de cinq créneaux d'argent surmontée d'une colombe essorante de même (argent), une bisse contournée d'or placée en trois parties en face (horizontalement),

 la partie supérieure brochante sur la porte de la tour qui est ouverte de sable ».
Cette description est tirée de l'Armorial de Gastelier de la Tour.

« la deuxième description portant la mention armoiries déclarées LD. mp 561, n°91 C.P.1945) est ainsi formulée: « d'azur à un château d'argent maçonné de sable sommé de trois tours crénelées aussi d'argent (on dit aussi du même) accompagnée en chef d'une colombe éployée et en pointe d'une guivre du même émail (argent) ».

Dans l'histoire graphique générale de l'ancienne province du Languedoc (tome 16) Ernest Roschach, fidèle au dessin de l'ouvrage, présente ainsi le blason de Soréze : « une tour crénelée, de type moderne avec une bisse ondulant à la base et une colombe essorant sur les créneaux... »
 

Cette explication est assez précise même si elle ne respecte pas la syntaxe et la terminologie héraldique.

Si l'on observe attentivement les documents officiels armoriés de Soréze, le blason adopté par la commune correspond à la description qu'en donne Gastelier de la Tour.

Dans certaines reproductions, le serpent est de couleur verte ! Est-ce l'or qui a mal vieilli, ou une erreur de transcription ?

La mairie de Soréze sur sa façade principale a su mettre à l'honneur le Blason de sa commune. La vieille et belle fontaine de la place « Dom Devic » est magnifiquement armoriée.

Quelle est la signification des symboles qui ornent le blason de Soréze ?

Beaucoup de communes urbaines ou villageoises et notamment les bastides (Villefranche de Rouergue et de Lauragais) arborentune tour ou un château sur leur blason. Ces édifices souvent figurés « maçonnés » ce qui signifieen héraldique que les pierres ou les briques sont dessinées le plus souvent par un simple trait qui symbolise les murs (intra muros - extra muros) de la cité affirment l'existence des fortifications, la défense des habitants.

 

Concernant Soréze, certains auteurs signalent un château sommé de trois tours crénelées.
    Ce type d'édifice est souvent désigné en héraldique : Castille (la célèbre province espagnole de ce nom porte des « castilles » dans ces armes). Gastelier de la Tour ainsi que Roschach (dans l'Histoire Générale du Languedoc) indiquent une simple tour avec des créneaux (cinq créneaux précisait même Gastelier de la Tour).
Cette tour marque-t-elle la fondation de la célèbre abbaye de Soréze ou plus directement les murailles défensives de la ville ?

 

Le serpent qui n'est pas rare en armoiries est désigné bisse, vivre ou guivrepar
les héraldistes. Parmi les blasons porteurs de serpent les plus célèbres ou les plus
caractéristiques, on peut signaler la guivre du duché de Milan (Italie)
 qui semble dévorer un enfant (« l'engouleN » en héraldique) et qu'Alfa Roméo utilise comme emblème pour ses voitures !


Il y a aussi le blason des Colbert (dont celui du célèbre ministre de Louis XIV qui a contribué à la création du Canal du Midi).

Les armes de Colbert sont dites parlantes col-bert-col-vert, la couleuvre évoque, « chante » le nom du porteur d'armoiries !
 

Dans les armes de Soréze, le serpent (la bisse) ondule nous dit Roschach (Hist. Gale du Languedoc). Placé en pointe - ce qui constitue la partie la moins honorable - le serpent évoque-t-il celui qu'écrasa la Dame de l'Apocalypse, Notre Dame, patronne de l'abbaye de la Sagne ?

Garde-t-il la porte de la tour, de la cité, ou plus prosaïquement en forme de « s » comme Soréze ou reproduit-il les méandres du Sor ?


La colombe (1)est au contraire placée en chef, dans la partie supérieure du blason, la plus noble.

Des auteurs la décrivent « éployée », Gastelier de la Tour parle d'une « colombe essorante »c'est à dire qui prend son essor, qui s'envole... Le terme éployé s'applique plutôt aux oiseaux et le plus souvent aux aigles, qui de face étalent, déploient de façon symétrique leurs ailes (voir les blasons de Nice, de l'Allemagne).

 

La colombe, symbole de Paix qui s'envole vers le ciel, regarde vers le soleil, la lumière, au dessus de la tour et du serpent : fait-elle allusion à l'abbaye fondée par Pépin le Bref en 757, Notre Dame de la Paix ?

La colombe, le bien, s'oppose-t-elle au mal, au serpent qui rampe au fond du blason ?

Ou plus simplement, plus directement, l'héraldique sans se préoccuper d'une savante étymologie (ici toponymie) utilise l'homophonie.

Il s'agirait donc ici, < d'armes parlantes ou chantantes (comme disent certains héraldistes anglais) : la colombe essorante qui prend son essor comme la source du Sor qui a donné son nom à Soréze. Ceci correspondrait à une tradition de l'héraldique médiévale longtemps perpétrée. La ville de Lyon ne porte-t-elle pas un lion dans ses armes (et ce lion n'a rien à voir avec les lions qui ont martyrisé Ste Blandine et St Potin), la famille de Corbie = des corbeaux, la ville de Tours = une tour, Alès (ancienne graphie Alaïs) = une aile. Le blason de la famille Colombet, en Languedoc est « d'azur à la colombed'argent, onglée et becquée de gueules ».

 

La ville de Colombes (Hauts de Seine) a un blason où figure un colombier accosté de deux colombes essorantes et pour devise : « Dulcis ascendo pertinax volo» (je vole avec persévérance et monte avec douceur).

 

Au niveau des couleurs, les émaux, qui participent à la symbolique du blason, on constate quelques variantes même si la palette n'est pas très étendue.

Le serpent est dépeint, tantôt d'argent tantôt d'or, plus rarement de sinople.

 

 

 

 

Le champ de l’écu (ou le fond) est soit d'azur, soit de gueules. On retrouve ce changement de couleurs dans le blason de la cité voisine de Revel. Dans l'Armorial Général de France, le blason de Revel est peint en bleu (azur) certains auteurs, notamment dans l'Armorial du Languedoc, le décrivent « de gueules ». La ville fait usage du blason « de gueules au R couronné ». Est-ce dû à l'influence des « Blasons dominants les plus répandus en Languedoc la célèbre croix de Toulouse est « d'or sur champ de gueules » croix de Toulouse injustement qualifiée de croix du Languedoc ou Occitane) Le champ du blason d'Albi est aussi « de gueules »...

 

 Michel PASTOUREAU, directeur du Cabinet des Médailles à la Bibliothèque Nationale, héraldiste distingué, a pu ainsi déterminer à partir d'une étude statistique de fréquence de couleurs et de meubles héraldiques (symboles du blason = végétaux, objets, animaux, astres...) le phénomène d'imitation les vassaux rappellent dans leurs armes, celles de leurs suzerains. Les villes, les villages, reproduisent plus ou moins fidèlement ou servilement les armoiries du Pays, de la Province, de la Capitale... L'azur et le lys se rencontrent souvent dans les blasons de l'Ile de France, le plus ancien domaine royal.

 

La ville de Soréze a bien eu raison de mettre à l'honneur son blason, affirmation de son identité, de sa personnalité. Le blason a une vocation nationale, voire européenne (par exemple il est bien commode d'illustrer le jumelage de deux villes européennes par deux blasons, côte à côte. Les villes américaines font aussi grand usage du blason).

 

Les armoiries conjuguent la modernité de leur graphisme avec l'immortalité de leur signification. Le blason « clé de l'histoire » (Gérard de Nerval), exprime mieux que le logo, la valeur, le fondement d'un terroir, d'une commune, d'une province, d'un Etat.

Le logo, lui, s'adapte mieux aux produits de marketing. Nous avons remarqué que tous nos logos adoptés, hélas, par certaines villes, régions ou départements sont le plus souvent dessinés en bleu, blanc, vert avec des flèches, des ondes ou des zigzags et que tous, peu ou prou, prétendent symboliser le dynamisme, la fraternité et le grand air !

Le blason d'une communauté urbaine ou villageoise, expression des premières libertés communales reste toujours un signe de ralliement, d'unité pour la commune. Ce moyen de communication peut franchir allègrement le siècle nouveau, il n'a pas vieilli !

 

Le blason de Soréze n'est pas complété par une devise. Pourquoi ne pas essayer d'en trouver une pour le XXIè siècle ?...

   

(1)  Lorsque la colombe est de sable ( noir ), on la désigne en héraldique .­ tourterelle. Le pigeon est rarement utilisé dans le blason.

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