Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                 LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE

 

LES CHAPITEAUX DE TYPE CORINTHIEN ALTERE
DE SOREZE Tarn

D'aprés Nelly POUSTHOMIS-DALLE

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L'abbaye Notre-Dame de la Sagne ou de Soréze est située dans le Sud de l'actuel département du Tarn. Fondée au début du IXe s., elle connaît une période d'ascension et de prospérité jusqu'au milieu du XIVe s.
La Guerre de Cent ans inaugure alors une période de dépression à peine interrompue dans la deuxième moitié du XVIe s. par un bref redressement avant la destruction totale par les protestants en 1571 et 1573.
Rétablie et reconstruite au XVII° S., les mauristes y créent un collège.

Parmi une cent-cinquantaine d'éléments sculptés médiévaux inventoriés, dispersés à Soréze et dans ses environs, une dizaine de chapiteaux présentent des caractères communs.
Il s'agit de chapiteaux volumineux, destinés à être engagés et attribuables à la structure intérieure d'une église.
La composition en est simple, privilégiant la structure aux dépens d'un répertoire décoratif assez restreint et constant. Le relief est vigoureux.
La question de la datation de ces œuvres est liée à celle de leurs sources ou des influences possibles.
Des comparaisons avec des chapiteaux géographiquement éloignés, mais présentant une parenté de conception sinon de style, pourraient permettre de rattacher ces œuvres à un vaste courant qui, pendant le XI° s., privilégie le caractère monumental du chapiteau avec un répertoire décoratif assez limité.

 

 

Ces chapiteaux ont été inventoriés dans le cadre d'un travail universitaire sur l'abbaye de Soréze (1).

Ils font partie d'une cent-cinquantaine de pièces taillées et sculptées, dispersées dans la ville de Soréze et dans ses environs immédiats (2).  

Parmi ces éléments, dix chapiteaux (3) forment une série présentant des caractères spécifiques que nous préciserons et qui peuvent permettre de les rapprocher d'autres œuvres du même type et peut-être de les dater.
Soréze est située dans la partie méridionale de l'actuel département du Tarn. Cette région se trouve au contact de plusieurs entités géographiques qui se manifestent par trois grands types de paysage: 

Les collines lauragaises terminées par un front de cuestas au-dessus de la dépression périphérique de Revel ; celle ci, recouverte de sédiments tertiaires et longtemps restée le domaine de la forêt et des marécages, forme un véritable couloir unissant le pays castrais à la vallée de l'Aude ; une bande schisto-calcaire métamorphique, adossée à la Montagne Noire (extrémité Sud-ouest du Massif Central), découpée par des gorges en petits plateaux, primitivement occupés par l'homme et servant de sites-refuges en période d'insécurité. *

 

L'abbaye de Soréze s'est implantée au pied d'un de ces « causses » portant le village fortifié de Verdun -    Berniquaut et au débouché de la vallée encaissée de l'Orival, c'est-à-dire au contact immédiat de la plaine et de la montagne.
      L'abbaye Sainte-Marie de la Sagne (4) ou de Soréze, fondée au tout début du IXe siècle, peut-être par Pépin 1er, d'Aquitaine, connaît une période d'ascension et de prospérité interrompue par la Guerre de Cent ans.

 

 Cette phase de son histoire est marquée par la protection et la libéralité de personnages puissants tels que Louis le Débonnaire, le Comte de Toulouse et plus tard la famille vicomtale de Carcassonne dont certains membres, évêques de diocèses méridionaux, sont les « patrons » de l'abbaye.

 

Elle arrondit peu à peu son patrimoine foncier qui apparaît à peu près fixé au début du Xlle siècle (5) et ce malgré une brève crise intérieure liée à la réforme dite grégorienne.
Ainsi les prétentions de Saint-Victor de Marseille sur l'abbaye tarnaise échouent-elles tandis que Cluny, par l'intermédiaire de Moissac, parvient, semble-t-il, à la faire entrer dans sa confédération.

Sainte-Marie attire peu à peu la population de la cité haute de Berniquaut, désertée dans la 2e moitié du XIIe siècle, donnant naissance à la petite ville de Soréze.
Malgré une forte densité cathare à Soréze comme dans le reste du Lauragais, et malgré l'attitude quelque peu irénique de certains moines, l'abbaye ne paraît pas affectée par cette période de trouble ; sur sa lancée, elle semble connaître encore une relative prospérité jusqu'au milieu du XIVe siècle.

Commence alors une période de crise liée aux calamités qui précèdent et accompagnent la Guerre de Cent ans (communauté décimée par la peste, chute des revenus, rançon et climat d'insécurité instauré par les routiers, abandon relatif du monastère), sombre époque à peine interrompue par un bref redressement au début du XVIe siècle avant la destruction radicale par les protestants en 1571 et 1573.
Ceux-ci utilisent les matériaux du monastère pour fortifier la ville. C'est peut-être à ce moment qu'un certain nombre de pierres romanes se sont trouvées libérées des maçonneries et ont été éparpillées, encore que l'abbatiale ait été fortement remaniée au début du XVIe siècle (6).

 

 

 

L'abbaye renaît avec l'arrivée des mauristes qui en mènent la reconstruction générale de 1638 à 1642.

Un collège y est créé en 1682. Sa renommée et son développement rejaillissent sur l'abbaye et entraînent de grandes campagnes d'agrandissement et de reconstruction au XVIIIe siècle, notamment après son érection en Ecole Royale Militaire en 1776 (7). Le collège se maintient pendant et après la Révolution et connaît encore une période de gloire sous la direction du Père Lacordaire.
Les bâtiments actuels de l'Ecole de Soréze ne sont pas antérieurs à la fin du XVIle siècle et datent dans leur presque totalité des XVIIIe et XIXe siècles. Nous ne disposons donc d'aucun contexte architectural pour les éléments médiévaux répertoriés çà et là.
Les archives, brulées ou dispersées par les huguenots, ne peuvent nous prêter secours.
Il faut donc admettre l'incertitude qui entoure ces œuvres, pour la plupart romanes, et parmi lesquelles figurent les chapiteaux qui nous intéressent ici.
Remployés ou intégrés à des collections particulières, leur provenance exacte reste hypothétique. Bien que fort probablement liés à l'église romane, aujourd'hui disparue, de l'abbaye de Soréze, le doute ne peut être levé puisque certains éléments sculptés romans ont été remployés dans les maçonneries du chevet gothique de l'église paroissiale Saint-Martin (8).
Il s'agit de chapiteaux volumineux dont la hauteur oscille entre 0,29 et 0,38 m (la plus fréquente tourne autour de 0,32 m avec dans un cas une hauteur anormale de 0,25 m).
Ils sont sculptés sur une face et la moitié des deux faces perpendiculaires, le reste étant seulement épannelé voire équarri (une seule exception, le n° 9 qui semble être un chapiteau angulaire).
Ils étaient donc destinés à être engagés. La largeur de la face principale (sous tailloir) varie en moyenne de 0,32 à 0,35 m (trois chapiteaux présentent une largeur respective de 0,27, 0,39 et 0,51 m).

 

 

CHAPITEAU N° 2 (fig. 2) Chapiteau corinthien altéré, engagé

Emplacement
Présenté sur une colonne, dans le jardin d'une maison particulière. 26, rue Notre-Dame à Revel.
Origine
Trouvé lors des travaux dans une maison particulière de la rue de la République à Soréze. (Collection Artemoff).
Description
Calcaire marmoréen.
H. totale : 0.38 m.
H. du registre supérieur : 0,13 m.
I. moyennes sous tailloir : 0,35 x 0.36 m
Ep. astragale : 0,04 m.
LQ astragale : 0,21 m.
Etat de conservation : moyen, quelques parties brisées mais  n'altérant pas sensiblement la sculpture.
Chapiteau à épannelage corinthien (dés médians et cornes d'angle ébauchés dans les parties destinées à être engagées). Il est sculpté sur une face et deux demi-faces (taille exécutée à la pointe et peut-être affinée à la gradine). D'un astragale lisse et mal défini naissent deux longues feuilles raides et épaisses à nervure saillante. qui débordent les angles supérieurs du chapiteau. Des volutes très grêles et étriquées ont été réservées sur le fond nu de la corbeille ; sur la face principale, en l'absence de feuille centrale, les deux tiges qui forment les volutes se séparent assez bas d'une hampe commune presque inexistante, et encadrent un dé médian triangulaire. Cette œuvre massive et dépouillée est avant tout une structure portante, caractère qu'accentuent les seuls points forts que sont les feuilles d'angle sur une corbeille lisse où un maigre décor est plaqué.
Datation probable XI° siècle
Publication
Catalogue de l'exposition. De l'oppidum de Berniquaut à l'abbaye de Soréze (1974). n° III.

 

 

La largeur des faces latérales est sensiblement égale ou supérieure à celle de la face centrale et la moitié environ de ces faces latérales est donc sculptée. Le diamètre à l'astragale est de 0,21 à 0,23 m (les deux extrêmes sont 0,16 et 0,30 m). Ces dimensions évoluent fort logiquement ensemble, les proportions ainsi définies restant à peu près les mêmes.
La corbeille se divise en deux registres (voir planche I et en annexe les fiches et les photographies de chaque chapiteau).
D'un astragale lourd et mal défini se dégagent brutalement des feuilles larges, peu nombreuses et très séparées les unes des autres.
Elles sont généralement au nombre de trois (dans cinq cas sur dix) soit une au centre et une à chaque angle de la face principale, mais elles se réduisent à deux (une à chaque angle) dans deux cas, ou atteignent le nombre de cinq, les deux supplémentaires se trouvant sur les faces latérales, sur deux autres chapiteaux.
Elles sont totalement absentes dans un cas, mais il s'agit peut-être d'un chapiteau endommagé et retaillé.
Ces feuilles sont toujours très épaisses et très raides, à peine recourbées à leur extrémité.
Elles sont lisses, ou taillées en biseau, quelquefois avec une nervure centrale réservée.
Sur un seul chapiteau, la taille en biseau selon un tracé en chevrons introduit un décor en imitant des lobes.
Ce registre de feuilles occupe souvent la moitié de la corbeille, quelquefois plus des 2/3 ou des 3/4.
L'extrémité des feuilles est toujours saillante par rapport aux cornes de l'abaque.

 

 

CHAPITEAU N° 1 (fig. 1) Chapiteau corinthien altéré

 

 

 

 

Emplacement


Pris dans le mur d'une remise (côté intérieur et à la base du mur où il soutient un poteau). à l'arrière d'une maison particulière de la rue Lacordaire à Soréze (section A, parcelle n° 296).
Description Calcaire.
H. totale : 0,38 m.
H. volute : 0.14m.
I. sous tailloir de la face principale : 0,36 m.
I. sous tailloir de la partie visible des faces latérales (1,(l9 et 0,14 m.
9 approximatif : 0.21 m.
Etat de conservation : assez bon (brisé à la base).
Taille oblique ayant laissé des stries assez profondes.
Chapiteau à épannelage tronconique où seules sont réservées les volutes assez développées mais non tangentes à l'angle : sur la face principale, deux volutes se séparent brutalement et à la perpendiculaire d'une tige commune très courte la partie visible de chaque face latérale est ornée d'une volute -
Epoque probable
Cette sorte d'œuvre très fruste et dépouillée est difficile à dater. Elle évoque quelque peu un type de chapiteaux très dépouillés tels que ceux de la nef de Saint-Pons de Thomières. Mais là, au contraire de Soréze, les hampes se détachent de la corbeille nue pour former de véritables volutes d'angle et participer à la structure du chapiteau. Dans le cas présent, il pourrait aussi s'agir d'un chapiteau endommagé et retaillé, cette a restauration e expliquant l'absence, exceptionnelle dans cette série, des grandes feuilles. XI, siècle.

 

 

Le deuxième registre résulte en effet d'une simplification et d'une fusion des éléments couronnant la corbeille corinthienne. L'abaque échancré prend des proportions énormes (de la moitié à un quart de la corbeille) et se substitue aux volutes d'angle qui sont comme plaquées sur les cornes de l'abaque. Elles s'enroulent en retrait de la corne et ne sont donc pas tangentes. L'angle de l'abaque dessine souvent avec l'extrémité de la feuille une arête sinueuse. Ces volutes sont généralement volumineuses, épaisses et plus ou moins enroulées. Dans certains cas, leurs proportions les rapprocheraient de celles de chapiteaux ioniques. Certaines apparaissent cependant très grêles. Les tiges qui les forment partent soit de la feuille centrale quand elle existe, soit directement de l'astragale, à moins qu'elles n'aient une hampe commune qui débute au-dessus de l'astragale (nous dirons des tiges en « V ») ou même beaucoup plus haut. Sur les faces
latérales, elles naissent généralement de l'astragale, en l'absence de feuilles. Ces volutes encadrent ou plus souvent délimitent un dé médian triangulaire lisse. Sur un chapiteau (le n° 8) elles naissent d'un dé volumineux, sorte d'éventail creusé en biseau qui rappelle peut-être la tigette cannelée corinthienne.

Les faces engagées peuvent être simplement épannelées en tronc de pyramide renversé ou présenter l'ébauche de dés et de volutes.
D'un point de vue technique, le travail de sculpture apparaît assez grossier, en partie à cause du calcaire marmoréen utilisé qui est lui-même assez grossier (9), en partie à cause des outils qui semblent se rapprocher davantage de ceux d'un tailleur de pierre que de ceux d'un sculpteur. L'ébauche a dû être exécutée à la pointe, par points puis par traits (taille droite verticale ou oblique sur les faces seulement dégrossies), la taille oblique des faces sculptées et notamment des fonds a pu être faite à la pointe ou à la gradine, laissant des stries assez profondes.

 

Ces caractères trahissent donc une volonté de privilégier et même de renforcer la structure qui reste très sensible aux dépens d'un décor qui vient s'y plaquer sans toujours y participer.
Ainsi les feuilles deviennent structure plus que décor alors que les volutes perdent leur rôle architectonique pour n'être plus qu'un décor plaqué (10).
En l'absence totale d'échine et de volutes ioniques on ne peut guère classer ces chapiteaux dans les composites.
Certes les caulicoles ont disparu mais cette suppression nous paraît relever d'un parti pris au même titre que la transformation des feuilles et des volutes.
Ces sculptures nous semblent résulter à la fois d'une incompréhension du modèle corinthien classique et de sa réinterprétation très libre et très « personnelle ».

Il faut toutefois convenir que le résultat n'est guère esthétique. La lourdeur dans les proportions, comme dans les détails, la composition et l'exécution souvent maladroite d'un décor rigide et épais caractériseraient plutôt un art de maçon.


Par leurs grandes dimensions et par leur destination de chapiteaux engagés (et peut-être même par leur décor) cette série peut, sans trop d'erreur, être attribuée à la structure intérieure d'une église.

 

Nous disposons d'ailleurs de bases, de socles et de tambours de colonnes adossés dont les dimensions souvent concordent et correspondent à celles des chapiteaux (11).
Il pourrait donc s'agir de colonnes à la retombée de doubleaux.
La datation de ces chapiteaux ne peut être approchée que par comparaison avec des œuvres du même type, puisqu‘ aucun document ni aucun contexte architectural n'a subsisté à Soréze.
Nous avons vu que ces chapiteaux associent des motifs simples, voire simplifiés, en nombre limité une rangée de feuilles, des volutes volumineuses partant d'une hampe en V, dégagées en relief assez vigoureux sur un épannelage de type corinthien.
C'est dire combien cet héritage corinthien a pu subir de déformations, notamment la réduction de la collerette à un seul rang de grandes feuilles, le développement de l'abaque au détriment de l'étage des volutes qui lui est confondu.
On est donc tenté - la taille assez grossière accentue encore cette impression - d'y voir des imitations maladroites dues à des tailleurs de pierre sans culture, ou du moins de faible culture antique (12).

L'absence quasi totale, dans cette partie du Languedoc, de vestiges antiques pourrait expliquer cette relative pauvreté culturelle.
Le ou les sculpteurs de Soréze n'ont peut-être disposé comme modèles que d'œuvres tardives, déjà altérées ou réinterprétées (13).

 

Toutefois, ces chapiteaux présentent l'intérêt d'associer des éléments que l'on retrouve ailleurs soit isolés soit regroupés selon des combinaisons très différentes, en liaison notamment avec des motifs géométriques issus d'un fonds commun hérité d'un passé fort lointain.

Dans certains cas l'héritage corinthien apparaît même douteux. Ainsi dans les exemples bretons, le décor des corbeilles emprunte davantage au fonds culturel celtique, par la répétition de motifs que l'on retrouve en particulier dans l'orfèvrerie, tels que spirales, chevrons, tresses, etc. (14). Ainsi certaines
« crossettes » (15) figurent-elles en lieu et place des volutes (l'une d'elles pouvant être retournée de façon à dessiner avec sa voisine un S enroulé, à l'horizontale) alors que d'autres couvrent toute la surface de la corbeille.

La question se pose encore de l'origine de ces volutes sur des chapiteaux comme ceux de la crypte de Saint-Jean de Maurienne (16), de celle de Notre-Dame d'Etampes, où bon nombre d'entre elles sont opposées (plutôt qu'adossées), où elles sont associées à des chevrons imbriqués et autres motifs géométriques.
Les chevrons, les spirales assemblées quatre par quatre ou issues d'une hampe terminée par une boule se retrouvent sur les chapiteaux de Leyre en Navarre (17).
Si l'on en revient aux chapiteaux de Soréze, c'est pour constater que le même répertoire se retrouve sur chaque exemplaire (c'est-à-dire que des motifs, ailleurs indépendants, apparaissent ici liés les uns aux autres) et que les motifs purement géométriques en sont absents (18).
Le travail de sculpture est d'ailleurs sensiblement différent de Soréze dans les exemples que nous venons de citer. Il s'agit souvent d'un traitement proche de la gravure, les motifs étant laissés en relief par approfondissement des contours dans un champ plan, c'est-à-dire en respectant le plan d'épannelage. Le relief montre cependant plus de vigueur et de modelé à Leyre.

 

Ainsi le procédé qui consiste à passer du cercle de la colonne au carré du tailloir par l'intermédiaire d'un octogone que dessinent les angles concaves de la corbeille (19) est utilisé à Soréze mais apparaît de façon moins nette que dans les exemples précédemment cités à cause d'un travail de sculpture plus profond et plus développé.

Des défoncements obliques donnent un relief vigoureux notamment aux feuilles. Si la taille est laissée brute, sans le poli des chapiteaux de Leyre par exemple, c'est probablement par goût, par « manière » du sculpteur.
Au travers des exemples rapidement évoqués, datés de la l° moitié et du milieu du XIe siècle et plus ou moins éloignés géographiquement, les œuvres de Soréze ne nous apparaissent pas comme des cas isolés mais semblent appartenir à un vaste courant dont les caractères spécifiques se retrouvent dans une large zone allant de l'Italie du Nord à la Bretagne et à l'Espagne (20) avec les nuances qui s'imposent compte tenu des contextes différents.

Des relations ou des influences précises suffisent-elles à expliquer une parenté entre des œuvres géographiquement aussi éloignées (21) ? On pourrait alléguer une communauté d'esprit ou plutôt d'intention qui permettrait d'expliquer à la fois cette parenté et les différences formelles. Il semble dans tous les cas que ce type de chapiteau, dont la valeur monumentale est indéniable, se situe dans les débuts de la floraison romane et avant l'éclosion de grands chantiers comme Toulouse et Compostelle, à partir desquels se sont répandues des formes nouvelles où les motifs végétaux et la figure humaine acquièrent une place de choix.

 

Dans cette optique, le troisième quart du XIe siècle pourrait convenir comme hypothèse de datation des chapiteaux soréziens.

Ils peuvent bien sûr être un peu plus tardifs, ce type de chapiteau se trouvant encore au XIIe siècle (22).

Par ailleurs l'influence toulousaine restera faible dans cette zone. Deux des chapiteaux de Soréze se distinguent pourtant par leurs proportions plus élégantes, par un meilleur traitement du décor végétal, malgré quelques hésitations dans la composition (chapiteaux n° 9 et 10).
L'analyse de la sculpture produite à Soréze du XIe au XIIIe siècle montre d'ailleurs un jeu d'influences extérieures aussi diverses que diffuses (23). Certes, Soréze, par sa position de contact, ne reste pas à l'écart des grands courants artistiques qui véhiculent des modèles (24) mais aucun des rapprochements évoqués, presque toujours ponctuels, n'apparaît décisif.

Avec cette série de chapiteaux, peut-être la première, Soréze s'intègre cependant dans un ensemble de recherches parallèles auxquelles elle apporte ses propres solutions.

 

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