Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                        LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE -2003 - cahier spécial

Un revélois dans la Grande Armée
1804 - 1815

d'après Maurice de Poitevin

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Annexe (1) Correspondance du capitaine Jean de Gouttes.

 

Jean de Gouttes, Capitaine au 11ème cuirassiers

 

INTRODUCTION

    Jean-Louis de Gouttes, " Conseiller du Roi et son Juge Royal de la ville et bailliage de Revel ", épousait en 1783 Paule, Louise d'Hyver (ou d'Hiver ) de Lenratier. De cette union devait naître, à Revel, le 12 février 1784, Jean, François, Louis, Auguste de Gouttes, futur officier du Premier Empire. Sa mère disparaissait en 1788, le laissant orphelin à l'âge de 4 ans. En 1793, son père était arrêté comme " suspect ", emprisonné à Toulouse, et libéré en 1794 .Le 7 nivôse an IV (28 décembre 1795) il se remariait, à Revel, avec Charlotte, Joséphine, Antoinette Carles de Carbonnières, originaire de Castres et descendante par sa mère de la grande famille huguenote des Bouffard-Lagrange, célèbre au temps des Guerres de Religion. De ce nouveau foyer naissaient, de 1796 à 1803, cinq enfants, très présents dans la correspondance de leur demi-frère, Jean(1) .
Effectivement, dans le cadre de cette étude, nous voudrions essayer d'analyser les nombreuses lettres écrites par Jean de Gouttes, officier dans la Grande Armée. Cette abondante correspondance fut précieusement conservée, dès son vivant, par son père, et ultérieurement par ses descendants. Il nous en reste quatre-vingt onze, écrites de 1804 à 1815, c'est-à-dire sur une période de 11 ans (2).
Les lettres les plus nombreuses correspondent aux périodes les plus fertiles en péripéties militaires, c'est-à-dire en 1805-1806, en 1809 et en 1812-1813 ; en revanche, les lettres les moins nombreuses se situent dans les années de " paix armée " (à l'exception de l'Espagne), c'est-à-dire en 1810-1811. La quasi-totalité de ces lettres étaient adressées à Monsieur (de) Gouttes (3) (Jean-Louis), rue de Sorèze à Revel, département de la Haute-Garonne (4). Les lettres, provenant du territoire national, portaient la mention du bureau de poste expéditeur (par exemple Versailles ou Thionville) en caractère d'imprimerie de couleur noire ; en revanche, celles expédiées de l'étranger, n'avaient que la mention " Grande Armée, Armée du Rhin, ou Armée d'Allemagne ", imprimées en grosses lettres noires ou rouges Toutes les lettres écrites entre novembre 1804 et décembre 1812, ont été systématiquement numérotées (de 1 à 78) dès leur réception, par son père, de telle sorte que l'on peut constater la perte d'au moins une dizaine de lettres ; celles envoyées entre 1813 et 1815, (au nombre de 13) n'ont pas été comptabilisées, pas plus que les lettres adressées à sa " mère ", ce qui peut paraître assez curieux.(5)

    La correspondance de ce militaire de la Grande Armée ne se limitait que très rarement à quelques lignes : par exemple, la lettre du 27 décembre 1812, écrite à Koenigsberg et venant tout de suite après la terrible retraite de Russie. Généralement, les lettres occupaient trois ou quatre pages, parfois plus, l'auteur n'étant obligé de s'arrêter que par " manque " de papier, d'encre ou de temps.(6)

Evidemment, dans cette correspondance, dominaient très largement la vie quotidienne des militaires et les " affaires " (combats ou batailles), mais aussi, comme nous le verrons, une observation et une description très précises des régions ou des pays traversés. L'ensemble des documents se lit assez facilement, le graphisme étant régulier et à peu près correct. Le style et l'orthographe, malgré quelques fautes, (par exemple " austilités "), sont soignés, d'autant plus que l'auteur ne saurait ignorer la large diffusion de ses écrits parmi ses parents, ses amis et ses connaissances ; d'ailleurs, dans la lettre du 6 octobre 1812, il demandait expressément à son père que la dernière partie de sa missive " soit lue à tout le monde. " Ses lettres sont souvent écrites dans des conditions précaires : celle du 21 mars 1812 est rédigée dans " une malheureuse ferme ", où il est cantonné depuis 6 jours, entouré de paysans, qui causent bruyamment. Faute d'encre, il doit parfois tremper sa plume dans un mélange d'eau et de poudre de fusil. (7)

    Dans la liasse des documents conservés, figure, en outre, une douzaine de lettres écrites par des tiers et se rapportant le plus souvent à des transferts financiers en faveur de Jean de Gouttes. Au total, nous avons 103 documents à notre disposition.

    Faute de renseignements précis, il est très difficile de faire une présentation du personnage. Nous avons son portrait (8), qui est une peinture à l'huile anonyme, sans date, et d'une facture naïve, d'après les spécialistes. Il mesurait au moins 1,73 mètre – taille minimum exigée des cuirassiers – ce qui était bien supérieur à la taille moyenne nationale de militaires incorporés de 1803 à 1815, c'est-à-dire 1,65 mètre.(9) Lors de son incorporation, en 1804, sa santé devait être satisfaisante. En juillet 1805, il était " un peu indisposé par les eaux de Versailles, qui sont très malsaines dans les commencements des chaleurs." En février 1806, répondant aux inquiétudes de son père, il écrivait : " je me porte très bien, et les fatigues de la guerre, loin de m'être contraires, affermissent ma santé ".
Au mois d'août de la même année, il constatait ceci :

" je grossis étonnamment et j'ai été obligé de donner une culotte de nankin que j'avais faite faire à Versailles, peu de jours avant mon départ, et qui m'était même de beaucoup trop large ".

 Durant la campagne de Pologne, en août 1807, il fut malade pendant une douzaine de jours : " ce genre de maladie est une fièvre tierce, de grands maux de tête et un affaissement général " ; un tiers de son régiment fut atteint (aucun cas mortel) ; il s'agit du paludisme : en effet son cantonnement était dans " l'Isle Nogat ", delta de la Vistule, zone " très malsaine à cause de la grande quantité de canaux qui servent à égoutter les eaux du pays. Les habitants, qui devraient être acclimatés, meurent en quantité " ; d'ailleurs, la plupart des troupes stationnées en Pologne, durant l'été 1807, furent touchées par de nombreuses maladies et épidémies (10). Lors de la retraite de Russie, vers le 20 décembre 1812, il commença " à être attaqué à Koenigsberg par une fièvre très forte, qui l'empêchait de lier ses idées ; mon esprit divaguait ; c'était le caractère de toutes les fièvres qui régnaient alors ". Il fut guéri en peu de jours.

    Au point de vue politique, Jean de Gouttes était royaliste, attaché aux descendants de " nos anciens rois ", et pourtant, pris dans le tourbillon de la Grande Armée, il fera totalement confiance à l'Empereur jusqu'en novembre 1813. En ce qui concerne les études, il fréquenta probablement l'école de Sorèze pendant quelques années. Quant aux sentiments religieux, ils apparaissent très peu à travers ses écrits, si ce n'est dans l'emploi très rare des mots " Dieu " et " Providence " (11) . Peut-être, peut-on évoquer la philosophie des Lumières et/ou la déchristianisation révolutionnaire ? Les aumôniers n'existaient pas dans les armées napoléoniennes, ce qui n'était pas le cas dans les rangs des coalisés.

                 

Enfin, pourquoi avait-il choisi la carrière militaire ? Il désirait " se rendre utile à la patrie "; " l'état militaire est le seul qu'un homme d'honneur doive embrasser pour se faire un nom et acquérir une noble fortune, … un état où les dangers et la gloire s'offrent sans cesse à nos yeux " ; il disait " redouter la guerre pour les peuples ", mais ne pas la craindre pour lui-même. Il connaissait la grande fragilité de la vie, " surtout dans l'état militaire " ; il écrivait à son père le 30 août 1807 : " si le malheur voulait que je fusse tué dans une affaire, tu devrais peu regretter ma perte, puisque je serais mort avec honneur en remplissant mes devoirs".

 

Chapitre I

 

AU SERVICE DE L'EMPEREUR

" C'était l'homme le plus dur et le meilleur, mais tous tremblaient et tous le chérissaient, voilà mon Napoléon "
(Les Cahiers du capitaine Coignet)

1. L'engagé volontaire .

    La cavalerie napoléonienne comprenait trois grandes catégories : la cavalerie légère (hussards et chasseurs à cheval) guidait l'armée par ses reconnaissances sur les lignes ennemies ; elle était soutenue et protégée par la cavalerie de ligne (dragons, et en 1811, chevau-légers, lanciers) ; quant à la cavalerie de réserve, appelée aussi " grosse cavalerie " (carabiniers et cuirassiers), elle devait intervenir de façon décisive dans la bataille par une action de choc massive et brutale sur l'ennemi. Les carabiniers et les cuirassiers étaient, par définition, des corps de cavalerie d'élite, ne faisant partie d'aucun corps d'armée. " Les cuirassiers, écrivait Napoléon, sont plus utiles que toute autre cavalerie… Leurs charges sont bonnes également au commencement, au milieu et à la fin d'une bataille. Elles doivent être exécutées toutes les fois qu'elles peuvent se faire sur les flancs de l'infanterie, surtout lorsque celle-ci est engagée de front". L'arrêté consulaire du 1er vendémiaire an XIII (24 septembre 1803) fixa à 12, le nombre des régiments de cuirassiers, composés d'un état-major et de quatre escadrons, divisés chacun en deux compagnies. En 1807, la formation des régiments passa de quatre à cinq escadrons : leur effectif était alors de 1040 hommes (41 officiers, 999 sous-officiers et hommes de troupe) et 1043 chevaux. Malgré la suppression du 5eme escadron en 1809, l'effectif ne diminuera pas. (12)

    En 1652, le baron de Montclar avait levé dans les Pyrénées-Orientales un régiment de cavalerie sous le nom de Montclar-Catalan, qui devint le Royal-Roussillon en 1668. Sous Louis XIV, il s'illustra en particulier au siège de Maestricht et à la bataille de Nerwinden en 1693 ; la même année, il devint le Royal-Carabiniers. Le décret du 1er janvier 1791 créa le 11ème régiment de cavalerie. Le 24 septembre 1803, le 11ème de cavalerie prit le nom de 11ème régiment de cuirassiers, cantonné à Versailles, à partir du 21 avril 1804.(13)

    Le 22 octobre 1804, Jean de Gouttes, âgé de 20 ans et demi, résidant à Revel (arrondissement de Villefranche), quittait les siens, pour s'engager volontairement dans le 11e régiment de cuirassiers. Il était incorporé à l'école d'équitation de Versailles, le 12 brumaire an XIII (3 novembre 1804 ). La lettre du 8 frimaire an XIII (29 novembre 1804)  donnait quelques " petits détails " sur son voyage : " nous avons assez souffert, non seulement du mauvais temps (neige), mais principalement du retard que nous ont fait éprouver les relais jusqu'à Orléans, ce qui nous a obligés à marcher toutes les nuits qui étaient très rudes ; nous n'avons couché qu'à Toulouse, Montauban, Souillac, et séjourné sans coucher à Cahors, ce qui fait en tout sur 13 jours de marche environ 20 heures de sommeil."

    Dès son arrivée, une de ses connaissances le présentait au Major (en l'absence du Colonel), plein " d'affabilité " à son égard. Le Capitaine de sa compagnie était " un vieux militaire d'une grande probité ". Pour un simple soldat (ou cuirassier), la découverte de la vie militaire débutait par celle d'un homme ; en effet, tout nouvel arrivant, non gradé, partageait le lit d'un ancien, qui lui servait à la fois de mentor, de domestique, parfois de souffre-douleur (14)." Le camarade de lit " de notre jeune recrue était un brigadier, 30 ans de service, " le plus brave homme du régiment, incapable de faire le mal et de manquer au nombre de ses devoirs ". Ses camarades, " de bons Flamands ", ne cessaient de lui témoigner de l'estime, y compris les sous- officiers. Il n'éprouvait " aucun désagrément ", si ce n'est de vivre dans la promiscuité. Suivant la tradition militaire de l'époque, pour gagner la sympathie des anciens, il se devait de faire "  plusieurs honnêtetés " (politesses) à ses camarades,(15)" toujours en corps, jamais en particulier ; elles produisent plus d'effet et sont moins dispendieuses ; on peut se dispenser de les répéter trop souvent ; celles que j'ai faites à mes sous-officiers m'ont plus coûté, j'ai été forcé de les répéter plus souvent ".

               

Moins d'un mois après son arrivée, son régiment partait bivouaquer à Paris (faute de logements) pour le sacre de l'Empereur (2 décembre 1804) (16). Le 7 pluviôse an XIII (27 janvier 1805), il était nommé brigadier, " un grade mêlé de désagrément précis par lequel il faut passer ". " Les nouveaux devoirs de brigadier " étaient " beaucoup plus pénibles et plus difficiles à remplir que ceux de cuirassiers " ; il fallait " répondre de tout ce qui se faisait dans la Compagnie : obligé de vivre avec des hommes que je dois surveiller, que je dois punir, et de la conduite desquels je suis responsable ; je dois concilier à la fois leur amitié et l'estime de mes chefs ".Voici le détail de ses " occupations " : sonnerie du réveil à 6 heures en hiver et 5 heures en été ; " déjeuner aux chevaux ", réalisé par le brigadier de semaine et un homme pour 3 bêtes ; de 7 heures jusqu'à 8 heures et demie, les chevaux devaient boire et être pansés ; ensuite, montée à cheval des différentes classes (chacune à son tour ), " composées de 16 hommes et d'un brigadier pour conduire la reprise " ; à 10 heures, dîner ; remontée à cheval jusqu'à 11 heures, avec la relève des postes de garde et le " dîner des chevaux " ; à midi, nouvelle montée des chevaux jusqu'à 2 heures ; à 2 heures et demie, " pansement " comme le matin ; les chevaux et les hommes étaient alors libres jusqu'à 6 heures, où l'on donnait alors à manger aux bêtes ; souper des hommes après le " pansement " du soir appel à 6 heures et demie en hiver et à 7 heures et demie ou 8 heures en été ; extinction des chandelles dans les chambres à 7 heures et demie en hiver ou à 9 heures en été. Le grade de fourrier (17), obtenu le 12 germinal an XIII (2 avril 1805), lui offrait plus de tranquillité mais il était sans cesse occupé à la comptabilité de la Compagnie.

    En attendant une éventuelle descente en Angleterre (Camp de Boulogne), le Régiment recevait des conscrits provençaux et piémontais, ( et non de jeunes recrues du département de la Haute-Garonne), " de mauvaises têtes que nous aurons à gouverner  ".

    A ces multiples activités, s'ajoutaient les fréquentes revues du Maréchal Murat et de l'Empereur. Ce dernier, cravache à la main, dirigeait la manœuvre (" rien de plus beau que cela "), qui se faisait au galop et tant que les chevaux pouvaient courir. Au cours de la parade du 3 germinal an XIII (dimanche 24 mars 1805), Jean de Gouttes, approchant de prés l'Empereur, en dressait le portrait (assez peu flatteur) suivant : " ô le vilain homme ! quelle physionomie si sombre ! quel nez ! quels yeux enfoncés ! il est très affable cependant, mais en le voyant, on ne se douterait pas de ce qu'il a fait, mais bien de ce qu'il est capable de faire".


2. La Campagne d'Allemagne de 1805 ( 3éme Coalition)

 

Troisième coalition 


            La paix d’Amiens (25 mars 1802) fut accueillie avec enthousiasme à Londres et à Paris. Cependant, les principales causes de conflit, entre l’Angleterre et la France persistaient. Dans le domaine économique, Bonaparte entendait réserver le commerce européen à l’économie française. Ainsi, en 1803, il établit un nouveau tarif douanier qui taxait lourdement les produits manufacturés anglais (cotonnades, sucre raffiné). Les commerçants anglais se dégoûtèrent d’une paix qui ne leur rapportait rien. Les denrées coloniales formaient un des objets essentiels du trafic européen. Il importait donc pour la France de réoccuper les Antilles, notamment, Saint-Domingue, ce qui  inquiétait les Anglais. L’expansion de la France, pendant la paix, en Italie, son intervention dans les affaires intérieures de la Suisse, de la Hollande et de l’Allemagne, provoquèrent l’indignation des Anglais. En outre, depuis la campagne d’Egypte et l’occupation de Malte, le gouvernement britannique avait compris que la Méditerranée était devenue une région essentielle pour la protection de ses intérêts en Orient. Le refus d’évacuer Malte, malgré les stipulations de la paix d’Amiens, allait devenir la cause directe de la rupture entre les deux pays. D’ailleurs, les monarchies européennes de l’Ancien Régime voulaient éliminer Bonaparte, l’héritier de la Révolution Française. Il faut « réduire la France à un néant politique », disait lord Auckland. La troisième coalition se constitua en juillet-août 1805, regroupant aux côtés de l’Angleterre, la Russie, l’Autriche, le royaume de Naples et la Suède (18)

La paix fut signée avec l’Autriche à Presbourg (Bratislava) le 26 décembre 1805. L’Autriche renonçait à toute influence en Italie et dans l’Adriatique. Elle était également exclue de l’Allemagne, pour le plus grand profit des rois de Bavière, de Bade et de Wurtemberg. Le Saint-Empire romain germanique, institué au Xème siècle, par Otton le Grand, disparaissait sans bruit. Le « système napoléonien »  commençait à s’imposer dans la fondation de la Nouvelle Europe (19).

Carte de la 3ème coalition : « Dictionnaire du Consulat et de l’Empire », p. 1275.   

Après neuf mois d'instruction, c'était enfin le départ de la Grande Armée (20) vers le Rhin et l'Allemagne. Le 11ème régiment de cuirassiers, commandé par le colonel Fouler, (21) fort de 32 officiers, 539 hommes et 443 chevaux (soit 4 escadrons) (22), faisait partie de la 2° division de grosse cavalerie  sous les ordres du général d'Hautpoul (23) . L'ordre de départ était reçu le 12 fructidor an XIII (30 août 1805), en direction de Châlons-sur-Marne, en passant par Meaux et La Ferté-sous-Jouarre ; puis, le quartier général de la division établi à Saverne, ordonnait la marche vers Strasbourg. La division d'Hautpoul passa le Rhin à Kehl, le 3 vendémiaire an XIV (25 septembre 1805), traversa le pays de Bade, le Wurtemberg et la Bavière, pour atteindre Munich le 20 vendémiaire (12 octobre 1805). Elle ne prit donc pas part aux combats livrés sous les murs d'Ulm (14-20 octobre 1805). En effet, suivant un ordre de l'Empereur du 12 vendémiaire (4 octobre), la cavalerie du général d'Hautpoul devait former l'arrière-garde pour pousser devant elle, les traînards, les convois et les détachements. Elle entrait dans Vienne et l'occupait avec une brigade d'infanterie le 22 brumaire an XIV (13 novembre 1805) (24).

    En conséquence, à partir de ces données particulières, les réflexions et les observations du fourrier Jean de Gouttes peuvent se comprendre plus facilement : " nous avons parcouru environ cent lieues en Allemagne dans la plus grande sécurité ; l'infanterie et les troupes légères qui formaient l'avant-garde, n'ont eu que très peu d'affaires à essuyer Le Régiment n'a pas encore chargé... Nous nous sommes déjà trouvés en présence de l'ennemi, mais assez loin pour que ses coups ne nous fissent point de mal ; les balles et les boulets n'en venaient pas moins au pied de nos chevaux. L'ennemi n'a pas retardé notre marche d'un jour ; en temps de paix, nous aurions mis autant de temps pour parcourir la même route ; la manière vigoureuse, avec laquelle il nous oblige de le poursuivre, abîme nos chevaux " (25). Le nombre des déserteurs semble important. (26)

    C'est au cours de cette première campagne de la Grande Armée que Jean de Gouttes, à l'origine monarchiste, devient un admirateur de Napoléon en ces termes : " L'Empereur est avec nous, et sa présence donne la plus grande confiance à notre Armée. La veille de la prise d'Ulm, il annonça dans une proclamation que le lendemain il en serait maître, et cela fut ; on prendrait pour un Dieu, qui dispose à son gré des villes et des armées ".

 

Reddition de la ville d' Ulm du 20 octobre 1805 Napoléon Ier recevant la capitulation du général Mack par Charles Thevenin (Musée de Versailles)

   Finalement, le 11ème régiment de cuirassiers ne devait charger que deux fois, durant ce conflit. Quelques jours avant Austerlitz (le 29 novembre) eut lieu un engagement sur les routes de Brünn (Brno) et d'Olmutz avec 6 000 cavaliers russes ; la division du général d'Hautpoul chargea l'ennemi et le mit en déroute. A la bataille d'Austerlitz elle-même, la division d'Hautpoul affronta les Russes, leur infligeant de nombreuses pertes : 600 tués,
500 prisonniers, un drapeau et 11 pièces de canons (27). D'après la lettre du 3 Février 1806, le 11ème cuirassiers, à Austerlitz, " s'est trouvé où le feu était le plus vif ; fort alors de 100 hommes au plus, il a, au moment de la charge, chargé sur 7 000 Russes qui lui faisaient face ; nous avons perdu dans cette affaire une quarantaine d'hommes, à peu près autant de blessés ; enfin, après la bataille, le Régiment ne pouvait plus fournir un escadron composé de 96 hommes ; ce qui a fait le plus souffrir le Régiment, c'est que les Russes, qui se couchaient pour laisser passer la cavalerie, tiraient par derrière; aussi faisait-on peu de prisonniers."

Durant cette " guerre courte mais terrible ", le fourrier Jean de Gouttes fut obligé de rester à l'arrière du régiment, son cheval étant malade," à cause du maudit maréchal (des logis) qui le piqua " ; il fut très " affligé de ne pouvoir pas partager la gloire de ses camarades."

Après la paix de Presbourg (26 décembre 1805), la Grande Armée espérait un prochain retour en France. Jean de Gouttes envisageait même une reprise de la lutte contre l'Angleterre pour obtenir une paix définitive : " peut-être, irons-nous sur les côtes de l'Angleterre, où nous appelle l'intérêt de la patrie trop longtemps outragée. Nos cuirasses ne nous empêcheront pas de franchir les mers, et la brillante renommée que nous avons acquise à la bataille d'Austerlitz fait regarder notre armée comme capable de tout envahir l'Angleterre est le vœu de l'armée, c'est là le signal de la Paix et le terme de nos travaux ". Tels étaient les projets prêtés à l'Empereur. Au fil des mois, il devenait évident que le retour, tant attendu, ne se réaliserait pas. L'attitude de la Prusse, malgré la signature d'un traité, ne manquait pas d'inquiéter Napoléon. Il décida le regroupement de la Grande Armée dans des cantonnements (28) en Allemagne du Sud. En effet, le type de logement préféré du soldat restait le cantonnement chez l'habitant, où il pouvait manger chaud, faire sa toilette et remettre son uniforme en état. Tous les témoignages indiquent une préférence pour les cantonnements dans les pays germaniques; en revanche, l'Espagne et le Portugal n'étaient pas des pays appréciés. Les unités se dispersaient dans des villages plus ou moins éloignés les uns des autres, pour faciliter leur subsistance.
 
    Dès le mois de janvier 1806, le 11ème régiment de cuirassiers s'installait en Bavière, pays allié et protégé, après une traversée difficile de la région montagneuse de la Haute-Autriche (29).

Jusqu'en septembre 1806 (environ 9 mois), ces cantonnements situés le plus souvent aux abords du Danube furent les suivants, Braunau, Landau /Isar, Scharding, Rumansfelden (près de Dechendorff) et Schwarzach. Vers l'été, " les bruits sont à la guerre, car, que ferions-nous si longtemps dans un pays que nous ruinons ". Au mois d'août 1806, " les apparences de guerre " se précisaient avec l'arrivée d'un escadron de 120 hommes, venant du dépôt de Colmar.

3. La Campagne de Prusse et de Pologne de 1806 – 1807 ( 4ème coalition)

Quatrième coalition 


Le traité de Presbourg avait mis fin à la guerre entre la France et l’Autriche. Mais deux adversaires, la Russie et l’Angleterre, restaient en armes. Napoléon engagea des pourparlers de paix avec ces deux puissances, mais elles échouèrent. De son côté, la Prusse voyait la politique impériale en Allemagne ruiner son hégémonie sur l’Allemagne du Nord. Le roi Frédéric-Guillaume III était hésitant, mais le parti de la guerre l’emporta avec à sa tête la reine Louise, pour qui Napoléon était « le monstre », le « rebut de l’enfer ». La Prusse avait grande confiance dans son armée -   plus brillante que solide-, qui vivait sur les souvenirs des grandes victoires remportées du temps de Frédéric II. On n’avait à Berlin nulle conscience du retard matériel et tactique de l’armée prussienne en face des soldats de la Révolution et de l’Empire. La Prusse entraîna dans cette coalition nouvelle l’Angleterre, la Russie et la Saxe. Elle espérait battre l’armée française avec l’appui russe. La déception fut rapide (30).
Les traités de Tilsit (7 et 9 juillet 1807) mettaient fin à la guerre. Les deux empereurs, Napoléon et le tsar Alexandre 1er, se partageaient l’Europe, l’un à l’Ouest de la Vistule, l’autre à l’Est. Le tsar promettait sa médiation à l’égard de l’Angleterre et, en cas d’échec, se joindrait à Napoléon pour la contraindre à la paix.  La Russie adhérait au Blocus continental que Napoléon organisait contre l’Angleterre. Un projet de démembrement de l’Empire Ottoman était évoqué. Malgré les suppliques de la reine Louise, la Prusse fit les frais de l’alliance franco-russe. Elle perdait la moitié de son territoire et de sa population, c’est-à-dire toutes ses possessions à l’Ouest de l’Elbe et ses acquisitions lors des partages de la Pologne depuis 1772. Ces territoires polonais formèrent un grand-duché de Varsovie sous l’autorité du roi de Saxe. Elle  devait rester occupée par les troupes françaises jusqu’au paiment d’une lourde indemnité de guerre. Pour l’Empereur, Tilsit représentait un succès indiscutable (31).

Carte de la 4ème coalition : Thierry Lentz « Nouvelle histoire du Premier Empire », Tome 1, p. 250   

Jusqu'au dernier moment, l'Empereur ne voulut pas croire à la guerre. Le 17 août 1806, il donnait même l'ordre de préparer la rentrée en France de la Grande Armée. Au commencement de la guerre, l'effectif du 11ème cuirassiers était le suivant : 24 officiers, 440 hommes et 482 chevaux ; le régiment était loin d'avoir l'effectif prévu. La 2e division d'Hautpoul, dont faisait partie le 11ème cuirassiers, avait son quartier général à Landau-sur-Isar (32).
Suivant les ordres de l'Empereur du 19 septembre 1806, les divisions de grosse cavalerie furent concentrées et réparties sur le Main. Le 7 octobre 1806, toute la cavalerie était en marche. Le 12 octobre, la 2e division était à Wittemberg ; elle n'arriva que très tard sur le champ de bataille d'Iéna, le 14 octobre au soir. Elle avait fait 180 Km en 6 jours et 70Km en 24 heures-" nous allons d'un train de diable "- du 13 octobre au soir au 14 au soir. Dès le lendemain de la victoire d'Iéna, la division d'Hautpoul se mettait à la poursuite de l'ennemi, à marche forcée ; le 26 octobre, elle traversait Berlin, pourchassant sans répit le général Blücher ; celui-ci, ne sachant plus où se dérober, se jetait dans Lübeck. Une lettre du général d'Hautpoul du 25 novembre 1806 présentait ainsi la situation : "  je viens de faire 200 lieues à la poursuite du corps du général Blücher ; j'étais à l'affreux combat de Lübeck… J'étais à cheval depuis trente heures et le jour de cette affaire j'ai été restauré le soir à mon souper d'un œuf, d'un morceau de pain bien noir et de quatre verres d'eau.
J'ai passé la nuit dans une maison du faubourg, où il n'y avait ni bois, ni lumière, pour m'éclairer. Le lendemain (7 novembre 1806), devant les trois corps d'armée du Grand Duc de Berg (Murat) et des Maréchaux Bernadotte et Soult et à trois lieues de cette ville, le général Blücher est venu capituler pour son corps d'armée, composé de 10 000 hommes d'infanterie, 53 escadrons, 13 pièces de canons. Il était temps que cette course finisse, mes chevaux n'en pouvaient plus. J'ai 25 chevaux tant de selle que de suite, ils étaient tous accablés de fatigue "
(33)De son côté Jean de Gouttes écrivait : " dans cette campagne, malgré le beau temps, nous avons beaucoup souffert ; nous voyagions depuis avant le jour jusqu'à la nuit, où nous trouvions un mauvais bivouac pour nous recevoir ".En effet, la division d'Hautpoul étant revenue à Berlin le 18 novembre 1806, le 11ème cuirassiers n'y comptait plus que 21 officiers, 309 hommes et 350 chevaux.(34)

La Bataille d'Iena 14 octobre 1806 par Charles Thevenin (Château de Grosbois, Boissy-Saint-Léger.)

    Après la foudroyante campagne contre la Prusse (35), restaient à battre les Russes, en Pologne et en Prusse Orientale. Jean de Gouttes constatait la situation en ces termes :
" notre Empereur a l'humeur belliqueuse, mais il est à espérer pour l'humanité qu'il ne donnera pas continuellement à son peuple l'occasion de s'avancer dans l'état militaire ".Cette fois, Napoléon devait lutter dans un pays pauvre et lointain, au climat ingrat, au sol marécageux et boisé, ce qui allait paralyser la plupart de ses mouvements. D'autre part, la Grande Armée se heurtait à une armée Russe, nombreuse et tenace, connaissant le terrain et habituée à des conditions climatiques extrêmes.

    Au cours du mois de décembre 1806, la division d'Hautpoul entrait en Pologne par Francfort-sur-Oder, Méseritz, Posen (Poznan). Au 1er janvier 1807, elle cantonnait aux environs de Thorn (Torun), alors que la plus grande partie de la Grande Armée prenait ses quartiers d'hiver sur une longue ligne, allant de Varsovie à l'embouchure de la Vistule.
Au bout d'un mois, les troupes russes attaquèrent, et le 8 février 1807, eut lieu la terrible bataille d'Eylau, par un temps neigeux et auprès du fameux cimetière. Commencé à 5 heures du matin, le combat ne cessa qu'avec la nuit. Vers 12 heures, l'offensive russe faillit enfoncer le centre du dispositif français. Pour redresser la situation, Napoléon lança une des plus colossales charges de cavalerie de l'histoire, 80 escadrons sous le commandement de Murat (10.700 hommes), y compris " les terribles cuirassiers " d'Hautpoul. La nuit tombait et les Russes restaient accrochés au terrain, lorsque l'arrivée de Ney les contraignit à se retirer.

    Une des plus sanglantes batailles de l'Empire : sur la neige, gisaient 25000 Russes et peut-être 18.000 Français, " une inutile boucherie " selon Napoléon (36). Dans cette mêlée, le 11e cuirassiers perdit un grand nombre d'hommes, en particulier un chef d'escadron, 4 capitaines, 2 lieutenants et 4 sous-lieutenants (37). Le général d'Hautpoul, originaire de l'Albigeois, fut blessé mortellement part un biscaïen (38) qui lui fracassa la cuisse droite. " La division a perdu en lui le meilleur général de l'armée ", écrivait quelques semaines plus tard le maréchal des logis Jean de Gouttes, lui-même avait été blessé à la deuxième charge," d'un coup de feu à la région interne et moyenne de la cuisse droite ". Il fut envoyé d'abord au dépôt de blessés des environs de Thorn (mars 1807), puis au dépôt du régiment à Marienwerder (avril 1807),la blessure fut longue à guérir juin 1807) ; car un morceau de drap de son pantalon était resté dans la cuisse. En conséquence, n'étant pas encore entièrement rétabli, il ne participait pas à la fin de la campagne de Pologne. Dans sa correspondance, il se contentait de mentionner les principaux faits : capitulation de Dantzig (Gdansk en polonais), le 27 mai 1807 (39) ; victoire de Friedland (14 juin 1807) et rencontre des deux Empereurs à Tilsitt (25 juin 1807), suivie de la paix entre la France et la Russie (7 juillet 1807); le 14 février 1807, le général (de) Saint-Sulpice remplaçait le général d'Hautpoul, à la tête de la 2e division de grosse cavalerie. Le 31 décembre 1806, le colonel Fouler, nommé général, était remplacé à la tête du 11ème  cuirassiers par le colonel de Brancas.(40). Peu à peu, les divisions de grosse cavalerie se retiraient de Prusse orientale ( Elbing, Marienbourg). Pendant environ deux mois (août-septembre 1807), le 11ème cuirassiers prit ses cantonnements dans l'île Nogat (estuaire de la Vistule), " pays plat et fertile ", peu ravagé par la guerre, mais infesté par le paludisme. A la fin d'octobre 1807, de passage à Francfort-sur-Oder, le Régiment s'installait dans le Hanovre : en effet, c'est dans cette région que restèrent les deux divisions de Nansouty et Saint-Sulpice (octobre 1807-mars1809) (41), alors que les autres prenaient le chemin de l'Espagne.

    Les principaux cantonnements furent à Ziesar (à mi-chemin entre Brandebourg et Magdebourg), à Giffhorn (au nord de Brunswick), à Hoya (au sud de Brême sur la Weser) et à Lunebourg. Ce dernier était particulièrement triste et misérable, avec un froid très vif en janvier 1809 :  -19 °, " six pouces d'épaisseur " de glace dans les rues et " sept pieds d'épaisseur " de glace dans le canal. Le maréchal des logis chef, Jean de Gouttes, avait pourtant " beaucoup d'ouvrage ", car il était " arrivé un grand nombre de recrues qu'il faut instruire, ce qui exige beaucoup de surveillance ".

    La vie lui semblait monotone et il espérait ardemment revenir en France auprès de ses " Dieux Pénates ", ou bien partir en Espagne. Il avait une vue totalement erronée de la situation de ce pays : " on ne peut regarder comme guerre les troubles de l'Espagne causés par des mécontents soudoyés par une nation lâche s'il en fut jamais, et qui n'a d'autres moyens que ceux des trahisons et de la fuite à offrir à des braves " (42). Il avait cru vraiment pendant quelques temps aller en Espagne : " que cet espoir était doux ! que mon cœur eût eu de satisfactions… Mais, vaine espérance ! nos devoirs nous retiennent ici ".

4. La Campagne de 1809 en Allemagne et en Autriche ( 5ème coalition )

Cinquième coalition 

La cinquième coalition fut formée par l’adhésion de l’Autriche à la guerre que l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal soutenaient déjà contre la France. L’empereur François 1er n’avait pas pris son parti de ses défaites de 1805. Il n’avait  pas cessé de préparer sa revanche malgré les menaces de Napoléon qui écrivait : « L’Empereur d’Autriche, s’il fait le moindre mouvement hostile, aura bientôt cessé de régner ». Or, les événements semblaient montrer que le moment était venu d’attaquer Napoléon. Les troupes françaises avaient subi de graves échecs (Baylen et Cintra) dans la péninsule ibérique, et l’alliance franco-russe, conclue à Tilsit, paraissait peu solide. La Grande Armée passée en Espagne, il ne restait plus en Allemagne que deux corps d’armée commandés par Davout. L’exemple des Espagnols excita chez les Allemands une exaltation romantique (Fichte, Schlegel) qui précipita la crise.
                La paix fut signée à Vienne, le 14 octobre 1809. L’empire d’Autriche perdait encore d’importants territoires. Elle était privée d’accès à la Méditerranée pour former les Provinces illyriennes. La Galicie autrichienne au Nord-est, était partagée entre le grand-duché de Varsovie et la Russie. Diminuée de 3 millions et demi d’habitants, l’Autriche voyait son armée réduite à 150 000 hommes. C’est le dernier traité victorieux signé par l’Empereur (43).

 

Carte de la 5ème coalition : Thierry Lentz « Nouvelle histoire du Premier Empire », Tome 1, p. 444.

Dès le mois de mars 1809, l'Empereur, prévoyant que l'Autriche allait déclarer la guerre, prescrivait la concentration de l'armée entre Ratisbonne, Ingolstadt et Augsbourg. La première partie de ce conflit allait se dérouler rapidement en Bavière (avril 1809) dans la boucle du Danube avec la " campagne des cinq jours " ou des cinq batailles (19-23 avril 1809). Les deux divisions de grosse cavalerie des généraux Nansouty et Saint-Sulpice (en particulier le 11ème cuirassiers) participèrent activement à ces combats : celui de Landshut
(21 avril), celui d'Eckmühl (22 avril) et celui de Ratisbonne (23 avril). A la bataille d'Eckmühl, les cavaleries Nansouty et Saint Sulpice culbutèrent la cavalerie autrichienne, forte et nombreuse, qui se sacrifia pour couvrir le repli de son armée au Nord du Danube.
La lettre du 18 mai 1809 illustre parfaitement cette épisode : " mon régiment, qui se trouvait en tête vers les cinq heures du soir a chargé, seul, plusieurs régiments de cuirassiers autrichiens, uhlans et hussards, et a pris derrière leur ligne une pièce de canon. La nuit a empêché nos progrès d'autant plus rapides que nous n'avons faits qu'arriver et vaincre  " (44).

La prise de Ratisbone par le Maréchal Lannes par Thevenin (Musée de Versaille)

Le 23 avril, la bataille de Ratisbonne a été sanglante : "  nous avons chargé avec impétuosité la cavalerie ennemie ; la mêlée a été terrible . Ils ont perdu beaucoup de monde ; nous avons eu plusieurs blessés dans le Régiment… Ma vie a été très exposée. Les courroies, qui tenaient ma cuirasse ayant rompu au moment de la charge, elle s'est détachée sans tomber tout à fait ce qui m'embarrassait beaucoup. J'étais entouré d'ennemis, et ce n'est qu'à ma présence d'esprit que j'ai dû mon salut ; l'ennemi nous chargeait sur le flanc. Je l'ai traversé pour me mettre à l'abri, et prendre le temps de rattacher ma cuirasse, et j'ai rechargé ensuite "(45).
La campagne se poursuit aux environs de Vienne, où l'Empereur fit son entrée le 13 mai 1809.

    Les Autrichiens, établis sur les hauteurs, avaient détruit les ponts du Danube. Les deux armées étaient chacune sur une des rives du Danube : les Autrichiens, au Nord, sur la rive gauche, et les Français, au Sud, sur la rive droite. Napoléon décida de franchir le fleuve en aval de Vienne en utilisant l'île Lobau, où les pontonniers construisirent en hâte un pont de bâteaux (du 17 au 20 mai 1809).

Dans la nuit du 20 au 21 mai 1809, 30 000 Français passèrent sur la rive gauche du Danube pour occuper les villages d'Aspern et d'Essling. Mais, le pont fut rompu par une crue du fleuve et d'énormes madriers - et même un moulin entier -, lancés en amont par les Autrichiens, (46) empêchant ainsi le passage de l'artillerie et des munitions sur la rive Nord. Les Autrichiens attaquèrent l'infanterie française, qui eut les plus grandes difficultés à se replier dans l'île Lobau, après plus de 30 heures de combat. La bataille d'Essling (21-22 mai 1809) fut un échec sanglant (le maréchal Lannes mortellement blessé), en particulier pour le 11ème cuirassiers : 7 officiers tués (notamment le colonel de Brancas), " environ une cinquantaine d'hommes et au moins 150 chevaux. " (47)

 

Napoléon avant la bataille de Wagram le 6 Juillet 1809 par Swebach-Desfontaines (Musée Welligton - Londres)

    Après le combat d'Essling, il semble qu'une partie de la cavalerie ait été cantonnée sur la frontière hongroise. Vers le 15 juin 1809, le jeune sous-lieutenant, Jean de Gouttes, fut, pendant une quinzaine de jours, au service du maréchal Bessières, pour dresser deux plans topographiques de l'île Lobau et des environs d'Enzersdorf (près de Vienne). Pendant ce temps, l'Empereur transformait l'île Lobau en place forte, et le 4 Juillet 1809, par une nuit d'orage, il jeta par surprise 150 000 hommes sur la rive gauche du Danube, en tournant les défenses autrichiennes d'Essling. Les Autrichiens durent reculer jusque sur le plateau de Wagram. Les divisions de cuirassiers participèrent à la bataille de Wagram ( 5-6 juillet 1809), où le centre de l'armée autrichienne fut broyé sous les projectiles d'une " grande batterie " de 100 pièces de canons. Les Autrichiens vaincus, mais non détruits, se retirèrent en bon ordre. Le lendemain, les divisions de grosse cavalerie commencèrent la poursuite jusqu'à Znaïm, où un armistice fut conclu (11 juillet 1809) (48). Les négociations pour la paix définitive furent longues et difficiles (14 octobre 1809). Pendant trois mois, les divisions de grosse cavalerie furent placées autour de Vienne (Krems , Hollabrun), puis dans la région de Salzburg, aux abords du lac Atter.

    Au mois de mars 1810, le 11ème cuirassiers quittait l'Autriche pour rentrer en France, en passant par Hanau (Hesse), Francfort-sur-Main (1er mai 1810) Mayence, Kaiserslautern (Rhénanie-Palatinat) et Thionville (Moselle), le 14 mai 1810. Le jeune sous-lieutenant Jean de Gouttes, allait rester dans " la triste garnison " de Thionville pendant environ un an et demi (novembre 1811). Visiblement, il s'ennuyait dans cette ville, tout en rêvant de " se rapprocher du Midi " et d'aller en Espagne. Sa correspondance devient plus espacée et plus courte. Il fit quelques brefs séjours à Paris pour l'équipement du corps des officiers ou pour rendre visite à ses connaissances. En octobre 1811, il signalait le passage de nombreuses troupes vers l'Allemagne.

 

5. La Campagne de 1812 en Russie.

La campagne de Russie

            La guerre contre la Russie (1812), où allait se jouer la destinée de Napoléon, n’a pas été déterminée uniquement par ses fautes et sa volonté d’hégémonie. Dès 1810, le tsar Alexandre 1er  a voulu et préparé la guerre. Diverses raisons l’y déterminaient. D’abord, des raisons de famille. Il s’était dérobé lorsque Napoléon lui avait demandé la main de sa sœur Anne, mais il avait vu avec dépit Napoléon épouser une archiduchesse autrichienne. Ensuite des raisons économiques. La Russie souffrait beaucoup du blocus continental qui l’empêchait de vendre à l’Angleterre du blé et du bois. En 1810, Alexandre 1er  soumis à la pression des grands propriétaires russes, ouvrit ses ports aux marchandises anglaises. En revanche, il frappa de droits très lourds les produits français. Enfin des raisons politiques. Maître de la Finlande et d’une partie des Provinces Danubiennes, enlevées à la Turquie, le tsar n’avait plus aucun profit à tirer de l’alliance française du traité de Tilsit. Il craignait une restauration de la Pologne sous l’égide de la France qui en faisait le grand-duché de Varsovie (49).

 

 

Au début du mois de novembre 1811, le 11ème cuirassiers quittait Thionville pour le Hanovre (passage par Bonn). Après un séjour d'environ un mois et demi à Lunebourg, le Régiment franchissait l'Oder à Freyenwalde (au nord de Francfort), car, dès le mois de mars 1812, les divisions de cavalerie furent mises en mouvement. Le 15 avril 1812, le 11 ème cuirassiers arrivait à Merve, près de Dantzig, puis à Stolpe, à proximité de la Baltique.  Le jeune lieutenant, Jean de Gouttes, écrivait le 28 avril 1812 : " nous sommes toujours très tranquilles, point d'autre apparence de guerre que les préparatifs que l'on fait ; ils sont terribles ; on prétend qu'il y a déjà deux fois plus d'artillerie ici qu'il n'y en avait à la bataille de Wagram. Cependant, nous voyons passer des Russes, qui commercent avec la Prusse assez journellement ". A la fin du mois de mai 1812, ordre fut donné de se " porter sur les frontières de la Russie à grandes journées ", en passant par Elbing, Koenisberg et Tilsitt. Le 12 juin 1812, ultime lettre du lieutenant de Gouttes, à sa mère, avant le début de la longue marche vers l'Est : " la guerre est enfin déclarée, et j'espère que, sous peu de jours, nous aurons le plaisir de joindre les Russes. Notre armée est des plus formidables ; la Pologne russe prête à se soulever contre leurs anciens usurpateurs (les Russes), déjà leurs officiers désertent l'armée ennemie; tout nous promet les plus brillants succès ".

Le 15 juin 1812, la Grande Armée (50) était formée de 12 corps d'armée et de 4 corps de cavalerie, sous les ordres de Murat. Le 1er corps de réserve de cavalerie (11 725 hommes) commandé par le général Nansouty, comprenait, entre autres, la 5e division de cuirassiers du général Valence, dont faisait partie le 11ème cuirassiers (4 escadrons, 686 hommes) du colonel Pierre Duclos (nommé à la tête du Régiment, le 1er juin 1809). (51)

    Dès le début, la cavalerie était toujours à l'avant-garde, poursuivant sans cesse un ennemi qui se dérobait, mais ne laissant pas une bonne position sans la défendre. La cavalerie, fut rapidement dans un état d'épuisement total. La lettre du 11 août 1812 écrite près " d'Orsza " (probablement Orcha) un mois et demi environ après le début de l'invasion, présentait ainsi la situation : " nous sommes sur les bords du Dniepr, l'ennemi est sur la rive gauche, point d'affaire marquante, seulement quelques attaques d'avant-garde. Cependant, nous comptons sur quelque affaire conséquente qui, sans doute, terminera la campagne, car les froids sont si rigoureux dans ces contrées, que nous ne pourrions y faire la guerre l'hiver". Trois semaines plus tard, le 2 septembre 1812, le Régiment était " près de Ghiat (Gyatz), à 35 lieues de Moscou : nous avons eu quelques combats, mais, nous n'avons dans notre division de cuirassiers  perdu que quelques chevaux par le boulet. Nous espérons sous peu de jours, le terme de nos fatigues. L'ennemi brûle et ravage tous les villages qu'il est forcé de nous abandonner, ce qui nous fait éprouver des privations, mais, certes, elles sont au-dessous de la constance et du courage de notre Armée. " (52)

    Ce n'est qu'aux portes de Moscou que les Russes se décidèrent à livrer bataille pour défendre leur capitale et leur ville sainte .Le 5 septembre 1812, l'avant-garde arrivait au contact des avant-postes russes et leur enlevait la redoute de Schwardino, qui gênait le déploiement de l'armée française.

  BORODINO

Fin de la bataille de Borodino par Verestchaguine

 

  Lors de cet engagement, un boulet renversa le cheval du lieutenant de Gouttes, déchirant ses habits et froissant sa cuirasse : " j'en ai été quitte pour une contusion, qui m'a seulement empêché de mettre ma cuirasse et ne m'a fait souffrir que quelques jours ".
En conséquence, il ne devait pas participer à la bataille de la Moskova (ou de Borodino) du 7 Septembre 1812. Il entrait avec la Grande Armée dans Moscou, le 14 septembre 1812 " sans avoir eu de fort combat devant la capitale que l'ennemi a évacuée en désordre ". La ville, ravagée par un gigantesque incendie (16 septembre), était rendue invivable (53). " Nous ignorons quelle sera notre destinée, mais, il paraît que nous poursuivrons l'ennemi jusque sur la rive gauche de la Volga et que nous établirons une ligne sur la rive droite pour prendre nos quartiers d'hiver, et recommencer la campagne l'été prochain " (lettre du 20 septembre 1812).
Au début du mois d'octobre 1812, le lieutenant de Gouttes commandait le dépôt de la division à " Mosaïque (Mojaïsk) à 25 lieues de Moscou, sur la route de Smolensk ", rendue très périlleuse par la présence des Cosaques insaisissables, qui épiaient tous les déplacements. Le ravitaillement, de plusen plus difficile, était " arraché aux ennemis " par la force armée.

incendie-Kremlin

Napoléon devant l'incendie du Kremlin par Verestchaguine

La retraite de Russie par Charlet

Halte de nuit de la Grande Armée par Verestchaguine


Le 19 octobre 1812, Napoléon donnait l'ordre de la retraite, mais il était déjà trop tard . Elle se transforma en désastre en raison du climat (" le général Hiver "), de la valeur de l'armée russe et des défaillances d'une armée française trop composite (des contingents étrangers peu sûrs) et peu endurante. Certes, les jeunes soldats étaient enthousiastes et braves, mais ils résistaient mal (contrairement aux anciens) aux " fatigues de la guerre " (54). Le lieutenant de Gouttes n'a évoqué que très brièvement ce tragique épisode :" nous avons beaucoup souffert pendant notre retraite ; le froid et la faim plus cruels que le fer de nos ennemis, nous ont fait perdre beaucoup de monde... J'ai perdu tous mes chevaux et tous mes effets  dans la retraite ". En janvier 1813, le bilan était catastrophique pour le 1er corps de réserve de cavalerie : sur les 11 725 hommes engagés dans la Campagne, on ne comptait que 1 707 survivants, soit 1 0018 tués ou disparus. (55)

 

PERTES SUCCESSIVES EN HOMMES PENDANT LA CAMPAGNE DE RUSSIE

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6 La Campagne de 1813 en Allemagne


La campagne d’Allemagne (1813)


La chute de Napoléon fut provoquée par la campagne d’Allemagne. Dès le début de l’année 1813, Napoléon eut à lutter contre une coalition continentale formée surtout de la Russie et de la Prusse. Malgré l’avis de ses conseillers et la fatigue de son armée, le tsar Alexandre 1er  avait résolu de continuer la lutte au-delà de la Vistule. Il voulait soulever l’Allemagne, faire rentrer la France dans « ses limites naturelles, le Rhin et l’Escaut », enfin se venger sur Paris de l’affront infligé à Moscou.

La Prusse orientale se souleva contre la domination française et le mouvement gagna le Brandebourg. Sous la pression de ses conseillers et des étudiants, le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III, signa un traitéd’alliance avec le tsar le 25 février 1813. Les écrivains appelèrent les patriotes allemands à « la guerre de libération » en s’appuyant sur le sentiment national ; celui-ci se révéla d’autant mieux qu’on avait supporté avec impatience l’occupation française et l’autorité de Napoléon (56).

 

 

Au début de 1813, les débris de la Grande Armée, sous les ordres de Murat, atteignaient Koenigsberg. La Prusse orientale se souleva contre la domination française. Vers la mi-janvier, les troupes s'établissaient dans les différentes places-fortes de la Vistule. Devant l'avancée des Russes, il fallut se retirer sur Posen (Poznan). Le soulèvement de la Silésie et du Brandebourg, c'est-à-dire la défection de la Prusse, obligea les troupes à se replier sur l'Elbe et ses affluents. En mars – avril 1813, les restes du 11ème cuirassiers étaient installés dans des cantonnements à Kemberg (aux environs de Wittemberg) et à Bernbourg, à mi-distance entre Wittemberg et Magdebourg, en Saxe. Le Régiment essayait de reconstituer ses forces en armes et en chevaux. (57) La cavalerie était très faible : une centaine d'hommes seulement étaient montés.

Le régiment se réduisait à 130 hommes actifs. Il en était de même à peu prés dans tous les régiments. Cependant, le lieutenant de Gouttes était confiant : les renforts devaient arriver incessamment, "  l'enthousiasme et le plus grand courage régnaient dans l'armée ". Etant lui-même à la tête d'un escadron (58), il effectuait de nombreuses reconnaissances, le long de l'Elbe et de la Saale, d'où des accrochages, en particulier celui de Gomern, le 5 avril 1813 : " nous perdîmes peu de monde, quoiqu'exposés au canon depuis midi jusqu'à 7 heures du soir. L'ennemi, bien supérieur en nombre, n'osa pas tenter la charge contre nous ; nous devons beaucoup à la maladresse des canonniers prussiens ".

    La campagne d'Allemagne dura environ 6 mois (mai – novembre 1813) et eut pour théâtre principal la Saxe. Au printemps 1813, l'Empereur allait renouer avec la victoire. Le 2 mai 1813, attaqué à Lützen, il battait les Prussiens et les Russes, mais au prix de pertes quelque peu supérieures à celles de ses adversaires (59). Après les avoir rejetés au-delà de l'Elbe, il les poursuivit et les battit à nouveau à Bautzen (20-21 mai 1813), ce qui livra à l'Empereur la ligne de la Sprée et la Silésie occidentale. Ces succès n'avaient pas été décisifs, à cause du manque de cavalerie pour détruire l'ennemi et de l'acharnement des forces  prussiennes dans les combats, ce qui constituait un élément nouveau. Napoléon commit alors la faute d'accepter l'armistice de Pleiswitz (près de Breslau), le 4 juin 1813, pour une durée de 2 mois. Il devait permettre à l'Autriche d'entrer en guerre et aux coalisés de concentrer leurs forces.

    Au cours de l'été 1813, l'Empereur profita de l'armistice pour renforcer sa cavalerie En août 1813, le 1er corps de réserve de cavalerie, sous les ordres du général Latour-Maubourg, avait son quartier général à Sagan (Silésie); la 1ère division de grosse cavalerie, dont faisait partie le 11ème  cuirassiers, était commandée par le général Bordessoulle. Le 11 ème cuirassiers (colonel Dandiès) formé de trois escadrons, comprenait 26 officiers, 332 hommes et 389 chevaux présents (60). A la reprise des hostilités, Napoléon réussit à battre l'armée de Bohème (Autrichiens) à Dresde (26-27 août 1813), mais ses Généraux et Maréchaux furent tous vaincus, voire écrasés, en différents points de l'Allemagne. La cavalerie peu nombreuse, mal équipée et mal montée, était obligée de faire un service très pénible ; déjà, à la fin du mois d'août 1813, les corps de cavalerie n'étaient plus que moitié de ce qu'ils étaient au commencement de la campagne.

   

La bataille de Leipzig par Zauerweid (Musée de la peinture Russe)

En automne 1813, replié sur Leipzig, Napoléon, résolu à combattre, comptait empêcher la jonction des armées coalisées pour les écraser les unes après les autres. La bataille eut lieu dans la vaste plaine de Leipzig, du 16 au 19 octobre 1813 : 320 000 coalisés contre 160 000 Français. Le 16 octobre, à 9 heures du matin, les troupes coalisées attaquèrent, mais elles furent repoussées avec des pertes sérieuses. Vers midi, l'Empereur se décida à prendre l'offensive en lançant 2 corps d'armée au centre de l'armée coalisée, qui fut écrasée ; dans la brèche ainsi créée, Napoléon jeta les 12000 cavaliers de Murat et de Kellerman. Les cuirassiers du Général Bordessoulle culbutèrent les grenadiers russes devant le village de Gulden-Gossa (prise de 8pièces de canons) : mais, ils durent revenir vers leur ligne avec l'arrivée des reserves russes. Dans l'ensemble, cette première journée fut indécise. C'est au cours de ce repli que le cheval du jeune capitaine, Jean de Gouttes, "fit la culbute", mettant en danger la vie de son cavalier.

    Le 17 octobre fut une journée sans combat, mais avec l'arrivée d'importants renforts pour les coalisés. Le 18 octobre, 3ème jour de la bataille, se produisit l'événement décisif, la défection des Saxons. L'armée française, à bout de forces et de munitions, fut obligée de faire retraite, le lendemain (19 octobre), mais celle-ci fut compromise par la destruction prématurée du pont sur l'Elster. Au cours de ce repli désastreux, le 1er corps de cavalerie fut constamment au contact de l'adversaire, selon le propre témoignage du capitaine de Gouttes : " le corps de cavalerie où je suis, a beaucoup souffert étant chargé de soutenir la retraite ; nous formions absolument l'arrière-garde de l'armée ; tous les jours, nous voyons l'ennemi, tous les jours, nous étions à cheval depuis 2 ou 3 heures du matin jusqu'à la nuit ". D'ailleurs, ce jeune capitaine se permettait plusieurs réflexions à propos de la défaite de Leipzig : " la conduite perfide de l'Autriche ", la trahison de la Saxe (et bientôt de la Bavière), la perte de "presque toute la cavalerie ", (Russie, Allemagne) et " une faute de notre Empereur " qui aurait dû abandonner la Saxe, dès la rupture de la trêve (10 août 1813). (61)

D'une manière plus générale, les échecs de la campagne de 1813 étaient dus aux soulèvements populaires de l'Allemagne, à l'inexpérience des jeunes soldats de la Grande Armée, à l'habileté de certains généraux ennemis ayant appris de Napoléon l'art de la guerre (à force de se faire battre) et à la lassitude des chefs, qui, dans l'ensemble, ne surent ni comprendre, ni commander les manœuvres les plus habiles de l'Empereur; dans ce cas, la responsabilité de Napoléon était directement engagée. (62)

La bataille d'Hanau par Horace Vernet (National Gallery - Londres)

  En se repliant sur Francfort, puis Mayence, Napoléon écrasa à Hanau (30 octobre 1813), les Bavarois, qui avaient fait défection à leur tour. Aux pertes dues au combat s'ajoutèrent les ravages du typhus et une épouvantable retraite sous la pluie. Le 11ème cuirassiers proprement dit n'existait plus : " nous n'avons pas d'hommes; on met beaucoup d'activités à compléter nos régiments d'infanterie ; il n'en est pas de même de nos corps (de cavalerie) " ; il était fondu avec les 2e, 9e, 10e et 12e régiments de cuirassiers, son dépôt étant à Meulan (Seine-et-Oise). Depuis le 29 Janvier 1814, le capitaine de Gouttes se trouvait dans ce dépôt, ainsi que " le colonel et plusieurs officiers inutiles à l'armée ". Après le succès de l'Empereur à Brienne (29 janvier 1814), notre jeune officier croyait encore à un sursaut possible des Français (comme en 1793 et 1794). Au bout de quelques semaines, la réalité était bien cruelle : toutes les frontières envahies, prise de Toulouse (12 avril 1814) et capitulation de Paris (30 mars 1814). Alors, tout devenait possible : d'une part, une paix solide et durable, ou le partage de la France, ou même la guerre civile ? et d'autre part, " des Prussiens arrogants, un Empereur d'Autriche méprisable ", et la liberté de commerce exigée par les Anglais, ruinant ainsi totalement nos manufactures... (63)

 

 

 

CHAPITRE II

 

QUELQUES ASPECTS PARTICULIERS DE LA VIE QUOTIDIENNE

1 Le courrier

  

Lettre du 19 mai 1814.

La possibilité d'envoyer et de recevoir du courrier représentait un facteur psychologique de premier ordre pour le maintien du moral de la troupe. En l'an XI, l'organisation militaire de ce service dépendait à la fois du secteur civil – c'est-à-dire les postes et les messageries de France – et de l'administration militaire. Ce partage des responsabilités (et des frais) entre les deux administrations se révéla de moins en moins viable au cours des campagnes d'Allemagne, de Prusse et de Pologne. Ces faiblesses ne pouvaient que s'accentuer avec l'extension de l'Empire et l'état de guerre quasi permanent. Alors, le 31 août 1809, fut publié un " règlement sur le nouveau service des postes militaires ", qui définissait clairement les aires de responsabilité et d'emploi. Les troupes situées à l'intérieur de la France utiliseraient les bureaux civils des villes de garnison. En revanche, à l'extérieur des frontières, serait mis sur pied un service de postes militaires, susceptible d'accompagner la Grande Armée dans tous ses déplacements. Dans les pays occupés, la poste aux armées avait pour instructions de ne pas se servir des postes locales et instituait de véritables routes de postes avec maîtres de poste et postillons. L'acheminement se faisait par courriers ordinaires, fixés et réglés, et par courriers extraordinaires. Entré en vigueur le 1er octobre 1809, le nouveau règlement devait régir les communications jusqu'à l'écroulement de l'Empire. (64)

 

   

Cachets de la Grande Armée (colis en port payés)

 

Les militaires, voulant envoyer de leurs nouvelles à leurs proches, n'avaient qu'à glisser leurs lettres dans les boîtes des bureaux militaires, ou bien, s'ils étaient cantonnés trop loin, un vaguemestre (65) pouvait les porter au bureau divisionnaire. La loi du 5 nivôse an V  (25 décembre 1796) fixait uniformément à 0,15 franc la taxe des lettres adressées aux militaires sous les drapeaux. Par décret du 9 février 1810, le droit d'affranchissement fut porté à 0,25 franc par lettre simple adressée aux sous-officiers et soldats quelle que soit la distance. (66)
Lorsque le père de Jean de Gouttes recevait une lettre de son fils, il inscrivait souvent sur celle-ci la date d'arrivée ; c'est le cas de 50 lettres sur 91 lettres conservées, soit un peu plus de la moitié (environ 55%). La durée  moyenne  du trajet d'acheminement était de 25 jours. Pour le territoire national (dans les limites de 1789), il fallait environ une dizaine de jours. Durant la campagne de Prusse et de Pologne (1806-1807), une lettre mettait environ une trentaine de jours pour parvenir à son destinataire : 28 jours pour celle d'Eylau (Prusse) du 2 juillet 1807.

    Pendant la campagne d'Autriche (1809), le service des postes étant mieux organisé (comme on l'a vu précédemment), les délais de route étaient réduits à 25 jours. Il semble que les délais d'acheminement soient d'une vingtaine de jours, en ce qui concerne les cantonnements stables et durables (plusieurs mois), en particulier ceux de Bavière (1806), de Hanovre (1808), de la basse Vistule (printemps 1812) et de Saxe (printemps 1813). De son côté, Jean de Gouttes se plaignait assez régulièrement de l'absence de courrier : aucune nouvelle depuis un mois (en avril 1806, en janvier 1807, en automne 1809), depuis un mois et demi (en avril 1813) et depuis deux mois (en août 1812 et en février 1814)…Comment expliquer de tels retards ? Changement de cantonnements, " marches rapides " des divisions (campagne de Prusse), itinéraires peu sûrs, interception des courriers par l'ennemi (automne 1813 en Allemagne), conclusion de la paix; en effet, la poste aux armées étant par essence déficitaire, compte tenu des frais d'acheminement à consentir, Napoléon avait décidé d'en limiter l'existence au temps d'un conflit. Pour remédier à ces défaillances, il était possible de confier une lettre à un militaire revenant en France ou même de recourir (exceptionnellement) à la " poste prussienne " (en 1812). Il faut évidemment mettre à part la correspondance de la campagne de Russie ; trois lettres furent envoyées de bivouacs situés aux portes de Moscou avec les délais de livraison suivants : 42 jours, 58 jours et 88 jours (environ 14 jours pour la correspondance officielle). Cas extrême, la lettre du 29 brumaire an XIV (20 novembre 1805), expédiée " à quatre lieues de Vienne " (Autriche), ne devait parvenir à Revel que 92 jours plus tard. (67)

2-L'avancement et la Légion d'Honneur

    Il n'existe pas de carrière militaire qui ne soit liée au mot "avancement". N'est-ce pas la plus belle récompense que de se voir distinguer par ses chefs et d'être jugé digne d'un grade qui entraîne avec lui une notable amélioration matérielle de son état ? Bien entendu, notre jeune cuirassier, engagé volontaire en novembre 1804 à l'Ecole nationale d'équitation de Versailles (créée le 2 septembre 1796), ne devait pas échapper à l'espoir de l'avancement. N'étant pas sorti d'écoles militaires, il ne pouvait espérer que l'avancement par le rang, qui était la force principale de l'armée napoléonienne, comme celle de la Convention et du Directoire. Le 7 pluviôse an XIII (27 janvier 1805) c'est-à-dire moins de trois mois après son entrée dans l'armée, il était nommé brigadier, " ses supérieurs étant très contents de l'exactitude et de l'aptitude apportées à remplir ses devoirs ". Le 12 germinal an XIII (2 avril 1805), 5 mois après son incorporation, il passait fourrier : "très content de mon nouvel état, je ne suis plus assujetti à rien de désagréable, je n'ai plus qu'à écrire, je mange avec les autres sous-officiers, enfin je commence à jouir des agréments que présente l'état militaire ".

    En revanche, il fallut attendre plus de dix-huit mois pour le grade de maréchal des logis (le 1er décembre 1806) : " certes, c'est un bien petit avancement, mais c'en est un auquel j'ai été d'autant plus sensible que c'est une marque de l'intérêt que le colonel me témoigne tous les jours ". En effet, c'étaient les colonels, maîtres des promotions, qui dressaient les états de propositions. Beaucoup se réjouissaient de l'annonce d'une campagne et surtout de la fin d'une campagne, car c'était l'avancement plus ou moins assuré pour combler les vides des combats plus ou moins meurtriers. Environ six mois plus tard, le 25 mai 1807, il était nommé maréchal des logis chef, après sa participation active à la bataille d'Eylau (8 février 1807), où il fut d'ailleurs blessé. " Etre maréchal des logis chef après trois ans de service ", voilà une promotion tout à fait honorable pour le célèbre maréchal Soult, recevant le sous-officier Jean de Gouttes dans son cantonnement d'Elbinguen (Prusse orientale) en août 1807.

    Le Ministre de la Guerre avait décidé qu'à partir du 15 floréal an XIII (5 mai 1805), nul ne pourrait être promu sous-lieutenant, s'il n'avait pas au moins six ans de service, dont quatre comme sous-officier. Les nominations faites par l'Empereur n'étaient, bien entendu, pas  soumises à ces conditions. Effectivement, lors de la revue du 15 juillet 1809, au palais de Schönbrunn (à Vienne), l'Empereur nomma Jean de Gouttes, sous–lieutenant, non sans " quelques difficultés ", à cause de son peu de service ; " il me fallut payer de hardiesse, lui rappeler ma blessure, et j'ai réussi ". Dans la lettre du 18 juillet 1809, notre jeune sous-lieutenant exprimait toute sa joie : " je dois me trouver heureux. Je voulais servir, je sers, Je désirais être officier, j'ai tout fait pour l'être, je le suis ; je suis jeune, j'aime mon état, je suis estimé des mes chefs, la plus belle perspective s'offre devant moi ". Mais très rapidement, il devait envisager " les grades supérieurs ", car, comme beaucoup d'officiers, l'avancement allait devenir un souci permanent. Une de ses grandes ambitions était de passer dans la Garde, un rêve fascinant pour tous les militaires de la Grande Armée. D'ailleurs, la concurrence était dure : " l'Empereur veut des officiers instruits ; aussi, tout avancement est presque fermé aux sous-officiers ; tous, dans peu, viendront des écoles " (militaires) (68). Cette affirmation est erronée : les officiers, issus des écoles, ne représentaient que 11 % entre 1810 et 1812, et 6,6 % entre 1813 et 1815 ; en outre, entre 1802 et 1814, 77 % des officiers étaient des sous-officiers ayant obtenu une promotion ; ce chiffre était en contradiction avec le souhait de Napoléon, de donner tout au plus le quart des places d'officiers à des hommes issus du rang. Les lourdes pertes du corps des officiers expliquent qu'il fallait les remplacer rapidement par des hommes ayant déjà l'expérience des armes.

    Le 15 mars 1812, Jean de Gouttes était promu lieutenant. En ce printemps 1812, la préparation de la guerre en Russie, le dédoublement des bataillons, le renforcement des effectifs et l'accroissement de l'artillerie donnaient des circonstances favorables à l'avancement . La campagne de Russie causa la mort d'une quantité considérable d'officiers.

    Ainsi, l'avancement était aussitôt relancé, ne serait-ce que pour la continuation de la guerre et la création de nouveaux régiments ; il fallait encadrer la nouvelle armée de 1813, d'où des promotions parfois rapides. Le 14 mai 1813, Jean de Gouttes obtenait le grade de capitaine à Dresde (après la victoire de Lützen), lors d'une revue passée par l'Empereur " d'après sa seule demande ", son colonel (malade) étant encore en France et aucun officier supérieur n'étant présent. L'Empereur avait décidé tout de suite, ce qui rendait vaines la faveur et la protection. En moins de 10 ans, Jean de Gouttes était parvenu au grade de capitaine. Dans l'ensemble, on a classé les officiers du Premier Empire en trois catégories ; la première, formée d'élèves sortis des écoles militaires, instruits, mais manquant d'expérience et ne supportant guère les fatigues excessives de la guerre. La seconde classe, composée d'anciens sous-officiers, endurcis aux fatigues, mais manquant totalement d'éducation, avait été nommée pour entretenir l'émulation et pour remplacer les pertes énormes des campagnes La troisième classe, malheureusement la moins nombreuse, - à laquelle appartenait Jean de Gouttes – se composait d'officiers instruits, dans la force de l'âge, formés par l'expérience, et voulant tous se distinguer et faire carrière. (69)

Par décret du 29 floréal an X (19 mai 1802), Bonaparte créait la Légion d'honneur, récompense à la fois militaire et civique. La première distribution de croix eut lieu aux Invalides, le 15 juillet 1804. Désormais, la Légion d'honneur va se développer au rythme de l'épopée et s'y intégrer indissolublement. Certes, cette décoration faisait des envieux et beaucoup de mécontents, comme il se doit. Comme il restait tant de " braves " non pourvus, Napoléon, par décret du 28 mai 1805, augmenta de 2000 le nombre des membres de la Légion. Ceux-ci " seront exclusivement choisis parmi les officiers et soldats qui se sont distingués dans la guerre et qui ont reçu au moins une blessure ". En 1807, après la bataille d'Eylau et sa blessure, le maréchal des logis chef Jean de Gouttes, pouvait espérer - un rêve, pour tous les militaires - obtenir cette récompense ; mais son colonel ne l'ayant pas mis sur l'état de propositions présenté à l'Empereur, il en éprouva une réelle rancœur. Ce fut seulement après Wagram qu'il fût nommé membre de la Légion d'honneur (le 13 août 1809). Outre le port de l'insigne, un traitement fut attaché, dès l'origine, à chaque grade, soit 250 francs  pour les légionnaires. ( 70 )

Première distribution de la Légion d'honneur au camp de Boulogne, le 16 août 1804 », par Victor-Jean Adam. Lithographie en couleur de C. Motte (1829)
sur un dessin original de Victor-Jean Adam  

    Enfin, il faut aborder la question du favoritisme, omniprésent au sein de la Grande Armée et source de multiples injustices. Le 18 avril 1806, Jean de Gouttes faisait la constatation suivante : " il y a quelques temps que je m'étais résolu à ne plus faire aucune démarche pour mon avancement, et à l'attendre en récompense de ma conduite ; mais, les démarches que font continuellement ceux qui veulent parvenir, me font changer d'idée à ce sujet ". Les recommandations s'adressaient le plus souvent à des compatriotes, c'est-à-dire des personnalités généralement très connues de l'Albigeois et du Toulousain. Le général Andréossy (cité une seule fois), né à Castelnaudary (Aude), ayant fait des études à Sorèze, avait été chef d'état-major de Bonaparte lors du coup d'Etat de Brumaire; il avait aussi exercé des fonctions diplomatiques, l'Empereur lui témoignant une grande confiance. Les "messieurs Caffarelli " (au nombre de six), nés au château du Falga (Haute-Garonne), aimaient " peu  à obliger " (faire plaisir), selon les propres paroles de Jean de Gouttes, qui n'avait obtenu aucune réponse de Joseph Caffarelli du Falga, préfet maritime et Conseiller d'Etat. Jean Dejean, né à Castelnaudary, études à Sorèze, général sous la Révolution, fut nommé ministre de l'administration de la Guerre (1802-1810) sous le Consulat ; en effet, Bonaparte s'était assuré tout de suite la collaboration de cet homme, d'une grande honnêteté, aussi bon administrateur que bon ingénieur et militaire ; ce fut l'un de ses anciens condisciples de Sorèze, Charles Demarc-Saint-Félix (issu d'une famille de notaires soréziens), qui lui écrivit en faveur de Jean de Gouttes.

    Le général d'Hautpoul, né à Cahuzac sur Vère (Tarn), resté fidèle à la France sous la Révolution malgré ses origines nobles, très proche de ses soldats, se distingua lors d'une brillante charge à Austerlitz ; nommé sénateur (1806), il possédait un grand désintéressement, une grande humanité et le respect de l'ennemi (71). Jean de Gouttes disait à son propos : " il est extrêmement obligeant ; il se ferait un véritable plaisir de hâter mon avancement, car ce brave général recherche les occasions de rendre service; quand il le fait, ce n'est pas à demi". Monsieur de Gineste d'Appelle (d'une famille protestante de Puylaurens) fut chargé d'intervenir auprès de lui, mais entre-temps le général avait été tué à Eylau.

    Jean de Dieu Soult, maréchal de France, né à Saint-Amans-La Bastide (Tarn), était "un homme tout à fait supérieur, mais très ambitieux " (Napoléon), d'aspect froid, impitoyable, cupide. Jean de Gouttes fit sa connaissance en Prusse orientale, en 1807, et lui écrivit une lettre en janvier 1808 - sans réponse, semble-t-il -" pour lui rappeler les promesses faites." (72)

    Emmanuel de Las Cases (une seule mention dans les lettres), chambellan de l'Empereur, le mémorialiste de Napoléon à Sainte-Hélène, était né au château de Las Cases (Tarn), très proche du lieu de naissance de Jean de Gouttes. Les deux familles ne pouvaient s'ignorer, d'autant plus qu'elles avaient des amis communs, par exemple, les Rigaud de Vaudreuil. Le marquis de Rigaud de Vaudreuil avait des filles charmantes, qui surent se montrer amies dévouées. L'une de ses filles, Madame de Walsh-Serrent, était nommée
" dame du Palais " (en juin 1804), l'une des proches de l'Impératrice Joséphine. Sa sœur, Madame de La Tour, devenait en 1806, " dame d'honneur " de l'Impératrice. Dans la correspondance de Jean de Gouttes, il est souvent question de ces deux personnes. (73)

    Le sénateur Fabre de l'Aude (une seule fois cité), né à Carcassonne, avocat au parlement de Toulouse, était député aux Etats de Languedoc au début de la Révolution ; il connaissait très probablement le père de Jean de Gouttes, lui-même avocat royal ; spécialiste des questions financières, esprit modéré, sujet à de multiples revirements politiques. Le général Gudin (de la Sablonnière), de naissance noble, avait servi sous la Révolution ; rallié à l'Empire, nommé gouverneur du château de Fontainebleau en février 1809, il fut touché mortellement au cours de la campagne de Russie. Ce fut le capitaine Salvaing - Lapergue, originaire de Revel, blessé de guerre, instructeur à Saint-Germain, qui accepta de recommander Jean de Gouttes auprès de son ami, le général Gudin. (74)

    Que faut-il conclure de toutes ces recommandations ? il est certain qu'une partie d'entre elles parvenait au colonel, maître des promotions. Jean de Gouttes eut quatre colonels à l'époque impériale. Les rapports hiérarchiques furent tantôt corrects, voire confiants, tantôt franchement mauvais. Bien entendu, il s'agit de recommandations saines, c'est-à-dire faisant appel à l'esprit, à l'intelligence et à la bonne volonté.

Voici un des paragraphes de la lettre du 24 octobre 1807 : " j'ai appris hier indirectement que le colonel avait reçu une lettre en ma faveur du ministère de la Guerre. Il ne me l'a pas communiquée encore, et je présume qu'il ne le fera pas. Il dit, dit-on, en repliant la lettre, que veut-on que je fasse ? Il y a tant d'officiers à la suite... Voilà ce que j'ai su ". Les différentes étapes de la promotion militaire de Jean de Gouttes semblent conformes aux grands faits militaires et à leur évolution chronologique : maréchal des logis chef, après la terrible bataille d'Eylau ; sous-lieutenant après Wagram, lieutenant, au moment du départ vers la Russie, et capitaine, en 1813 où l'Empire engageait des combats désespérés pour sa propre survie.

3. La solde

    Le tarif de la solde avait été précisé dans l'instruction du ministère de la Guerre du 12 fructidor an XIII (30 août 1805) : un capitaine gagnait 2300 Francs de solde par an ; un lieutenant, 1450 francs ; un sous-lieutenant (de cavalerie), 1150 francs . La solde journalière des sous–officiers et soldats (en station sans vivres) était la suivante : de 0,87 à 1 fr 23 pour un maréchal des logis ; de 0 fr.60 à 0 fr.96 pour un brigadier, et de 0 fr.45 à 0 fr.62 pour un deuxième classe. Dans la cavalerie, la solde était légèrement supérieure. (75)

    Sous l'Empire, le paiement de la solde était très aléatoire, aussi bien pour les officiers (subalternes) que pour les simples soldats. Quand le Premier Consul prit le pouvoir, la solde n'était à jour nulle part. En 1802, unique année de paix, Bonaparte n'acquitta que péniblement la solde. Avec le retour de la guerre, l'extension des conquêtes et l'augmentation des effectifs, l'impuissance des moyens financiers de l'Empire apparaît très clairement. Dès l'ouverture de la campagne de 1805 en Allemagne, l'Empereur écrivait : " la solde manque ". Durant la campagne de Prusse, Napoléon constatait encore : " il me semble que, dans l'année 1806, l'armée n'a touché que quatre mois ; en janvier 1807, il lui sera donc dû huit mois " . En ce même mois de janvier, vingt jours de solde étaient payés à la réserve de cavalerie. A Tilsitt (juin – juillet 1807 ), " la solde était en retard de six mois ". Le mois suivant, Jean de Gouttes notait un retard de dix mois dans le paiement de sa solde. Après Tilsitt, la Grande Armée était entretenue par la Prusse et l'Allemagne du Nord. L'administration décida de payer la solde au moyen d'une monnaie de cuivre très commune en Prusse ; elle-même en fit frapper, mais elle subit une grande dépréciation (40%) et les prix des denrées doublèrent. L'administration de la guerre savait faire des économies : paye pour les seuls présents sous les armes, ceux hospitalisés perdant les deux tiers de leur solde ; règlements le plus souvent effectués en fin de campagne ou après les grands batailles... A partir de 1812, la situation devait s'aggraver. En novembre 1814, le Gouvernement devait 
" près de mille écus "(environ 3000 francs) au capitaine de Gouttes.

    En conséquence, Jean de Gouttes se voyait contraint de demander souvent de l'argent à son père, propriétaire et homme de loi, qui n'avait qu'une " fortune modique ", c'est-à-dire de peu de valeur (76). A la fin de l'Empire, 34% des officiers de cavalerie étaient sans fortune. (77). Les besoins d'argent étaient importants lors des campagnes : 1850 francs pour la campagne d'Autriche (1809) ; après la campagne de Russie, il fallut tout reconstituer . En revanche, les besoins étaient moindres durant les périodes de cantonnements, car l'on était nourri chez l'habitant. Toutefois, dans le Hanovre (1808), la vie était chère, " nos ennemis voulant se dédommager sur nous des pertes que nous leur avions faites éprouver ". Il en était de même pour la ville de garnison de Thionville (1810-1811), où " les Français profitent de nos besoins et en mésusent (abusent)." Après comptage (parfois peu sûr), nous pouvons estimer l'ensemble des sommes versées par le père de Jean de Gouttes, à environ 5 700 F, (minimum), soit l'équivalent de 5 mois de salaire d'un sous-lieutenant de cavalerie.
En novembre 1814, étant " obligé à des dépenses exorbitantes et n'étant pas payé ", Jean de Gouttes empruntait (sans intérêt) 500 Fr à un juif, marchand à Thionville, ce qui lui valut un blâme de la part de son père.

    Comment faisait-on parvenir l'argent au destinataire ? La poste aux armées, rattachée à l'intendance, assurait le transport et la distribution des fonds ; ainsi, furent créés les premiers mandats. A partir de 1808, on supprima le transport matériel des fonds destinés aux soldats en campagne (puis en garnison en 1812) ; un règlement prévoyait la création d'un bon de paiement. Autre moyen de paiement très simple : la somme d'argent était adressée au " quartier-maître-trésorier " du régiment, en l'occurrence, le capitaine Delessart, au dépôt du 11ème cuirassiers, à Colmar ; celui-ci écrivait alors à l'officier payeur du régiment pour le prier de remettre cet argent à l'intéressé, mais, dans certains cas, il pouvait y avoir un inconvénient, comme le constatait Jean de Gouttes : " je ne puis être payé par l'officier payeur qu'en monnaie du pays (La Prusse), qui est très incommode, très lourde, et sur laquelle j'éprouve une perte d'environ un sixième " (lettre du 24 octobre 1807) (78). Dans l'ensemble, les militaires utilisaient les monnaies de tous les pays d'Europe ; c'était le poids du métal qui était le plus souvent retenu comme critère de valeur.

4. L'habillement et l'équipement

Reconstitution d' un équipement de cavalerie de la Grande Armée

 

    Le paiement de la solde servait en grande partie à l'entretien du cavalier. La cavalerie avait des uniformes beaucoup plus brillants et plus coûteux que ceux de l'infanterie. Bien entendu, ces militaires portaient tous la cuirasse.

Celle-ci en tôle de fer corroyé (c'est-à-dire des plaques de fer soudées entre elles) pesait environ 6,8 Kg ; cette cuirasse, doublée d'une matelassure intérieure, maintenue par une trentaine de rivets dorés bordant la cuirasse, protégeait à la fois la poitrine et le dos. Les casques en acier poli, avec visière de cuir noirci et porte-plumet étaient surmontés d'un cimier en laiton doré ; celui-ci, orné d'une classique tête de gorgone, maintenait une longue crinière noire. Enfin l'habit-veste, recouvert par la cuirasse, boutonné sur la poitrine, était flanqué de deux pans garnis de retroussis.

    Le sabre était d'une longueur d'environ 1,165 m. et d'un poids de 2 à 3 kg, suivant le modèle. Celui-ci était composé d'une poignée en laiton à quatre branches (dont trois reliées au plateau par une gouttelette) et d'une lame droite à pointe dans le prolongement du dos. Il faut ajouter deux armes d'appoint, le fusil à canon court appelé mousqueton, et un pistolet modèle an XIII. (79)

    Comme tous les officiers n'étaient pas riches, une indemnité de " première mise " était accordée aux sous-lieutenants pour leur permettre de s'habiller et de s'équiper à leurs frais : 650 francs pour la cavalerie - sur lesquels l'officier devait acheter sa monture - et une gratification complémentaire de 300 francs. La loi n'accordait ces avantages qu'à condition que le sous-officier, promu officier, ait plus de 5 ans de service, ce qui n'était pas le cas pour le sous-lieutenant de Gouttes. En conséquence, il sollicitait encore l'aide de son père : " j'ai consommé environ quinze louis (360 fr) pour l'achat des objets absolument nécessaires, tel qu'un habit, capote, épaulettes, etc… Tout est ici (à Vienne) hors de prix, les épaulettes, qui coûtent environ 60 francs en France, coûtent ici quatre louis (96 fr). "

Il en est de même des autres objets. Il me faudrait de douze à quinze cents francs pour me monter et m'équiper sans luxe pour la campagne. " Sa situation était bien plus alarmante après la retraite de Russie. Il avait perdu tous ses chevaux et tous ses effets ; il était " presque nu ", n'ayant pas changé de chemise depuis plus d'un mois. Il n'y avait plus d'argent, car la caisse du Régiment avait été prise par les Cosaques. Le linge et les habits, laissés au dépôt d'Elbing (Prusse orientale), avaient été également pillés, à l'exception de quelques livres. En novembre 1813, après la désastreuse campagne d'Allemagne, le capitaine de Gouttes se retrouvait à Mayence dans le plus complet dénuement : plus de bagages, plus d'effets, plus de papiers personnels (vol d'un " billet de cents écus ", soit 300 fr) ; il n'avait plus que son propre cheval et les habits qu'il portait. (80)

    Le séjour en garnison à Thionville (1810-1811) était très coûteux : le loyer d'une chambre " modiquement garnie " de 18 à 24 fr par mois (81) ; une "mauvaise pension" de 40 fr à 72 fr par mois. Etant " mis sur le pied de paix ", il avait " besoin de renouveler presque entièrement tous les effets usés par la guerre ou pourris au dépôt dans les ballots des compagnies". Il devait faire de lourdes dépenses exigées par la vie de garnison : le grand équipement du cheval (environ 400 fr), un casque d'officier (180 fr à Paris), une épée et plusieurs autres objets. En période de campagne, les officiers avaient la permission d'utiliser les dépôts de la troupe. (82)

 

Sabre de Cavalerie et son fourreau côté fin

    Outre l'habillement et l'équipement, il fallait avoir des chevaux. Dès la rupture de la paix d'Amiens (mai 1803), Napoléon avait fait envahir le Hanovre, région riche en montures En effet, à son arrivée à Versailles, en novembre 1804, Jean de Gouttes faisait connaissance avec les chevaux hanovriens, " excellents, généralement beaux, vigoureux et conservant jusqu'à leur mort la même vivacité et la même force, mais sujets à être vicieux ". Lui-même recevait bien entendu un cheval hanovrien, plein d'ardeur et de force qui " promet d'être très bon ", mais encore trop jeune (moins de 5 ans) ; en effet, pour des cuirassiers pesants (par nature), il fallait éviter d'acheter des bêtes trop jeunes et donc peu résistantes.

    Après la campagne de 1805, on fit venir des chevaux des dépôts de remonte de France, achetés plus particulièrement dans les départements de l'Orne, du Calvados, de la Manche, de l'Aisne et des Ardennes. L'Empereur fit également procéder à des achats massifs en Allemagne et en Suisse. En 1809, le jeune sous-lieutenant de Gouttes se devait d'acheter sur ses propres deniers les deux chevaux réglementaires (83) ; or, en Autriche, les chevaux étaient " très rares et très chers " (500 fr). Lors de son séjour à Thionville, il essaya d'acquérir de bons chevaux, ceux de remonte étant " bien médiocres ", c'est-à-dire, " ou trop jeunes pour travailler, ou hors d'âge ". Ayant ramené d'Allemagne un cheval du Mecklembourg, il acheta à Metz, pour 35 louis (840 fr), " un cheval étourneau (84) de 7 ans et normand, qui me paraît être très bon, son poil seul a diminué son prix ".

    Pendant la retraite de Russie, il perdit toutes ses bêtes : 2 chevaux épuisés et abandonnés, et " une très belle jument russe " achetée 5 louis (120 fr) et revendue 3 louis (72 fr). Au printemps 1813, il obtenait " un mauvais cheval de remonte ", qui culbuta dans un fossé à la bataille de Leipzig.

Pour avoir un second cheval, il fut obligé d'acheter (300 fr) un cheval polonais à l'artiste " vétérinaire " du Régiment ; trop faible, n'ayant pas la taille, il ne pouvait servir qu'à transporter les bagages. (85)

5 - Les relations familiales

    Jean de Gouttes, célibataire, éloigné des siens pendant plus de 10 ans, restait très attaché à l'ensemble de sa famille. La plupart des lettres étaient adressées à son " cher Papa ", qui n'hésitait pas à demander conseil à son fils pour les affaires familiales. Pour tenter de moderniser la filature de coton en difficulté, il était admis dans l'atelier de M. Albert à Paris, dont il donne une très longue description, accompagnée de croquis. Fallait-il acquérir le domaine de Lastouzeilles, " trop boueux et sujet aux inondations ", sans renoncer à la filature et à la maison de Revel ? A propos des réparations au château, il faisait remarquer à son père qu'il n'y avait jamais été; d'ailleurs, " bâtir est ruineux " . Il s'informait de l'état des récoltes (mauvaises en 1806 et en 1813) et des jeunes plantations d'arbres. Le cheval de son père s'était mal vendu, 17 louis (408 fr) seulement.

    Jean de Gouttes apparaît comme un observateur attentif des régions et des pays traversés.

A la demande de son père et sans doute par goût personnel, il décrivait en détail le cadre de son séjour en Bavière : ressources céréalières et fourragères, nourriture des bestiaux, travaux des hommes et des femmes (tissage et blanchissage des toiles de lin), paysages ruraux des plaines et des montagnes, moeurs et usages des habitants, les églises et les croyances religieuses, jusqu'à la description (minutieuse) du plan des maisons. Certes, toutes les régions d'Allemagne et de l'Est Européen n'étaient pas présentées avec une telle précision, mais quelques noms et adjectifs bien choisis lui suffisaient pour caractériser un espace déterminé, (marais, villes par exemple). Il exprimait souvent ses espoirs de paix et de retour en France pour aller enfin embrasser les siens. Cependant, lors de son séjour à Thionville, il décidait de ne pas prendre les congés de semestre accordés (à la moitié des officiers) par l'Empereur, " vu la grande distance et les dépenses que cela lui occasionnerait ". Enfin, il n'oubliait pas, à la fin de chaque lettre, de rappeler à son père toute sa tendresse filiale : " crois-moi pour la vie ton bon fils ; n'oublie pas un fils qui te chérit ", ou bien, " crois-moi avec les sentiments du meilleur des fils…"

    Les lettres à sa " chère maman " - en fait, sa belle-mère - étaient généralement plus longues que celles adressées à son père, et d'une écriture plus serrée. Il lui manifestait ses plus tendres sentiments comme à une vraie mère : " penser à toi, t'aimer et te le dire étant une de mes plus douces jouissances, combien il m'est doux de m'entretenir avec la meilleure mère pour lever le moindre soupçon désagréable " ; en effet, il s'était permis quelquefois de lui reprocher sa " paresse " à lui écrire , mais ajoutait- il, " ne crois pas que je puisse douter un moment de tes sentiments à mon égard, ton cœur m'est trop bien connu, tu m'as trop souvent donné des preuves de ton attachement et de ton amour ".

    Les cinq enfants de son père (remarié) figuraient en bonne place dans les lettres de Jean de Gouttes, qui les considérait comme ses propres frères et sœurs, c'est-à-dire Adrien, Caroline, Justine, Adolphe et Gustave. Il s'inquiétait parfois de leur santé, en particulier celle d'Adolphe, victime d'accidents (en 1806 et 1814).

    Il envisageait pour Adrien des études pour l'Ecole Polytechnique et une carrière militaire, la seule " qu'un homme d'honneur doive embrasser pour se faire un nom et acquérir une noble fortune ". Ses frères n'avaient besoin que de trois ans dans un bon collège, où ils puissent apprendre le français, les premiers principes du latin, l'arithmétique, la géométrie, l'algèbre et un peu de dessin, connaissances exigées pour être admis dans une école militaire (86). Pour Jean de Gouttes, l'Ecole de Sorèze convenait bien pour de telles études, mais, malheureusement, son père n'avait pas suffisamment d'argent pour y mettre ses garçons. Ceux-ci fréquentèrent d'abord l'école de M. Ferrier (probablement à Revel), ensuite celle de M. Saussol. Celui-ci, directeur d'une école secondaire à Dourgne, s'était installé à Revel en 1809, avec l'aide de la municipalité. Cette école avait été transformée en collège communal en 1812 (environ 150 élèves), les professeurs étant payés par la rétribution des parents d'élèves, à raison de 62 francs par élève. " Les objets d'enseignement " étaient les suivants : " la lecture, l'écriture, l'arithmétique, les mathématiques pures et transcendantes (dérivées et intégrales), les langues française, latine et italienne, la littérature, l'histoire, la géographie, la tenue des livres, la morale, le dessin, la musique vocale, le violon, le basson, la clarinette et la flûte " (87) Pour Jean de Gouttes, ces deux établissements n'étaient que de " médiocres écoles ", insuffisantes pour bien préparer à l'entrée dans des écoles militaires.

CONCLUSION

( "Je ne ferai que ce que l'honneur me prescrira " Jean de Gouttes.)

    Au printemps 1814, le 11ème cuirassiers était cantonné dans la région de Caen. Durant l'été, le Régiment revint à Thionville. Assez peu de changement dans la cavalerie, où " presque tous les officiers ont été conservés ", ce qui n'était pas le cas dans l'infanterie : " il y en a un grand nombre de renvoyés chez eux avec demi-solde. " C'était aussi l'époque des fausses nouvelles : reprise de la guerre en Allemagne ? attaque autrichienne sur Strasbourg ?
La visite du duc de Berry à la garnison de Thionville, le 26 septembre 1814, venait rompre une certaine monotonie.
Le manège était transformé en salle de réception et de festin (300 couverts), avec un plancher de sapin et des murs peints en blanc et ornés de guirlandes et de trophées d'armes.
A la demande expresse du colonel, le capitaine de Gouttes fut obligé de composer plusieurs couplets destinés à être chantés dans la salle du banquet. Tout semblait pour le mieux ; mais le peuple, autorisé à entrer, " se précipita abondamment au milieu du manège, fit tant de bruit ", que " le Duc fut obligé de sortir " ; la fête continua par un bal organisé par les habitants de la ville, une revue et même une remise de décoration impromptue à un colonel retraité et paralysé.

    Dans son rapport au Roi, le duc de Berry soulignait " le bon esprit dont nous étions animés ; on se persuaderait aisément que nous étions rentrés d'Angleterre avec lui ".Et pourtant, Jean de Gouttes notait quelques jours plus tard : " si j'avais quelque chose à demander à nos souverains, ce n'est pas au duc de Berry à qui je m'adresserais. Jamais l'Empereur ne chercha à humilier des officiers de mérite, et il (le duc de Berry) en cherchait avidement l'occasion, et disait les choses les plus dures à des braves officiers qui lui présentaient des pétitions ". (88)

Napoléon quittant l'ile d'Elbe le 26 Février 1815 par Joseph Beaume (Institution : Musée naval et napoléonien du Cap d'Antibes)

    Et justement l'Aigle de l'île d'Elbe s'était enfui pour reconquérir (1er mars 1815) la France par la plus folle aventure de tous les temps. Les Bourbons n'avaient pas " su se concilier tous les esprits " (mécontentement des paysans, des ouvriers et de l'armée). Guerre civile, intervention étrangère ? L'armée serait-elle " fidèle à ses devoirs " ? Le retour de Napoléon était voué à l'échec. Les souverains européens, réunis en Congrès à Vienne, mettaient Napoléon au ban de l'Europe (13 mars1815). La guerre était inévitable. La trahison et la défaite aboutissaient au drame de Waterloo (18 juin 1815), où le 11ème cuirassiers - avec le courageux capitaine de Gouttes - devait charger une dernière fois pour leur Empereur. La déroute fut épouvantable. Le 3e corps de cavalerie de réserve de Kellermann ne put se rallier à Reims que le 24 juin 1815. Ce même jour, Jean écrivait très simplement à son père : " les gazettes très véridiques dans leurs rapports ont dû t'apprendre le reste " (89). La cause était définitivement entendue. Amertume, désillusions, profonde tristesse, mais aussi épopée.

    Par ordonnance royale du 16 juillet 1815, le 11ème cuirassiers disparaissait, et les hommes étaient versés dans le 5 ème cuirassiers. Pour profiter de l'ordonnance du 20 mai 1818, le capitaine Jean de Gouttes (34 ans) " déclarait renoncer volontairement au service, le 22  octobre 1818 ", après 14 ans d'activité et 9 campagnes de guerre, moyennant un traitement de demi-solde de 1 150 frs par an, converti en traitement de réforme.

    Revenu à la vie civile, Jean de Gouttes devait épouser (en 1819 ou 1820) Marie, Renée Azélia de Spérandieu ; deux enfants naissaient de cette union : Louise, Emma (10 juillet 1821) et Charles, Alfred (29 août 1823). Lui-même, âgé de 40 ans, devait décéder au lieu-dit La Farguette, commune de Blan (Tarn), le 28 décembre 1824 (90) ; c'était son ultime chevauchée pour rejoindre à jamais l'Exilé du rocher noir de Sainte- Hélène, victime de la haine des souverains d'Europe.

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE
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Souvenirs d’un soldat de Napoléon 1er  (anonyme), Paris, veuve Magnien et fils, sans date (Vers 1850).

 

Annexe (1) Correspondance du capitaine Jean de Gouttes.

NOTES

1- Archives de l'état civil de Revel, armées 1784 et an IV.-Blaquière (Yves), Ce temps que Las Cases chanta… Dourgne, Composition Sasco, abbaye Sainte Scholastique, 1997, pp.37-38.
2-   Soit une moyenne d'environ 8 lettres par an , c'est-à-dire une lettre tous les 45 jours (un mois et demi).
3- Comme pour son fils militaire, la particule est systématiquement omise, en raison de la période révolutionnaire encore toute proche.
4- Exceptionnellement, 2 lettres sont expédiées à Lastouzeilles (Tarn) ; parfois, elles portent la mention"  propriétaire. "
5-  On a 8 lettres écrites à sa " mère ", entre novembre 1811 et Juillet 1813.
6- " Le papier me manque, l'encre me manque, le temps me presse, et je ne puis t'écrire plus longtemps…"
7-  DAMAMME (Jean-Claude), Les soldats de la Grande Armée, Paris, éd. Perrin, 1998, p.9.
8-  Au château de Lastouzeilles, commune de Palleville (Tarn).
9-  HOUDAILLE (Jacques) La taille des Français au début du XIXème siècle, Population, 1970. pp. 1297- 1298.
10-  MORVAN (Jean) Le Soldat impérial, Paris, Librairie historique F. Teissédre, 1999, tome II, pp. 318-322.
11- Nous avons relevé successivement deux fois les mots " Dieu " et " Providence "
12-  TULARD (Jean), Dictionnaire Napoléon , Paris, Fayard, 1999, Tome I, articles " Cavalerie " page 402- 404, et " Cuirassiers " page 599- 600.
13-  CHAVANE (J), Histoire du 11ème cuirassiers, Paris ,éditeur Charavay, 1889, pp- 1-222.
14-  DAMAMME (J.C) Les soldats de la Grande Armée-, op-cit., p.37.
15-  Il s'agit vraisemblablement de boissons et d'améliorations de l'ordinaire.
16- D'après l'auteur, 12 régiments de dragons, 2 de carabiniers et 2 ou 3 de cuirassiers étaient présents dans la capitale. 
17- Fourrier : le premier caporal, attaché plus particulièrement à une section, chargé de toutes les distributions, sous les ordres d'un lieutenant ou sous-lieutenant.
18- LENTZ (Thierry), Nouvelle histoire du Premier Empire, tome 1, Napoléon et la conquête de l’Europe, 1804-1810, Fayard, 2005, pp. 126-133.
19- LENTZ (Thierry), Nouvelle histoire du Premier Empire, tome 1, op.cit., pp. 195-196.
20- L'expression de Grande Armée apparaît officiellement pour la première fois, le 29 août 1805, lorsque l'armée des Côtes-de-l'Océan est mise en route vers le Rhin. Cette formation subsiste jusqu'en 1808.
21- TULARD (J), Dictionnaire Napoléon… op.cit.,Tome I, article, Fouler (Albert, Louis, Emmanuel de) 1769-1831, général, p. 821.
22-  CHAVANE (J), Histoire du 11ème cuirassiers. op.cit., p. 223.
23-  PIGEARD (Alain), Les campagnes napoléoniennes, 1796-1815, Entremont-le-Vieux , Editions Quatuor, 1998, tome I pp. 199-205.
24-  CHAVANE  (J), Histoire du 11ème cuirassiers… op. cit., p. 225.
25- Lettres Nos 16 et 17, des 27 vendémiaire et 29 brumaire an XIV.
26-  L'auteur exagère leur nombre.
27-  CHAVANE (J), Histoire du 11ème cuirassiers - op. cit., pp-227-230.
28 - On appelle cantonnement la répartition momentanée d'un corps de troupes, quelqu'il soit,dans les villages ou villes d'une province ou d'un canton.
29- Lettre n° 18 du 3 février 1806.
30- LENTZ (Thierry), Nouvelle histoire du Premier Empire, tome 1, op.cit., pp. 239-249.
31- GODECHOT (Jacques), L’Europe et l’Amérique à l’époque napoléonienne (1800-1815), Nouvelle Clio, Paris, P.U.F., 1967, pp. 158-164.
32-33- Une lettre du général d'Hautpoul, Revue du Tarn , tome XXIII –1907-1908,pp. 90-93
34- CHAVANE (J), Histoire du 11ème cuirassiers -,op., cit.,  pp . 232-235
35- Jean de Gouttes appliqua à la campagne de Prusse ce vers du Cid : " et le combat finit faute de combattants. " Selon l'écrivain allemand, Henri Heine : " Napoléon souffla sur la Prusse et elle cessa d'exister.
36- JOFFRIN (Laurent) . Les batailles de Napoléon , Paris éd. du Seuil, 2000, pp. 147-175 .- Gunther E.
Rothenberg , Atlas des guerres Napoléoniennes 1796,1815, collection " Atlas des guerres " Editions Autrement , 2000, pp. 102-110.- Blond (Georges), La Grande Armée, 1804 – 1815, Paris, Robert Laffont, 1979, pp. 177-135.

37-.
CHAVANE ( J), Histoire du 11e cuirassiers - op. cit, pp 236 239.
38- Biscaïens : balles sphériques contenues dans une boîte à mitraille tirée par le canon ; ces projectiles étaient  particulièrement meurtriers à courte distance.
39- D'immenses approvisionnements tombaient entre les mains de la Grande Armée.
40- CHAVANE (J), Histoire du 11e cuirassiers - op. cit, p. 247,  voir notice sur Antoine Constant Dioville de  Brancas, fils du comte de Lauraguais, duc de Brancas.
41- C'est -à-dire un an et demi.- Par décret du 12 Mars 1808, Napoléon supprimait la Grande Armée pour la  remplacer par l'Armée du Rhin sous les ordres de Davout.
42- Lettre N° 45 du 18 octobre 1808. Cette vision fausse de la situation espagnole s'explique par le
manque d'information : " nous sommes tous très ignorants ".

43- LENTZ (Thierry), Nouvelle histoire du Premier Empire, tome 1, op.cit., pp. 449-480.
44-
CHAVANE (J) Histoire du 11e cuirassiers - , op. cit., pp, 243-245.- A la tombée de la nuit, la division Saint-Sulpice chargea une colonne ennemie, dans laquelle faillit être pris l'archiduc Charles, commandant en chef de l'armée autrichienne, qui ne dut son salut qu'à la vitesse de son cheval.
45- C'est à la prise de Ratisbonne que Napoléon, moderne Achille, reçoit son unique blessure au talon.
46- L'Empereur a toujours montré du mépris pour la météorologie.
47- PIGEARD (Alain), Les Campagnes Napoléoniennes, 1796-1815, Entremont- le-Vieux, Editions Quatuor 1998, Tome II pp, 422-448;- Tulard ( Jean) Napoléon ou le mythe du sauveur, Paris, Fayard, 1977, pp. 353-360, Lefebvre (Georges ), Napoléon, Paris P.U.F, 1969, pp.281-324.
48- JOFFRIN (Laurent), Les batailles de Napoléon , op. cit., pp. 177-199.- Les guerres du Premier Empire cours commun d'histoire militaire, Tome II, fascicule II, Ecole spéciale militaire et Ecole Militaire Interarmes, Librairie militaire et atelier d'impression de St. Cyr-Coëtquidanm sans date (vers 1960) pp.121-152- Gunther E. Rothenberg, Atlas des guerres napoléoniennes, 1796-1815- op. cit., pp.117-131. Durant la Campagne de 1809, les unités commandées par Napoléon prennent le nom d'Armée d'Allemagne.
49- GODECHOT (Jacques), L’Europe et l’Amérique à l’époque napoléonienne (1800-1815)…, op. cit, p. 223
50- La Seconde Grande Armée, créée le 15 février 1811, fut organisée pour la campagne de Russie. Elle
participa aux campagnes de 1812, 1813 et même 1814, jusqu'à la déchéance de Napoléon par le Sénat
(décret du 5 avril 1814).

51- PIGEARD (Alain), Les campagnes napoléoniennes, 1796-1815, op. cit, Tome II, p. 549.
52- Pour Clausewitz, la tactique de la " terre brûlée " ne fut appliquée qu'accidentellement pour le quartier
général.- La ville de Gyatz fut la proie des flammes le 4 septembre 1812.

53- " Les Russes n'ont même pas épargné cette ville. Ces barbares ont donné trois millions à une compagnie
d'incendiaires pour y mettre le feu après notre arrivée ; une quarantaine de ces scélérats ont été arrêtés et mis à mort " (lettre du 20 septembre 1812).- Olivier (Daria), L'incendie de Moscou, Paris, Robert Laffont, 1964, pp. 67-86.

54-
TULARD (J), Dictionnaire Napoléon, op. cit., tome I, article, Campagne de Russie (1812), pp. 370-373.- Morvan (Jean) , Le soldat impérial,op. cité, tome II, pp. 171-227-Mémoires du sergent Bourgogne (1812–1813) Paris Hachette, 1978, 414 pages. .-Général Marbot. Mémoires (1799-1815) Paris, Hachette, 1966, pp. 329-398.- Les Cahiers du capitaine Coignet, Paris, Hachette, 1968, pp.209- 249.
50- PIGEARD (Alain), Les campagnes napoléoniennes, 1796-1815... op. cit, tome II, p.563.
56 -
TULARD (Jean), Napoléon ou le mythe du Sauveur, Fayard, 1977, pp. 394-399
57- Dès le commencement de janvier 1813, l'Empereur avait renvoyé en France tous les cadres des régiments, ne conservant sur place que les cadres des compagnies..
58- Dans la cavalerie, l'unité de base est l'escadron ; chaque escadron comprend deux compagnies, chaque compagnie de deux pelotons. Les cavaliers sont toujours sur deux rangs. L'escadron marche en colonnes par pelotons (25 hommes de front), en principe avec un espace suffisant pour faire rapidement face à droite ou face à gauche. Sur route, l'escadron marche en colonnes par quatre cavaliers de front (ou deux en chemins étroits) .(PIGEARD Alain), Les campagnes napoléoniennes, 1796-1815 , op. cit, tome II, p. 796).
59- Compte rendu circonstancié de la bataille dans la lettre du 9 mai 1813. Contrairement aux dires de l'auteur, les pertes françaises se montaient à 20 000 hommes, celles des coalisés étaient de peu inférieures.(le 1er mai 1813, mort du maréchal Bessières à Weissenfels).
60- CHAVANE (J), Histoire du 11è cuirassiers op. cit, pp, 262-264.- En outre, le Régiment avait 104 hommes et 70 chevaux détachés et 27 hommes dans les hôpitaux, le total était de 489 hommes et 459 chevaux.
61- Lettre du 20 Novembre 1813.- Lefebvre (Georges), Napoléon, op. cit, pp. 536-554.- Godechot (Jacques), L'Europe et l'Amérique à l'époque napoléonienne (1800-1815), Paris , P.U.F, 1967, pp.241-246 . Tulard (Jean), Dictionnaire Napoléon, op. .cit, tome I, Article, Campagne d'Allemagne, pp. 367-370 ; tome II, Article  Leipzig, pp.188-189.
62- Les guerres du  Premier Empire, Cours commun d'histoire militaire, op. cit, pp. 177-224 ; voir, plus particulièrement, la page 191.
63- Lettre du 19 Mai 1814
64- BRUN (Jean-François) La poste aux armées à l'époque impériale : naissance d'une institution, Cahiers d'histoire, Tome XXXIV, 1989 n° 3 et 4, pp.297-312.
65- Vaguemestre : sous-officier, le plus souvent sergent ou caporal-fourrier, chargé de la surveillance des équipages et d'aller chercher  les lettres et les paquets au bureau de poste.
66- Jusqu'à l'utilisation du timbre-poste, en 1848, le port était à la charge du destinataire, qui pouvait accepter ou refuser la lettre présentée.
67- ROLLAND (Robert), La Poste sous le Consulat et l'Empire, Revue des P.T.T. de France, n° 2, 1981, pp. 46-53.
68- Il s'agit principalement de l'Ecole spéciale militaire de Fontainebleau (désignée plus communément sous le nom d'Ecole de Saint-Cyr) et de l'Ecole militaire spéciale de cavalerie de Saint-Germain, créée par décret du 8 mars 1809.
69- PIGEARD (Alain), L'armée de Napoléon 1800-1815. Organisation et vie quotidienne, Paris, Taillandier, 2000, p. 72 - BALDET (Marcel) La vie quotidienne dans les armées de Napoléon , Paris , Hachette, 1964 , pp. 196-198.- MORVAN (Jean), Le soldat impérial op. cit., tome II, pp. 428-443.
70- MORVAN (J) Idem, pp.451-459 - Tulard (J), Dictionnaire Napoléon . op. cit, tome II, article Légion
d'Honneur , pp. 177-184.

71- Le général d'Hautpoul, Revue du Tarn, tome VII, 1888-1889, pp. 276-277.
72- CHABBERT (Docteur Pierre) Les Généraux tarnais des guerres de la Révolution et de l'Empire, Bulletin de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres du Tarn, Tome XX, nouvelle série, janvier- décembre 1959, pp. 23-37.
73-. BLAQUIERE (Yves), Ce temps que Las Cases chanta… op. cit., pp. 39-40 et 83-89.
Louise, Elisabeth, Charlotte, Marie de Rigaud avait épousé en secondes noces Antoine, Joseph, Philippe de Walsh, comte de Serrent. Dans ses lettres, Jean de Gouttes écrira toujours : " Mme de Seran " . GRESLE-BOUIGNOL (sous la direction de Maurice) , Les Tarnais. Dictionnaire biographique, Albi, Fédération des Sociétés Intellectuelles du Tarn, 1996 . Voir Hautpoul, pp. 164-165 ; Las Cases, p. 190 ; Soult, pp. 304-306.

74- TULARD (Jean), Dictionnaire Napoléon, op. cit., tome I, Articles Andréossy, p. 97 ; Caffarelli Joseph, préfet maritime, p. 346 ; Déjean, pp. 623-624 ; Fabre de l'Aude, p.786 ; Gudin de la Sablonniére, p.920.
75- BLOND (Georges) La Grande Armée-,op. cit, pp, 559-560.- BALDET (M) La vie quotidienne dans les armées de Napoléon- op. cit, p. 123.
76- Pour acheter le château de Lastouzeilles (Tarn), en 1805, il avait vendu la maison de Revel (située à proximité immédiate de l'actuelle Mairie), " la filature de coton " en grave difficulté et un domaine d'Auriac/Vendinelle. Il renonçait à mettre ses garçons à l'école de Sorèze, malgré les conseils de son fils Jean.
77- PIGEARD (A), L'armée de Napoléon 1800-1815. Organisation et vie quotidienne -, op. cit, p,73. Pour beaucoup d'entre eux, la fin de l'Empire sera synonyme de vie austère ou de misère : ce sera le début des demi-soldes et de la légende impériale.
78- PIGEARD (A), Idem, pp. 268-270;- MORVAN (J), Le soldat impérial, op. cit, tome I, pp.364-388.
79- BUCQUOY (commandant E-L) Les uniformes de Premier Empire. Les cuirassiers, Paris Edit. Granchet, 1978, pp. 61-98, 109-120 et 143-152. Traditions, Les cuirassiers 1801-1815, n° 54-55, dossier spécial.- BALDET (M), La vie quotidienne dans les armées de Napoléon - op. cit, pp. 117-122. TULARD (J), Dictionnaire Napoléon, op.cit,Tome II , Article, uniformes militaires, pp. 897-898.
80- Lettres des 18 mai 1809, 12 février et 20 novembre 1813.
81- Il n'y avait pas de pavillon pour les officiers à la caserne.
82- Lettre du 17 mai 1810.
83- Ayant moins de 5 ans de service, il ne pouvait prétendre avoir droit à des chevaux de remonte du régiment.
84- Cheval qui a le poil gris jaunâtre. - En juin 1811, dans la région de Thionville, un bon cheval jeune coûtait de 50 à 60 louis (1200 à 1440 francs), le salaire d'un sous-lieutenant étant de 1150 francs par mois.
85- MORVAN (J), Le soldat impérial, op. cit, tome I, pp. 232-253.- BLOND (G.), La Grande Armée, op. cit., pp. 130-132.
86- BLAQUIERE (Yves), Ces temps que Las Cases chanta - op . cit, pp. 41-49.
87- Archives Municipales de Revel (à la Mairie), 1 D 4 bis, délibérations des 21 novembre 1809, 24 juin 1812 et 25 juin 1813.
88- Lettre du 6 octobre 1814.
89- TULARD (J), Napoléon le mythe du sauveur, op. cit, pp. 425 – 437, - Chavane (J), Histoire du 11ème cuirassiers - , op cit, pp. 273 - 276.
90- Archives de l'état civil de Blan (Tarn), 10 juillet 1821, 29 août 1823 et 28 décembre 1824.