LA MAISON DE L'INGENIEUR à Saint-Ferréol (Revel – Haute Garonne) AntEcEdents du canal des deux mers
Une invitation à la découverte des "MUSEE et JARDINS DU CANAL DU MIDI" - espace touristique à Saint-Ferréol prés de Revel (Haute-Garonne)
Situation géographique
Les précurseurs La Renaissance, célèbre par son style architectural, est aussi une période d’évolution des techniques et des connaissances. Au XVIe siècle, les techniques hydrauliques connaissent des progrès remarquables : en Italie, des « ingénieurs », et parmi eux Leonard de Vinci, mettent au point l’écluse à double porte et ses systèmes de manœuvres. En 1525, François 1er est fait prisonnier lors de la bataille de Pavie puis transféré à Madrid. Toulouse, ville florissante grâce à l’industrie du pastel, avance au royaume l’argent de la rançon. En remerciement, le roi libéré rend visite aux Toulousains et leur promet de faire étudier le projet d’un canal reliant l’Atlantique à la Méditerranée. .
L’exemplaire Canal de BriareAu début du XVIIe siècle, Henry IV et Sully initient les études puis la construction du Canal de Briare. Il relie les cours de la Seine et de la Loire. Cet ouvrage, le premier à franchir une ligne de partage des eaux, constitue une innovation technique majeure. Son parcours est régulièrement jalonné d’écluses à sas. Un « escalier » comportant sept écluses, est construit à Rogny : c’est le premier ouvrage de ce type. Le canal de Briare, achevé en 1642, constitue un exemple et une stimulation pour le projet du canal des deux mers.
Le Grand Siècle de Louis XIVLe règne du Roi Soleil est marqué par une volonté de transformation et de prestige du royaume. Si la construction du Château de Versailles et les fastes de la cour sont un signe de la puissance royale et de son rayonnement, le canal des deux mers se situe dans le cadre de la réorganisation économique du royaume conduite par Colbert, et s’appuie sur le développement de la marine, des manufactures et du commerce.
A cette époque, la concurrence économique est très forte en Europe, et justifie l’argument de Riquet de contourner la péninsule ibérique et d’éviter Gibraltar. Colbert, pour sa part, s’inspire du modèle commercial hollandais. La volonté d’indépendance économique et politique de la France n’est donc pas étrangère au projet du canal des deux mers.
Quelques repEres chronologiques
François 1er et Léonard de Vinci
Etude sans suite (1516)
Henry IV et Sully
Études pour le canal :Nicolas Bachelier en 1539 Interruption des études par les guerres de religion Études d’Adam de Craponne
Étude de Pierre Reneau (1597)De 1596 à 1605, 1ère tentative de création du port de Sète Projet « pour la jonction de la Mer Océane avec la Méditerranée » d’Étienne Richot et Antoine Baudan (1633)
1654 –début du règne de Louis XIV
1664 début de la réorganisation du commerce :simplification des taxes intérieures encouragement de la construction de navires (système de subventions) allègement des dettes locales création d’entrepôts création de manufacturesindustrie textile à Carcassonne
1666 établissement de l’Académie des sciences
1667 Construction de l’Observatoire de Paris
1676 Édit concernant la navigation : « …rendre la Seine, la Marne et l’Aube navigables… »
Pierre-Paul Riquet, l’homme et sa famille
Ses originesPierre-Paul Riquet est issu d’une famille de notables et de commerçants, probablement d’origine florentine, établie en Languedoc depuis le XIIIe siècle. Né à Béziers, on ne connaît pas avec précision sa date de naissance, sinon qu’elle se situe entre 1604 et 1609. Riquet tient de son père son expérience et son sens des affaires.
Sa carrièreLa position de son père ainsi que son mariage permettent à Pierre-Paul Riquet d’acheter une charge et de faire carrière dans l’administration royale. Il s’établit en Languedoc où il perçoit l’impôt sur le sel, la gabelle, ce qui lui permet de construire sa fortune. En effet, à cette époque, les fonctionnaires ne sont redevables au trésor du royaume que d’une partie de l’impôt qu’ils perçoivent, le reste étant pour leur propre bénéfice. Colbert s’emploiera à réformer ce système qui pousse à tous les abus et contribue à donner une mauvaise image de l’administration. Riquet s’installe à Revel en 1648 et acquiert une bonne connaissance du territoire de la montagne noire. En 1660, il devient fermier général du Languedoc et de Cerdagne. Ces hautes fonctions lui confèrent une fine connaissance des mécanismes de l’administration et des finances du royaume de France.
Encadré - Sa famille et ses propriétésIl se marie avec Catherine de Milhau, fille d'un bourgeois de Béziers, à l’âge de dix-neuf ans. Ils auront cinq enfants, deux garçons, Jean-Mathias et Pierre-Paul, et trois filles, Catherine, Marthe et Anne. Dans les années 1650, il s’installe dans le riche territoire du Lauragais. Il possède de nombreux droits sur les biens de la communauté de Revel dont il est Juge Royal. La seigneurie de Bonrepos, acquise en 1652, comporte soixante hectares de forêts de chênes, cent cinquante hectares de bois et de terres, ainsi que quatre métairies. Ce grand propriétaire possède également à Toulouse un hôtel particulier, dans le Quartier des Puits-Clos et le domaine de Frescaty aux portes de la ville. Sa fortune sera lourdement engagée dans les études et travaux du Canal du Midi.
L’arbre généalogique La descendance de Pierre-Paul se divise en deux branches alliées : les familles Riquet de Caraman et Riquet de Bonrepos. Elles resteront pour tout, puis pour partie propriétaires du Canal du Midi jusqu’à la toute fin du XIXe siècle.
1648 - Riquet s’installe à Revel comme Fermier des gabellesPendant tout l’ancien régime et jusqu’à l’avènement du chemin de fer, la voie de transport majeure est la voie fluviale. Les routes sont mauvaises et infestées de pillards. Toutes les grandes villes sont construites sur des façades maritimes ou sur des cours d’eau importants. Quand Riquet s’installe à Revel, il a en mémoire une étude, commandée en 1633, qui conclut au bénéfice de la construction d’un canal pour le transport du sel. Cette idée, qui lui permettrait de concilier ses propres intérêts au développement économique de la région, conduit Riquet à imaginer un projet reliant les bassins de l’Aude et de la Garonne, en utilisant les ressources en eau de la Montagne Noire.
En 1652, Riquet acquiert le château de Bonreposprès de Verfeil. Engageant de grands travaux de reconstruction, il fait de ce domaine, dominant la vallée du Girou, un site prestigieux. Il y reçoit comme un gentilhomme les « grands » du Languedoc et de Toulouse. Il mène dans le parc du château des essais de systèmes hydrauliques afin de vérifier en modèle réduit les principes des rigoles d’alimentation du futur canal.
1662 - Pierre-Paul Riquet adresse son mémoire à ColbertIl y expose en grandes lignes, le 15 novembre 1662 - d'un projet de construction d'un canal permettant de relier l'océan Atlantique à la mer Méditerranée. Après s’être recommandé de l’archevêque de Toulouse et présenté comme un serviteur du royaume, Riquet donne le résumé de son mémoire Il conclut son envoi par des arguments concernant l’économie du Royaume : en évitant le passage par le détroit de Gibraltar, on diminuera les revenus du roi d’Espagne et l’on augmentera ceux du roi de France par les revenus directs et indirects du trafic sur le canal.
Le projet de 1662Le mémoire de 1662, constitue l’aboutissement de dix années d’étude et développe un argumentaire très précis. Les arguments majeurs donnant sa faisabilité à la construction d’un canal à point de partage sont : la découverte d’un seuil et la mise au point d’un réseau d’alimentation. Riquet déclare …
« Mais ce qui me semble le plus important , est d’avoir de l’eau en suffisance pour le remplir, et de la conduire à l’endroit même où est le point de partage ; ce qui peut aussi faire avec facilité, prenant la rivière du Sor, près la ville de Revel […] il est encore aisé de conduire le ruisseau appelé de Lampy dans le lit de la rivière de Revel […] ; il est pareillement facile de mettre dans ledit Lampy un autre ruisseau appelé d’Alzau, […] ; de sorte que, jointes ensemble, étant comme elles toutes sources vives et de durée, elle formeront une grosse rivière, qui, menée au point de partage, rendra le canal suffisamment rempli des deux côtés pendant toute l’année, […] ; si bien que la navigation sur ce canal serait sans difficulté »
1663 - Arrêt du Conseil du Roi créant la commission d'expertsLouis XIV, séduit par cette initiative et convaincu des bienfaits pour sa gloire et son peuple, ordonne, le 18 janvier 1663, l’examen du projet par des commissaires du Royaume et de la Province du Languedoc. La commission nomme quatre experts, dont Hector de Bourtheroüe, auteur du canal de Briare. Elle est dirigée par Louis Nicolas Chevalier de Clerville, commissaire général des fortifications de France Il se passe plus d’une année, avant la première visite des lieux par le Chevalier de Clerville.
1665 - La commission donne un avis favorableLa commission d’experts se réunit à Toulouse au mois de novembre 1664. Après avoir arpenté et nivelé le tracé du canal et de ses alimentations, la Commission émet un avis favorable à la réalisation du projet, en janvier 1665. Toutefois, elle demande à Riquet de démontrer par la construction d'une rigole d'essai, la possibilité de conduire les eaux de la Montagne Noire, jusqu’au point de partage définitivement établi à Naurouze.
Pierre-Paul Riquet creuse cette rigole entre juillet et octobre 1665 : il met en œuvre son projet primitif de rigole qui évite la construction de chaussées et le creusement d’un tunnel. La Rigole est achevée et les eaux captées atteignent le point de partage, démontrant définitivement à la commission la faisabilité du canal.
De l’estimation A l’attribution du projet
Le chevalier Louis Nicolas de Clerville (mort en 1677), ingénieur militaire, est chargé d’évaluer le coût de la «première entreprise». Il estime ce premier tronçon à 3,5 millions de livres. Cette étude permet au Roi de prendre la décision et de lancer l’adjudication. Riquet propose à Colbert de financer personnellement les travaux contre la jouissance pour 10 ans des Fermes des gabelles du Languedoc et la pleine propriété du canal, érigé en fief familial, avec tous les droits qui en découlent. Colbert refuse cette proposition de dernière heure et confirme ce qui avait été établi par l’adjudication, à savoir un financement partagé entre le royaume de France et la Province de Languedoc.
1666 - Le 5 octobre 1666, par l’Édit de Saint-Germain-en-Laye, le roi Louis XIV ordonne l'exécution du Canal du Midi.
« Le Roi en son conseil s'étant fait représenter l'édit de ce mois […] par lequel Sa Majesté aurait ordonné qu’il serait procédé à la construction du Canal de communication des mers Océane et Méditerranée en la province de Languedoc, et à cet effet, […] ses bords, écluses, magasins et rigoles auraient été, érigés en fiefs avec toute justice […]. Le Roi en son Conseil […] a ordonné et ordonne que les adjudicataires desdits fiefs et péage, leurs héritiers ou ayans cause, en jouiront en toute propriété pleinement et incommutablement, sans qu’ils puissent être censés ni réputés domaniaux, ni sujets à rachat, ou qu’ils en puissent dépossédés à l’avenir par vente, revente, ni autrement […]. Signé, BECHAMEIL. »
(Extrait des registres du Conseil royal des finances)
1667- Début de la construction du CanalEntre 1667 et 1672, Riquet met en chantier les ouvrages de la « première entreprise » du canal des deux mers. Il procède à la construction des Rigoles de la Montagne Noire et de la Plaine qui captent les eaux de la Montagne Noire pour alimenter le « magasin d’eau » de Saint-Ferréol. Le 17 novembre 1667, Le Parlement de Toulouse, les capitouls de la ville et l'archevêque Mgr d'Anglure de Bourlemont, assistent à la pose des premières pierres de l'écluse de l’embouchure en Garonne. Riquet fait creuser la section du canal reliant Toulouse à Trèbes sur l’Aude en franchissant le seuil de Naurouze.
François Andréossy, ingénieur adjoint de Riquetd’une famille originaire du nord de l’Italie où il garde des attaches. Il rend visite à ses proches et en profite pour étudier les systèmes hydrauliques du bassin du Pô, parmi les plus efficaces d’Europe. Il étudie probablement les écluses presque circulaires de la Brenta, dont il semble s’inspirer pour le dessin des écluses du futur Canal des deux mers. Engagé par Riquet comme ingénieur adjoint de Riquet, il publie en 1666 une carte du système d’alimentation de la Montagne Noire. En 1669 il réalise la «Carte du canal du Languedoc» et il tente de s'attribuer la paternité du projet. Riquet fait part à Colbert de son mécontentement. Cet épisode n’est que le premier d’une querelle qui se poursuivra entre leurs héritiers.
Le barrage de Saint FerréolCette construction innovante est le premier barrage-masse d’Europe de cette taille: il est formé par une digue de 871 mètres de longueur sur 35 mètres de hauteur, renforcée par un mur de 2,8 mètres de large. L’évacuation des eaux se fait par deux voûtes souterraines. Une fois achevé, le lac artificiel de Saint Ferréol occupe 64 hectares et fournit au canal une réserve de 6 millions de mètres cube.
1668 - Riquet achète aux enchères le fief et les péages du CanalAinsi, le 13 mai 1668, il devient le «Seigneur du canal du Languedoc». à ce titre, il percevra à son compte les taxes instituées sur les marchandises et les personnes transportées. Cette période est aussi marquée par la proposition de Riquet de prolonger le Canal jusqu’à l’étang de Thau. Colbert donne un accord de principe et demande l’évaluation du coût de ce nouveau chantier afin de préparer une adjudication.
juin 1669La «deuxième entreprise» est adjugée à Riquet ; elle permet prolongement du canal de Trèbes à l’étang de Thau. Elle comprend la construction du port de Sète et confirme l’ouverture du Canal sur la mer méditerranée.
LA CHRONOLOGIE DE LA MISE EN EAU
> 1670 Mise en eau et ouverture du canal jusqu'au seuil de Naurouze, puis jusqu'à Castelnaudary.
1679- Le tunnel de Malpas*Le canal arrive devant la colline d'Ensérune au lieu-dit Le Malpas. Face à cet obstacle, et dans l’urgence d’achever son ouvrage,Riquet décide de construire un tunnel dans ce sol fait d'un tuf sablonneux. Les travaux sont délicats et la situation financière est au plus bas ; les bruits courent jusqu’à Versailles, que Riquet est au bord de l’échec et de la faillite. Mais, il rassemble ses hommes et ses dernières forces, et réussit à passer … Riquet peut faire visiter un tunnel d’essai à l'intendant d'Aguesseau : celui-ci constate la faisabilité de l'opération et peut ainsi rassurer Colbert, sur la bonne fin des travaux. *Le tunnel de Malpas, ce sont en fait trois galeries superposées. La plus ancienne date de 1247 et a servi à assécher l’étang de Montady. Ensuite, il y a le tunnel de Riquet. Et enfin, deux mètres en dessous du canal, il y a un autre tunnel, dans lequel passe la ligne de chemin de fer Bordeaux – Sète.
Inauguration du canal 15 mai 1681 - 25 mai 1681La barque amirale, suivie d'une vingtaine de barques chargées de produits étrangers, fait la première visite et inspection du canal. Monseigneur de Bonzy, archevêque de Narbonne bénit les embarcations à Castelnaudary. Mais le canal a été achevé trop rapidement. Il doit être mis à sec pour terminer certains ouvrages.
31 mars 1683 - 9 avril 1683 Le canal est remis en eaula deuxième navigation officielle constate la perfection du canal.
1684 - Réception des travaux par l'intendant d'Aguesseau.Les fils Riquet sollicitent l’avis de Vauban. Il vient visiter le canal qu'il qualifie «sans contredit le plus beau et le plus noble ouvrage de cette espèce jamais entrepris». En avril 1685, Louis xiv délivre aux héritiers les lettres patentes, confirmant la réussite de l’entreprise et la victoire posthume de Pierre-Paul Riquet
1686 - l’amélioration de l’ouvrage par VaubanEntre janvier et février 1686, une inspection du Canal du Midi est effectuée par Vauban. À cette occasion, il déclare toute son admiration pour Riquet : il eut préféré, disait-il, « la gloire d’en être l’auteur à tout ce qu’il avait déjà fait ou pourrait faire par la suite ». Mais, le canal est ensablé et de nombreux ouvrages se dégradent. Vauban rédige alors un rapport, dans lequel il préconise de modifier le tracé et construire de nouveaux ouvrages. Il propose notamment de prolonger de 7200 m la rigole de la Montagne vers le bassin de Saint-Ferréol en creusant la percée de Cammazes sur 120 m de longueur.
1694 - Antoine de Riquet achève les travaux ordonnés par Vauban.Chronologie de la propriEtE du canal
1724Les héritiers de Riquet deviennent seuls maîtres de la propriété du canal. Ils mettent en place une administration décrite par le compte de Caraman comme « la plus nerveuse et la plus absolue que l’on puisse imaginer ». Il s’agit en effet de gérer les péages, les bateaux, LES_MOULINS, les entrepôts et habitations liés au canal, et tout le personnel nécessaire au bon fonctionnement de l’ouvrage. Cette organisation rigoureuse permet à la famille Riquet de tirer de substantiels bénéfices du canal.
L’organisation administrative du canal
Le système administratif du canal est de type pyramidal.
Chaque zone est régie par un directeur, assisté par un contrôleur et un receveur. Ils gèrent les éclusiers ainsi que tous les personnels nécessaires à l’entretien et au fonctionnement du canal.
1793La propriété exclusive des héritiers de Pierre-Paul Riquet est abolie par la jeune République. Pendant la Révolution française, les parts de propriété de la famille Riquet de Caraman sont confisquées. Le Canal devient alors une régie des Domaines. Par manque d’entretien, son état se dégrade.
L’entretien du canal
Si Riquet choisit des matériaux nobles pour la construction des ouvrages du canal, il se contente la plupart du temps de barrer le lit des rivières et des ruisseaux rencontrés par de simples chaussées. Vauban s’emploie à systématiser la construction des ponts canaux et aqueducs, mais malgré ces précautions, le canal s’envase régulièrement avec les alluvions provenant de l’eau d’alimentation. A certains endroits, il se comble avec des branchages et des feuilles. Chaque été, une période de chômage est décrétée, qui permet de nettoyer le canal. Mais le fléau le plus grave est l’envahissement du Canal par les herbes au niveau de certains ouvrages. Aucune méthode ne permet de l’éradiquer et il faut régulièrement procéder à l’arrachage. Enfin, la pluie, le froid, la grêle et la sécheresse provoquent des brèches et des fuites qui doivent être réparées. L’ensemble de l’ouvrage nécessite donc une surveillance constante. Aujourd’hui encore, le canal est soumis à ces contraintes, et pas moins de 350 employés assurent l’entretien du canal.
1810Napoléon 1er crée la Compagnie du Canal du Midi (cette appellation prévaudra sur celle de Canal du Languedoc). Il vend à cette société la majorité des parts détenues par l’Etat. Cette recette permettra de financer la réalisation de nouveaux canaux dans le nord et l’Est de la France. En 1814, sous Louis XVIII, la famille Riquet récupère ses actions non aliénées par l’Etat.
1838Les travaux de construction du canal latéral à la Garonne démarrent. L’ouvrage, d’une longueur de 193 km, relie Toulouse et Castets-en-Dorthe en Gironde, et sera achevé en 1856. En 1843, un arrêt du Conseil de la Cour Royale de Toulouse consacre la non domaniabilité du Canal.
Le Canal du Midi, un ouvrage constamment amélioré
Le Canal du Midi est un ouvrage en perpétuelle mutation. Dès son ouverture à la navigation, des travaux d’amélioration de certains ouvrages sont entrepris. Achevé en 1787, le canal de jonction avec le canal de la Robine aura nécessité la construction d’un réservoir supplémentaire au Lampy pour assurer son alimentation en eau, tandis que l’épanchoir de Gailhousty évacue les eaux excédentaires. A l’autre extrémité du canal, à Toulouse, le canal de Brienne reliant la Garonne au port de l’embouchure est inauguré en 1776. En 1828, un service spécial des Ponts et Chaussées est chargé d’étudier les moyens d’améliorer le transport fluvial de marchandises entre Toulouse et Bordeaux. La navigation sur la Garonne était trop souvent source de dangers pour les bateaux et les équipages. Le fleuve connaît trop souvent des périodes de crues ou d’étiages (basses eaux) qui freinent le commerce. Jean-Baptiste de Baudre, ingénieur en chef des Ponts et chaussées installé à Agen, envisage la réalisation d’un canal parallèle au fleuve, qui permettra d’assurer la navigation des barques en toutes saisons.
1843Arrêt du Conseil de la Cour royale de Toulouse qui consacre la non domanialité du Canal.
1856Avec l’achèvement du canal latéral à la Garonne, on peut enfin naviguer en continuité de la Méditerranée à l’Atlantique. La gestion des tronçons est progressivement confiée à la Compagnie des Chemins de Fer du Midi, crée en 1852. La barque de patron « Marie-Thérèse » sort des chantiers de construction navale de Toulouse, près du pont des demoiselles. Aujourd’hui restaurée, elle témoigne de l’histoire de la batellerie du Midi.
Le transport de personnes
Dès l’ouverture à la navigation du tronçon Toulouse / Castelnaudary, Riquet met en place un service de transport de voyageurs, les « barques de poste ». Ce service connaît un succès croissant, et lorsque le Canal est ouvert jusqu’à l’étang de Thau, le parcours Toulouse / Agde est accompli en quatre jours. Les barques franchissent uniquement les écluses simples. Pour les ouvrages double et triple, les voyageurs descendent avec leurs bagages, franchissent l’écluse à pied, et prennent une nouvelle barque de l’autre côté. Cette organisation nécessite un grand nombre de barques (on compte 26 ouvrages « multiples » sur toute la longueur du canal), et toute une infrastructure pour l’hébergement et la restauration des voyageurs. En 1850, le parcours Toulouse : Sète s’accomplit en 35 heures , en partie grâce à la circulation de nuit (principe de navigation accélérée). La vitesse moyenne des embarcations est de 11 km à l’heure, la traversée de l’étang de Thau s’effectue avec des remorqueurs à vapeur. Mais ces améliorations ne suffisent pas à soutenir la concurrence contre le chemin de fer, dont la construction est achevée en 1858.
Voyageurs transportés par barques de poste
1854 – 1857 - Ouvrages du Libron à Vias et Pont canal sur l’OrbLe Canal du Midi croise, aux environs de Vias, un petit ruisseau aux crues dévastatrices, le Libron.Du fait de la faible différence d’altitude entre les deux ouvrages, la construction d’un pont canal n’est pas envisageable. L’ouvrage, édifié en 1855, permet de contrôler l’écoulement des eaux du Libron sans bloquer la navigation. Une solution différente est adoptée à Béziers, pour le croisement de l’Orb : la construction, entre 1854 et 1857, d’un aqueduc d’une longueur de 240 m, qui permet au canal de franchir la rivière, même en période de crue.
Le transport de biens
Les bateaux de transport de marchandises qui sillonnent le canal dès son ouverture mesurent une vingtaine de mètres de long et sont halés par des chevaux et des hommes. On exporte du Languedoc du blé et du vin, et on importe du savon de Marseille, du riz, du poisson séché ou encore des épices et des teintures. Le Canal restera toujours une voie d’échanges locaux et nationaux, et n’atteindra jamais le statut de voie de communication internationale qu’ambitionnait Riquet dans sa correspondance avec Colbert. Le tonnage des barques augmente au fil des siècles, passant de 60 à 120 tonnes au début du XIXe siècle. En 1856, le transport de biens et de personnes connaît son apogée avec plus de 110 millions de tonnes de marchandises et 100 000 passagers transportés. En 1914, il reste encore près de 200 bateaux, 300 chevaux et 75 mulets. Dans les années 1930, les péniches à moteur remplacent complètement la traction animale. La batellerie marchande disparaît complètement à la fin des années 1980.
Les chevaux ont été pendant plus de deux siècles un élément essentiel au fonctionnement du canal, en tractant toutes sortes d’embarcations, du coche d’eau à la barque marchande. En effet, un cheval peut haler jusqu’à 120 fois son poids dès lors que la charge est sur l’eau.
1858Le 1er juillet, la Compagnie des Chemins de Fer du Midi prend la totalité de la gestion du Canal du Midi pour une durée de 40 ans. Une politique tarifaire favorable au rail est mise en œuvre. Dès lors, le Canal du Midi devient la voie fluviale la plus chère de France. De plus, le tonnage limité des barques marchandes les rend non concurrentielles face au rail, plus régulier et plus rapide.
1850 – 1880 : le renouvellement des plantationsA l’origine, des arbres ont été plantés sur les berges du canal pour les stabiliser, surtout aux endroits où il surplombe les terrains avoisinants. Le saule, à la croissance rapide, est très utilisé. Ailleurs on plante des iris dont les rhizomes retiennent la terre des berges. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que les arbres plantés le long du Canal deviennent une source de revenus. Des mûriers sont plantés pour l’élevage du ver à soie, puis, avec la fin de la culture de la soie, sont peu à peu remplacés par des peupliers. Des arbres fruitiers ornent souvent les abords des ouvrages et des maisons d’éclusiers. A la Révolution, le canal compte environ 60 000 arbres sur tout son parcours. Dans les années 1850 1880, les plantations sont peu à peu renouvelées. Le platane devient l’essence dominante et imprime son empreinte sur l’image du Canal.
1897 – 1913Par la loi du 27 novembre 1897, L’État devient propriétaire du Canal du Midi en rachetant aux héritiers de Pierre-Paul Riquet les parts qu’ils détiennent encore. Il délègue sa gérance à l’office des Voies navigables de France. Un vaste programme de modernisation est mis en œuvre. Stoppé par la Première guerre mondiale, il sera progressivement abandonné. En 1913, le bas-relief en marbre des Ponts-Jumeaux, à Toulouse, œuvre de François Lucas, est classé au titre des Monuments Historiques.
Le statut du Canal du Midi
Le Canal du Midi présente une situation juridique originale. Aujourd’hui encore, son domaine fluvial est en partie défini par le fief concédé à Riquet par Louis XIV. En effet, selon l’article L2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques :
Le domaine public fluvial du canal du Midi comporte :
1° Les éléments constitutifs du fief créé et érigé en faveur de Riquet, tels qu'ils résultent des plans et des procès-verbaux de bornage établis en 1772, savoir : - le canal proprement dit ; - le réservoir de Saint-Ferréol ; - les francs-bords d'une largeur équivalente à onze mètres soixante-dix centimètres de chaque côté ; - les chaussées, écluses et digues, la rigole de la Montagne et la rigole de la Plaine ;
2° Les dépendances de la voie navigable situées en dehors du fief et restées sous la main et à la disposition du canal, savoir : - les parcelles de terrains acquises au moment de la construction du canal et formant excédents délimités sur les plans de bornage de 1772 par un liseré bistre ; - les rigoles et les contre-canaux établis sur ces terrains ; - les maisons destinées au logement du personnel employé à la navigation et les magasins pour l'entrepôt du matériel et des marchandises ;
3° Le réservoir de Lampy.
Conclusion
Dernières modernisations :
1973 - Un système de pente d’eau (une première mondiale !) est mis en service à Montech (Tarn-et- Garonne). Elle permet de franchir l’équivalent de 5 écluses en une seule fois. Toujours en activité, cet ouvrage constitue aujourd’hui une véritable curiosité régionale.
1977 - Poursuite du programme de modernisation du canal du Midi (VII° Plan). Les extrémités est et ouest du canal du Midi, ainsi que les canaux de Jonction et de la Robine sont aménagés.
1984 - L’Etat suspend le programme de modernisation du canal du Midi. La section comprise entre les écluses du Sanglier (Haute-Garonne) et celle d’Argens-Minervois (Aude), sur 140 kilomètres, conserve le gabarit d’origine (30.50m).
7 décembre 1996 - Inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO.ANNEXES
Sais-tu combien de mètres cubes d’eau il faut pour alimenter le canal pendant un an ? 90 millions… On s’est demandé pendant des siècles où trouver toute cette eau, parce que des rivières, il n’y en avait pas tant que ça, dans les environs. Et je dois dire que l’idée géniale de Riquet, ça a été de réunir plein de petits ruisseaux plutôt que de chercher une grande rivière qui n’existait pas. Souvent, il se promenait dans la montagne noire, avec son ami le fontainier Campmas, qui en connaissait toutes les sources, tous les ruisseaux. Car la montagne noire est une véritable éponge, toute gorgée d’eau. Alors Riquet a créé tout un système de rigoles et de réservoirs pour amener l’eau jusqu’au point le plus haut du canal, le seuil de Naurouze, là où une partie des eaux va vers l’Atlantique et l’autre vers la Méditerranée. Il a fait construire deux réservoirs, celui de Saint Ferreol, et celui du Lampy-vieux. Un siècle plus tard, il sera remplacé par le Lampy-neuf, au moment de la construction du canal de la Robine, mais Riquet ne sera plus là pour le voir, d’ailleurs le pauvre, il est mort juste avant que le canal ne soit terminé. Tu sais, à l’origine, il devait y avoir un troisième réservoir, justement à Naurouze. C’était un projet magnifique, un grand bassin octogonal, et Riquet avait même imaginé de construire tout autour une nouvelle ville. Mais hélas, le bassin s’ensablait tout le temps, et il n’en reste aujourd’hui que le contour que tu pourras voir si tu vas à Naurouze. Quant à la ville, elle est restée dans l’imagination de Riquet.
Tu te rends compte, il y a 63 écluses tout le long du canal… Une écluse, c’est comme un mini ascenseur d’eau pour les bateaux, avec une porte de chaque côté. Quand la péniche arrive par le côté où l’eau est la plus haute, elle s’arrête devant la porte qui est fermée. L’éclusier ouvre des petites vannes pour remplir d’eau le sas de l’écluse. Quand il est plein, les portes s’ouvrent, le bateau entre dans le sas et les portes se referment. Les vannes de l’autre porte sont alors ouvertes, et l’eau du sas repart dans le canal, là où l’eau est la plus basse. Une fois que le niveau du sas est au même niveau que le canal, les portes s’ouvrent et la péniche peut poursuivre sa route jusqu’à la prochaine écluse. Et dans l’autre sens, cela marche aussi bien sûr, mais je te laisse faire la démonstration toi-même! La portion de canal entre deux écluses s’appelle un bief. Tu te demandes sans doute pourquoi les écluses ont cette drôle de forme ovale ? Et bien figure-toi qu’au tout début, Riquet avait construit des écluses rectangulaires, mais la pression des berges n’était pas bien répartie, ce qui fait que quand l’écluse était vide, elle avait tendance à s’effondrer sur elle-même. Il y a toutes sortes d’écluses le long du canal, des simples, des doubles, des triples, des quadruples, et même, à Fontserannes, il y en a huit qui forment un véritable escalier. Et si tu vas jusqu’à Agde, tu verras une écluse toute ronde, avec trois portes : l’une donne sur le canal, l’une sur le fleuve Hérault et la troisième permet d’accéder à la mer…
Tu as déjà vu un canal qui passe au dessus d’une rivière ? Cela s’appelle, selon les cas, un pont canal ou un aqueduc. Il y en a sept le long du Canal du Midi. Le tout premier, construit du temps de Riquet, est celui du Répudre. Les autres ont été construits par Vauban et ses successeurs. Tu te demandes à quoi ça sert que le canal passe au dessus de la rivière ? Dans le midi, les rivières sont souvent assez capricieuses. Elles sont toutes petites, juste un filet d’eau, en période de sécheresse, mais dès que survient un gros orage elles gonflent, gonflent et emportent tout sur leur passage. Par manque de temps et d’argent, Riquet avait prévu que son canal croise la plupart des rivières, un peu comme les routes se croisent. Mais on s’est vite aperçu que l’eau des rivières, en période de crue, faisait déborder le canal. En plus, cette eau charrie des limons et des alluvions, qui se déposent dans le canal et finissent par le combler. D’où l’idée de faire passer la rivière non plus dans le canal, mais au dessous. C’est comme ça qu’on été construits les ponts canaux. Le plus ancien, celui du Répudre, n’est pas très facile à trouver, mais il date de 1676. Le plus récent et le plus long est à Béziers, il enjambe l’Orb. Il a été inauguré en 1857, et il mesure 240 m de long.
Une mauvaise passe pour Riquet, que ce tunnel du Malpas… Au lieu de contourner l’oppidum d’Ensérune, il décida, alors que tout le monde lui disait que c’était une folie, de le traverser par un tunnel. Hélas, la roche qui semblait dure, se révéla après les premiers mètres être une sorte de sable qui s’effondrait au fur et à mesure que les ouvrier creusaient. Ilse trouva bien entendu quelques mauvaises langues dans les parages, qui se dépêchèrent d’aller apporter cette mauvaise nouvelle à Colbert. Il ordonna l’arrêt immédiat du chantier. Riquet fit semblant d’obéir et il envoya son équipe de l’autre côté de Béziers pour continuer les travaux. Mais en même temps, il demanda au maître-maçon Pascal de Nissan de continuer le percement du tunnel dans le plus rand secret. Il réunit une équipe qui travailla jour et nuit, et une semaine plus tard, l’ouvrage était achevé. Riquet le fit traverser à la lueur des flambeaux aux commissionnaires du roi envoyés par Colbert. Il fut enfin autorisé à poursuivre le chantier. Il avait vaincu la nature, mais aussi triomphé des mauvaises langues et des esprits étriqués. C’était la première fois qu’on faisait passer un canal de navigation dans un tunnel.
(pour en savoir plus - allez visiter le MUSEE RIQUET A SAINT FERREOL...)
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