Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                       PARU DANS  LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE N° 15 - 2010 - pages 32-35

 

 

LES AFFAIRES MILITAIRES
DE LA COMMUNE DE PALEVILLE (1810-1918)

Par Maurice de Poitevin

 

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Dans cette étude, nous voudrions aborder les difficultés de la fin du Premier Empire, la garde nationale au cours du XIXème siècle, les grandes manœuvres des années 1880-1890 et les problèmes de la guerre de 1914-1918.

 

La célèbre loi Jourdan-Delbrel du 19 fructidor an VI (5 septembre 1798) proclamait l’obligation du service militaire pour tous les Français âgés de 20 à 25 ans. Elle constituera jusqu’en 1814, la loi du recrutement militaire des Français. Elle fonctionnera d’une manière à peu près satisfaisante jusqu’en 1807. Avec le déclenchement de la « sale guerre d’Espagne » en 1808, le nombre des déserteurs allait croître très fortement jusqu’en 1815.

 

A partir de documents municipaux très épars et de quelques archives privées, nous avons pu établir une liste de 16 déserteurs de 1810 à 1814. Tous appartenaient au monde agricole ; la plupart d’entre eux avaient des « parents misérables ».

Ils étaient enrôlés généralement dans l’infanterie de ligne ou l’infanterie légère, plus rarement dans l’artillerie à pied. L’abondante correspondance administrative entre le maire de la Commune et les autorités départementales nous permet d’avoir quelques renseignements sur la situation de ces déserteurs : pour certains, « aucun parent, aucune trace dans le pays » ; pour d’autres, « aucune nouvelle et aucune présence dans les communes environnantes ». Baptiste Tournier, déserteur de la classe XI et XII : « on a quelque certitude qu’il est dans le pays, mais on ne sait pas où… d’après la lettre écrite à ses parents, le 8 octobre 1812, il était alors en Pologne, dans le 123ème régiment d’infanterie de ligne, 4ème bataillon ». Le nommé Pierre Cathala, conscrit de 1814, incorporé dans le 3ème régiment d’artillerie à pied, a déserté le 17 octobre 1813 ; il a rejoint son corps peu de jours après (le 10 novembre 1813) à Toulouse, pour Barcelone, où il est arrivé le 9 janvier 1814 ; mais il est à nouveau considéré comme déserteur en décembre 1814 (1).

 

Les parents des déserteurs, étaient sanctionnés par l’installation de « garnisaires » à leur domicile ; c’étaient des gendarmes ou des anciens militaires qui étaient logés et nourris par les familles des déserteurs. Le 5 février 1814 au soir, huit gendarmes arrivèrent dans la commune de Paleville  Lastouzeilles. Environ quinze jours plus tard, le maire Jean Louis de Gouttes, adressait la lettre suivante au capitaine commandant la colonne mobile -chargée de traquer les réfractaires- du département du Tarn : « Je crois devoir vous faire part de quelques éclaircissements qui me sont parvenus relativement aux déserteurs. La partie du département de l’Aude, qui avoisine Carcassonne est leur refuge. Ils y sont tranquilles ; ils choisissent de préférence la commune où il n’y a point de déserteurs, et où il n’arrive point des garnisaires. Aussi, ne viennent-ils plus chercher un asile au sein de leurs familles ; ils ne correspondent pas même avec leurs parents, de sorte que ceux-ci ignorent positivement les lieux où sont réfugiés leurs enfants, et comme ils sont pour la plupart misérables, l’arrivée des garnissaires dans une commune ne les chagrine point. Je vois avec peine que les mesures prises pour faire rentrer les déserteurs, ruineuses, pour la commune, ne produisent pas l’effet qu’on en attendait. Je demande le déplacement des garnisaires, et que la Commune ne soit pas tenue de payer des frais, qu’elle n’a pas mérités » (2)

.

 

La population devait subir toute une série de réquisitions depuis le début de la guerre d’Espagne. Malheureusement, nous n’avons des données statistiques que pour la période de février 1814 à mai 1814 inclus. Après la bataille de Toulouse (10 avril 1814), un détachement du 120ème  régiment de ligne séjourna à Paleville les    22 et 23 avril 1814. Voici le montant des réquisitions et des fournitures faites aux troupes : 656 rations de pain (à une livre et demie chacune), 656 rations de viande (à une demie livre chacune), soit 164 kg, et 33 kg de légumes. Pour nourrir les animaux, il fallut livrer 28,60 quintaux de foin et la même quantité de paille ;  63 rations de fourrage vert ; environ 48 hectolitres de maïs et 7 quintaux de blé. Les dépenses (minima) s’élevaient à la somme de 1 539 francs or. En outre, le 5ème chasseur à cheval devait stationner sur la Commune du  28 avril au 20 mai 1814 (3).Nous avons relevé quelques produits réquisitionnés : 596 rations de pain et autant de viande (4), et 572 rations de foin, de paille et de maïs (à 8 litres chacune). En bref, durant les six premiers mois de 1814, le montant des réquisitions était le suivant (chiffres minimums) : 124 quintaux de foin (en 1813, la récolte de foin de la Commune était estimée à 160 quintaux) ; 41 quintaux de paille ; 91 hectolitres de millet (maïs) ; 57 quintaux de blé froment ; 27 hectolitres d’avoine ; 90 kg de seigle et un bœuf de 350 kg (d’une valeur de 200 francs) livré le 11 avril 1814. La commune avait déboursé au moins 3 244 francs or.

 

Ces réquisitions se heurtaient à un certain nombre de difficultés, comme en témoigne une lettre du Maire du 5 avril 1814 adressée au sous-préfet de Castres : « Mes administrés ont été dans l’impossibilité de fournir en nature à la réquisition qui leur fut faite le 24 mars dernier de 12 quintaux de foin ; ils ne peuvent pas mieux aujourd’hui satisfaire à celle de 25 quintaux. On vous a dit peut-être que la Commune de Paleville abondait en fourrage ; dans les années les plus abondantes, elle achète au moins le tiers de sa consommation pour la nourriture du bétail (5). Cependant, mes administrés entendent concourir aux besoins du gouvernement ; ils vous prient instamment de vouloir convertir en blé la réquisition de 25 quintaux de foin ; ils pourront se procurer cette première denrée ; quant à la dernière, il leur est impossible de la fournir ; s’ils l’avaient, ils ne nourriraient pas avec du grain leur bétail, comme ils sont forcés de le faire faute de fourrage ». Pour le sous-préfet, « la répartition des denrées requises pour les besoins de l’armée devait être faite d’après la base de la contribution foncière » (6).

La garde nationale sédentaire, née en 1789, était une force de sécurité, chargée de maintenir l’ordre, mais aussi, éventuellement, d’escorter les fonds publics ou de convoyer les prisonniers de guerre. En février 1814, la municipalité dressait la liste des hommes valides (de 20 ans à 60 ans) devant faire partie de la garde nationale. Nous avons comptabilisé 52 noms, parmi lesquels 25 laboureurs, 9 propriétaires ou propriétaires-cultivateurs, 9 travailleurs de terre, 2 meuniers, 1 forgeron et 1 tailleur, c’est-à-dire des hommes de condition modeste. D’après l’arrêté du Préfet du 8 avril 1814, la compagnie de garde nationale de la commune de Paleville était composée de 2 officiers, 4 sous-officiers et de 43 fusiliers, en tout 49 hommes. Lors des Cent-jours, en

1815, la liste des gardes nationaux se limitait à 11 noms seulement (7).

 

Au début de la Monarchie de Juillet, la loi du 22 mars 1831 devait réactiver la garde nationale. D’après le recensement de tous les citoyens (de 20 à 60 ans), on pouvait « exiger légalement le service de la garde nationale de Paleville de 72 individus ». « Le nombre de 15 hommes a paru plus que suffisant pour garantir dans la commune la sûreté publique, qui jusqu’ici, n’a pas été troublée ». Tous ceux qui figuraient sur le tableau de recensement cultivaient des terres : 12 propriétaires, et tous les autres, « cultivateurs », (petits propriétaires) avec une moyenne d’âge de 34,5 ans. Tous payaient  directement ou par l’intermédiaire de leurs parents ou grands parents- une contribution personnelle. On procédait régulièrement à la nomination d’un sous-lieutenant, d’un ou plusieurs sergents et de caporaux (8).En octobre 1843, le sieur Sixte Bacou était élu « sous-lieutenant de la compagnie de fusiliers de la garde nationale de la commune de Paleville, au nombre de 42, sans armes et sans uniformes » ; à la même date, élection de six sous-officiers et de huit caporaux (9).

 

Lors de la guerre franco-allemande de 1870-1871, la loi du 12 août 1870 remettait en vigueur celle du 13 juin 1851 relative aux gardes nationales sédentaires. La lettre circulaire du préfet du 22 août 1870, invitait les maires « à procéder d’urgence à l’organisation de la garde nationale sédentaire et au préalable, à la formation des conseils de recensement ». Celui de la commune de Paleville était composé de la moitié des membres de son Conseil (soit cinq conseillers municipaux) et de citoyens aptes au service de la garde nationale, c’est-à-dire cinq anciens militaires. En novembre 1870, la municipalité demandait «à s’annexer aux communes de Soréze, Durfort, Les Cammazes, Belleserre,  Cahuzac, Saint-Amancet et Garrevaques pour la formation d’un bataillon de la garde nationale». Une imposition extraordinaire de 1 414 francs était votée pour l’habillement et l’équipement de la garde nationale mobilisée (10).La fin des hostilités devait interrompre tous ces préparatifs.

 

A la fin du XIXème siècle, il y eut de grandes manœuvres militaires dans la région. Les autorités militaires devaient d’abord prévoir les possibilités de cantonnement des troupes sur le territoire de la Commune. En 1878, pour une population de 332 habitants et de 51 maisons, on pouvait disposer de 19 chambres et lits pour les officiers, de 25 lits pour la troupe (11).  De 41 places dans les écuries pour les chevaux et les mulets et de 15 places dans les remises pour les voitures (12). En 1883-1884, « 2 440 hommes pouvaient être cantonnés dans les maisons, établissements, écuries, bâtiments ou abris de toute nature » (13). Il fallait ensuite évaluer « les ressources du pays et les prix de revient ». Ainsi, en août 1892, le sieur du Puy de Montbrun pouvait fournir 2 hectolitres d’haricots à 25 francs/hl ; le sieur Solomiac, 50 quintaux de luzerne et de sainfoin à 12 francs les 100 kg ; le sieur de Noireterre, 1 hectolitre d’haricots et 24 hectolitres de vin à 25 francs/hl ; le sieur Crespy, épicier, 300 kg de sucre à 1,20 francs et 200 kg de café à 6 francs/kg ; et le sieur Tournier, cabaretier, 6 hectolitres de vin et 2 hectolitres d’eau-de-vie à 1,6 franc le litre. « On trouverait d’autres denrées si l’administration militaire s’engageait à les prendre lors du passage des troupes » (14).

 

Pour les grandes manœuvres d’automne 1888, des troupes furent cantonnées, les 7 et 8 septembre, dans les villages de Paleville, Couffinal, Blan, avec environ 65 officiers, 800 hommes et 800 chevaux. Pour la nourriture des hommes et des chevaux pendant deux jours, il fallut fournir environ 95 quintaux d’avoine, 76 quintaux de foin, 38 quintaux de paille ; environ 150 kg de pain blanc par jour et environ une tonne de bois pour la cuisson des aliments (15).

 

Les 6 et 7 juin 1902, un exercice de garde des voies de communication eut lieu sur la ligne de Castres à Castelnaudary. Comme en cas de mobilisation, les postes de la ligne étaient occupés par des réservistes de l’armée territoriale. Un de ces postes était situé sur le territoire de la commune de Paleville ; les 43 hommes étaient logés dans une grange ; la note de service précisait : « Bien que le droit de réquisition ne soit pas ouvert, il semble préférable que les hommes aient de la paille pour se coucher » (16)Durant tout le mois d’août 1914, environ 27 hommes assurèrent la garde de la voie ferrée au poste de Saint–Martin ; d’après la demande du restaurateur, Flavien Fournier, les dépenses d’alimentation de ces « soldats gardes » s’élevèrent à 1 550 francs (17) , à raison de 1,25 franc le repas.

 

Comme dans toutes les communes de France, le premier conflit mondial devait gravement perturber la communauté villageoise. A défaut des hommes mobilisés à l’armée (environ 40 en avril 1915) « les travaux agricoles étaient exécutés par les femmes ». En juillet 1915, la commune déclarait qu’elle n’était pas « dans la nécessité d’avoir recours aux prisonniers de guerre pour les travaux agricoles (18).Au printemps 1916, pour la fenaison, « la Commune pouvait se suffire avec la main d’œuvre locale, aidée au besoin de quelques soldats permissionnaires des dépôts demandés par les propriétaires ». En effet, en mars 1916, madame Du Puy Montbrun de Nozières, propriétaire du domaine du château de Paleville, sollicitait l’envoi d’un soldat pour une permission de quinze jours à un mois, « au courant, si possible, du travail viticole pour soin à donner à ses vignes » (19).En avril 1916, le soldat du 2ème génie Léon Garric, cultivateur, demandait une permission agricole de 15 jours, « pour lui permettre de venir faire les semailles de printemps à sa ferme du Sidobre, ou il n’y a pour la cultiver que sa mère, sa femme et un enfant en bas âge » (20).   En juin 1916, M. de Rigaud, propriétaire, demandait « d’urgence trois soldats permissionnaires indispensables pour rentrer les fourrages. »

 

La Commune

était astreinte à de multiples réquisitions pour le ravitaillement des armées. Jusqu’en avril 1915, les éleveurs furent très réticents à livrer les bestiaux (sur pied) exigés. « D’après la statistique agricole », il y avait, en janvier 1915, 62 bœufs et 203 vaches sur la commune de Paleville ; au 31 mars 1915, 50 bœufs et 152 vaches. Et pourtant, selon les lettres du Maire, « Il n’y a pas présentement de bestiaux en état d’être pris pour le ravitaillement, les éleveurs les ayant écoulés au fur et à mesure sur les marchés de Revel et de Puylaurens (21 janvier 1915)… En fait de bestiaux, il n’y a que les bêtes strictement nécessaires pour les travaux agricoles » (20 mars 1915) ; c’est-à-dire 101 paires. Finalement, par avis préfectoral du 30 mars 1915, le Préfet informa la commune qu’elle devait concourir chacune pour leur part à la fourniture de bétail pour le ravitaillement de l’armée, dont le centre de réception était à Soual. « Cette  part est fixée au dixième du bétail se trouvant dans les étables » ; en conséquence, les cultivateurs devaient fournir volontairement les bêtes demandées pour éviter que les commissions militaires ne viennent dans la commune marquer le bétail dans leurs étables, «sans tenir compte d’aucune considération qui puisse les dispenser» (21).  D’avril 1915 à février 1918, nous avons comptabilisé 42 bêtes réquisitionnées, dont un tiers de bœufs (22).

 

La Commune

était mieux pourvue en céréales. Le dépiquage (« dépiquaison ») de l’année 1915 donnait 980 hectolitres de blé et 465 hectolitres d’avoine. Les terres ensemencées en novembre 1915 étaient les suivantes : 175 hectares en blé et 30 hectares en avoine. La récolte de l’année 1916 s’élevait à 2 050 hectolitres de blé, 1 002 hectolitres d’avoine et 328 hectolitres de paumelle (orge de printemps) (23).

 

Nous n’avons que très peu de statistiques : en août 1914, 40 hectolitres de blé réquisitionnés et transportés par des charrettes à bœufs, et en janvier 1918, 125 hectolitres de blé. En ce qui concerne l’avoine, les quantités fournies sont encore plus minimes : 8 hectolitres en octobre 1915 et 100 hectolitres en septembre 1917 (24).

 

La Commune

pouvait satisfaire les demandes de haricots, car elle n’en cultivait guère. La majorité des habitants les achetait à l’extérieur. Toutefois, en août 1915, Madame du PUY Montbrun acceptait de livrer un hectolitre de haricots au prix de 40 francs l’hectolitre (25). En ce qui concerne le vin, un ordre de réquisition du 8 avril 1916 ordonnait à tous les propriétaires -dont la déclaration atteignait dix hectolitres- de céder le quart de leur récolte en vins (26).

La réquisition de fourrage se heurtait à de réelles difficultés. En 1916-1917, la superficie de terre en prairies diverses était la suivante : 6 hectares de trèfle ; 28 hectares de prés naturels ; 32 hectares d’esparcette (sainfoin) et 40 hectares de luzerne, soit 106 hectares (16,45 % du terroir communal). Au printemps de 1917, le cheptel se composait de 52 bœufs, 150 vaches, 66 génisses et 42 ovins (27).

Dès le début des hostilités, le maire écrivait ceci : « Il n’y a point de foin disponible dans notre commune, qui cultive surtout les céréales… La plupart des habitants sont obligés d’en acheter pour subvenir au besoin de leurs bestiaux ». Et pourtant, durant toute l’année 1916, 1 085 quintaux de foin étaient réquisitionnés sur l’ensemble de la Commune. Le maire déclarait encore : « Notre commune étant naturellement un pays de céréales, n’a que le foin strictement nécessaire à l’alimentation des bestiaux ; par conséquent, il n’est pas possible d’imposer à n’importe quel propriétaire une livraison quelconque de foin » (28).  En 1917, les réquisitions de fourrage étaient ramenées à 635 quintaux. Cependant, « le contingent imposé à notre commune est tellement élevé  que le conseil municipal a pris une délibération demandant une réduction des deux tiers de la quantité imposée ; que cette réquisition a paru tout à fait anormale dans le département du Tarn, un pays sec et sans prairies arrosables, et tout particulièrement à Paleville. Le Conseil Général s’en est ému. Les agriculteurs de Paleville seraient obligés de vendre leur bétail de travail » (29. Enfin, il faut noter les mêmes problèmes en ce qui concerne la paille (30). En 1916, 440 quintaux de paille (soit «13 kg par hectolitre de grain ») étaient exigés par l’intendance militaire. Or, les cultivateurs n’avaient que la quantité de paille strictement nécessaire pour l’alimentation et la litière de leurs bestiaux. En 1917, 280 quintaux de paille étaient réquisitionnés (31).

 

Dans une économie de guerre, le ravitaillement de la population était souvent une lourde tâche. La Commune n’ayant pas de boulanger, certains habitants s’approvisionnaient habituellement dans les boulangeries de Revel. Or, au début de l’année 1917, un arrêté du Préfet de la Haute-Garonne interdisait la vente du pain en dehors du département. Le maire demanda la levée de cette interdiction en faisant remarquer au Préfet que « nos blés sont en presque totalité vendus aux boulangers ou aux minotiers de cette ville ». En janvier et février 1918, le boulanger de Couffinal, Banquet, avait 125 clients ; celui de Garrevaques, Pagès, 42 clients et la ville de Revel, 9 clients (32).Le rationnement de certaines denrées était difficile à maîtriser. Vers le 15 mars 1917, la Commune recevait son premier envoi de sucre, soit 50 kg ; mais, l’épicier détaillant de la Commune, Olivier Philippe Tournier, n’a pu en faire la distribution qu’à 200 personnes seulement (sur 261 dénombrés), soit 250 grammes chacune.

 

En mai 1917, la population était privée de sucre depuis le début du mois. Elle se plaignait de ce retard et insistait, « vivement pour une prompte expédition du sucre, à laquelle elle a droit ».  En effet, par l’intermédiaire de l’épicier, une somme de 350 francs avait été versée pour obtenir la quantité de sucre correspondant à ce prix. Vers le 15 septembre 1917, l’épicier avait un excédent de sucre, « mais pas en quantité suffisante pour une nouvelle distribution » ; en conséquence, il demandait    « un nouvel envoi supplémentaire pour la seconde et la troisième livraison qui n’est pas faite pour le mois d’octobre » (33)

 

Les arrivages de charbon étaient très irréguliers. A la mi-septembre 1917, la municipalité recevait deux bons de livraison de charbon pour les mois d’août et de septembre, soit 3 300 kg (à 6,10 francs le kg), c’est-à-dire 1 650 kg par mois. En décembre 1917, la Commune n’avait touché en fait de charbon que la provision du mois d’octobre (1 160 kg), et absolument rien pour les deux mois suivants. Pour le mois de janvier 1918, un bon de charbon de 1 150 kg était attribué à la Commune, mais la livraison tardait, alors qu’elle « serait absolument nécessaire à cause de la rigueur de la température pour ses besoins domestiques et pour les écoles » ( 34).

 

 En ce que concerne l’éclairage, une lettre du maire du 30 octobre 1917 notait ceci : « tous les ménages emploient le pétrole, mais l’usage de l’essence, se substitue au pétrole ; à cause de la cherté de ce dernier, on se sert par économie de la petite lampe à essence, dite lampion. »

 

Au cours du conflit, un certain nombre d’œuvres privées et publiques furent mises en place. Dès le mois d’octobre 1914, deux personnes de la commune achetaient à leur frais 15 kg de laine pour confectionner des tricots, des bas et des gants pour les militaires aux armées (35).  On institua toute une série de quêtes, en particulier pour « la Journée Française»  (37,5 francs en 1915), pour « la Journée des éprouvés de la guerre » (20 francs en 1915),  pour « la Journée nationale des Orphelins de la guerre » (5,50 francs en 1916, et 9,50 francs en 1918), pour « la Journée du Poilu » (11 francs en 1917) et pour « l’Armée d’Afrique et les troupes coloniales » (5 francs en 1917). En mai 1916, 144 billets de la « tombola départementale » étaient vendus pour un montant de 36 francs (36).

 

 

 

1- Pierre Baux et André Hébrard, prisonniers en Angleterre depuis 4 ans, rentrèrent en août 1814.

2- Archives privées de la famille de Gouttes Lastouzeilles -que nous remercions très simplement-, lettre du 22 février 1814. Les départements de la Haute-Garonne et du Tarn avaient entre 40 et 50 % de réfractaires et de déserteurs. Voir LENTZ (Thierry), Nouvelle histoire du Premier Empire, Tome III, La France et l’Europe de Napoléon, 1804-1814, Fayard, 2007, p. 656.

3- Le 30 avril 1814, le maire de Paleville, demandait (en vain)

4- La viande requise sur pied était consommée sur les lieux.

5- Au 1er mai 1814, il y avait environ 109 bêtes à nourrir à Paleville pour une population estimée à 337 habitants en 1820.

6- Archives communales de Paleville (en abrégé A. C. P.), documents épars des 5 et 14 février 1814 ; du 24 mars 1814 ; des 3, 5 11, 23 et 30 avril 1814, et des 1er et 8 mai 1814. Voir aussi archives privées de la famille de Gouttes Lastouzeilles, lettre du 5 avril 1814.

7- A. C. P., documents épars des 12 février et 3 mai 1814, et du 30 juillet 1815. 6 En exécution de l’arrêté du Préfet du 20 janvier 1814, les habitants de Paleville ont déclaré à la mairie 12 fusils de chasse à un coup et 1 fusil à deux coups. – En mars 1815, « recensement des armes de toute espèce » se trouvant dans la commune de Paleville : 3 fusils de calibre, 9 fusils simples et 5 fusils doubles.

8- En 1834, prestation de serment du sieur Jean Louis de Gouttes, sous-lieutenant de la garde nationale. - En 1837, nomination du sous-lieutenant François-Amans Solomiac, du sergent Frédéric Bacou et des deux caporaux Pierre Carmes et Jean Salvetat.

9- A. C. P., série H, affaires militaires, 5 septembre 1830, 22 mars 1831, 6 juillet 1834, 11 décembre 1837 et 8 octobre 1843.

10- A. C. P., délibérations municipales des 9 septembre et 15 novembre 1870, feuillets 126 recto- verso, 127 recto et 129-130 recto-verso.

11- D’après le décret du 2 août 1877, les hommes de troupe étaient logés chez l’habitant à raison d’un lit par sous-officier, et d’un lit ou au moins d’un matelas et d’une couverture pour deux soldats.

12- A. C. P., série H, 4 juillet 1878.

13- Idem, 3 août 1883 et 19 avril 1884.  -Il était ainsi envisagé de loger 350 hommes au château de Paleville ; 200 hommes successivement aux Terrisses, à la Landelle et au château de Las Touzeilles ; 150 hommes,  successivement au château de Combes Basses et au hameau du Griffoul ; 100 hommes au domaine du Louvre… « Ce cantonnement n’est applicable que pendant les mois de mars, avril et mai. Pendant les autres mois, il faut diminuer de moitié le nombre d’hommes et de chevaux à cantonner ».

14- A. C. P., H, 12 août 1892.

15- A. C. P., H, 1er août 1888 et août-septembre-octobre 1888. - Manœuvres de la 32ème division d’infanterie en août-septembre 1898 à Paleville-Garrevaques.

16- A. C. P., série H, mai 1902.

17- A. C. P., série D, 16 et 21 août 1914 et 1er septembre 1914.

18- A. C. P., série D, 8 octobre 1914 et 9 juillet 1915. A cette dernière date, deux militaires de la Commune étaient prisonniers.

19- Elle obtint pour une quinzaine le soldat Désiré Sirtach, qui paraissait « avoir une aptitude particulière » pour les travaux des vignes.

20- A. C. P., série D, 24 mars, 28 mars et 14 avril 1916. – « Un certificat de gratuité de voyage » par chemins de fer était nécessaire pour l’octroi d’une permission, lorsque le militaire lui-même ou ses parents n’avaient pas de ressources suffisantes. En outre, en mars 1916, « un certificat de réduction de tarif » était accordé à madame Berthoumieu, cultivatrice, pour aller voir son mari en traitement à l’hôpital militaire d’Agde (Hérault).

21- A. C. P., série D, 21 janvier, 10 février, 20 mars, 3 et 6 avril 1915.

 

22- En avril 1919, un propriétaire de Paleville était poursuivi (par le tribunal de première instance de castres) pour « spéculation illicite », à la suite du refus de vendre un veau au prix de la taxe. - Un arrêté du 30 août 1917, taxait les céréales aux tarifs suivants : 50 francs pour les 70 kg de blé et 42 francs pour les mêmes quantités d’orge, de maïs, de seigle et d’avoine.

23- A. C. P., série D, 8 novembre 1915, 3 mars et 20 octobre 1916.

24- La quantité d’avoine nécessaire sur place était très faible car tous les chevaux valides avaient été réquisitionnés ; elle servait à l’entretien de quelques juments poulinières consacrées à la reproduction (au nombre de six en avril 1915).

25- A. C. P., série D, 27 août 1915 et 9 décembre 1917.

26- A. C. P., série H, affaires militaires, 10 avril 1916. – En avril 1916, livraison en gare de Revel de 46 hectolitres de vin et de 135 hectolitres en décembre 1917.

27- A. C. P., série D, 12 décembre 1916 et 29 mai 1917.

28- A. C. P., série D, 20 octobre 1914, 10 février 1915 et 2 août 1916. – En 1916, Mme Pons de Vier et M.  Cadenne étaient astreints à livrer 85 quintaux de fourrage.

29- A. C. P., série D, 23 septembre 1917.

30- par suite des réquisitions de l’intendance militaire, toute vente de foin et de paille était « interdite aux commerces et aux particuliers ».

31- A. C. P., série D, 17 novembre 1916 ; série H, documents divers, récolte de 1917.

32- A. C. P., série D, 20 février 1917, 1er janvier 1918 et 22 février 1918. – Pour la consommation du pain, il existait, le 1er janvier 1918, trois catégories parmi les 261 habitants de la commune : 1ère catégorie, 89 hommes ; 2ème catégorie, 117 femmes ; et 3ème catégorie, 55 enfants.

33- A. C. P., série D, 20 mars, 5 mai, 21 août et 17 septembre 1917. – En août 1917, Mme de Puy Montbrun réclamait une livre de sucre pour deux soldats permissionnaires travaillant à son service « et aussi la quantité de sucre nécessaire pour faire deux barriques de vin de sucre ».

34- A. C. P., série D, 10 août, 17 septembre, 14 décembre 1917 et 11 janvier 1918.

35- A. C. P., série D, 8 et 20 octobre 1914.

36- A. C. P., série D, 4 juin, 1er octobre, 28 décembre 1915 ; 7 mai, 30 mai et 1er décembre 1916 ; 2 février et 17 juillet 1917. – A. C. P. , série H, télégramme du 28 juin 1919 : « A l’occasion acceptation condition de paix, prendre toutes dispositions pour que les cloches de votre église sonnent à toute volée, faire illuminer et pavoiser tous les édifices municipaux aux couleurs alliées et écoles publiques auront congé ».

 

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