Histoire de Revel Saint-Ferréol CAHIERS DE L’ HISTOIRE - N°16 - Année 2011 - pp. 86/92 |
ISIDORE DE TERSON DE PALEVILLE (1821-1884)Par Maurice de POITEVIN
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Marie, François, Isidore de Terson naquit à Revel le 29 septembre 1821. Il était le fils de Laurent Isidore de Terson de Paleville (né le 7 décembre 1790) et de dame Jenny, Marie, Lydia Lavaisse, demeurant à Revel, « au couvert de la volaille ».
Il fit des études secondaires à Toulouse. En 1839, le doyen et les professeurs de la Faculté des Lettres de Toulouse lui accordaient le diplôme de bachelier ès lettres ; en 1840, il obtenait le diplôme de bachelier ès Sciences Physiques à la Faculté des Sciences de Montpellier. La même année, il commençait cinq années d'études de médecine à Montpellier avec des examens à chaque période : physique, chimie, botanique, histoire naturelle et pharmacologie (première année) ; anatomie, physiologie, préparation anatomique (seconde année) ; thérapeutique, hygiène, matière médicale, médecine légale sous forme de composition française (troisième année) ; accouchements, clinique interne et externe avec examen au lit du malade, suivi des observations recueillies, rédigées en latin (quatrième année) ; enfin, pathologie interne et externe avec opération. Toutes ces études médicales s'achevèrent par une thèse de médecine (soutenue le 30 avril 1845), intitulée « De la berlue » (1)
- C'est « une maladie de la vue qui nous fait percevoir les images d'objets qui n'existent pas en dehors de l'œil, ou qui nous montre les objets réelsautrement qu'ils ne sont, ... une maladie de l'organe de la vision due à une lésion, une altération de cet organe ». (2)
Le 4 novembre 1845, « dans la maison commune de la ville de Revel », Isidore de Terson de Paleville, docteur en médecine, 24 ans, épousait Mademoiselle Félicie Lucas de Pesloüan , 23 ans, sans profession (née le 24 janvier 1822, à Tarascon-sur-Ariège), demeurant à Revel. (3)
Laurent Isidore Terson de Paleville, père de François Isidore.
Tableau représentant Marie, François, Isidore de Terson de Paleville.
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(1)de TERSON de PALEVILLE (Isidore), « De la berlue », thèse présentée et publiquement soutenue à la Faculté de Médecine deMontpellier, le 30 août 1845, Montpellier, J. Martel aîné, imprimeur, 1845, 40 pages.
(2)Idem, page 7.
(3)Parmi les témoins du mariage, notons : Le sieur Paul Marie Sol, lieutenant-colonel au corps Royal d'état major, chevalier de la Légion> d'Honneur et de l'Ordre de Saint-Ferdinand d'Espagne, 49 ans, oncle de l'épouse ; le sieur Christian, Horace, Bénédict, Alfred Moquin-Tandon, chevalier de la Légion d'Honneur, docteur ès sciences, docteur en médecine et professeur de botanique à la Facultédes Sciences de Toulouse, 41 ans, beau-frère de l'époux, et, le sieur Alexandre Auguste de Lacger, propriétaire, 36 ans, domicilié à Castres, cousin de l'époux.>
Plan du chateau de paleville |
Le chateau de Paleville fin XIX°siècle ('photo sur plaque) Dame Jenny, Marie, Lydia Lavaisse, mère d’Isidore qui a habité Revel, « au couvert de la volaille ». |
Félicie Lucas de Peslouän, épose d'Isidore Terson de Paleville |
Plan du chateau et du domaine de Paleville |
Par contrat de mariage du 3 novembre 1845, les époux recevaient les sommes suivantes: 10000 francs du sieur Pierre Marie Augustin Lucas de Peslouän, père de la mariée, ancien capitaine d'infanterie et ancien inspecteur des douanes ; 20 000 francs de Mme Lucas de Peslouän, mère de la mariée, et 30 000 francs de la part de Laurent Isidore de Terson de Paleville, père du marié. (4)
Malheureusement, nous n'avons que très peu de faits se rapportant à la vie de ce couple. Les passeports intérieurs d'Isidore de Terson permettent d'établir son portrait physique : taille, 1,80 m ; visage ovale et teint pâle ; yeux, sourcils et cheveux châtains ; barbe rousse ; front bombé ; nez aquilin ; bouche moyenne ; menton rond et une cicatrice à la joue droite. Il se rendait régulièrement (en août-septembre) dans les stations thermales des Pyrénées, en particulier à Ax-les-Thermes (1856), à Biarritz (1857, 1861), à Barèges (1858) et à Bagnères-de-Luchon (1870 et 1871). Il était le plus souvent accompagné de son épouse, de ses quatre filles (parfois de leur institutrice) et d'une ou deux domestiques. (5)
Page de couverture de la thèse d'isidore Terson de Paleville
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Les diplomes d'Isidore Terson de Paleville : bachelier de Lettres (1839), bachelier de Sciences physyques (1840), diplome de Docteur en médecine (1845) |
(4)Dans les années 1830, Laurent Isidore de Terson de Paleville possédait trois domaines fonciers à Paleville, trois à Saverdun (Ariège) et cinq à Revel et Saint-Félix
(5)En août 1871, le voyage et le séjour de huit personnes à Bagnères-de-Luchon coûtaient 318 francs
Isidore de TERSON de PALEVILLE et ses 4 filles
Le docteur Isidore de TERSON de PALEVILLE avait épousé en 1845 sa cousine Félicité LUCAS de PESLOÜAN (fille unique de Pierre-Marie LUCAS de PESLOÜAN et de Françoise Marguerite SOL) ; il en eut les 4 filles photographiées avec lui :
Jeanne Marguerite Laurence de TERSON de PALEVILLE (o 1846 + 1929) x 1874 Charles Jean Albert du PUY-MONTBRUN de NOZIERE, d'où postérité
Louise Marie de TERSON de PALEVILLE (o 1848 + 1890/), religieuse
Jenny Gabrielle de TERSON de PALEVILLE (o 1851 + 1886) x 1872 (Charles) Henry (Marie) PAGUELLE MONNIN de FOLLENAY, d'où postérité
Antoinette Marthe de TERSON de PALEVILLE (o 1852 + 1934) x 1874 Georges Marcel VERDET, d'où postérité
En 1866, sur proposition du Recteur de l'Académie de Toulouse, Isidore de Terson de Paleville, propriétaire, était nommé « membre du Conseil de perfectionnement institué près le collège de Revel pour l'enseignement secondaire spécial ». Son père, Laurent Isidore, avait eu un long et sérieux différend avec la commune de Paleville au sujet de la petite église paroissiale, située à proximité immédiate du château. En revanche, son fils, Isidore, se montra très conciliant pour la construction d'une nouvelle maison d'école (1877-1880). Il consentit à un échange de terrain pour que l'Eglise, le presbytère et la maison d'école « se trouvèrent réunis sur le même lieu ».
Il acceptait d'acquérir l'ancienne maison d'école -«malsaine et humide»- et ses dépendances, situées au village de Paleville ; en outre, il s'engageait à payer à la Commune la somme de 3 000 francs, à titre de soulte, « à cause de /a convenance et pour témoignage à la Commune du vif désir qu'il a de bien vivre avec ses habitants ».
Nous avons la chance d'avoir pu conserver trois lettres d'Isidore de Terson, médecin, se rapportant à l'épidémie de choléra de Revel et de sa région à l'automne 1854. Atteint lui-même par la maladie, il écrivait ceci le 12 septembre 1854 : « Je suis descendu de ma chambre avant hier et il me paraît en me tâtant bien que je me remets tous les jours, quoique bien lentement. Je suis encore extrêmement faible malgré les bons consommés et les côtelettes. L'état sanitaire du pays ne s'améliore pas. Dimanche dernier, il y a eu 27 morts (6)
La ville et les campagnes sont d'une tristesse effrayante. Tout le monde lutte plus ou moins péniblement contre le poison que nous avalons à chaque instant et à notre insu ; notre atmosphère est pourrie ».
D'après la lettre du 18 septembre 1854, l'épidémie était tout aussi virulente : « En ville, il meurt de 8 à 10 personnes par jour, et l'on meurt tout aussi bien à la
campagne qu'à la ville ». Pour arrêter la diarrhée, le docteur de Terson préconisait de la tisane de corne de cerf ou bien du sous-nitrate de bismuth- avec un peu d'eau de fleur d'oranger quatre ou cinq fois par jour, et dans l'intervalle, une cuillerée de tisane avec deux gouttes de laudanum de Sydenham (ou vin d'opium composé) deux ou trois fois dans la journée.
Outre la diète absolue et une ceinture de flanelle, il recommandait également un lavement d'un demi-verre d'eau avec six ou huit gouttes de laudanum de Sydenham.
Enfin, dans la lettre du 22 septembre 1854, les nouvelles étaient meilleures : « Je me croiraisparfaitement remis, si je ne savais qu'il faut se bien ménager. Mais, vu les circonstances, j'allonge ma convalescence sous le rapport des précautions que je prends. Le choléra continue à diminuer. Avant-hier, il n'y a eu que deux morts. Hier, il y a eu six morts. Il y a tous les jours moins de cas nouveaux. Si ce mieux continue encore, la semaine prochaine, nous toucherons à la fin, mais qui sait ?» (7)
Le docteur Isidore de Terson laissait un testament, rédigé le 8 septembre 1882(8) . Il donnait « l'usufruit de la moitié de tous ses biens meubles ou immeubles » à son épouse Félicie Lucas de Pesloûan. La possession du château et de tout le domaine de Paleville, évalués à 300 000 francs, revenait à sa fille aînée, Jeanne. Son autre fille, Marie, religieuse au couvent du Carmel à Toulouse, renonçait à tout héritage, car elle avait reçu de son grand-père paternel et de sa grande tante, Mademoiselle de juge, les sommes nécessaires à tous ses besoins.
Isidore de Terson de Paleville, propriétaire, médecin, devait décéder au château de Paleville le 15 avril 1884, à l'âge de 62 ans(9) . Son épouse, Félicie Lucas de Pesloüan, disparaissait à 81 ans, le 27 février 1903 (10)
Passe-port à l’Intérieur » - valable un an. Dans les archives nous avons
trouvé de nombreux passeports ...
Isidore et sa famille voyageaient beaucoup.
Nous, Maire de la Ville de Revel, chevalier de la Légion d’Honneur, invitons les autorités civiles et militaires à laisser passer et librement circuler de Revel département de la Haute-Garonne à Bagnères de Luchon département de la Haute-Garonne M. de Terson de Paleville, Marie, François, Isidore accompagné de Madame son Epouse, de ses quatre demoiselles et de deux domestiques, profession de propriétaire, natif de Revel département de la Haute Garonne, demeurant à Revel et à lui donner aide et protection en cas de besoin. Délivré sur sa demande et sur la parfaite connaissance que nous avons de M . de Terson de Paleville.
Fait à la mairie de Revel le cinq août 1871.
(6)Archives privées, fonds de Bary, 16 avril 1877
(7)« Madame Achille Barrau est morte et enterrée. Madame Frédéric Loup est très malade ... ».
(8)A Garrevaques-Gandels, en 1854, nous avons 20 décès de plus que la moyenne annuelle. A Paleville, six décès seulement.
(9)II avait quatre filles : Jeanne, Gabrielle, Antoinette et Marie.
(10)Parmi les témoins du décès : Charles, Jean, Albert du Puy Montbrun de Nozière, 44 ans, propriétaire, demeurant à Nîmes (Gard), gendre du défunt, et, Georges, Marcel Verdet, 35 ans, propriétaire, demeurant à Avignon (Vaucluse), gendre du défunt également.
(11)Nous voudrions remercier très simplement Monsieur Renaud de Bary à Paleville, qui nous a transmis tous les documents de cet article, y compris le portrait de son ancêtre.
LE MEDECIN ISIDORE TERSON DE PALEVILLE... et le choléra dans la région de Revel en 1854...« Revel 18 novembre 1854 »« Ma chère tante,Je reçois votre lettre à mon arrivée de Lasprades où je suis allé avec Félicie cueillir le reste de nos fruits. Je dis le reste parce que une bonne partie a disparu depuis quelques jours à ce que m’a dit Antoine.Le garde a eu tellement peur du choléra qu’il n’a pas osé rester avec sa femme dans son logement et ils sont allés habiter à la métairie.Nous nous portons bien et nous avons reçu aujourd’hui une lettre de Philippe où il nous annonce que son indisposition cholérique n’a pas eu de suites, l’épidémie a entièrement causé des ravages et il allait partir pour la Crimée.Les nouvelles de Paris sont bonnes aussi.En ville il meurt comme je vous disais de 8 à 10 personnes par jour. Bordes a perdu cette nuit sa fille qui habitait au couvert haut et ce matin le mari de cette dernière ce qui porte à six grandes personnes les pertes de cette famille. Nous avons eu aujourd’hui Monsieur Sabatié qui est venu pour une tournée. Il se porte bien. Le choléra commence bien à Toulouse... » « ... Les moyens que vous employez sont à ce qu’il paraît insuffisants pour arrêter votre diarrhée. Sauf meilleur avis je prendrais à votre place de la tisane de corne de cerf avec un peu d’eau de fleur d’oranger quatre à cinq fois par jour et dans l’intervalle je mettrais dans une cuillerée de tisane deux gouttes de Laudanum de Sydenham deux ou trois fois dans la journée. Lavement d’un demi verre d’eau avec 6 à 8 gouttes de Laudanum de Sydenhaum, le garder, et si on ne peut répéter le lavement, jusqu’à ce qu’on parvienne à le garder. Diète absolue et ceinture de flanelle. Au lieu de tisane de cerf, si vous préférez vous pouvez prendre du sous-nitrate de bismuth. C’est une poudre blanche qui n’offre aucun danger. Vous lui mettez une cuillerée .... Il ne faut pas encore songer à revenir dans ce pays ci. Las Prades et ses environs sont pleins de malades où l’on meurt tout aussi bien à la campagne qu’à la ville... »