Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                      LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE

 

A PROPOS D'AUGUSTE DE PALEVILLE

D'après Gaston-Louis MARCHAL
(Sud Tarn Tribune n°76 – 77 , 1986, pp.3 – 6)

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RUE

 

Parce qu'on a fait naître Louis-Auguste-Henri TERSON de PALEVILLE à Castres, et surtout parce qu'il y a effectivement peint et fait du journalisme, sa figure et son souvenir doivent être rappelés aux Castrais.
Aussi, en tant que Président de la Société Culturelle de Pays Castrais, ai-je demandé à Yves Blaquière, érudit de Soréze (1). de présenter aux membres et invités de la Société, Auguste de Paleville, gentilhomme républicain, peintre et photographe en Pays Castrais au XIXème siècle. Ce que voulut bien faire M. Blaquière le 26 mars 1984.

Louis Auguste Henri Terson de Paleville est né à Albi, le 29 octobre 1814 à 2 heures ; de Alexandre Terson de Paleville, âgé de 25 ans, et de Magdeleine-Anne-Claire Louchet. Cela, les registres d'Etat-Civil d'Albi l'attestant.

Dans sa conférence, M. Yves Blaquière fit savoir que le jeune Auguste était né dans une famille à nombreux enfants, et qu'il fit de longues et bonnes études (de 1824 à 1833 ?) à la fameuse Ecole de Soréze. Elève remarqué notamment en français, dessin et équitation. Il se serait également complu dans le bain des idées saint-simoniennes qui caractérisaient la culture sorézienne d'alors.

Il devint conseiller municipal puis, en 1848, Maire de Soréze. Mais pour peu de temps. On note qu'il voulut amener l'eau dans le village au sein duquel il aurait voulu faire ériger des fontaines publiques.

On le connut ensuite journaliste à Castres, directeur de « l'Indépendant du Tarn ». Ses écrits journalistiques témoignent d'idées assez avancées pour l'époque, idées peu conformiste, idées « républicaines » nées du souci d'aider les pauvres (créer des ateliers-de-charité ; affer­mer pour très peu d'argent les biens communaux...)
M. Blaquière parla aussi du talent de peintre-dessinateur qu'avait la chance de posséder Auguste de Paleville. Et non seulement il ajouta oralement au sujet du talent de photographe du même artiste mais il démontra ; en montrant nombre de photos, très intéressantes (peu banales), réalisées par l'éminent Sorézien.
 Photos au collodion sur plaques de verre réalisées vers 1855 selon le grand photographe toulousain Y. Dieuzaide, plus précisément vers 1860 selon Yves Blaquière qui juge d'après les costumes portés par les personnes photographiées. Photos, parmi les quelque 300, que Yves Bla­quière découvrit fortuitement à Soréze où Auguste de Paleville avait un atelier.

Attendons le très-instructif et détaillé article que M. Blaquière doit consacrer à « AUGUSTE DE PALEVILLE, GENTILHOMME, PEINTRE ET PHOTOGRAPHE » qu'il commence à bien connaître, à force d'études ...

Auguste de Paleville ne se comprend bien - m'écrivait Yves Blaquière le 3 octobre 1984 - que si l'on scrute les lendemains du Saint-Simonisme à Soréze (et Castres). C'est pour cela que je me suis tellement arrêté, dans mon exposé de Castres, cette année, sur l’Ecole de Soréze.
Ai-je su me faire entendre ? (...) Mais le courant de pensée « républicain » ou « socialiste » (aucune de ces expressions ne convient tout-à fait ! car les mêmes mots ont pris une coloration différente depuis...), disons, peut-être, plutôt «progressiste» - a trouvé à Soréze depuis 1825 environ, à la fois un lieu de réflexion et de diffusion tout à fait étonnant. En particulier : Castres, Mazamet, Castelnaudary, Montauban, Toulouse, Rodez... et même Montpellier ont été irrigués par ce courant. Et je me suis souvent interrogé (mais ce n'est qu'une «possibilité » que je n'ai pas cherché à étudier) sur le lien qui pourrait exister entre le «phénomène Jaurès » et le terrain lentement préparé tout au long du siècle dernier par des gens intelligents et généreux qui ont eu le tort - si on peut dire - de poser certaines questions un peu trop tôt. (..)
 Les problèmes soulevés aussi bien par Gustave de Bouffard - le Castrais - que par Auguste de Paleville - le Sorèzien - méritent d'être étudiés avec soin et sans précipitation (...).

1  

 

Mais, personnellement, c'est dès à présent que je veux consigner en ces pages ce que j'ai pu recueillir, à Castres, au sujet de ce M. de Paleville qui fixa mon attention en tant que peintre ayant exercé ses talents en Pays Castrais au XIXème siècle.

A. de Paleville aurait été l'élève d'H. Sieurac selon un catalogue du musée de Lisle-sur-Tarn et/ou élève de M. Leygues selon un catalogue d'exposition à Toulouse en 1885. S'il est possible que notre jeune homme ait rencontré Eugène Leygues, né à Toulouse en 1813 et élève de Delacroix, il est difficile d'imaginer qu'il ait pu être l'élève de quelqu'un de son âge ; sans doute furent-ils, l'un et l'autre, gens qui parlèrent et échangèrent, à Toulouse, et comme E. Leygues était le plus expérimenté, A. de Paleville put-il en recueillir des conseils et indications dont il eut à se dire redevable. Quant à Sieurac, il me semble que le catalogue de Lisle-sur-Tarn lance son lecteur sur une mauvaise piste en citant H. (Henri) Sieurac, Henri Sieurac ayant été effectivement un peintre connu, mais un parisien et beaucoup plus jeune qu'Auguste puisque, à Paris né en 1823 et mort en 1863.

 En fait, avant de connaître E. Leygue à Toulouse, peut-être (et sans doute lors d'une exposition ou l'un et l'autre exposaient), Auguste de Paleville fut vraisemblablement l'élève, à Soréze - peut-être bien en la fameuse Ecole même - de François-Joseph-Juste Sieurac, peintre né à Cadix ( de parents français) en 1781 et précisément mort à Soréze vers 1832 (2) . Comme ce peintre-professeur exposant au Salon National de 1810 à 1827, était un spécialiste de la peinture de miniature et un adepte de la lithographie nouvellement née (donc, localement, un peintre d'avant-garde), on comprend qu'Auguste de Paleville ait lithographié moult personnages et paysages soréziens. (3) .
Auguste de Paleville aurait lui-même, selon certaines sources, enseigné le dessin à l'Ecole de Soréze. Rien de moins sûr. Frère Raphaël Lamolle, archiviste de cette Ecole célèbre, écrivit, le 22 janvier 1975, à mon ami Henri Maynard - l'érudit de Lisle-sur-Tarn que – « rien ne prouve ce professorat d'Auguste de Paleville ».

Exécuté par Auguste de Paleville, j'aurai personnellement vu, à ce jour :

  1. 18 lithographies (de quelque 23 x 40 cm) constituant, avec des souvenirs rédigés, un album intitulé SOUVENIRS DE Soréze par A. de Paleville, ancien élève de l'Ecole de Soréze. Les lithographies ayant été réalisées chez Rivière, à Toulouse. Comme 1857 est la date la plus récente qui soit écrite dans l'ouvrage et comme, dans l'ouvrage, il est question du Père Lacordaire encore vivant (décès en 1861), on peut dater l'album de « environ 1860 ».

 Un exemplaire de l'ouvrage fut offert par l'auteur à la Bibliothèque de Castres où il est toujours conservé. Les planches lithographiques représentent l'Ecole de Soréze, des écoliers en uniforme, mais aussi des paysages du Sorèzois : Vue générale du Pays; Durfort; Gouffre de Malamor; Bassin de Saint-Ferréol; Bassin de lampy; Soréze; Clocher de Soréze...
Ce « Clocher de Soréze » et la « Vue générale du Pays » existent teintés (bleu dans le haut et brun dans le bas).

2 Portrait lithographié
 du PERE LACORDAIRE

 

- Portrait lithographié du PERE LACORDAIRE (d'après quel croquis ? d'après quelle photo ? croquis ou photo de A. de Paleville ?).
 En 15 x 12, la petite lithographie ouvre, complète et illustre une plaquette de vers de quelque 14 pages, « Dernière pensée du Père Lacordaire » par Edmond PY, « professeur et marchand à Soréze » (imprimé à Toulouse chez la Veuve Sens et Paul Savy (en 1862 ?).
- Portrait, peint à l'huile, de CHARLES SERY, notaire à Castres à partir de 1864. Portrait ovale de quelque 50 cm de hauteur, qui se trouve toujours dans la famille Sérv en 1984 ; signé vers le bas à droite et daté 1870.
- Portrait, peint à l'huile, d'un aïeul du docteur-historien Pierre Chabbert (4). Tableau ovale de quelque 75 cm de haut, signé vers le bas et daté 1876.

Selon des catalogues, la plupart étudiés en la Bibliothèque de Toulouse, Auguste de Paleville exposa selon l'état donné ci-dessous. Mais il exposa vraisemblablement davantage :

• en juin 1845, à l'Exposition des Beaux-arts et de l'Industrie, galerie du Capitole à Toulouse, en tant qu'amateur à Soréze-Tarn... n° 177 : « Deux enfants jouant avec une tourterelle » (huile).
• du 25 avril au 10 juin 1866, à l'Exposition des Beaux-arts sise à Albi :« n° 140 à n° 145 : six paysages ». Dans un Rapport, imprimé chez Papailhiau à Albi en 1867, Louis Desazars écrivit : «  M. A. de Paleville a exposé six paysages des environs de Soréze, où il habite. Certains manquent de pittoresque. D'autres pèchent par le dessin ou la couleur. Et tous sont plus étudiés que réussis. C'est pourquoi le jury ne leur a accordé qu'un Mention Honorable ».
• en 1879, à une grande exposition des Beaux-arts et de l'Industrie sise à Castres :« huit tableaux à l'huile : Portrait de Melle J. ; Pifferari à Soréze ; Paysage : envi­rons de Lampy ; Paysage : Le Roc Tremblant ; Paysage : environ d'Alzau ; Paysage : Après l'orage ; et deux autres paysages non précisés.
La « Revue du Tarn » commenta ainsi : A. de Paleville aime l'art. Il le cultive avec passion dans sa retraite de Soréze, uniquement par goût et sachant ainsi se créer une distraction que d'autres cherchent en vain dans les ennuis d'une vie oisive. Son portrait de Melle J. est finement peint, bien dessiné et naturellement posé. Un compliment à cet excellent amateur. Et une observation : évitez de peindre
vos portraits en pleine lumière...

  3  
Pifferari
 
  BUVEUR, photographié par A. de Paleville     « PIFFERARI » , photographiés par A. de Paleville    

 

Cette dernière observation de la revue tarnaise me fait émettre l'hypothèse qu'Auguste de Paleville pouvait peindre d'après des photographies qu'il savait si bien réussir - à en juger d'après celles que montra M. Blaquière -, photos précisément remarquables par des effets d'éclairages savants.

En tous cas, la Ville de Castres acheta, pour son musée, l'un des tableau exposés. Et ce tableau était ainsi décrit par Adalbert Chamayou, Conservateur, dans la 4è édition (en 1911) du Catalogue du Musée de Castres : n° 106,

VUE DANS LE SIDOBRE, paysage„ Un chemin au milieu des rochers avec des chèvres broutant sur les tertres. A gauche, échappée de vue sur la plaine de Castres.

Signé : DE PALEVILLE. Hauteur : 0.45 m; larg. : 0.7 m. Acquis par la Ville en 1879.

• en 1885, à l'Exposition de l'Union Artistique de Toulouse :...né à Soréze, élève de M. Leygues. (domicilié) à Cintegabelle - Haute-Garonne : N° 215, Après l'orage. N° 216, Dans la Montagne Noire. Peintures à l'huile.

• en 1886, à l'Exposition de l'Union Artistique de Toulouse : N° 235, Vue d'Albo (huile) ; N° 236, Vue de Terraqueuse (huile).

Le local « Echo du Tarn » publia, dans sa livraison du 10 juin 1886 : SALON TOULOUSAIN (...) Les exposants appartiennent généralement à la région du Sud-ouest.
Voici ce que la « VOLONTÉ NATIONALE » dit au sujet de diverses toiles dues à nos compatriotes MM. Valette (5) et de Paleville.

M. Valette est un vétéran (..)
Combien différente est la manière de M. de Pale­ville! Ses deux petits tableaux procèdent des miniaturistes hollandais. Ils représentent d'une façon toute conventionnelle deux sites de l'admirable parc de la Terraqueuse, qui a inspiré si souvent les crayons de Joseph Latour et tenté même quelquefois sa palette. C'est joli à l'œil. C'est travaillé. C'est consciencieux. Mais ce n'est pas la nature.

• en 1887, lors d'une Exposition internationale à Toulouse : N° 341, Après l'Orage (huile). Le catalogue portait, au crayon, l'indication du prix de vente du tableau : 150 francs.
• en juin 1894, il participa à l'exposition castraise, industrielle et artistique. Et « le Courrier du Tarn » commenta, dans sa livraison du 24 juin : M. de Paleville est presque des nôtres et nous lui devons d'admirer un beau portrait de jeune fille qui rappelle les madones de Murillo, et la franche et joviale physionomie de M. C. Portrait qui lui vaudra une médaille d'or de l'Exposition, dans la catégorie « Peinture à l'huile : Histoire et portrait ».

Je crois me souvenir que M. Blaquière précisa qu' Auguste de Paleville avait photographié toutes ses œuvres dessinées ou peintes, dans le but d'établir un catalogue raisonné de son œuvre plastique. Cela puisse-t-il être vrai ! et être mis à la disposition des historiens.
Par ailleurs, j'ai lu dans un n° de 1896 de la « Revue du Tarn » qu'Auguste de Paleville, de Cuq-Toulza, a obtenu une Mention Honorable pour ses Poésies en langue d'oc Concours des Jeux Floraux du Languedoc. Ainsi, notre homme était aussi un poète versificateur.
Et en 1896, Auguste de Paleville vivait donc encore à l' âge de 82 ans. Mais qui sait quand et où mourut homme qui, à coups d'idées formulées, d'actes, de dessins, de peintures, de photographies, de poèmes, remplit si bien sa vie ?

 

 

Un apparté sur la famille de Paleville : Isidore Terson de Paleville (1821 - 1884) par Maurice Poitevin

 

  1. Voir dans « Sud-Tarn Tribune » n° 19 (mars 1979) le résumé d'une autre conférence dont M. Blaquière fit profiter la Société Culturelle du Pays Castrais, le 30 janvier 1979, à propos de Rites et traditions en Sorézois.

(2) Consulter le Dictionnaire de tous les peintres, sculpteurs, etc...par Bénézit (édition de 1976).
(3) En fait, les deux peintres Sieurac étaient le père, François, le professeur de Soréze, dont l'église de Bourg Saint Bernard conserve des peintures traitant des évangélistes et de Saint-Bernard Prêchant - et, Henri l'un de trois fils. (lettre de J. Fabre de Massaguel à G-L. Marchal ; 4 oct. 1984).
(4) Au sujet de Pierre Chabbert, voir « Sud-Tarn Tribune » n° 42­43 (1981) qui lui fut consacré.
(5) A propos de Charles Valette, voir« Sud-Tarn Tribune » n° 42­43 (1981), n° 44-45 (1981) et n° 64-65 (1983).

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