MAURENS

 

 

Titulature : Notre-Dame de l'Assomption.

118 habitants en 1982.

143 habitants en 1990.

Occitan : 1377 Maurencs, d'origine wisigothique, Moro, Maurinagus ou Maurus, suivi du suffixe germanique ing qui deviendra ens en occitan.

 

 

HISTORIQUE

Le territoire de « Maurens se situe à l'extrémité ouest du canton de Revel, à peine en retrait de la route reliant Toulouse à Revel. Il s'étend sur la cuesta* de Saint-Félix longue de 10 km. Une voie gallo-romaine a été reconnue par l'abbé Baccrabère et le village se localise, aujourd'hui, au sommet d'un petit mamelon.

 

 L'étude du plan cadastral napoléonien fait apparaître un déplacement de l'habitat. Au Moyen Âge, la concentration des habitations se trouvait autour de l'église, en contrebas du coteau. La construction du village actuel sur le mamelon est beaucoup plus récente.

Au XIIe siècle, Maurens constituait une seigneurie appartenant à la famille RIGAUD DE VAUDREILLE, dans la baronnie de Beauville. Elle en fut détachée au XIVe siècle par les Comtes de Caraman et Saint-Félix, à l'époque de PIERRE DUÈZE. » (S.M.)

 

Le consulat de Maurens qui comprenait quatre consuls est cité pour la première fois en 1384 dans la levée d'un subside royal. Un prieuré dépendant de l'abbaye Saint-Sernin de Toulouse, aurait existé.

Cependant, il ne figure pas dans la liste des paroisses de cette abbaye.

 

L'église de Maurens, dédiée à Sainte Marie, est mentionnée dans la bulle du pape JEAN XXII lorsqu'il restructure la province épiscopale de Narbonne en 1317. On la retrouve dans le registre du Gouvernement des Églises, toujours au diocèse de Toulouse en 1538.

 

Les guerres de Religion lui furent funestes : Pierre CASSE, marchand de Maurens, 5o ans, dit que « fin février dernier les ennemis passant en Lauragais mirent le feu à l'église du lieu Maurens et maison presbytérale lesquelles furent entièrement bruslées et consommées, n'y estant rien demeuré que les murailhes, pilhèrent les cloches et ornements, et joyeaulx de l'église, et n'y laissèrent rien, comme il dit sçavoir pour l'avoir veu. Peyre Casse ».

 

Déposition du i4 mai 15 70, confirmée par celle de Pierre CÉLARIÉ de BEAUVILLE qui spécifie « les cloches prinses et emportées ».

 

Les registres ont été brûlés pendant la guerre. On sait qu'en 1597 l'église est dédiée à Notre-Dame. Il reste quatre murs et trois chapelles.

 

Le procès-verbal de la visite du 6 octobre de la même année signale qu'on a bâti depuis huit ans une chapelle au dedans du fort - un château existait à Maurens - avec un bel autel garni de trois nappes. Il est portatif. Mais, il n'y a pas de Sainte Réserve, ni de fonts baptismaux : on baptise dans le bénitier !

Dans le procès-verbal de la visite pastorale du i3 septembre 1700, il est dit que le collateur* et le décimateur* est le chantre du chapitre de Saint-Sernin de Toulouse. L'église est jugée en mauvais état

•      carrelage et lambris sont à réparer ;

•      la chapelle de Notre-Dame du Rosaire et les deux autres chapelles sont aussi à réparer.

En 1738, la titulature devient Notre-Dame de l'Assomption.

Dans le procès-verbal de la nouvelle visite, on remarque que l'église n'est point voûtée et que le couvert a besoin de réparations. Il existe une confrérie Notre-Dame du Rosaire.

Quatre années plus tard, une autre procès-verbal de visite signale que :

•      il n'y a point de chaire à prêcher ;

•      dans la chapelle des fonts baptismaux, le tableau du baptême du Christ est très abîmé ;

• il existe trois chapelles :

Notre-Dame du Rosaire - Notre-Dame de Pitié -

la chapelle des fonts baptismaux.

 

Cependant, le 29 août 1742, JEAN-BAPTISTE DARGUEL, prêtre et chanoine de Saint-Sernin, observe que :

•      le tabernacle est doré et doublé, bien fermé ;

•      la lampe brûle quand il y a la Sainte-Réserve ;

•      le curé réside ;

•      il y a messe et vêpres chaque dimanche ;

•      le curé visite les malades et administre les derniers sacrements ;

•      les registres sont en ordre ;

•      deux cents paroissiens et cent soixante communiants ;

 

•   le sanctuaire est bien couvert, sans gouttière ;

•   les murailles sont solides mais ont besoin d'être repeintes ;

•   le maître-autel est en bon état ;

•   les fonts baptismaux sont clos, etc.

 

En 1782, il y a trois cents communiants, les habitations sont éparses, la maison presbytérale est éloignée de l'église. Les chemins y sont si mauvais que la communauté a cru devoir céder au curé un petit oratoire depuis longtemps abandonné pour qu'il puisse y dire la messe les jours ouvrables, avec la permission de M. le Supérieur. Il n'est donné aucune précision sur la dite communauté... Le même rapport stipule cependant que le service de la paroisse ne demanderait pas que le curé eut un cheval...

 

Mais, c'est au siècle suivant que l'histoire de l'église de Maurens révèle de profonds bouleversements.

 

En 1840, un jeune prêtre de 31 ans, JEAN-PIERRE RAVARY, est nommé curé de Maurens (et Juzes).

 

« Il constate qu'au lieu d'un temple digne de Dieu, il ne trou­ve qu'une vieille masure qu'il comparait souvent à la pauvre étable de Bethléem ; au lieu de trouver un presbytère convenable, il ne trouve qu'une chaumière. Il décide de reconstruire lui­même une église.

Il se procure un traité d'archéologie pour apprendre l'art de construire les édifices religieux. Il se fait terrassier, extracteur de pierre, sculpteur et artiste peintre.

Il taillera seul toutes les pierres ; puis aidé de quelques ouvriers qu'il a choisis, il creuse les fondations et élève les murs de pierre.

 Il mettra 25 ans pour arriver au terme de son ouvrage. Il se fait mosaïste et peintre. Il va à Toulouse consulter les ouvriers mosaïstes du Capitole.

 Il visite toutes les églises de la ville où se trouvent quelques mosaïques.

Après avoir ramassé, dans la campagne, une myriade de petits cailloux, il décore les marches du maître-autel, les autels des chapelles, le porche d'entrée et le parvis occidental.

Il se mit ensuite à faire des tableaux que ne désapprouveraient pas des peintres distingués.

Il avait installé, dans son modeste presbytère, une forge et filait lui-même le lin pour ses nappes d'autel et les linges sacrés.

Il choisissait grain par grain le froment destiné aux hosties qu'il fabriquait lui-même. » (extraits du livre de l'abbé Cussac).

 

 

 

 

L'œuvre de l'abbé RAVARY fut terminée en 1863.

 Il est indéniable qu'il a réutilisé de nombreuses pierres de l'ancienne église.

 

L'abbé RAVARY est enterré au milieu du cimetière. Le caveau des curés de la paroisse porte cette inscription :

 

 

 

Pierre Ravary
Curé de 1840 à 1896
Bâtisseur d'église
Bienfaiteur de la paroisse

 

 

 

Au début de l'année 1959, le curé de Maurens, l'abbé RAYNAUD, conscient des graves détériorations de l'église, prend conseil auprès de la Commission diocésaine d'Art Sacré, laquelle juge le « monument intéressant ». L'édifice est lézardé, le mur sud est complètement décollé par rapport aux murs de refend qui séparent les chapelles. Il semble qu'on se trouve devant un phénomène de glissement de terrain.

 

Les argiles et les marnes sur lesquelles reposent les constructions s'imprègnent d'eau !

Commencent alors de nombreuses visites, correspondances, tractations, expertises qui s'accompagnent - hélas - de graves difficultés et discordes entre les autorités civiles, religieuses et la population.

En 1966, experts et même radiesthésistes constatent que l'église est bâtie sur une nappe d'eau située à 5 ou 6 mètres de profondeur et qui descend du mamelon où le village est installé. La nappe s'étend sur 24 mètres avec un jet de source de 8 000 à 9 000 litres par heure et rejoint un ruisseau à 50 mètres.

 

Le nombre de lézardes est passé de 22 en 1959 à 45 en I965, celui des fissures de 14 à 91.

Pour faire « bouger » la situation, l'abbé RAYNAUD propose un « référendum populaire aux baptisés », à bulletin secret, afin de déterminer si :

. on ferme l'église, en mettant à l'abri les objets du culte et en transférant le service à un autre endroit, à Juzes par exemple ;

. on met à l'abri les objets, qui ne sont pas indispensables au culte, et on continue d'utiliser l'église malgré les risques grandissants.

 

Il propose que les deniers du Culte et de l' Eglise soient suspendus, que la gratuité des services soit assurée afin d'inciter les paroissiens - selon leurs moyens - à participer aux frais de réparation, en gage de leur attachement à l'église

 qu'ont bâtie leurs ancêtres. En effet, on a gravé sous le porche :

 

 

LAS BOUNOS GENS D'AQUESTO PAROCHIO QUE LEVOUM BLAT ET MIL AN FAYT AQUESTO GLEYSO AMBÉ LOURS ALMOYNAS 

 

 

« Les braves gens de cette paroisse qui cultivent le blé et le mais ont fait cette église grâce à leurs aumônes »

 

Sans oublier l'œuvre plus récente effectuée par l'abbé RAVARY.

 

Le 18 juin 1979, le porche de l'église fut inscrit sur la liste supplémentaire des Monuments Historiques... et, dans les années 1980, les travaux purent enfin commencer, avec la participation de la municipalité, du Conseil général et, autant qu'ils le purent, des paroissiens.

 

Ceux-ci furent conviés par l'abbé RAYNAUD, approuvé par la Commission diocésaine d'Art Sacré, à garder chez eux les objets de culte et les statues « à condition que ce soit pour des motifs de respect et de foi ».

Ceci ne fut pas toujours compris par tous les habitants et l'abbé RAYNAUD eut beaucoup à souffrir des réactions, souvent démesurées, des chrétiens de Maurens.

 

 

DESCRIPTION



 

EXTERIEUR

 

 

L'église de Maurens est située en contrebas du village, dans un enclos de laurières, où une statue de la Vierge a été placée non loin du monument aux morts.

 

A l'ouest, sous les tilleuls, se trouve une croix de fer forgé sur un haut piédestal. La maison presbytérale, de construction récente, dans le type de l'habitat du Lauragais est en prolongement de l'église.

 

Le cimetière, qui entoure le chevet de l'église, est entièrement clôturé par un mur en alignement avec les laurières de l'enclos de l'église. Aux angles nord et est du mur, deux croix de type discoïdal ont été dressées. Il s'agit de remploi de pierres tombales du XVIIIe siècle.

 

Au centre du cimetière, se trouve le grand caveau de sépulture des curés du village et des membres de leur famille.

Le chevet est à trois pans contrebutés de quatre contreforts. Les ouvertures, au nombre de trois, sans ébrasement, sont serties de briques plates. Au nord et au sud, deux fenêtres à lancettes* ouvrent également dans le chœur.

Deux petites constructions ont été placées entre les contreforts. Celle du sud, est éclairée par deux oculi, celle du nord par une fenêtre en lancette*. Il s'agit de deux sacristies, qui devaient, à l'origine, communiquer par un passage entourant le chevet. Visiblement, cette partie a été supprimée.

Dans la partie occidentale, un mur pignon est surmonté d'une croix de pierre. Il est contrebuté par deux puissants contreforts.

Le portail est en arc brisé* et l'archivolte est sans décor, ni sculpture ; un simple tore retombe sur les piédroits à colonnette engagée dans une gorge. Il est surmonté d'un grand oculus, très ébrasé et garni d'un vitrail à dessins géométriques. Une pierre encastrée porte le nom des curés de la paroisse, dont l'abbé Ravary.

Sur le devant du parvis, des restes de mosaïques du curé ­bâtisseur, sont encore visibles.

Le clocher-porche est placé à la partie occidentale du mur nord

 

Le porche, profond, est voûté de nervures avec liernes et tiercerons. L'archivolte est à quatre voussures qui retombent sur quatre colonnettes surmontées de petits chapiteaux décorés de végétaux. Il est inscrit sur la liste supplémentaire des Monuments Historiques

 

 

Une statue de la Vierge à l'Enfant, en bois, du XVIIe siècle, restaurée en 1954, est placée dans une niche au-dessus de la porte d'entrée.

Le porche est surmonté d'un haut clocher-mur triangulaire avec une croix de pierre. De part et d'autre, s'élève une tourelle octogonale terminée par une flèche de pierre garnie à la base d'une balustrade de type gothique flamboyant  (arcs à rempla­ge, fleurons et crochets).

Les trois baies du clocher sont en arc brisé* et abritent trois cloches.

Au-dessus du porche, se trouve une inscription : 

  

D.O.M.

Ste Marie VIN

In coelo Assum

Paroec Maurens

1850 

 

 

Du côté méridional, trois fenêtres en arc brisé*, légèrement ébrasées vers l'extérieur, éclairent la nef, au-dessus des chapelles.

L'archivolte est décorée d'un mince tore retombant sur une colonnette surmontée de petits chapiteaux à végétaux. Au-dessus de chaque fenêtre, des pierres de remploi ont été encastrées. Elles représentent, de gauche à droite :

•   un motif décoratif que l'on retrouve à l'intérieur sur un chapiteau, ainsi qu'à la porte d'entrée ;

• une couronne de laurier entourant le monogramme du Christ : I.H.S.

L'alpha et l'oméga sont disposés de part et d'autre. La date de 1521, est celle de la construction de l'église, par les paroissiens ;

•   une tiare avec les deux clés croisées.

 

Entre les fenêtres de la 2e et 3e travées, une niche au linteau en accolade, fait aussi partie des matériaux de remploi.

Au nord, la porte d'entrée de la sacristie est sans doute toujours restée en place.

Elle est surmontée d'un lourd linteau de granit, en accolade, dont les arcs sont décorés de très beaux motifs végétaux sculptés retombant le long de la partie supérieure des piédroits. Sur le linteau, au centre, se trouve un disque sculpté d'une croix pattée, entouré de l'alpha et de l'oméga.

Surmontant le linteau, la date de 1876 indique le travail de l'abbé RAVARY qui avait aussi placé deux autres remplois :

. une pierre sculptée d'un candélabre avec un vase et un plat

              . une pierre d'ouverture quadrilobée inscrite dans un cercle.

 

Le toit de l'église, en bâtière*, est recouvert de tuiles canal. Il en est de même de la couverture des chapelles latérales construites en appentis.

 

Sous une génoise, court tout au long de l'église, un décor de pierre festonné. 

 

 

La nef unique est à quatre travées. Elle est flanquée de chapelles latérales : trois au sud et deux au nord.

 

Chaque travée est couverte d'une voûte quatripartite avec clef de voûtes*, sans décor.

 Les ogives et les doubleaux" retombent sur des colonnes circulaires engagées surmontées d'un tailloir.

Les chapelles sont voûtées sur croisée d'ogives* retombant sur des culs-de-lampe, dont l'un, dans la troisième chapelle sud, est décoré d'une coquille saint Jacques.

Les chapelles possèdent toutes des autels de pierre sculptée et la marche d'accès à l'autel est décorée des mosaïques de l'abbé RAVARY.

La première chapelle, au sud, est réservée aux fonts baptismaux : il s'agit d'une grande cuve de marbre blanc, reposant sur une colonne également en marbre. La chapelle est fermée par une grille de bois. Au-dessus, se trouve un tableau représentant le Christ avec les deux disciples d'Emmaüs.

Au fond de l'église, la première travée est occupée par une tribune supportée par deux forts piliers. La balustrade est en bois tourné. L'accès se fait par un escalier à vis dont la rampe de bois est travaillée.

On pénètre dans le chœur par un arc triomphal dont les colonnes sont cannelées.

Le chœur à cinq pans est voûté sur croisée d'ogives'` avec clé de voûte décorée d'acanthes. Elles retombent sur des colonnes engagées surmontées de chapiteaux de type dorique.

Tous les tableaux de l'église de Maurens sont l'œuvre de l'abbé RAVARY ; ils représentent :

•      la Fuite en Egypte, dans la chapelle dédiée à Jeanne d'Arc ;

•      une descente de croix, dans la troisième chapelle méridionale ;

•      saint Vincent de Paul ;

•      l'Adoration des Mages, face à la chapelle des fonts baptismaux.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

ACAS, documents non numérotés.

ADHG, 1 G 577.

Cussac abbé.

Malary (S.), 37-38.

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