Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                             -                             Société de Recherches Spéléo-Archéologiques du Sorézois et du Revélois

 

LE SITE MINIER ET METALLURGIQUE DU CALEL

(Soréze – Tarn)

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Le plateau du Causse et le complexe souterrain Jean Antoine CLOS situés près de la ville de Soréze développent plus de 7000 m de galeries souterraines, qui descendent au sein de la montagne à une profondeur de 130 à 150 m.

Cet ensemble souterrain comprend plusieurs grandes cavités, il s’agit du Traouc del Calel ( grotte du Calel) – la résurgence de la Fendeille – le gouffre de Polyphème et de nombreuses autres cavités).
Depuis la fin du XVIII° s., une abondante littérature démontre l’intérêt porté à cette zone (curiosité naturelle, intérêt spéléologique – karstologique – géologique – hydrologique – biologique – etc..).

En 1966 et 1973, les spéléologues de la Société de Recherches Spéléo Archéologiques du Sorèzois et du Revèlois allaient découvrir des vestiges archéologiques dans la grotte du Calel,

 
et apportaient les preuves matérielles que le site avait aussi un grand intérêt archéologique.

Une équipe pluridisciplinaire (Rouzaud F. – Mauduit E. – Calvet J.P.) fut mise en place par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (Service Régional de l’Archéologie) et la Société de Recherches Spéléo Archéologiques du Sorèzois et du Revèlois.

Des fouilles programmées eurent lieu de 1989 à 1995, dans le cadre du programme national HO3 (mines et métallurgie) et P 38000 (relevés d’art pariétal).



       Il s’agit d’un ensemble minier et métallurgique homogène datant du moyen âge , mis en valeur par les fouilles et prospections récentes (1989 – 1995) des zones regroupant le versant de la Fendeille – le plateau du Causse – le complexe souterrain Jean Antoine Clos – et la vallée de l’Orival (fours de réduction de minerai – charbonnières – chemins).
       Ce site archéologique est unique en France de par son importance – sa rareté – et de par le nombre de vestiges découverts et relevés.


 

LE MINERAI

 

UN SITE REMARQUABLE :
Quatre classements protègent ce site archéologique majeur :

- classement monument historique
- classement au titre des sites paysagers

- classement en zone d’intérêt écologique pour la faune et la flore
- zone «Natura 2000 »

    Un projet de valorisation a débuté : panneaux explicatifs – table d’orientation – tables et bancs…

   Des concentrations ferrifères sous forme d’hydroxydes de fer – de goethite dominante) existent dans la masse calcaire du plateau du Causse de Soréze ( BRIOVERIEN – GEORGIEN sup. ACADIEN inf. – le calcaire est daté de 540 millions d’années). Ces formations sont inexistantes ou rares sur les plateaux calcaires voisins.

  

   Le fer existe sous deux gîtologies principales :
sous forme de strates dans l’encaissant
à l’intérieur d’argiles rouges sous forme de nodules et de concrétions d’hydroxydes.
La première forme sera exploitée sous forme de véritable travail de mine en attaquant l’encaissant, la seconde sous forme de collecte et de triage en surface (dans les dépressions, dolines) et en milieu souterrain ( dans le sédiment meuble des cavités) .

 

EN MILIEU SOUTERRAIN

   En creusant ces « dolines », les médiévaux ont souvent rencontré des cavités , et c’est tout naturellement qu’elles ont été pénétrées, prospectées et exploitées.
   La presque totalité des cavités (plus de 20) ont été explorées et chacune d’entre elle renferme de nombreuse traces d’exploitation.
   La plus importante , la grotte du Calel a été visitée sur plus de 5000m et jusqu’à la profondeur de 130 m… un petit exploit sportif et de courage pour l’époque.

   Nous n’avons jamais entendu dire qu’à cette époque et en milieu souterrain, l’homme était allé si loin et si profondément en cavité naturelle.

LES TRACES ARCHEOLOGIQUES

ET LES AMENAGEMENTS SOUTERRAINS
 


Les axes logistiques comportent des aménagements qui facilitent le cheminement (escaliers, passerelles). Il existe aussi des terrasses aménagées, des aires de repos avec foyer.
Certains escaliers sont réalisés avec des blocs de calcaire, d’autres sont directement taillés dans l’argile et devaient obligatoirement être souvent « rafraîchis ».
Des aménagements en bois (poutres, planchers fait en rondins) ont été utilisés pour l’armature d’ouvrages d’art (ponts – passerelles - planchers).
Les seules traces qui subsistent sont les empreintes laissées dans l’argile.
Des troncs d’arbres dont le diamètre varie de 10 à 15 cm ont parfois servi d’échafaudage pour atteindre les filons situés en hauteur ou pour rejoindre des réseaux supérieurs.

 

 

Les jonctions artificielles ont permis de relier des unités productives.
Ainsi un tunnel de plus de 20 m de longueur a été creusé dans le sédiment entre le réseau de la Colonne et le réseau Pierre Marie . La démonstration est ainsi faite que nos mineurs avaient des connaissances (rudimentaires peut être - mais efficaces) en topographie et en … sédimentologie .
Plusieurs dizaines de murs d’argile ont été construits, certains barrant parfois les conduits. La fonctionnalité de ces murs n’est pas clairement définie ( limitation de zones, déblais de stériles, réduction du calibrage des galeries pour provoquer une ventilation ?)

 

Aucun outil n’a été découvert. Par contre les traces laissées sur les parois permettent de connaître la méthode d’exploitation ( herminette, pics, burins, tige en bois pour le sondage).
Des travaux d’évacuation de l’eau sont visibles à plusieurs endroits. La roche a parfois été attaquée pour creuser une rigole. Des retenues d’eau par contre ont pu permettre de laver les déblais.

 

L’HABILLAGE

      Dans un milieu aussi hostile et obscur que le monde souterrain,
l’homme du moyen âge a du s’adapter et vaincre sa peur du domaine souterrain (certaines hypothèses développent l’idée que parallèlement à la religion « officielle » perduraient dans nos campagnes des rites hérités de nos lointains ancêtres celtes – de l’âge du bronze ou du néolithique… les cultes chthoniens ayant trait à des divinités souterraines bien ou malfaisantes).

 

Un foyer aménagé à la confluence de plusieurs galeries
    

 

 Le froid et l’humidité ( 11 à 13 ° - plus de 95% d’humidité relative) devaient leur poser des contraintes. Des traces dans l’argile apportent la preuve qu’ils portaient des tissus grossiers (genre toile de jute) et qu’ils devaient être pieds nus, des foyers et des espaces aménagés devaient leur apporter un - certain- réconfort.

 

L’ECLAIRAGE

 

Les mouchures de torche

 

Les traces matérielles de l’éclairage nous sont fournies par :
des mouchures de torches sur les parois
une importante quantité de charbons de bois sur le sol et dans le sédiment remanié
la découverte de torches dans leur intégralité (en mauvais état de conservation)
des lampes à huile frustes (taillées dans un tesson concave de poterie avec plage charbonnée
plus de 10 poteries intactes déposées à même le sol dans le Calel devaient contenir de l’huile ou de la graisse d’éclairage

Poterie servant au transport de la graisse d'éclairage

 

des aménagements sur parois pour lampes à huile (paroi creusée ou motte d’argile collée)

L’éclairage avec les torches ne se faisait que dans les grands volumes (à cause de la fumée dégagée ainsi que le besoin d’éclairer plus loin) , les lampes à huile servaient dans les zones de production plus restreintes (parfois juste la place pour un enfant)

 

Une gangue calcaire reste après la disparition du "barreau" de bois permettant l'ascencion ou la dexcente plus facilement

 

 

CARACTERISTIQUES DE L’EXPLOITATION SOUTERRAINE

    Les techniques d’exploitation ont été parfaitement adaptées au milieu selon les moyens de l’époque, on constate une limitation volontaire des moyens mis en œuvre.
Il est frappant de constater qu’au Calel, l’extraction du minerai cesse quand un vrai travail de mine devrait commencer.

En effet, dès qu’un effort est demandé pour suivre et exploiter la minéralisation, le mineur renonce à aller plus loin. Les techniques par abattage au feu existaient à cette époque, elles n’ont pas été utilisées.

 

Le minerai en place n'a pas été récupéré, sitôt qu'un vrai travail de mine devait se faire, les "prospecteurs" arrêtaient l'extraction.

Le filon est resté en place

 

  Il semblerait, malgré une évidente intense activité, que l’exploitation a pu se faire dans un cadre familial, épisodiquement lorsque le travail des champs le permettait (plutôt l’hiver ?). L’organisation ne devait pas être très stricte, car souvent des exploitations ont été refaites sur des zones stériles. Certaines zones exploitées n’ont pas du être productives (situées en dehors de failles).

 

QUI ETAIENT LES MINEURS ?

 


Etaient ils les habitants du « Castrum de Brunichellis » (Berniquaut) ou de Soréze ?
  Etaient ils dirigés par le seigneur de Roquefort ou par l’Abbaye de Soréze, ou les deux à la fois ?
Aucun texte n’a été retrouvé sur cette activité minière. Ce que nous savons par contre c’est qu’à l’entrée du Calel est sculpté un blason à la croix occitane (tardif certainement).

Des adultes ont travaillé sur ce site, mais aussi des enfants. Ils devaient avoir 6 à 8 ans (traces de pieds nus dans l’argile évoquant une pointure de 33

 

 environ). Ces enfants ont pu travailler dans les conduits les plus exigus de la grotte. Certains dessins (voir paragraphe suivant) ont une facture manifestement infantile. Les dessins d’homme effectués de nos jours par des enfants de 5 à 7 ans ressemblent beaucoup à ces dessins n’ayant par exemple qu’une tête et des jambes, les bras sortant directement de la tête, le corps étant absent !
Dans une grotte, un squelette a été retrouvé en position allongée sur le dos, au bas d’un puits de plusieurs mètres. Il devait s’agir d’un mineur prospecteur qui est allé jusqu’au fond de la grotte et à fait une chute mortelle lors de son retour. Le corps n’a jamais été récupéré, ses compagnons n’ont jamais pu savoir le drame qui s’ est déroulé sous le plateau.

 

LES TRAVAUX MINIERS EN SURFACE

 

     Les observations effectuées sur plusieurs années, nous laissent à penser que les mineurs médiévaux ont d’abord prospecté et exploité le ravin de la Fendeille à partir de la rive droite de l’Orival.

     La surface du plateau du Causse a ensuite été parcourue jusqu’au niveau du thalweg d’Aigo Pesado, les dépressions naturelles seront vidées du sédiment, laissant des traces visibles de nos jours .

      Les photos aériennes montrent l’énorme travail des mineurs : des dizaines d’excavations souvent groupées en chapelets selon deux à trois lignes directrices.

 

A proximité des « trous » les témoignages de l’évacuation des déblais : des monticules en relief parfois imposants.
   Des centaines de m3 de sédiments ont été exploités.

 

LES DESSINS – GRAVURES et GRAFFITI

 

Les œuvres sont gravées ou dessinées en noir, probablement au charbon de bois.
Elles sont situées pour la plupart en des points remarquables du réseau : entrée de galerie, aires dont l’aménagement a été plus particulièrement soigné, ou à proximité de difficultés de progression.
   De très fortes corrélations existent entre la localisation de l’extraction minière et la décoration pariétale.

 

 La préoccupation des auteurs des œuvres pourrait donc être d’ordre topographique ou toponymique.
Deux sortes de thèmes s’individualisent :

 Les signes (une trentaine) suggérant des rouelles , des rayonnements, des grilles, des arbalétiformes.
     Les dessins sont le plus souvent des anthropomorphes, certains sont évolués (exemple « le mineur ») d’autres très schématisés (voir dessins reproduits).

 

L’ACTIVITE METALLURGIQUE

 

    Des ateliers de transformation de minerai existaient à proximité du site (sur les deux versants de l’Orival). Cela impliquait une importante déforestation, la mise en place de plates-formes de production de charbon de bois, un réseau de chemin pour emmener le minerai, une main d’œuvre spécialisée.       Les prospections de terrains ont permis de retrouver une partie de l’ensemble métallurgique (four de réduction avec scories – anciens chemins – zone de charbonnage qui a perduré jusqu’au début du XX° siècle).

Résidu de mâchefer  

  Un ferrier sur le coté du chemin

Le chemin rouvert par l'ONF pour le débardage a éventré le coté d'un four datant de l'extraction du fer dans le calel

 

 

 plateforme de charbonnage sur le versant de Malcoustat

 

LA DATATION

Six datations au carbone 14 ont permis de dater le site. Cinq dates s’échelonnent entre 921 et 1261 avec un recouvrement maximum sur la période comprise entre 1050 et 1150 (analyse du charbon de bois du Calel).
La sixième date radiocarbone précise la date du ferrier découvert et situé sur la rive gauche de l’Orival (four de réduction du minerai) : 991 – 1189.
L’ étude et la datation des céramiques découvertes dans le Calel correspondent bien à cette période.
Le plus vieux texte mentionnant le Calel date de 1508, mais il ne fait aucune mention de l’activité minière.

CONCLUSION

    Les données internes de l’exploitation ne permettent pas, à elles seules, d’inscrire de façon précise le site minier et métallurgique dans le contexte historique de peuplement du piémont septentrional de la Montagne Noire et dans le réseau des échanges économiques régionaux au Moyen Age central.
    La production métallurgique paraît avoir été de nature à satisfaire les besoins en fer d’un terroir relativement limité pendant une période n’excédant pas le siècle. Aussi ne serait-ce pas solliciter outre mesure les données de terrain que d’établir une relation, au moins chronologique, entre les activités minières du Calel et le développement de l’habitat groupé autour de l’abbaye bénédictine de Soréze et du castrum de Berniquaut aux XIe-XIIe siècles.
     Faisant partie de notre patrimoine dans le cadre du triptyque ABBAYE de SOREZE – CALEL – BERNIQUAUT, une politique de valorisation du site a commencé (panneaux explicatifs – table d’orientation – aménagement de l’espace), elle doit se prolonger par la valorisation du site de Berniquaut…

 

 

 

Référencesbibliographiques

CALVET J.P. – 1978 – Découvertes de signes et de blason sur paroi dans la grotte du Calel. Bull. Féd. Tarnaise de Spéléo Archéologie
CALVET J.P. – 1988 – Inventaire spéléologique du Tarn. CDS Tarn – Conseil Général du Tarn.
CALVET J.P. – 1993 – Note sur les lampes à huile découvertes dans les différents réseaux de la grotte du Calel (Soréze – Tarn.) . Bull ; de l’Entente Spéléo de Dourgne Revel Soréze, pp. 6 - 7
 

GRATTE L. – 1988 – Chroniques d’une caverne en Languedoc "Le traouc del Calel à Soréze"
TELECHARGEMENT DU FICHIER FORMAT PDF DU LIVRE DE M. GRATTE

 

MAUDUIT E _ 1994 – Le site du Calel. Mémoire de maîtrise, université de Toulouse Le Mirail.
ROUZAUD F., MAUDUIT E., CALVET J.P. – 1994 – L’art pariétal médiéval de la grotte mine du Calel. I.N.O.R.A, lettre internationale d’information sur l’art rupestre , n°9
ROUZAUD F., MAUDUIT E., CALVET J.P. – 1989 à 1995 – Bilan scientifique du service régional de l’ archéologie . DRAC Midi Pyrénées
ROUZAUD F., MAUDUIT E., CALVET J.P. – 1997 –
La grotte mine médiévale du Calel à Soréze.

Proceeding of the 12th International Congress of Speleology. Switzerland. International Union of Speleology.

 

LE CALEL ET LES EXPOSITIONS :
PANNEAUX REALISES POUR LE CONGRES SPELEOLOGIQUE DE CARMAUX AVRIL 2008

LES RAPPORTS DE RECHERCHES SUR LE SITE DU CALEL ANNEE

- 1990 - 1993/1995 - 1994 - 1997 -

Rapport S.R.A. 2014 - Réseau Pierre-Marie - Grotte du Calel - Tarn

Un récit de sortie à la grotte du Calel en 1901 par la Société d'Etude scientifiques de l'Aude (pages 13 à 17)

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