Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                     PARU DANS  LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE NUMERO 12 - 2006 -

 

LE CALVAIRE D'AGUTS

d'après Nadine et Roger Jullia


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Dans la commune d’ AGUTS, proche de Revel, à la fin du XIX ème siècle fut créé un spectaculaire calvaire, toujours en place à l’heure actuelle. Nos collaborateurs, aidés par un récit anonyme de l’époque, on voulu restituer l’atmosphère de ferveur religieuse qui, dans un lieu assez isolé, la « montagne » de  LITRONE , permit l’édification de ce symbole de la foi catholique. Les rapprochements avec des évènements historiques locaux, fort anciens (guerre des Albigeois) sous-tendent cette action en faveur de la croix chrétienne.

 

 

 

 

Aguts avant la création du Calvaire.

 

La commune d’Aguts, dans le département du Tarn et dans l’actuel diocèse d’Albi , est située sur le chemin de grande communication 45 de Lavaur à Revel  par Cuq-Toulza .

 

Le territoire communal est ondulé de coteaux plus ou moins élevés qui dominent la vaste plaine de Revel et arrosé de plusieurs petits ruisseaux.

 En 1869, peu de temps avant les  évènements qui sont présentés dans cet article , la population était de 581 habitants

 ( 1 ) population surtout agricole, qui vivait dans le calme  d’une riche contrée  et qui à la fin du XIX ème siècle, semblait profondément catholique.

 

 L’église paroissiale est remarquable avec son sanctuaire en hémicycle, son élégant clocher, ses vitraux, ses peintures dues à l’habile pinceau de Mr Robert de Toulouse.

 Elle offre à l’œil une richesse de décors de meilleurs goût. Comme deux gardes d’honneur, deux châteaux dominent la région : celui d’Aguts et celui de Montgey.

 Celui d’Aguts à l’architecture du XVIIème siècle , fut habité pendant sa jeunesse par Léontine de Villeneuve , qui en littérature porte le nom de « l’occitanienne » qui lui fut donné par le grand Chateaubriand , au soir de sa vie , dans ses fameux « Mémoires d’outre tombe » ( 2 ) . Au pied du château de Montgey et de sa fière colline reposent les corps de six mille volontaires allemands croisés.

 

 Ils furent massacrés dans une embuscade en avril 1211, lors de la guerre des Albigeois par les troupes de Roger Bernard, fils du comte de Foix, l’allié du comte de Toulouse, Raymond  VI et Gérard de Pépieux, fameux et cruel guerrier, seigneur de Minervois  pendant qu’ils se rendaient à Lavaur pour grossir l’armée de Simon de Montfort ( 3 ).

 

 Au mois de novembre 1878, Mr Mauriès étant curé d’Aguts, le R.Père Bonaventure du tiers ordre régulier de Saint François d’Assise, qui prêchait une mission dans la paroisse, eut la pensée de perpétuer le souvenir de ce massacre des croisés, en érigeant sur le mamelon de Litrone, une croix monumentale ( 4 ).

 

 On amena du fond des Pyrénées, deux énormes chênes mesurant 16 mètres de longueur et 50 centimètres d’équarrissage.

 L’érection de la croix eut lieu au mois de janvier 1879. On n’oubliera jamais à Aguts le bel entrain avec lequel hommes et femmes, enfants et vieillards, portaient sur leurs têtes les matériaux pour les emmener jusqu’au sommet de la colline, alors qu’il était impossible de les transporter autrement.

 

Le Calvaire.

 

C’est à Mr Fargues, nouveau curé d’Aguts, que fut réservé l’honneur d’édifier le vrai calvaire. Le 28 avril 1884 le R. Père Bonaventure, pèlerin de Jérusalem qui remplaçait M de Gineste, curé de Blan, parti pour les lieux saints, organisa avec les croisés de la pénitence, un grand pèlerinage à la croix d’Aguts.

calvaire-AgutsToutes les paroisses voisines, Poudis, Saint Sernin, Péchaudier, Montgey, Auvezines, sous la direction de leurs pasteurs (prêtres) vinrent grossir le noyau des paroissiens de Blan. On estime à deux ou trois mille le nombre de pèlerins, sous les plis de cinquante bannières qui pénétrèrent dans l’église d’Aguts harangués par le R.P. Bonaventure.

 Ils furent emmenés en bon ordre jusqu'à la cime de la « montagne » de Litrone, où chacun baisa très religieusement le pied de la croix.

Mr Le curé Fargues fait son rapport à Monseigneur l’Archevêque d’Albi le 27 septembre 1888. En présence de cette manifestation toute spontanée, il sentit qu’il y avait quelque chose de plus à faire. Et un an plus tard, le 12 avril 1889, une relique de la vraie croix est scellée dans la croix principale, et deux autres croix en fonte étaient bénites au milieu d’un grand concours de peuple et de nombreux clergés.

Un ministre protestant, témoin de la scène, célèbre cette seconde manifestation dans un espèce d’hymne où il reconnaît la magnificence du culte catholique.

Il résume le discours du missionnaire prononcé dans l’église d’Aguts et avoue que la croix est le phare lumineux du monde.

 

La chapelle du calvaire.

 

 

A mesure que croissait le cortège des pèlerins, le curé Fargues comprenait que ce calvaire demandait un abri pour la célébration du sacrifice de la croix.

Mais le relief de la Litrone posait problème.

Et cependant l’obstination du curé d’Aguts devait permettre la réalisation de cette chapelle Romane de vingt mètres, qui forme la quatorzième station  avec la mise au tombeau de Notre Seigneur.

La scène se compose d’un grand autel qui domine un groupe de huit personnages en pierre sculptée en ronde bosse et de grandeur naturelle. Le christ est déposé dans son sépulcre par Nicodème et Joseph d’Arimathie, avec au milieu d’eux la Sainte vierge soutenue par Marie Cléophée et  Marie Salomé.

Sur le même plan se trouvent Marie Madeleine portant le vase des parfums et Saint Jean tenant la couronne d’épines.

Puis sur un arrière-plan se dresse la figure radieuse de notre Seigneur Jésus Christ sortant triomphant du tombeau grand ouvert.

 A ses pieds un garde est renversé, tandis que deux anges assis de chaque coté, semblent indiquer aux passants que la mort n’est plus là. Cette mise au tombeau est l’œuvre de Michel Colomb qui la conçût l’exécuta pour en faire hommage à l’abbaye de Solesmes, au quinzième siècle.

 Mais la mort l’ayant surpris en cours d’exécution, le sujet fut repris et terminé par un artiste venu d’Italie avec Charles VIII. La résurrection est empruntée au Carrache et exécutée par le ciseau habile du sculpteur Toulousain Mr Moulins. Des mêmes ateliers est le grand autel extérieur qui doit supporter la croix et un autre de moindre dimension surmonté du squelette d’Adam destiné à la grotte au-dessous de la croix, cela en rapport avec la tradition que le premier père de l’humanité aurait été enseveli sur le Golgotha. De l’autre côté, en face du tombeau on trouve une grotte destinée à recevoir le groupe de la compassion. Enfin quatre escaliers différents conduisent chacun par quinze degrés au plateau supérieur qui forme le sommet culminant du calvaire avec la grande croix et les deux croix des larrons « La croix de Paris » se faisait l’écho de cette description, soulignant le théâtre grandiose de la scène et que de tous les calvaires celui d’Aguts était celui qui avait le plus de rapport avec Jérusalem.

 Le 27 septembre 1888, le calvaire d’Aguts fut inauguré par Mgr Fonteneau archevêque d’Albi, en présence d’une grande foule , avec un sermon du curé Fargues et la réponse de Mgr Fonteneau : « je suis heureux , surtout que vous ayez la croix comme un avant poste sacré aux frontières de mon diocèse.

 Désormais quand on viendra de Toulouse on la saluera en passant  comme le drapeau et rempart de l’Albigeois.

 « Je ne suis pas prophète ni fils de prophète, mais je vous prédis que ce sanctuaire que je viens de bénir deviendra un pèlerinage célèbre dont vous serez le chef» .

 

Le chemin de la croix.

 

L’œuvre du calvaire d’Aguts grandissait peu à peu. Le 3 mai 1889, Mr Rouffiac, chanoine, Supérieur du petit séminaire de Castres, bénissait au nom de Monseigneur l’Archevêque d’Albi une cloche. morale-Bossuet

Mr Montels curé de Saint Sernin faisait un sermon, expliquant la symbolique de prière des harmonies naissant de cette croix toute faite. Mr Viguier de Poudis avait cédé la quantité de terrain nécessaire pour la construction de la chapelle, Mme de la Pöeze céda pareillement ce qu’il fallait pour l’érection de la croix. Nouvelle manifestation le 21 septembre 1889, où vingt paroisses accouraient avec leurs curés respectifs. Prés de trois mille pèlerins y participaient portant sur leurs poitrines une croix frappée à l’effigie du calvaire d’Aguts et avec à leur tête l’Archevêque d’Albi qui conduisait cette armée pacifique.

Après une communion générale, le curé d’Aguts prit la parole en ces termes : « de tous les triomphes de la foi chrétienne, le plus étonnant sans contredit le triomphe de la croix dressée au sommet du calvaire il y a dix huit siècles comme un objet d’ignominie, la croix a, selon la parole de Jésus Christ même, attiré tout à elle … jour d’impérissable mémoire dont un chemin de croix sur cette colline va perpétuer le souvenir ! »

Douze grandes familles du pays, au nom de leurs paroisses et sur l’invitation de Mrs les curés, vont marquer chaque station en attendant que des âmes grandes de générosité nous permettent par les offrandes d’élever des chapelles où seront reproduits les scènes de la passion.

Monseigneur félicita M.Fargues d’avoir su concevoir et exécuter une si vaste entreprise.  Puis le cortège redescend en bon ordre les lacets de la colline larges de 7 mètres et accompagné de Monseigneur l’Archevêque  qui procède à la bénédiction de chaque croix, à mesure qu’elles sont dupées. Remonté au sommet Monseigneur félicite la multitude et lui recommande le projet de M. le curé d’Aguts d’élever à la place indiquée par chaque croix une chapelle et un autel. Joignant de reste l’exemple au précepte le prélat souscrit immédiatement pour une somme de 500frs .La cérémonie du soir ne fut pas moins touchante que celle du matin. A 2 heures tous les pèlerins épars se rassemblent à l’église paroissiale, s’orga-nisent en procession et se dirigent vers la sainte colline qu’ils gravissent en faisant  le chemin de la croix. A chaque station le R.P Dom Romain de l’ordre des bénédictins entouré d’une quarantaine de prêtres développait les mystères de la croix. La bénédiction du Très Saint Sacrement couronna cette magnifique journée et nous redescendîmes tous de la colline de Litrone.

Concession de la croix de Jérusalem

 

L’Archevêque d’Albi, enthousiasme pour l’œuvre du calvaire conseillé au curé d’Aguts d’aller plus avant : « il faut demander aux Révérends Pères de l’Assomption une croix de Jérusalem» «Mais Monseigneur , fait respectueusement observer M.Fargues, il n’y a que les grands sanctuaires comme Montmartre, Lourdes, Paray qui ont eu cet honneur et nous, nous ne sommes que d’hier » « N’importe prenons rangs » M. Labonne, vicaire général, au nom de l’Archevêque adresse une demande aux Révérends Pères de l’Assomption. Réponse lui est fournie  l’informant que bien que venant la treizième par ordre d’inscription, satisfaction lui était accordée . Cela tenait du miracle!

 

La croix sur le bateau de Jérusalem.

 

La croix donnée par la famille Belcastel fut reçue par Monseigneur l’Archevêque de Marseille, puis arborée sur le navire « le Poitou », elle protège la traversée des pèlerins voguant vers la terre Sainte. Puis elle est triomphalement portée dans les rues de Jérusalem pour le chemin de croix solennel aux stations marquées par la tradition de l’évangile. Trois fois les prêtres et les évêques présents à Jérusalem  pour le congrès Eucharistique la portent autour du Saint Sépulcre.Ce n’est qu’après avoir été ainsi sanctifiée par le plus Saint des pèlerinages que la croix nous était remise. La presse s’émut de ces honneurs faits aux pays : le Révérend Père Dom Romain, prieur des  bénédictins d’ En Calcat  adressa tous ses remerciements à « la Croix de Paris » qui la première avait annoncé la fabuleuse nouvelle.

Une réunion des anciens de Jérusalem à la cathédrale de Castres, sous la présidence de Mgr l’Archevêque d’Albi prépare les esprits à la remise de la croix au Calvaire d’Aguts. Puis son éminence ordonna un triduum de prières dans toutes les églises et sollicita des fidèles des dons pour le calvaire.

 

La réception de la croix à Albi.

 

Nous empruntons à la « Semaine religieuse » le récit qu’en fait l’abbé Boissière, Mgr l’Archevêque avait convoqué personnellement tous les prêtres présents à la retraite pastorale. Et toutes les communautés religieuses ainsi que toutes les associations ou confréries d’Albi avaient été convoquées par le chanoine Pauthe, maître de cérémonies. ( 5 ) Un grand lit de parade avait été dressé au milieu de la cour de la gare ou reposait la grande croix de Jérusalem. Le clergé en habit de chœur et croix en tête s’était rassemblé sur la grande place Sainte Cécile à partir de deux heures, où se trouvaient déjà réunis les fidèles.calvaire2

Mgr l’Archevêque vénéra et baisa la croix. Puis une escouade de prêtres, bientôt remplacés par d’autres s’est détaché des rangs pour prendre sur les épaules le précieux fardeau tandis que la procession continuait sa marche vers la cathédrale métropolitaine, accompagnée de chants conduits par le maître de chapelle, le chanoine Chaynes. L’entrée dans la grande nef de Sainte-Cécile fut particulièrement imposante avec la voix puissante de l’orgue et les cantiques de la foule, remplissant la profondeur des voûtes. Le chanoine Gillot prédicateur de la retraite rappelle un spectacle pareil à celui de ce jour s’était vu à Jérusalem quand Héraclès, vainqueur des perses, rapporta dans la ville Sainte le bois sacré de la Rédemption.

 Aujourd’hui le diocèse d’Albi reçoit l’arbre du salut, ce trophée de victoire qui vient de Jérusalem.

La croix de Jérusalem fut dressée sur un autel en face du Jubé et pendant quinze jours les pieux visiteurs se succèdent sans interruption en la vénérant lui demandant lumière et protection. Cette exaltation de la croix est comme la préparation de la fête qui doit se couronner au calvaire d’Aguts. Une dernière fois avant le départ pour Aguts où l’érection de la croix est fixé au 20 octobre, M Ferrié aumônier de l’hôpital de Castres fit retentir les cloches de la cathédrale Sainte Cécile d’un rythme émouvant à la croix et lui adressa un suprême adieu en des termes exaltés  « et maintenant, O croix sainte, toi que nous avons portée sur nos épaules dans Jérusalem, en suivant cette voie douloureuse où a chaque pas, nous croyons voir couler le sang du rédempteur, toi que nous avons portée dans les rues d’Albi transformée en un autre Jérusalem, O  croix si précieuse va élever tes bras glorieux sur ces hauteurs où t’a préparé une place ce prêtre pieux…de cette hauteur privilégiée d’Aguts , rayonne sur ce bien-aimé diocèse.

 

La croix à Revel.

 

Le lendemain lundi à 6 heures la croix faisait son entrée à Revel aux sons des cloches. La ville toute entière était là avec son clergé, accourue pour saluer la croix. Les pèlerins arrivaient de Toulouse, d’Albi, de Castres avec M. le curé Notre Dame de la Platé, tous les prêtres et les pèlerins prennent place dans les voitures et les tramways. La croix est déposée sur un char magnifiquement orné et conduit par de superbes chevaux gracieusement fournis par Monsieur Get , ancien maire de Revel ( 6 ).

Les chants retentissent de toutes parts alternant avec ceux des prêtres. Le vénérable pasteur de Vauré, avec une délégation de ses paroissiens, se présente en habit de chœur pour honorer la croix et la baiser. Partout ce sont des croix enguirlandées, des couronnes, des arcs de triomphe. Sur la route qui conduits à Aguts, Garrevaques, Montgey, Auvezines nous est offert le même spectacle,avec la foule des pèlerins qu’amènent tous les sentiers, toutes les avenues.

 

Érection de la croix au calvaire d’Aguts

 

Monseigneur l’archevêque arrivé depuis la veille apparaît, entouré de tous les prêtres et laïques marquants de la contrée formant une foule enthousiaste. La croix apparaît. L’heure de la messe a sonné. Monseigneur, accompagné de M. Labonne, son vicaire général, gravit la sainte colline et célèbre les Saints Mystères dans la chapelle du tombeau. Tous les autels sont pris pour la sainte messe. Le chanoine Chaynes maître de chapelle, fait exécuter les chants. Le R.P Claussade distribue la communion à la grotte d’Adam. Après la cérémonie du matin la foule se répand ça et là pour prendre sa place, deux tables de deux cents couverts sont dressées dans le jardin du presbytère, présidées par Monseigneur. La fanfare de Puylaurens vient jouer une aubade et vers la fin du repas Monsieur le curé d’Aguts adresse un pieux hymne à la croix qui fut reproduite dans la « Semaine religieuse » d’Albi le 7 octobre 1893 et dont nous donnons ici quelques passages : « toujours la croix et par la croix de Jésus-christ… Tel est aussi notre cri d’espérance, à nous chrétiens, venus ici planter le signe triomphateur. A Montmartre, à Lourdes, à Paray nous avons vu la croix rendre hommage au miracle. A Aguts rien de semblable. La croix nous apparaît seule avec toute l’austérité du calvaire planté à la jonction de trois diocèses , sur la terre de luttes religieuses et arrosée du sang de six mille croisés immolés pour la foi, la croix règnera en souveraine . Merci à ces vaillants d’Israël, les pères de l’Assomption de nous avoir confié la garde de la croix. Merci à vous gardiens du sanctuaire, nobles pèlerins d’Albigeois. « Vive la croix ! »

Monseigneur a répondu qu’il remerciait Monsieur le curé de tout ce qu’il venait de rappeler, mais qu’il faisait des réserves sur un point : « vous dites qu’il n’y a pas de miracles ici » « Et qu’est-ce autre chose qu’un miracle ce que vous avez fait ici et tout ce que nous voyons aujourd’hui ? Voilà bien des miracles ou je ne m’y entends pas».

C’était deux heures, la procession s’organise. Un groupe de jeunes gens et d’hommes s’empare de la croix, déposée le matin auprès de l’église et la monte d’un pas léger et plein d’entrain au sommet du calvaire.

La croix est aussitôt dressée et acclamée. Le R.P Romain dans un langage élevé et plein de logique nous présente la France entièrement formée par la croix.

 La bénédiction du Saint Sacrement a terminé cette magnifique journée.

 

Réunion des conscrits et messe de départ.

 

    

Dans la fondation du pèlerinage au calvaire d’Aguts, M. Fargues n’a pas omis son ambition à développer la grande dévotion au mystère de la croix. Mais il a voulu encourager à la pratique du bien sous toutes ses formes.

C’est ainsi que tous les ans, Monsieur le curé d’Aguts convoque au calvaire les jeunes conscrits de dix à douze paroisses pour la messe du départ, le dimanche qui précède l’appel sous les drapeaux.

Voici son discours d’inauguration de la première de ces réunions d’un nouveau genre. « Mes chers amis, au moment de quitter vos foyers pour vous enrôler sous les drapeaux il paru bon …de vous appeler sur ce calvaire, pour vous y préparer au noble mais au rude métier des armes. Si jusqu’ici vous n’avez connu de la vie que la joyeuse indépendance, aujourd’hui s’ouvre devant vous cette école de respect et d’obéissance, mise sous la sauvegarde d’une sévère discipline qui vous imposera des sacrifices de chaque jour et de tous les instants. Interrogez ces compagnons d’un autre âge. Ils vous diront tous que la vie d’un soldats est une vie toute faite d’abnégation et d’obéissance, c’est la mort à soi même devant la consigne et le devoir. Eh bien, le plus parfait modèle de cette vie de lutte d’immolation, c’est Jésus-christ … Messieurs il n’y a plus le monde à sauver  mais il y a la patrie …Les petits et les faibles se reposent tranquilles que parce qu’ils vous savent là, sentinelles vigilantes, l’arme au bras, prêts à partir au premier signal du danger.

Arrière donc toute coupable lâcheté née de calculs égoïstes ou de basses passions !en haut les cœurs ! La vertu seule fait le soldat courageux et s’il le faut pour l’honneur et pour dieu soldats sachez mourir : la mort c’est le triomphe … c’est pourquoi, en face de cet armement formidable, universel, qui nous présage un nouveau calvaire, nous avons voulu, pour respecter les liens qui nous unissent au prêtre et pour vous encourager au sacrifice, vous montrer Jésus et Marie montant au calvaire, pour le salut du monde.

 Un registre sera ouvert pour recueillir le nom de tous ceux, soldats et parents qui, confiants dans la prière, voudront s’enrôler sous l’étendard de la croix, désormais notre guide, notre soutien et notre unique espérance. Levez-vous jeunes conscrits et pleins d’une Sainte ardeur allez prendre rang parmi les défenseurs de la patrie , aussi : «  Vive Dieu, vive la France ». Quelques jours plus tard M. le curé recevait un billet de félicitations du colonel Caze et un de Monsieur G. Belcastel. Et voilà un bon nombre d’années que cette réunion a lieu avec le même cérémonial.

 Tous prennent place dans le sanctuaire : au milieu les jeunes conscrits venus pour implorer le discours d’enfants ; à droite les derniers libérés, pour remercier Dieu de leurs heureux retours ; à gauche les plus jeunes de demain pour s’encourager et s’édifier à la présence de leurs frères. La messe est servie par deux jeunes conscrits. L’allocution est quelques fois prononcée par un des confrères voisins : les curés de Mouzens, d’Auvezines, de Saint Sernin.

 Des croix à l’effigie du calvaire sont offertes par M. le curé aux jeunes conscrits qui sont du coup créés chevaliers de la croix.

 

 Alors dans une des grandes salles du presbytère, tous rangés autour d’une même table, prennent part à de fraternelle agapes que président M.le curé et celui de ses confrères venu pour la circonstance.

 Puisse la France voir revivre les beaux jours de foi ou le sentiment de la patrie joint à l’amour de dieu enfantait les héros et gagnait les batailles !

 

Réunion au calvaire d’Aguts 7 mars 1887

 

Le calvaire de Litrone étant le fruit du pèlerinage de pénitence aux Saints lieux, M. le curé d’Aguts convoqua sur la sainte colline les anciens pèlerins de la terre sainte. Le 7 mars 1887, malgré la rigueur de la saison, les vaillants fils des croisés accouraient de Castres, de Lavaur, de Revel, de toutes les parties du Toulousain et de l’Albigeois, sous la conduite de M . Belcastel, le châtelain de Montgey et du R.Père Antoine Capueiu. M. Fargues, souhaita la bienvenue aux pèlerins de Jérusalem : « O Calvaire d’Aguts tu ne fais que naître et ton nom est aujourd’hui célèbre .Les premiers hommages que tu reçois te viennent des pèlerins de Jérusalem, et semblent refléter les grandes figures du grand sacrifice dit là voici 18 siècles, votre présence dans ce saint lieu est le cri de ralliement des anciens croisés: Dieu le veut , allons à Jérusalem ! Soyez donc les bienvenus et merci d’avoir cette terre bénie pour lieu de votre réunion. Puissions-nous mériter de vous revoir tous les ans, toujours plus nombreux, c’est le vœu de mon cœur ». Des comptes rendus de cette journée au sommet de Litrone figurèrent dans la « Semaine religieuse et dans le Pèlerin », dans sa « promenade à travers le monde des nouvelles ».

 

Réunion à la cathédrale de Castres.

 

Les pèlerins de Jérusalem sont de nouveau convoqués le 9 mars 1893 à la cathédrale de Castres, sous la présidence de Monseigneur l’Archevêque. Plus de cent prennent part à la cérémonie, toutes les communautés religieuses se sont faites représenter. Le séminaire en corps précède le cortège. La messe est célébrée par M. Arnail vicaire général. Les élèves du petit séminaire exécutent les chants liturgiques, ainsi que les filles de la persévérance sous l’habile direction de Melle Marcoul. M. Fargues conduit son auditoire tour à tour à Alexandrie, au Caire, au Soudan (Hélouân) au Carmel, à Nazareth, à Tibériade, Thabon, à Naim. Il fait traverser la  Sumarie, les monts de Géollë, Naplouse, visiter le puits de la Samaritaine, admirer le mont Garizim, faire notre entré à Jérusalem et baiser la pierre du Saint Sépulcre, passer la nuit à la grotte de l’agonie et  au saint Sépulcre. Puis c’est Béthanie, Bethlehem et Saint-Jean dans le désert. Compte-rendu de M. l’abbé Gautramol, vicaire de la Platé dans la « Semaine religieuse ». Le supérieur du séminaire invite à un repas dans les salles de cet établissement et à une représentation théâtrale jouée par les élèves.

 

Fleurs et fruits du calvaire.

Pèlerinages au calvaire d’Aguts.

 

Les sœurs de Puylaurens, révérente mère en tête inaugurent ces pèlerinages.

En mai, le curé de Montgey, avec les sœurs de St Dominique et les enfants de l’école pour la préparation de la 1ère communion, puis le curé d’Auvezines et ses jeunes communiants.

Les vicaires de Revel et les frères des écoles chrétiennes.

Les vicaires de Vauré et de Couffinal conduisent les communiants au lendemain de leur première communion avec parents et amis.

Les enfants et élèves de Saint Stapin, sous la conduite de leur curé et de leurs maîtres.

Le plus nombreux pèlerinage : le curé doyen de Cadix, avec de nombreux confrères ; les sœurs de Saint Joseph de Tarbes et leurs élèves, des filles de Jésus et les filles de Poudis et leurs meilleures élèves.

 

Grâces temporelles.

 

Un terrible fléau se déclare dans la paroisse de Péchoursy et menace toute la contrée. Les docteurs sont mandés d’Auriac, de Cuq Toulza, de Lavaur. Le mal est grave et frappe trois victimes en cinq jours, une quatrième victime est menacée, à qui on fait les apprêts de la mort. Tout le pays est en émoi. Des ordres émanés de haut lieu et qu’exécutent ponctuellement les autorités locales prescrivent la destruction par le feu de tout ce qui de près ou de loin a touché aux malades. Monsieur le curé d’Aguts invite ses ouailles en deuil à une procession au chemin de la croix de Litrone. Dieu exauça ses fidèles serviteurs : le fléau ne fit plus de victimes.

Alors qu’un prêtre de grand mérite gémit de voir tomber son église en ruine et que ses difficultés multiples se dressent devant lui, il fait le vœu d’allez au pied du calvaire d’Aguts réciter la passion de Saint Mathieu. Quand tous les espoirs semblent perdus, une lettre annonçant que l’on va relever les murs et les pièces signées lui arrive.

 

Grâces spirituelles.

 

Une  jeune personne, présente à une des grandes cérémonies du calvaire se sent saisie par la grâce. Montée au calvaire en simple spectatrice, elle en redescendit fille de Carmel.

Une pieuse mère, visitée par le malheur conserve une couronne et un cœur d’argent où sont inscrits ses pieux désirs à la croix du calvaire.

Programmes des fêtes annuelles.

 

Le 3 mai et le 14 septembre, les deux fêtes seront célébrées pendant huit jours avec messes, baisement de la relique de la sainte croix, ascension des lacets de la colline pour faire le chemin de croix.

 

 

Renseignements

 

On arrive à Aguts par Revel ou l’on trouve des voitures à volonté. Revel est une charmante petite ville du département de la Haute Garonne et une station importante de chemin de fer sur la ligne de Castres à Castelnaudary. C’est là qu’on descend pour se rendre à la vieille école de Sorêze et pour faire des excursions aux bassins de Lampy et de Saint Ferréol.

 

 

Nadine et Roger Jullia.

 

(1)Adolphe Joanne, Dictionnaire géographique de la France , 1869. Hachette éditeur.

(2)Léontine de Villeneuve, Comtesse de Cas-telbajac, Mémoires de l’Occitanienne, sou-venirs de famille et de jeunesse. Plon , 1927

(3)Sur cet épisode de la croisade des Albi-geois , Pierre et Sophie Bouyssou, les actuels propriétaires du château de Montgey, ont fait une étude objective et détaillée « le combat de Montgey », Revue du Tarn n° 86, été 1977.

(4)L’essentiel de la relation des évènements ici décrits provient d’une brochure : (auteur anonyme) « Le calvaire d’Aguts (diocèse d’Al-bi), deuxième édition, 1894, Albi, imprimerie Henri Amalric, 14 rue de l’hôtel de ville, imprimatur Albice die 26 julii 1894, se vend au profit de l’œuvre ( du calvaire d’Aguts) prix vingt centimes . Dans ce document les pèlerins aux lieux Saints contemporains de l’érection de la croix d’Aguts sont qualifiés de « croisés », assimilés à leurs ancêtres des grandes croisades et aux croisés de la guerre des Albigeois , ce qui peut se comprendre dans un esprit profondément religieux , mais dans la perspective historique qui est la nôtre des nuances doivent être introduites. En particulier lors de la croisade des Albigeois, le chef des croisés, Simon de Montfort s’entoura de barons des provinces du nord et le conflit prit assez souvent l’aspect d’une lutte des Français (les croisés) contre des méridionaux (habitants des provinces du comte de Toulouse et de ses alliés).

(5) Le chanoine L.Pauthe, ancien aumônier du collège de Sorêze, esprit cultivé, est, outre le livre dont nous donnons la reproduction de la page de titre, l’auteur de nombreux ouvrages dont un « Lacordaire » édité par la librairie Victor Lecoffre, Paris, 1911, « Mademoiselle Eugénie de Guérin », ainsi qu’un « Fénelon ». Il était lauréat de l’institut de France.

(6)  Monsieur Get, notable Revelois  à la tête de la fameuse distillerie Get, créatrice du Pipermint Get.

 

 

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