Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol PARU DANS LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE numero 4 - 1998 |
REVEL PENDANT LA REVOLUTION Par Pierre Espenon RETOUR ACCUEIL REVEL EN GENERAL - 1789-1799
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A la fin du XVIIIème siècle, sous l'effet conjugué des crises, financière, économique et politique, et de l'influence mobilisatrice des philosophes des Lumières, le royaume de France traverse une période de changements majeurs : de 1789 à 1799, réformes profondes, expériences politiques diverses, affrontements d'idées et d'hommes, guerres marquent la période révolutionnaire. Comme toute province française, le Languedoc est affecté par la Révolution et y apporte sa participation, et Revel présente nombre de situations intéressantes d'autant que la ville a fourni des acteurs parfois importants à l'épisode révolutionnaire. Les archives, nombreuses mais dispersées et lacunaires, n'autorisent pas une chronologie complète de cette période et celle-ci serait excessivement longue pour cet ouvrage, c'est pourquoi seront présentés ici quelques moments caractéristiques de la Révolution vécue à Revel et dans les environs immédiats.
Revel à la pointe des idées nouvelles
En août 1788, pressé de toutes parts à cause des graves désordres dans le royaume, Louis XVI a convoqué les Etats Généraux pour le 1er mai 1789 et cette réunion suppose le recensement des problèmes dans toutes les communautés du pays : dans chaque paroisse doit être rédigé un cahier de doléances (1) que les députés porteront à une assemblée de baillage ou de sénéchaussée, assemblée au cours de laquelle sera faite la synthèse des remarques (2). Alors que les lettres patentes du roi sont à peine arrivées et que l'intendant du Languedoc n'a pas encore fixé les dates et les modalités des élections des députés et de la rédaction des cahiers, le 14 janvier 1789, se déroule à Revel une assemblée importante et remarquable, d'abord par le nombre et la qualité des personnes réunies, ensuite par la nature des propos qui y sont formulés ; 168 personnes sont réunies et représentent les 3 Ordres de la ville de Revel et des communautés voisines (parmi lesquelles Vaudreuille, la Gardiolle, Garrevaques). L'assistance est tellement nombreuse que, la salle de l'Hôtel de ville étant trop petite, la réunion se tient dans le cloître des Dominicains, à l'angle de la place centrale.
Le contenu de la délibération est riche de passages qui montrent, outre l'attachement très vif à la personne du roi, l'influence des idées nouvelles issues de la philosophie des Lumières. Certes le premier Consul-Maire, M. Dirat, propose de choisir un président de séance dans un des deux premiers Ordres, l'égalité de droits n'étant pas encore dans les mœurs malgré le décret de Louis XVI qui a établi le doublement du Tiers (aux Etats Généraux, le Tiers-Etat aura autant de députés que Noblesse et Clergé réunis).
La présidence est confiée au Marquis de Vaudreuil qui déclare :« Messieurs, le génie populaire de Louis XII et Henri IV anime notre roi. Comme eux, père de ses sujets, Louis XVI veut leur assurer une constitution juste et durable ; (...) ; et plût à Dieu (...) que l'histoire pût dérober en même temps le tableau affligeant des maux qui nous accablent depuis près d'un siècle, mais qui auront préparé cette crise salutaire qui doit régénérer le royaume ».
Cette introduction souligne bien les problèmes qui ont justifié la convocation des Etats-Généraux ; chaque Ordre attend de celle-ci des changements positifs pour lui et c'est là l'origine d'un malentendu important entre les trois composantes de la société. Le marquis de Vaudreuil incarne-t-il dans ses propos le projet de réaction nobiliaire ? Il dit : « Louis XVI sera le restaurateur de ces mœurs, de ces coutumes que Louis IX respecta. » Plusieurs passages et son engagement ultérieur dans les réformes permettent de penser qu'il appartenait à la noblesse dite « éclairée »:«... il existe un abus qui frappe d'illégalité toutes les opérations des Etats du Languedoc ; en vain les anciens usages et les droits des trois Ordres, imprescriptibles par leur nature, s'opposaient à I`organisation actuelle de ces Etats (...) tous les ans la province reçoit des lois d'un corps qu'elle n'a jamais avoué pour son représentant (...) Notre but est le bonheur général. Ecartons toutes les distinctions particulières. »
Le premier Consul-Maire, M. Dirat, parle plus loin d'une « administration libre qui unit chaque citoyen aux Etats et qui force ces Etats à ne négliger les intérêts d'aucun citoyen » et rappelle que le conseil politique de Revel a réclamé le 30 novembre 1788 « un plus grand nombre de représentants pour le Tiers-Etat aux Etats-Généraux prochains. »
Plus loin s'exprime M. Derrenaudes, receveur des gabelles, étranger à la communauté, mais qui a été convié à l'assemblée et qui énonce des idées généreuses (c'est peut-être la raison de sa présence ici alors que la gabelle est un des plus vifs sujets de plaintes dans le royaume) :
«,,. d'après les sentiments dont j'ai fait hautement profession depuis que j'habite parmi vous, il m'était permis d'aspirer à faire corps avec les citoyens distingués par leur amour pour le bien et pour l'ordre nouveau, sur lequel reposera désormais le bonheur public (...) réformer les abus de tout genre par des lois rédigées et promulguées au milieu de son peuple, et enfin faire disparaître, autant que la constitution monarchique le permet, tous les privilèges humiliants et onéreux, vestige toujours subsistant du gouvernement féodal (...) renforcer autant qu'il est possible le pouvoir législatif de nos Etats-Généraux... ».
La nature des propos ci-dessus laisse penser que M. Derrenaudes imaginait un projet politique plus avancé puisqu'il sous-entend les limites de la constitution monarchique et qu'il attend que l'on confie aux Etats-Généraux un pouvoir législatif, ce qui n'est pas du tout prévu à l'origine et que seuls les libéraux envisagent. La preuve est fournie plus loin :
« ... Que l'Ordre nombreux du Tiers-Etat, sortant enfin d'une dépendance humiliante, va reprendre l'exercice des droits que lui donnent les travaux de toute espèce dans une Nation à la fois agricole et commerçante (...) il doit résulter de cette égalité dans les contributions la concorde, l'harmonie et tous les salutaires effets qui en découlent naturellement. »
A l'issue de ces délibérations, trois syndics furent élus, un pour chaque Ordre, et chargés de demander aux autres villes du diocèse de Lavaur (3) de tenir des assemblées sur le même thème ; ce fait souligne que, dans la région, Revel était donc une des premières à manifester cet élan réformateur.
Dans les semaines qui suivent cette assemblée, les textes règlementant les assemblées des différentes communautés parviennent dans celles-ci et Revel procède à l'élection des députés devant représenter la ville à Castelnaudary à partir du lundi 16 mars. Les trois Ordres sont très inégalement représentés, avec 4 députés pour le Tiers-Etat (dont le juge royal de la ville), 3 députés pour le clergé (dont le curé de Couffinal) et 6 députés pour la noblesse. De son côté la paroisse de Dreuilhe, indépendante de Revel, a délégué 3 députés, 2 pour le Tiers-Etat et 1 pour le clergé. Ces députés portent avec eux le ou les cahiers de doléances de Revel dont il ne reste malheureusement aucune trace aujourd'hui, comme la plupart des cahiers de la Haute-Garonne. Le 26 mars, la noblesse de la sénéchaussée du Lauragais achève son cahier de doléances et élit son député pour les Etats-Généraux de Versailles ; il s'agit du marquis de Vaudreuille. Le même jour le Tiers-Etat clôture ses opérations et élit comme députés MM. Martin Dauch (4) et de Guilhermy, ce dernier l'emportant devant M. Cailhasson de Calvairac, député de Revel.
Ouverture des états généraux
Alarmes à Revel et dans les environs
Durant le printemps 1789 aucun événement majeur ne vient troubler la ville de Revel dont le conseil politique s'occupe d'affaires ordinaires comme la « locaterie » du Pati Saint-Antoine en délibération du 11 juin au 19 juillet. Il est évident toutefois que les événements de Versailles et de Paris ne sont pas méconnus : Gustave Doumerc, dans son histoire de Revel, citait une lettre de M. Faure-Lajonquière évoquant des festivités importantes après le rappel de Necker et il datait ce courrier du 12 juillet. Cette date est sûrement erronée vu que Necker a été renvoyé le 11juillet (ce qui est une des causes du 14 juillet) et que le roi l'a rappelé le 16, les nouvelles de Paris mettant près de 6 jours pour parvenir en région toulousaine, il semble plus probable que la lettre ait été écrite le 22 juillet, soit une bonne semaine après la prise de la Bastille. Toujours est-il que ce soir-là musique, feu de joie et tirs de boîtes à feu animent la place centrale :
« ... les particuliers des couverts ont mis des chandelles à leurs fenêtres. Jugez par là, mon cher ami, si nous savons mettre un prix à la résistance que nos députés ont faite. »
Serment prêté dans le « Jeu de Paume » à Versailles
Par ailleurs Faure-Lajonquière écrit :
« cette idée que les Français sont enfin libres donne à mon cœur une énergie que le bien seul de ma patrie pouvait porter à ce point. »
Une grande liesse se manifeste donc au lendemain du 14 juillet, mais elle laisse vite place à de vives inquiétudes comme la période révolutionnaire va plusieurs fois en provoquer dans la ville et ses environs.
Le 2 août, à 1 heure de l'après-midi, le conseil est réuni pour des affaires ordinaires ; le registre de délibérations ne mentionne aucune particularité et signale la clôture de la séance. Ce même registre est rouvert à la même date, mais malheureusement sans mention de l'heure et note que l'on a assemblé toute la communauté (conseil) et tous les habitants de la paroisse dans l'église Notre Dame de Grâce, l'Hôtel de ville se trouvant insuffisant :
« ... A été proposé par M. Dirat, premier Consul-Maire, que plusieurs citoyens de cette ville ayant reçu des nouvelles qui paraissent nécessiter des précautions pour se préserver de l'irruption d'un grand nombre de brigands qui ravagent la plaine de Montauban, il serait à propos d'user du privilège accordé à la ville de Revel en 1773 par M. le Comte de Périgord, Commandant de la Province, de lever une troupe bourgeoise (5) pour veiller à la sûreté des habitants (...). Délibéré d'une commune voix, l'assemblée a adhéré avec acclamation à la nomination des officiers et leur a laissé le choix de nommer leurs lieutenants et bas officiers. »
Le 23 août, le secrétaire fait un bilan des événements :
« Le 3, assemblée pour former les compagnies bourgeoises, survint M. Blaquière la Tour, de Soréze, avec un autre exprès qui nous annoncèrent que les brigands étaient aux portes de Soréze et qu'on nous priait de vouloir leur donner du secours, on fit sonner le tocsin de la générale dans la ville (...) Dans le même instant cette fausse alarme fut répandue dans toute la contrée et je reçus plusieurs lettres de la part des consuls qui presque toutes s'accordaient à annoncer que les brigands étaient à une lieue de chez eux. Dans cet intervalle M. d'Arboussier, seigneur de Montégut vint à la-tête de tous ses vassaux armés, M. le Comte Philippe de Vaudreuil donna à cette occasion des marques sensibles de patriotisme étant à la tête de tous ses vassaux de Dreuilhe et Vaudreuil. » II note encore que des troupes étaient venues prêter main forte de La Pomarède, de Puginier, St-Papoul, Garrevaques, Gandels et autres. Tous ces événements font partie de ce que l'on appelle la Grande Peur, mouvement paysan d'une grande confusion succédant aux troubles parisiens de la première quinzaine de juillet ; comme à Revel, dans la majorité des cas les alarmes sont inutiles, les brigands étant illusoires, mais l'agitation est certaine.
Une autre alarme survient un an plus tard, alors que les premières réformes ont déjà été votées et que l'été a plutôt été marqué par une ambiance de concorde nationale avec la Fête de la Fédération, le 14 juillet, sur le Champ de Mars à Paris. Pourtant, dans la nuit du 19 septembre, la municipalité de Revel est avisée par deux lettres successives qu'il se prépare des événements graves dans la Montagne noire. La première lettre a été écrite en début de soirée par le procureur de Carcassonne qui a appris que des bandes de brigands armés se sont formées dans les forêts de la montagne et projettent de détruire les bassins de St-Ferréol et du Lampy ; jugeant que Revel est la ville la mieux située pour réagir, c'est elle qu'il alerte en premier et sa missive parvient peu après minuit à la municipalité réunie d'urgence. C'est alors que celle-ci reçoit, vers deux heures et demie du matin, une seconde lettre, émanant cette fois de la municipalité de Castelnaudary qui a aussi été informée par Carcassonne et a délégué deux gardes vers dix heures. La menace insurrectionnelle paraît très sérieuse et Revel appelle au secours les gardes nationales des VILLES_ET_VILLAGES voisins qui envoient plusieurs centaines d'hommes pour lesquels il faut trouver en très peu de temps des lieux d'hébergement et du ravitaillement. L'objectif déclaré de l'appel au secours était d'assurer la tranquillité publique et la libre circulation des grains. Comme durant la Grande Peur, la menace s'est avérée excessive par rapport à la réalité ; toutefois, l'information originelle comportait des éléments justes, puisque, si grandes troupes de brigands il n'y a pas eu, on a constaté des dégradations au Lampy et sur la Rigole de la Montagne. Cette folle nuit n'est pas restée sans suite, la présence de centaines de gardes nationaux ayant causé des désordres, voire des dégâts, et le commandant de la garde nationale de Revel a dû rendre des comptes devant la municipalité mécontente.
A plusieurs reprises des alertes surviendront par la suite et de nombreux courriers signaleront des « brigands » ou des « gens malfaisants », « risquant de porter préjudice à la chose publique » ; la période de la Terreur abonde en dénonciations de ce type.
Si la Révolution est souvent perçue comme une période d'agitation, de troubles et d'affrontements, elle est aussi une période de réformes et de construction d'un ordre nouveau comme l'annonçait M. Derrenaudes le 14 janvier 1789.
Revel au cœur de la réorganisation administrative
Conformément aux vœux maintes fois exprimés dans les cahiers de doléances, l'Assemblée nationale décide de supprimer les anciennes structures politiques du royaume et parmi elles les communautés et leurs conseils politiques, ainsi que les provinces trop grandes et trop inégalitaires. Ainsi sont créés les nouveaux découpages administratifs : départements, districts, cantons et communes, avec leurs autorités respectives.
Revel est rattachée, après pas mal de péripéties, au département de la Haute Garonne, formé en janvier 1790, on disait alors le département de Toulouse. Ville assez importante par sa population (3286 habitants intra muros en février 1790), elle est dotée d'un rôle administratif non négligeable auquel elle semble attachée : chef-lieu d'un canton de douze communes (6), elle est surtout chef-lieu de district et administre de ce fait un territoire formé par quatre cantons (Revel, St-Félix, Caraman et Lanta) et 58 communes ; un procureur syndic, élu, y représente le roi et un tribunal de district forme l'essentiel de la structure judiciaire.
Médaille de membre de la Constituante
Pour en arriver là, la ville a longuement hésité et son exemple est révélateur de ce qui a dû se passer dans bon nombre de régions du royaume lorsqu'il s'est agi de délimiter les nouvelles circonscriptions ; les intérêts économiques mais aussi politiques ont compté autant sinon plus que le principe, généreux et idéaliste, de l'égalité des dimensions et des besoins des citoyens administrables. Dans chaque province de l'Ancien Régime une commission est chargée de procéder à la délimitation des départements ; en Languedoc, le marquis de Vaudreuil, député aux Etats-Généraux devenus Assemblée nationale constituante, est commissaire nommé par la nation, autant dire que Revel est bien placée pour connaître les aspects souvent méandreux de ces délimitations. Le 25 novembre 1789, ayant reçu une lettre du marquis, la commune prend une première position qui montre bien son grand intérêt pour ce problème hautement politique, les termes étant on ne peut plus précis :
« L'assemblée, pleine de confiance dans les représentants de la nation, convaincue de la sagesse des motifs qui l'ont engagée à substituer à l'ancienne division du royaume en provinces une nouvelle division en départements ; persuadée qu'il est de la plus grande importance pour le bien général de détruire ces associations qui, occupées de leur intérêt particulier et leurs privilèges, étaient presque indifférentes à l'intérêt public ; persuadée que la nouvelle constitution qu'on va donner aux provinces est infiniment plus avantageuse que celle qu'elles avaient auparavant, qu'elle sera plus durable parce qu'elle sera uniforme (...) L'assemblée, considérant que dans ce moment l'organisation des assemblées provinciales est le seul moyen d'assurer la perception des impôts et de rétablir l'ordre et le calme dans le royaume (...) a été d'avis :
1° que l'étendue de la province de Languedoc et la diversité de ses productions semblaient prescrire la division de l'administration en plusieurs assemblées provinciales (...)
(...)
3° que les députés doivent faire l'abandon pur et simple des privilèges du Languedoc ; elle regarderait leur conservation comme nuisible au bien général, sans être d'aucune utilité à la province (...)
4° que, dans le cas où la province d'après le plan du comité de constitution serait partagée en six départements, il serait convenable de réunir les commissaires des six départements (...) pour diviser la masse des dettes entre les différents départements ...
5° il a été arrêté qu'on enverrait un extrait de la présente délibération aux députés de cette sénéchaussée à l'Assemblée nationale ainsi qu'à toutes les municipalités de la sénéchaussée et aux principales municipalités de la province. »
Le 6 décembre, ayant encore reçu deux lettres du marquis de Vaudreuil, la municipalité rend une nouvelle délibération :
«,,, a été délibéré d'une voix unanime que l'assemblée (...) vote pour la réunion au département de Castres motivée par la raison suivante que la proximité du chef-lieu détermine naturellement cet arrondissement et que le commerce des laines et des fabriques nous lie particulièrement avec une grande partie du diocèse de Castres et qu'au moyen de cette réunion la totalité du diocèse de Lavaur se trouvant dans le même département nous aurions toutes les facilités pour constater l'étendue des dettes du diocèse de Lavaur (...) que cet arrondissement nous donne une occasion précieuse de renforcer notre commerce de laines et bestiaux et d'ouvrir des nouvelles branches de négoce avec l'Albigeois et le Rouergue (...) arrête en outre que messieurs les officiers municipaux instruiront par le courrier de demain M. le marquis de Vaudreuil de la présente détermination et lui offriront nos remerciements pour le zèle qu'il nous témoigne en cette circonstance vraiment essentielle et de laquelle dépend la régénération que nous désirons si ardemment... »
On le voit, les motifs pour une réunion au Tarn sont nombreux et déterminants ; pourtant un changement d'attitude intervient dans ce mois de décembre et le 14 janvier une dernière délibération intervient « in extremis» :
« L'assemblée de la commune de la ville de Revel (...) persistant dans ses dernières intentions qu'elle a manifestées par sa lettre du 28 décembre dernier rétractant ses précédentes délibérations (...) L'établissement d'un tribunal secondaire dans la ville de Revel est des plus avantageux tant pour la ville que pour les justiciables. Le siège royal établi dans cette ville depuis sa fondation occupe plusieurs avocats qui peuvent espérer être choisis dans la formation du nouveau tribunal ; d'un autre côté les habitants des VILLES_ET_VILLAGES qui nous environnent, obligés de se rendre deux ou trois fois la semaine dans la ville de Revel pour leurs affaires de commerce auront en même temps l'avantage de veiller à celles qu'ils auraient pendantes au siège ; d'après ces considérations, l'assemblée a unanimement délibéré que copie de la présente délibération sera envoyée à M. le marquis de Vaudreuil avec prière de solliciter vivement notre réunion au département de Toulouse... »
Copie fut également envoyée au président de l'Assemblée nationale, ce qui prouve l'importance de cette décision de dernière minute dans laquelle le poids des hommes de justice semble l'avoir emporté sur les forces économiques.
Le 8 février 1790, en application des lettres patentes du roi exécutant le décret de l'Assemblée nationale de décembre 1789, la commune de Revel s'apprête à procéder à l'élection de son nouveau CONSEIL_MUNICIPAL ; à cette date Dreuilhe forme une commune séparée, elle ne sera rattachée qu'en janvier 1791. Pour pouvoir mener les opérations de vote, il fallait connaître l'état de la population et le statut de ses habitants ; le registre de délibérations daté du 7 février porte les résultats de ce recensement qui établit la population intra muros à 3286 habitants parmi lesquels 410 sont classés citoyens actifs. Ces derniers sont ceux des citoyens de la ville qui paient une contribution directe au moins égale à trois journées de travail, ce qui leur donne le droit (7) d'élire la municipalité et de participer aux assemblées primaires de canton qui désignent les grands électeurs chargés d'élire les députés du département ; beaucoup de citoyens de la ville sont donc tenus à l'écart du vote et on ne parle même pas des femmes ! C'est tout de même beaucoup plus que les représentants des trois ordres rassemblés le 14 janvier 1789 pour délibérer des réformes à venir. Ces citoyens actifs sont donc réunis le 8 février au matin dans l'église paroissiale, seul lieu assez grand pour les contenir ; à cause du service religieux la réunion est renvoyée au lendemain matin dans le couvent des Jacobins. Là on commence par l'élection du maire (ordre inverse aujourd'hui), mais des troubles au cours de scrutin provoquent son renvoi l'après-midi à l'église paroissiale ; entre-temps le vase renfermant les billets est surveillé par la garde nationale. Durant l'après-midi, la suite du scrutin permet d'élire maire M. Cailhasson de Calvairac qui obtient 178 voix sur 306 votants ; le scrutin pour les officiers municipaux commence à la suite et durera jusqu'au 12 février au matin pour élire 8 personnes, ainsi que le procureur de la commune. Le 15 février après-midi, les citoyens actifs désignent 18 notables qui formeront avec le maire et les officiers municipaux le conseil général de la commune. Il aura donc fallu une semaine à près de 400 personnes pour élire 28 représentants, l'apprentissage du système représentatif a donc été laborieux ici comme il l'a sûrement été ailleurs.
Les problèmes religieux
Le clergé a joué un grand rôle dans les événements révolutionnaires de 1789, les curés rejoignant les députés du Tiers dans leur volonté de réforme ; dans un premier temps les ecclésiastiques sont bienveillants face aux changements. La nationalisation des biens du clergé, décrétée par l'Assemblée nationale le 2 novembre 1789, provoque des réactions qui deviennent plus étendues et plus vives après le vote de la Constitution civile du Clergé le 12 juillet.
Cette constitution, condamnée par le pape, organisait l'Eglise dans le cadre des 83 départements, faisait des curés et des évêques des salariés de la nation et des élus. Pour en accélérer l'application, l'Assemblée exige que les ecclésiastiques prêtent serment à cette Constitution sous peine de destitution ; une minorité d'entre eux obtempère et le clergé se divise en « jureurs » « assermentés » d'une part, « réfractaires », « insermentés » d'autre part.
LE PRESSOIR : satire de la richesse du clergé. L’opinion critiquait surtout l’abondante fortune des chapitres de chanoines et de certains ordres monastiques
La plupart des curés de la région sont réfractaires comme le curé de Revel, l'abbé Joseph Roques. Les électeurs du district ne parviennent pas à lui désigner un remplaçant et les citoyens de Revel vont même jusqu'à proposer la cure au nouvel évêque de la Haute-Garonne, le père Hyacinthe Sermet, au printemps 1791. En juin un curé est enfin élu, il se nomme Jean-Baptiste Poujade. Le registre paroissial porte mention de son installation : « L'an mil sept cent quatre vingt onze et le dimanche dix-neuf du mois de juin avant la messe paroissiale et dans l'église paroissiale en présence de nous, maire et officiers municipaux soussignés, et du peuple assemblé le sieur Jean-Baptiste Poujade prêtre et curé de la présente ville comme il est constaté par le verbal de l'assemblée électorale du district dont l'extrait collationné ensemble l'institution canonique donnée le seize courant par M. Antoine Paschal Hiacinthe Sermet, évêque au département de la Haute-Garonne, métropolitain du Sud, nous ont été exhibés. Le dit sieur Poujade a conformément à l'article 38 du titre 20 de la Constitution civile du clergé prêté le serment porté par l'article 25 du dit titre et, de ce fait, avons dressé notre présent procès verbal sur le registre de la paroisse à ce destiné ... »
Le lendemain de cette cérémonie, par ailleurs jour de la fuite du roi, des pierres sacrées sont enlevées de l'église. Les fidèles se désintéressent du nouveau curé.
Sous la terreur, l'église est baptisée Temple de la raison et s'orne d'une statue de Marat. Une vague de déchristianisation provoque le changement de nom de plusieurs rues comme celui de plusieurs villages des environs ou même celui de certains habitants : la rue Notre Dame devient la rue du Temple de la Raison, la rue des Sœurs devient rue de l'Egalité, celle des Frères (8) rue de la Montagne, la rue Saint-Antoine rue des Sans-culottes.
Des prénoms nouveaux apparaissent à l'état-civil : Messidor, Germinal, Fructidor, Decadi, la Montagne, Liberté, Marat, Le Pelletier, Mucius Scaevola (9).
A l'époque où le curé Poujade entrait en fonction à Revel, le curé de Dreuilhe enregistrait un baptême important dans une forme qui laisse supposer qu'il n'a pas dû prêter le serment de fidélité à la Constitution civile :
« L'an mil sept cent quatre vingt onze et le 25e jour de juin a été baptisée demoiselle Charles, Gabrielle, Magdelaine, Marie, Pauline, née le 23 du susdit mois, fille de très haut et très puissant seigneur Joseph, Denis, Edouard, Bernard, comte de Latour de Lauragais, seigneur de Saint-Paulet, Gourvielle et Saint-Germain, capitaine de cavalerie au régiment d'Orléans, et de très haute et très puissante dame Louise, Pétronille, Magdelaine de Rigaud de Vaudreuil, mariés.... ».
La mère de l'enfant n'est autre que la fille du marquis de Vaudreuil qui s'apprête alors à émigrer s'il ne l'a déjà fait.
La question religieuse a été l'un des problèmes les plus importants de la Révolution, car elle a scindé les Français en deux camps hostiles, un grand nombre de catholiques se retrouvant dans celui des contre-révolutionnaires. La division est exacerbée par d'autres crises, notamment la Terreur pendant la période difficile de la guerre. Durant ces mois de grande rigueur, entre septembre 1793 et juillet 1794, les autorités redoublent de menaces, de rappels à l'ordre, particulièrement sur les prix du marché et sur les réquisitions de denrées pour l'armée.
Revel entre Terreur et anti-terrorisme
Au cours de l'an III, c'est-à-dire entre le 22 septembre 1794 et le 21 septembre 1795, donc après la chute de Robespierre et la fin de la Terreur, les nouvelles autorités de la ville et du district adressent à Paris un rapport, malheureusement non daté, sur les propos et actes d'un certain nombre de Montagnards de Revel et du citoyen Calès, originaire de Cessales, député de la Haute-Garonne à la Convention.
Ce rapport permet de saisir à la fois des aspects de la Terreur à Revel et les manifestations de la réaction qui a suivi le 9 thermidor ; la Vivacité des propos et la haine d'après n'ont d'égale que la sévérité de la répression d'avant. Quelques extraits de ce rapport nous éclairent sur ces moments troubles.
« ... les vexations de tout genre, et les incarcérations sans nombre qui en ont été la suite. (...) Dans l'enceinte d'une aussi petite ville que Revel, dont la population ne se porte pas tout à fait à quatre mille âmes, cent huit individus incarcérés ! Et quels individus encore ! des femmes, on en comptait jusqu'à 42 ; des vieillards presqu'octogénaires, ils étaient au nombre de 12 ; des artisans chargés d'enfants et vivant au jour le jour, leur nombre se portait à 60 ; tant il est vrai que les disciples des Marat, des Robespierre et des Calès ne savent respecter ni le sexe, ni la vieillesse, ni l'indigence ! »
Dans ces passages, on trouve la dénonciation des aspects classiques de la Terreur, « mise à l'ordre du jour » en septembre 1793 et renforcée par la loi des suspects ; elle cherche à intimider les contre-révolutionnaires qui forment un ensemble aux contours très flous dans lequel les rigueurs des décrets frappent aveuglément, créant un sentiment d'insécurité dans toute la population.
Les historiens débattent encore sur les raisons profondes de cette politique : produit des circonstances difficiles (menaces étrangères aux frontières, insurrections intérieures, problèmes de ravitaillement) ou choix délibéré de la répression comme instrument d'un projet de pouvoir ? Les arguments ne manquent pas pour chaque thèse.
Les vexations signalées dans le rapport évoquent sûrement les sévères mesures économiques destinées à garantir le ravitaillement et à lutter contre l'inflation galopante et qui provoquaient le mécontentement des gens ; toute protestation contre ces mesures pouvait donner lieu à des dénonciations (10) et, en vertu de la loi des suspects, entraîner une arrestation ; on peut penser que nombre des femmes détenues l'étaient pour ce genre de faits. Le comité de sûreté générale de Revel a maintes fois adressé des menaces à la municipalité accusée de ne pas faire suffisamment respecter le maximum (taxation des prix) sur le jardinage, c'est-à-dire les légumes vendus sur le marché. Le nombre des incarcérations, rapporté à la population, souligne l'importance de la répression, mais heureusement la région toulousaine n'a pas vu fonctionner la guillotine comme à Paris ou Lyon.
« Comité de surveillance de la section de 1792. »
De plus ce nombre concerne un chef-lieu de district et la prison de Revel a donc hébergé la plupart des prévenus de la circonscription, aussi bien des voleurs de canards, des auteurs de coups et blessures que des déserteurs ou des suspects au sens strict ; parmi ces derniers figuraient des membres de la famille Caffarelli, du Falga, et l'un des administrateurs du district, signataires du rapport, appartient à cette même famille ce qui peut expliquer la vigueur des attaques. Celles-ci témoignent de l'ambiance de réaction qui a suivi la chute de Robespierre et qui dure plus d'un an sous la Convention thermidorienne (période appelée également Thermidor du fait de son déclenchement après le 9 thermidor an II) ; dans certaines régions elle permet aux royalistes de mener une sanglante répression antijacobine et antirépublicaine que l'on appelle « Terreur blanche » ; dans le Lauragais la réaction ne va pas jusque là, mais les représentants du peuple, délégués de la Convention, sont parfois choqués par les excès constatés dans certaines communes.
L'habitude ayant été prise d'adresser les messages sur des papiers à en-tête comportant de nombreux slogans et symboles révolutionnaires, le garde du magasin des fourrages de Revel voulut suivre l'exemple et dessina lui-même un bonnet phrygien en haut de ses missives.
Certains passages du rapport des corps constitués de Revel montrent en tout cas la haine que la Terreur a inspirée à ceux-ci :
«.., des hommes pervers, des factieux de toute espèce se rallient encore aux maximes anarchiques et sanguinaires de l'exécrable Robespierre (...) ce monstre n'est pas mort tout entier ; il se reproduit dans les trop nombreux complices qui lui ont survécu (...) parmi ces complices nous en connaissons un qui siège encore parmi vous, son nom est Calès. »
Le rapport adressé aux comités parisiens pour être transmis à la Convention est une dénonciation circonstanciée du citoyen Calès, qui incarne ici tout ce que les corps constitués détestent et redoutent de voir revenir au pouvoir (ils l'accusent d'avoir participé à la préparation des journées de prairial an III, c'est-à-dire des 20-22 mai 1795, ce qui devait être très grave pour lui à Paris).
Jean-Marie Calès est né à Cessales en 1757 ; médecin, il est élu député pour l'assemblée de la sénéchaussée de Castelnaudary, en mars 1789 par les habitants d'Auriac-sur-Vendinelle.
Dans sa biographie (11), Claude Manceron signale son installation à Revel, mais sans date ; il rappelle que, conventionnel élu en la Haute-Garonne, Calès vote la mort de Louis XVI et, fait intéressant, il note que la Société populaire de Sedan l'avait dénoncé comme méprisant les sans-culottes alors qu'il était envoyé en mission dans la Marne et les Ardennes.
Manceron ne fait aucune mention de poursuites contre lui durant l'an III, ce qui laisse supposer que le rapport n'a pas été suivi ; Calès est député sous le Directoire, puis maire en région parisienne jusqu'à la fin de l'Empire, et il meurt en exil à Liège en 1834. La conclusion du rapport ne manquait pas d'attaques détaillées à son sujet comme en attestent ces quelques passages :
«,., un homme qui s'est déclaré le bouillant apôtre des Marat, des Robespierre (...) qui a signalé sa complicité avec ces monstres ;(...) qui, par ses fausses et perfides prédications, est parvenu à égarer les hommes faibles, à décider les méchants, et à en faire autant d'instruments aveugles de la plus affreuse tyrannie... »
Patriotes épris de justice, de liberté et d'égalité, comme ils se présentent eux-mêmes, ou bien aristocrates et scélérats, comme les appelle Calès ? La situation pendant la Révolution est souvent difficile à préciser tant les divisions étaient nombreuses et leurs motivations complexes. Sous le Directoire, qui forme la dernière période de la Révolution, les tensions sont toujours vives, marquées par la double menace des jacobins et des royalistes. Revel voit notamment reparaître l'influence de ces derniers.
Une scène que la place Centrale de Revel semble ne jamais avoir connue ?... (Composition imaginée par B. Velay)
Revel au cœur d'un complot royaliste
Après la Terreur, obnubilés par le souci d'en éviter toute reproduction, les législateurs thermidoriens et ceux du Directoire ne prêtent pas attention au retour en force des royalistes favorisé par les amnisties ; il semble qu'il en ait été de même dans le district et à Revel d'après deux faits marquants qui se recoupent.
Durant l'été 1797, alors que les royalistes sont majoritaires dans les conseils législatifs à Paris, paraît à Revel et dans son canton un journal intitulé « l'Ami des campagnes » dont le rédacteur se nomme Marc-Antoine Durand, homme de loi; ce journal, hebdomadaire, paraît tous les samedis et au total 12 numéros sont diffusés entre le 22 juillet et le 7 octobre 1797.
A ce jour, il a été impossible d'en retrouver des exemplaires et on n'en connaît le contenu qu'à travers les minutes du procès instruit contre ses responsables en 1798. La preuve du manque de surveillance des autorités sous le Directoire est fournie par l'identité de l'imprimeur du journal : celui-ci est Jean-Baptiste Brumas, qui est depuis des années l'imprimeur officiel du district, c'est-à-dire l'entrepreneur chez lequel les autorités de l'administration du district font éditer toutes les circulaires et affiches destinées aux cantons et aux communes dépendant de Revel ; un homme aussi en vue pouvait-il se livrer à cette production sans une certaine bienveillance politique ?
Les articles incriminés par l'accusation tournent toujours autour des mêmes thèmes, à savoir que les députés à Paris sont attaqués par les Directeurs et par des « brigands », que l'armée ne respecte pas ses fonctions et viole la Constitution de l'an III ; on trouve même dans celui du 9 fructidor, une attaque sévère dirigée contre le général Bonaparte. C'est à la suite du coup d'État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) que le Directoire réprime brusquement les progrès des royalistes ; de ce fait la publication de « l'Ami des campagnes » est suspendue au début du mois d'octobre et ses auteurs sont poursuivis.
Le 10 juillet 1798, le tribunal criminel de Toulouse rend un verdict très sévère, dicté probablement par la volonté antiroyaliste de la période : Marc-Antoine Durand est condamné à la peine de mort, mais assortie de la contumace car il avait fui rapidement après le coup d'Etat du 18 fructidor.
La parution de « l'Ami des campagnes » est la partie visible d'un mouvement plus profond qui se développe en Lauragais à cette époque ; excédés par les problèmes économiques, religieux et hostiles à la loi Jourdan qui crée la conscription obligatoire, nombre de paysans sont sensibles à la propagande royaliste que pouvait représenter le journal revélois. Moins d'un an après sa suspension, le Midi toulousain est le siège d'une vaste INSURRECTION_ROYALISTE dans laquelle le Lauragais semble tenir une place déterminante : c'est l'insurrection de l'an VII, connue localement d'après les textes des interrogatoires des insurgés détenus à Revel et les dépositions des témoins. Après l'échec d'une opération contre Toulouse, le lundi 5 août 1799, les campagnes se soulèvent dans la nuit du 6 au 7, autour de Saint-Félix, de Maurens et vers Auvezines. Saint-Félix est le lieu de rassemblement d'une petite armée qui, semble-t-il, doit prêter main forte aux royalistes qui viennent d'investir Revel ; mais deux troupes républicaines, venues du Tarn, ruinent ce projet, l'une en défaisant les royalistes de Saint-Félix dans un pré, en contrebas de Saint-Julia, l'autre en libérant la ville de Revel. Dans les jours qui suivent, les royalistes sont pourchassés dans le département, battus à Caraman et écrasés à Montréjeau ; la répression sera jugée insuffisante par les Jacobins.
Il y a à peine trois mois que l'insurrection a secoué notre région lorsque Napoléon Bonaparte prend le pouvoir par son coup d'Etat des 18 et 19 brumaire an VIII. Le régime qu'il crée, le Consulat, marque la fin de la Révolution et suscite des changements qui affectent beaucoup de domaines, Revel subissant certains d'entre eux : les districts, qui avaient disparu en 1795, ayant été remplacés par les arrondissements, plus vastes, notre chef-lieu, de par sa population, sa distance vis-à-vis de Toulouse, avait des chances de devenir sous-préfecture et c'est Villefranche qui a reçu cette fonction ; sorte de compensation, le canton de Revel s'est trouvé agrandi par la réunion de celui de Saint-Félix qui ne semblait pas politiquement sûr après l'insurrection.
Autre changement remarquable, celui intervenu le 3 février 1804, alors que s'achève le Consulat et que les tourmentes de la Révolution s'éloignent : le préfet de la Haute Garonne nomme conseiller municipal de Revel le citoyen Marc-Antoine Durand, revenu d'exil et qui vivra dans sa ville natale jusqu'au 6 juin 1854.
Pendant les dix ans très fertiles en événements qui forment la Révolution française, la ville de Revel a donc croisé les différentes péripéties de ce processus incontournable de notre histoire nationale ; elle les a parfois croisées de près avec des hommes aux destins aussi différents que :
- François Cailhasson de Calvairac, son premier maire élu selon les nouvelles modalités, devenu le premier président du Conseil général de la Haute-Garonne, avant de siéger sur les bancs de l'Assemblée législative de septembre 1791 à août 1792.
- Jean-Marie Calès, député montagnard à la Convention, plusieurs fois désigné représentant du peuple en mission, qui a établi les écoles de santé de Paris, Angers, Montpellier, Nancy.
- Marc-Antoine Durand, homme de loi, notaire, militant royaliste engagé, nommé conseiller municipal par le préfet Richard, ancien conventionnel régicide.
De cette époque Revel n'a pas gardé de traces visibles, ni monuments, ni inscriptions, ni plantations, mais une abondante production de documents d'archives dans lesquels il reste encore sûrement d'intéressantes découvertes à faire, car un tel épisode historique cache encore des aspects secrets derrière le paravent de ses grands moments.
ANNEXE : Un exemple de la Terreur à Revel
Ce courrier, issu des archives de la commune, constitue un remarquable exemple de ce qu'était l'ambiance de la Terreur au quotidien dans le cœur de la France rurale. La date du 23 germinal de la 2° année républicaine correspond au samedi 12 avril 1794, elle peut-être soit antérieure à l'ouverture du marché, soit juste postérieure à la tenue de celui-ci. Comme toute communauté importante, et étant de surcroît chef-lieu de district, Revel avait vu se créer un comité de surveillance ; comme dans toute la France celui-ci avait accru son activité dans le cadre de la loi des suspects.
L'objet de la lettre concerne le défaut d'application de la loi du maximum quant aux prix des denrées de première nécessité ( le jardinage désigne les légumes) et le comité justifie son "invitation" par le mécontentement populaire ; son argument est même purement économique dans la comparaison avec Soréze et Castelnaudary où l'offre de légumes est moindre et les prix pourtant plus bas. Le détail de la lettre fait remarquer le climat de délation qui est la règle sous la Terreur: " le grand murmure (...) est parvenu jusqu'à notre comité" ; le moyen d'action du comité sur le pouvoir municipal est la menace : "éviter de nous adresser à qui de droit pour vous y contraindre" ("qui de droit" est l'allusion au Comité de Sûreté générale, donc au risque de traduction devant le Tribunal révolutionnaire !) Autre détail, celui de la limitation des sonneries de cloches qui traduit la terreur religieuse marquée par la déchristianisation.
Texte de la lettre (dans son français)
A Revel le 23 germinal, 2ème année républicaine
Le comité de surveillance de la commune de Revel
A la municipalité du même lieu.
Citoyens,
Nous sommes fort surpris que vous n'ayez pas eu égard à notre première lettre, dans laquelle nous vous invitions de faire mettre un prix plus bas au jardinage.
Le grand murmure qui règne dans la ville à ce sujet, de tous les citoyens, est parvenu jusqu'à notre comité, ce qui nous a obligé de vous écrire une seconde lettre, espérant que vous voudrez y avoir plus d’égard qu'à la première. Nous voyons que la salade est plus chère içi que le pain, tandis que dans les communes voisines, à Soréze, à Castelnaudary où le jardinage n’abonde pas tant que dans notre ville, la salade ne s'y vend que deux sols la livre et le jardinage pour la soupe un sol la livre. Nous espérons que vous voudrez prendre le tout en considération, pour nous éviter de nous adresser à qui de droit pour vous y contraindre.
Nous vous invitons encore de ne plus laisser sonner l’angélus mais seulement de faire donner douze à quinze coups de cloche le matin à cinq heures, pour avertir les ouvriers, autant à midi et le soir à dix heures pour annoncer la retraite.
Salut et fraternité.
SOURCES DOCUMENTAIRES ET BIBLIOGRAPHIQUES :
DOCUMENTS :
1) Archives communales :
- registres de délibérations municipales de Revel.
- correspondances administratives de Revel, série Z 5 à Z 7.
- correspondances de la Société populaire , Revel, série 12.
- minutes du procès de Marc-Antoine Durand, 1798, Revel.
- documents sur l'insurrection de l'an VII, série 14.
2) Archives départementales :
- monographies communales des instituteurs, 1884-1886, série B 4.
3) Archives nationales :
- procès-verbal de l'assemblée des trois ordres de la sénéchaussée de Castelnaudary, 7 avril 1789, série BA 30.
BIBLIOGRAPHIE :
DEVIC (Dom Cl.) et VAISSETTE (Dom J.), Histoire générale du Languedoc, Privat, 1872-1905. DOUMERC G., Histoire de Revel, Revel, 1976.
GODECHOT J., La Révolution française dans le Midi toulousain, Privat, 1986.
MANCERON C., La Révolution française, Dictionnaire biographique, Renaudot et Cie, 1989.
MEYER J.-C., La vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution, Association
des publications de l'Université du Mirail, 1982. TAILLEFER M., La Révolution en pays toulousain,
Loubatières, 1989.
NOTES
8 - C'est l'actuelle rue Georges Sabo.
11 - Claude Manceron : La Révolution française, dictionnaire biographique, Renaudot, 1989.