Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol CAHIERS DE L’ HISTOIRE - N°13 - Année 2008 |
SCEAU DE LA CHARTE DE REVEL
Par Bernard Velay |
1 - Description et explications des symboles contenus dans le sceau du Roi Louis XI appendu au vidimus de la Charte de la Bastide de Revel
Grâce à la diligence des services photographiques des Archive Départementales de la Haute-Garonne, la Société d’Histoire de Revel-Saint-Ferréol a pu obtenir la photo de ce qui reste du sceau en majesté et du contre-sceau du roi Louis XI (le sceau très endommagé a été restauré par le service des Archives de la Haute-Garonne. Le fragment bien remis en valeur, a permis de « reconstituer » le sceau dans son intégralité), appendu au vidimus de la Charte de la bastide de Revel, conservé aux Archives Départementales de la Haute-Garonne.
Ce vidimus a été signé à Sauveterre de Béarn, par Jean Bourre, ministre de Louis XI, très proche du Roi.
L’étude d’un sceau, son identification, sa description n’est pas anodine, l’application du sceau étant la dernière formalité qui rend une pièce authentique. Le grand sceau est le sceau royal qu’on apposait sur les édits, les privilèges, les grâces, les patentes, et les chartes de coutumes accordées aux villes. Le vidimus de la Charte de Revel nous en offre un excellent exemple.
Si nous examinons plus en détail l’emblématique royale nous observons :
1 – Les fleurs de lis en tous lieux ! La fleur de lis, emblème marial et dynastique depuis les rois Capétiens est démultipliée sur tous les supports. A l’arrière plan, les fleurs de lis décorent le champ du sceau qu’elles parsèment, elles rehaussent les pans et plis de la tenture, plusieurs (3 ou 5 visibles) ornent la couronne, une autre finement ouvragée « fleurit » l’extrémité d’un des deux sceptres. Les fleurs de lis apparaissent sur tous les sceaux et contre-sceaux sans exception ! Ce motif ornemental est chargé de fortes connotations symboliques, élégante marque de souveraineté, de légitimité et de continuité dynastique.
2 - Des symboles d’essence divine !
Les anges sont représentés sur de nombreux sceaux. Pour le sceau du vidimus de la charte de Revel, on observe que le bras et le bas du corps des anges, bien souvent agenouillés de part et d’autre, présentent l’écu de France comme dans le contre-sceau, du sceau en majesté appendu au vidimus de la Charte de Revel. Ils sont toujours nimbés. La présence d’anges, seuls ou par deux, affirme l’origine divine du pouvoir royal et ce d’autant plus, qu’ils sont associés à l’écu à trois fleurs de lis qu’ils tiennent des deux mains. L’écu de France à l’origine était parsemé de lis, c’est le roi Charles V qui les a réduit à trois sur l’écu. Trois fleurs de lis, certains héraldistes, pensent qu’elles évoquent la sainte Trinité. Cependant déjà Philippe VI, roi fondateur de Revel avait émis des monnaies comportant trois fleurs de lis, ainsi qu’un petit sceau en l’absence du grand sceau, c’est le véritable initiateur des trois fleurs de lis !
La fleur de lis est déjà un emblème religieux en soi, (en même temps que politique), l’origine divine du pouvoir détenu par le Roi de France, (roi par la grâce de Dieu) est davantage mis en valeur à partir du règne de Philippe VI puisqu’il entoure l’écu de son second sceau, du secret des symboles des quatre évangélistes.
Premier sceau secret de Philippe VI
(1340-1349).
3 - Le lion emblème royal par excellence
Les augustes pieds du monarque reposent sur la croupe de deux lions. Depuis Salomon, le lion symbolise le pouvoir royal. Le lion évoque également le Christ : « Le lion quand il dort garde les yeux ouverts, de même le Christ en croix dormant dans sa chair en mourant, mais veillait par sa divinité » (cantiques) on pourrait citer bien d’autres textes de l’Ancien ou du Nouveau Testament qui confirment cette symbolique christique.
C’est également le symbole des chrétiens, l’église qu’elle soit romane ou gothique montre des lions partout à l’intérieur, à l’extérieur dans la nef comme dans le chœur, sur le sol, sur les murs, sur les plafonds ! Le lion est le symbole de Saint-Marc, des docteurs de l’Eglise comme de Saint-Jérôme. Le lion est la figure la plus fréquente dans les armoiries médiévales. Symbole de force, il convient au monarque, les auteurs bibliques comparent au lion, les tribus courageuses et la vaillance des Maccabées ; le lion autant que le chien fidèle repose aux pieds des rois, sur les gisants de la nécropole royale de Saint-Denis. Curieusement, le lion des empereurs de Chine a une fonction symbolique proche de puissance et de prestige !
4 - Les objets que le Roi tient en main constituent un autre domaine où une emblématique et des pratiques proprement françaises se greffent sur l’emblématique royale commune à tous les souverains de la chrétienté
Le Roi de France se singularise d’abord par les objets qu’il ne tient jamais : le globe, l’épée, la croix.
Par rapport aux autres monarques cela représente un écart signifiant ! Dans la main qui ne tient pas le grand sceptre, le Roi de France préfère, en effet à ces trois objets, un deuxième sceptre plus court, plus spécifique, souvent même réduit à un simple fleuron, souvent une fleur de lis. Ainsi, pendant près de trois siècles, le roi Capétien est en occident, le seul roi qui use de deux sceptres, un « baculus » et une « virga », deux objets symboliques qui lui sont remis lors de la cérémonie du sacre.
L’épée n’apparaît pas sur les sceaux royaux cependant, le Roi la reçoit lors du sacre. La présence de l’épée en aurait fait un Roi justicier ou un Roi chevalier, (l’épée apparaît cependant sur quelques monnaies du XIVème siècle, notamment celles émises par Philippe VI de Valois), (réf : hôtel des monnaies - Paris).
Les sceptres ont été préférés à l’épée : le « baculus », symbole de la sagesse (roi sage ex : Charles V le sage), la « virga », symbole de fécondité. Au royaume de France, le Roi exerce une véritable fonction sacerdotale !
La main de justice n’apparaît au sommet d’un des sceptres qu’autour du XIVème siècle. Le plus ancien sceau de majesté qui nous permet de découvrir cette transformation est le premier sceau de Louis X (1315). Avant cette date, la main de justice est inconnue de l’emblématique sigillaire royale. Après cette date, elle est toujours présente, jusqu'à la fin de la monarchie. Cette main de justice constitue un symbole propre au Roi de France. On remarque que l’apparition de cette main de justice se place à un moment où le roi de France étend son emprise administrative sur l’ensemble du royaume. Cette emprise se fait surtout par des moyens juridiques et judiciaires. Cet attribut royal donne donc au souverain, une image renouvelée : à la prospérité (fécondité) et à la sagesse s’ajoutent la justice. La main de justice est nommée jusqu’au XVème siècle, en langue vulgaire : « Baston à seigner (à bénir) », la main de Dieu est ainsi déléguée à la monarchie française au Roi, son représentant, sur le trône de France.
L’iconographie sigillaire royale cristallise à elle seule tous les enjeux du pouvoir ! Les souverains utilisent les représentations symboliques à des fins politiques. Ce n’est pas encore la « Politique spectacle » mais ils exploitent les infimes marges de manœuvre que leur laissent les motifs éprouvés et séculaires, ils explorent toutes les possibilités afin de définir et conforter leur image, c’est une forme de message politique !
5 - Sceau royal de Louis XI, juillet 1461-Août 1483 – appendu au vidimus de la Charte de la Bastide de Revel.
Sceau en majesté (D.80). Sceau rond 107mm.
Description :
Le Roi est assis sur le trône placé sous un pavillon fleurdelisé couvrant tout le champ et retombant sur les montants du trône qu’il masque. Le sommet du comble, également décoré d’une frise de fleurs de lis, est tenu par deux figures ailées affrontées (deux anges ? très peu visibles sur le sceau). Les pieds du Roi reposent sur deux lions couchés dos à dos. Il porte une couronne à trois hauts fleurons, une dalmatique et un manteau bordé d’un galon fleurdelisé attaché sur l’épaule droite. De la main droite, il tient un sceptre terminé par un motif floral renflé sommé d’une boule, et de la gauche une main de justice.
Philippe VI de Valois a été le premier à utiliser les trois fleurs de lis remplaçant ainsi le blason fleurdelisé ou au champ de lis. (Réf. des blasons : Archives de Montpellier, dessins de M. Oudot de Dainville).
Entre deux épais filets, chaque filet flanqué de deux plus minces : LVDOVICUS (LOUIS). DEI. GRA//CIA. FRANCORVM. REX (Louis, roi de France par la grâce de Dieu).
Réf. « Corpus des Sceaux Français du Moyen Age, tome II, Sceaux des Rois et de Régence de Martine DALAS, Archives Nationales de France.
Sceau de Philippe VI de Valois orné du tétramorphe
Philippe VI de Valois a été le premier à utiliser les trois fleurs de lis.
Remplaçant ainsi le blason fleurdelisé ou au champ de lis.
(Réf. des blasons :
Archives de Montpellier, dessins de M. Oudot de Dainville).
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Sceau de Louis XI sur la charte de Revel (recto). |
Sceau sur la charte de Revel (verso). |
6 – Contre sceau de Louis XI
(rond 43 mm, le sceau peut être « en navette »Contre-sceau figurant au revers du sceau appendu au vidimus de la charte de la Bastide de Revel
(voir ci-dessus).
Le contre-sceau du sceau en majesté continuera d’être utilisé pendant tout le règne de Louis XI.
Description : Ecu à trois fleurs de lis, couronné et tenu par deux anges nimbés et ailés, agenouillés sur une terrasse semée de fleurs de lis et soutenant de la main gauche une draperie (peu visible) qui passe par la pointe de l’écu ?
C’est un sceau anépigraphe (c'est-à-dire qui n’a point d’inscription de titres ici, « REX FRANCORVM » n’est pas écrit.
L’usage du contre-sceau fut inauguré par la chancellerie de la Cour de Rome. Parmi les souverains, se sont les Rois d’Angleterre, Edouard le Confesseur et Guillaume le Conquérant (XIème siècle) qui en firent usage les premiers. Aussi bien le contre-sceau ne put-il apparaître que quand l’usage s’introduisit de suspendre les sceaux aux chartes par des cordelettes, des fils de lin ou de soie.
Bernard VELAY
7 - Charles VII, successeur de Louis XI.
Le graphisme est très proche de celui du sceau de Louis XI.
Sur un trone à tête de lion, le roi est assis, les pieds sur deux lions couchés. Il tient le sceptre et la main de justice avec un parallélisme qui rappelle le grand sceau de Charles VII. Audessus de sa tête ceinte de la couronne à 3 fleurons un riche dais à 3 galbes, d'ou pend un pavillon couvert de fleurs de lis. On remarquera le sceptre traité dans un esprit différent des grands sceaux précédents.
Entre la mouture interne, soulignée par une redorte et la moulure externe comprenant une torsade et des fleurs de lis rayonnantes dans une gorge :
KAROLVS-DEI-GRACIA-FRANCORVM-REX
simple queue, cire naturelle ; lacs de soie verts et rouges, cire verte.
4330. 1449 - 3546. 1457 - 2855. 1483.
Contre-sceau en petit : Dans un cercle dont la moulure rappelle partielement celle du grand sceau, l'écus de France, tenu par 2 anges nimbés et agenouillés, et imbré d'une couronne à 3 fleurons et 2 trèfles de perles.
Sceaux conservés aux archives de la ville de Montpellier.
Dessin de M. Oudot de Dainville, archiviste de la ville de Montpellier.
BIBLIOGRAPHIE
- Photographies du service photographique des Archives Départementales de la Hte-Garonne.
- « Traité d’héraldique » de Michel Pastoureau.
- « Cours d’histoire du droit » du professeur Jacques Michau (Université de Montpellier), « Les chartes et la monarchie ».
- Revue Française d’Héraldique et de Sigillographie : « Les sceaux de Charles VII ».
- H. Pinoteau, Membre de la Société Internationale d’Héraldique : « Vingt cinq ans d’études dynastiques ».
- « La main de justice » dans le bulletin de la société Nationale des Antiquaires de France, 1978-1979, Michel Pastoureau, directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études.
- « Corpus des sceaux français du Moyen Age », tome II, Rois et Régence, Bibliothèque Nationale.
- Guide illustré de la nécropole des Rois de France.
- « Revue du Moyen Age » : le sacre des Rois de France.
- « Revel » raconté par P. A. Barrau, Léodère Géry, Gustave Doumerc.
