ARCHÉOLOGIE ET TOPONYMIE :
ESSAI SUR UN TERROIR DE MOYENNE MONTAGNE,
DURFORT DANS LE TARN
Frédéric VIDAILLET et Nelly POUSTHOMIS-DALLE avec la collaboration de Pierre-Henri BILLY
Publié sur la « NOUVELLE REVUE D’ ONOMASTIQUE » - 1996 – n°27-28 pp.169 – 197.
La commune de Durfort est située dans le sud-ouest de l'actuel département du Tarn, à l'extrémité occidentale de la Montagne Noire, appendice du Massif Central.
Son territoire correspond à la vallée du Sor, soit les deux versants jusqu' en ligne de crête et une partie du débouché de la gorge.
Peu étendu puisqu'il ne compte que 454 ha, il apparaît enkysté dans le vaste terroir de Sorèze et il est bordé au sud par celui, plus modeste, des Cammazes (fig. 1)(1).
Objet de recherche depuis 1981 à travers la fouille du Castlar, petit castrum accroché au version nord de la vallée, la commune est aujourd'hui bien connue grâce au dépouillement de ses archives.
Bien que la documentation soit indigente pour la période médiévale, les compoix des XVI° et XVII° s. ainsi que le cadastre du XIX° s. permettent de dresser l'état du terroir et son organisation au tout début de la période moderne et d'en envisager l'évolution jusqu'aux périodes les plus récentes.
A partir de cette vision historique du terroir(2), le riche répertoire microtoponymique livré par ces trois documents est apparu comme un champ d'étude à part entière pour appréhender une certaine réalité de l'organisation de cette communauté de moyenne montagne.
Bien que l'on puisse glaner des microtoponymes dans la documentation médiévale concernant la commune à partir du XIII° s. (notices du cartulaire de l'abbaye de Sorèze compilé à la fin du XVII° s., registres d'Inquisition, copies d'actes par la Maîtrise des Eaux et Forêts(4)), ceux ci apparaissent peu nombreux et trop disparates pour servir de base à une analyse.
Les documents livrant les lots les plus cohérents de microtoponymes ne remontent pas au delà du XVI° s.
Il s'agit de deux compoix dressés en 1559 et en 1615 et de l'état des sections établi en 1833 (5). Ces documents, complétés par un plan d'arpentement de la forêt de Combe nègre (1666), ont permis de composer un répertoire fort d'environ 150 noms de lieux répartis sur l'ensemble du territoire.
Une très grande partie de ces toponymes ont pu être localisés grâce au plan cadastral du XIX° s. et à la reconstitution parcellaire des compoix des XVI° et XVII° s.(6), permettant une confrontation entre le nom de lieu et son référent
Bien sûr, si cette documentation a permis de réunir et de dater le couvert toponymique de la commune, il faut garder à l'esprit les limites inhérentes à la nature et à la chronologie des documents. Ainsi, les compoix ne font état que des biens imposables, ignorant les biens nobles et surtout communaux qui représentent près de la moitié du territoire.
Cette lacune a pu être partiellement compensée par le plan d'arpentement de 1666, document permettant de compléter la liste et d'appréhender la nature de la toponymie s'appliquant à ces vastes étendues boisées.
Enfin l'écart chronologique inégal entre les documents rend délicate l'appréciation de l'évolution du couvert toponymique et s'il parait possible de mesurer les changements qui interviennent dans la cinquantaine d'années séparant les deux compoix, on ne sait rien quant aux mouvements toponymiques constatés entre 1615 et 1833.
De plus, il apparaît extrêmement délicat de dater à partir de la documentation l'apparition et la disparition des toponymes, ceux-ci pouvant avoir une durée de vie dans la mémoire collective dépassant le cadre de la documentation.
On considérera toutefois ces phénomènes non pas en tant qu'éléments de datation stricte, mais comme l'indice de l'affirmation d'un toponyme. ou de sa désuétude dans la situation des lieux dans le terroir(7).
L'histoire de cette petite vallée et de ses environs apparaît riche et affectée de nombreux déplacements d'habitat.
Ainsi le promontoire terminant le causse qui sépare la vallée du Sor (8) de celle de l'Aurivals (commune de Sorèze), siège d'un oppidum protohistorique, est mentionné au début du IXe s. comme castrum de Verdun (9) dans la pseudo-charte de fondation de l'abbaye de Sorèze.
Il réapparaît sous le double nom de Verdun (quod olim antiquiter vocatum est) et de Brunichellis (hodie vocatur )(10) en 1141, comme dépendant du vicomte Roger de Béziers et de l'abbé de Sorèze (11), inféodé aux seigneurs de Roquefort.
Cette famille, dont les premières mentions remontent aux environs de 1030, tient un château et castrum (village subordonné) dominant le fond de la vallée du Sor.
Le castrum de Durfort (12) est probablement créé dans la deuxième moitié ou la fin du XIIe s. par ces mêmes seigneurs de Roquefort, à la frontière entre le domaine du comte de Toulouse et celui de Trencavel dont ils sont vassaux.
Cette fondation intervient sans doute peu avant l'abandon progressif du castrum de Verdun/Berniquaut que l'on situe au XIII° s. tandis que s'agglomère à ses pieds un bourg, autour de l'abbaye de Sorèze, dès le début du XII° s. au moins.
L'église paroissiale Saint Etienne de Durfort apparaît pour la première fois en 1255 (Cart. f.329), mais le vocable suggère un lieu de culte plus ancien (13) qui a pu servir de point d'ancrage à la création d'une paroisse castrale, ainsi que le suggère le découpage à l'emporte-pièce de la commune de Durfort dans celle de Sorèze.
Le site perché de Durfort fut déserté dans la deuxième moitié du XIVe s. et son toponyme transféré au village implanté en fond de vallée, qui a dû coexister et qui est aujourd'hui le seul occupé.
Le castrum déserté n'est plus désigné que par un terme générique, castel ou Castellas dès le XVIe s.
On observe ici deux cas de figure dans l'évolution des noms de lieux habités : celui où une réorganisation de l'habitat sur place entraîne un changement de toponyme (Verdun/Brunichellis) et celui où le dédoublement puis transfert d'habitat s'accompagne du déplacement du nom (Durfort), bien qu'inadapté au nouveau site. Enfin, et nous y reviendrons, la question du ou des lieux de culte sur cette commune soulève celle d'une occupation antérieure au castrum et des déplacements de l'église paroissiale et de son vocable en lien avec ceux du village. (14)
En revanche, à l'orée de la période moderne, dont la documentation sert de base à cette étude, les limites du territoire apparaissent fixées et correspondent strictement à la commune actuelle.
La vallée de Durfort est située dans la zone de contact entre la Montagne Noire, massif hercynien soulevé, et le Bassin Aquitain effondré, par l'intermédiaire de la dépression périphérique dite de Revel.
La bande schisto-calcaire métamorphique qui s'adosse au massif cristallin primaire de la Montagne Noire a été fortement plissée par les poussées hercyniennes venues du sud.
De profondes entailles torrentielles orientées est/ouest l'ont découpée en une série de petits plateaux, les causses.
La plus occidentale, la vallée du Sor, débouche sur la "plaine de Revel", recouverte de sédiments tertiaires.
Le territoire communal durfortois s'inscrit strictement dans la basse vallée du Sor et ses limites s'appuient en grande partie sur le relief.
Les lignes de crêtes, culminant entre 500 et 650 m., limitent le terroir au nord-est, où s'est implanté l'oppidum de Berniquaut, et au sud-ouest où s'étend la grande forêt de l'Aiguille.
Au sud-est et au nord-ouest, une série de petits cours d'eaux (recs de Maldegrel, du Montagnet, de la Jasse) servent de référence aux frontières communales.
Au nord, le territoire ne gagne pas sur la large plaine de Revel mais se limite à l'embouchure de la vallée dont l'altitude varie entre 265 et 275 m. Verrouillé au sud par les gorges de Malamort qualifiées de "bout du monde" (15), le fond de vallée reste étroit sur plus de la moitié de son développement jusqu'au Chayla, qui apparaît à plusieurs titres constituer une véritable charnière dans le terroir.
Il s'élargit ensuite quelque peu, ménageant un étroit plat, pour enfin s’ouvrir sur un secteur de plaine dont une partie apparaît inondable (16).
Les versants sont abrupts, alternant affleurements calcaires proéminents et combes plus ou moins profondes au creux desquelles coulent d'irréguliers "recs".
Tandis que sur le versant exposé au nord, elles apparaissent froides et humides, celle s'ouvrant dans le versant ensoleillé a servi de siège à l'ancien castrum.
L'amont de la vallée est le domaine des gneiss jusqu'au Chayla, alors que l'aval alterne principalement des schistes et des calcaires. L'embouchure de la vallée est occupé par le cône de déjection.
Du point de vue climatique, la vallée se trouve à la croisée de plusieurs entités bioclimatiques, subissant les influences océaniques atténuées du domaine aquitain, celles plus diffuses et localisées de la zone méditerranéenne, et les incidences climatiques d'un milieu de type montagnard, du fait de l'altitude moyenne, des fortes pentes et de la double exposition.
Le débit du Sor, au régime hydrographique plutôt atlantique à amplitude annuelle modérée (17), est assez abondant et assez régulier pour être utilisable comme force motrice.
Cette diversité des substrats contribue, avec le climat, à une multiplication des terroirs que traduit fidèlement la géométrie du parcellaire.
Ainsi s'opposent les vastes territoires non structurés des versants du plus profond de la vallée, constitués de sols peu évolué (18), le cours du Sor supérieur et ses longues lanières épousant les méandres, et les trames parcellaires denses situées dans les bonnes terres de la plaine ou s'accrochant sur le versant le mieux exposé, en particulier la combe où est implanté le castrum.
Dans ce contexte de vallée encaissée, les références à l'environnement physique ne manquent pas d'être fort nombreuses et les affleurements rocheux, les combes, les cours d'eau ainsi que le fond de vallée constituent autant de points de repères que l'homme a pu utiliser pour jalonner son territoire.
UNE CINQUANTAINE DE MICRO-TOPONYMES
Ce répertoire relatif à l'environnement a été compilé à partir de toutes les références aux éléments, qu'ils soient naturels ou anthropiques, susceptibles de constituer un point de repère (fig. 2). Ainsi il semble opportun de signaler une pierre émergeant du sol sans en considérer ni son origine (anthropique, naturelle) ni sa fonction (souvenir d'un passé, borne) dans la mesure où son existence permet de se repérer dans le terroir.
Les premiers peuvent être seuls ou accompagnés d'un qualificatif référant à une particularité physique propre, Peyre ponchude (1559) pour indiquer son aspect aigu, Roc de Peyreficade ("érigée", Petra ficata dès 1274, Doat, 26, f.24) qui correspondait à une pierre plantée (20).
L'environnement immédiat sert aussi à la dénomination des rochers comme Roc du traou des rols (il semble ici que rol signifie "éboulis", infra) ou Roc del bedel (1666, "éboulement de terre" (21)), Rocher des chambres (1833) pour la présence de cavités naturelles (22), Roc de l'homme mort (possible déformation d'orme mort), Roc del tutel ("terrier", 1615, Roc del tutel ou Théroundel 1833), Roc del théron (1833), "source" (23).
Certains de ces rochers ont pu servir pour identifier le parcellaire. Ainsi Peyreficade désigne également les parcelles environnantes au moins dès 1559, le Camp de la lauze (1559, 1615) signale la présence d'une pierre plate (24). Peyre et Peyrade enfin, recensées au XIXe s., instituent dans la toponymie une pierre seulement signalée comme confront dans le compoix de 1615 (f. 58) : "confronte au midi la rue allant aux martinets qui ne passe plus que jusqu'à une pierre blanche droite".
Les autres toponymes référant à la topographie s'appliquent à caractériser une réalité du terrain avec lequel l'utilisateur du terroir doit composer.
Ainsi Baux ("lieu escarpé"), Succol (1559, Sucol 1615, "sommet") ou Montagne et Montagnet (ruisseau des) et Montégut (1833) définissent la morphologie du terroir. Encore que ces trois derniers signifient peut-être, au delà du caractère topographique, une manière de protéger les pâturages des essartages du XVIe s. à l'instar de certaines pratiques connues en haute Provence (25).
Le Causse et son diminutif Causset (1615) renvoient à la nature calcaire du terrain : ce lieu-dit correspond aux calcaires tertiaires de Castres, situés au nord-ouest du territoire, dont le prolongement dans la commune de Sorèze se présente sous la forme d'un véritable plateau désigné par ce même toponyme le causse.
On peut classer également dans la nature des terrains, Caironaire ("cairn" ou "éboulis", 1615), et Sault des rouls (1559, 1615, 1833), désignant ici non pas une cascade d'eau mais un éboulis, une "cascade de pierre" (26).
nord.
Comme pour les rochers, si chaque combe est individualisée, la
toponymie n'accorde qu'une faible part à ce relief
pour désigner un secteur parcellaire et le terme La Combe
des compoix se suffit à lui-même sans autre forme de
différenciation pour désigner un secteur
très structuré et
favorable à la culture.
Le réseau hydrographique a une importance non négligeable dans les activités artisanales pratiquées sur le terroir et le besoin d'identifier les cours d'eau drainant le territoire se fait ressentir dans la toponymie.
La principale rivière, le Sor, est indirectement attestée au IXe s.(27), souvent désignée par mayral (1559, mairal 1615, "cours d'eau principal"), et de nombreux cours d'eau secondaires sont identifiés par un nom (28).
Celui-ci dérive d'une particularité physique propre, Rec de las tres founes indiquant qu'il est alimenté par trois sources (29) (foun dérivant de font, "fontaine, source"), le Rec dal raxal (1833, occ. rajal, "cascade, chute d'eau").
Il prend le nom du lieu qu'il traverse ou dont il est originaire comme le Rec de la Carcine, le Ruisseau du Montagnet (toponyme de la commune de Sorèze : métairie du Montagnet) (1833).
Il peut enfin porter un anthroponyme comme Rec d'en Barret (on peut toutefois soupçonner un transfert du nom de lieu En Barret(30) sur le rec qui le traverse).
A la différence des recs dont un petit nombre caractérise le parcellaire - l'inverse est plus courant - les fontaines apparaissent suffisamment remarquables pour s'inscrire dans la toponymie. Ces points d'eau sont également identifiés en 1615 par un anthroponyme, si l'on exclut Fontainevigne qui prend le nom de son environnement immédiat.
Fontandié dérive de Font Audié, toponyme attesté d'ailleurs dans la documentation depuis le XIIIe s. (Font Auderii en 1277, Font André en 1523, Font Ambro en 1544). Font Témerique pourrait venir de Font Aimeriga, adjectif formé sur le NP Aimeric, le t initial parasite étant issu de la mécoupure de font, selon un phénomène déjà attesté dans FontTandié. Quant à la Fontaine des juifs, située aux abords mêmes de l'ancien castrum, on ne rencontre cet ethnotoponyme que dans le cadastre du XIXe s. Son origine reste obscure.
Ainsi Méjeanne (1615, Méjane 1559), Entre dos aygues (1559, 1615) désignent les parcelles situées entre le Sor et les plus importants biefs aménagés pour LES_MOULINS. Le premier est situé en amont du village actuel, le second en aval. Quant à celui situé aux abords mêmes du village, il est désigné par le toponyme l'aygue.
Enfin, Pouzadou suggère un endroit de la rivière où l'on peut puiser de l'eau. Quoiqu'il en soit, la toponymie relative à l'eau est principalement dictée par son utilisation en lien avec l'aménagement du cours de la rivière et le creusement des biefs et des canaux de dérivation sur lesquels sont installés LES_MOULINS.
Il ressort de la toponymie relative à la topographie et à la nature de la terre la possibilité de dégager plusieurs axes d'analyse.
D'abord, la dualité entre le nom donné à un accident topographique et la désignation du terroir par une caractéristique topographique apparaît évidente et ne procède pas des mêmes motivations. Les rochers, les combes et les recs servent de jalons au sein du terroir, leur nom permet d'identifier ces phénomènes précis et localisés mais n'ont qu'une incidence limitée sur le terroir. On ne les rencontre en effet que sur les documents graphiques (plan d'arpentement, plan cadastral) ou cités dans un confront et ils ne sont utilisés que rarement pour désigner un groupe de parcelles. Ces accidents topographiques portent en général un nom qui renvoie à leur particularité, le nom affecté aux parcelles environnantes, voire un anthroponyme. Ils sont très logiquement rejetés dans les marges du terroir, lieu où s'exprime d'une façon très marquée le poids du relief comme les lignes de crêtes hérissées de rochers dont la dénomination révèle peut-être un moyen de circonscrire le territoire (bornes artificielles ou repères naturels), ou réservés au domaine du saltus et des communaux comme les combes profondes où coulent les recs.
En revanche la toponymie qui pèse sur le terroir, celle qui nomme un groupe de parcelles, est porteuse d'une signification plus profonde, celle de localiser les lieux et ce n'est pas un hasard de la trouver presque exclusivement dans le domaine exploité et structuré et non dans les secteurs de bois ou de friches. Ces noms de lieux renvoient aux caractéristiques du milieu, soit pour désigner les limites à l'exploitation agricole par le caractère escarpé ou pierreux qu'il oppose aux rares endroits plats du fond de vallée, soit en définissant la nature de la terre, calcaire, humide (Chemin de la sagne). A ce titre, ils sont la traduction anthropique de l'environnement et non une description objective du milieu naturel.
Les marques de l'appropriation de l'espace précédemment évoquées, entendons l'empreinte de l'homme sur son terroir, ses lieux d'habitats, les aménagements qu'il a dû effectuer et enfin le poids de son histoire sont autant de thèmes que la toponymie évoque de façon plus ou moins marquée.
En premier lieu, le réseau des routes et des chemins quadrille le terroir, le structure et permet les échanges avec l'extérieur (fig. 3). Ici, les lignes de crêtes servent d'assise aux chemins principaux reliant Sorèze et la plaine de Revel à Arfons au sud-est et aux Cammazes (Campmas) et à Saissac au sud-ouest.
Au fond de la vallée, deux croisées de chemins sont remarquables, l'une au Chayla à proximité de l'ancien cimetière (et sans doute ancienne église paroissiale) et du lieu-dit La Tour, relie Durfort aux Cammazes et à Arfons ; l'autre à l'entrée du village actuel joint à Durfort les villages de Sorèze, de Revel et des Cammazes. On ne peut préjuger de l'ancienneté de ces voies mais la coïncidence de ces deux carrefours avec deux pôles successifs, séparés par le castrum un peu en marge du réseau, est pour le moins remarquable. Notons l'existence de deux croix (croux) servant de repère dans le territoire : la croix de Ferran au carrefour de l'ancien chemin de Sorèze avec celui de Revel, la Croux del Castel au carrefour entre la route de fond de vallée et le chemin menant au Castlar, toutes deux à quelque distance, en amont et en aval, du village actuel. Les autres chemins ne sont que des voies secondaires permettant la desserte interne du terroir.
Les chemins sont désignés par les mots courants et interchangeables de camy, carriera et rue. Le terme de l'hies ou l'hyes (parfois précédé de en, 1615 et 1559) est également usité. Hies ou ies signifie "sentier", mot couramment employé en Lauragais et dérivé du latin exire.
Les principaux chemins sont désignés, comme habituellement, par les lieux qu'ils relient au village et ce mode de désignation "égocentrique" varie peu d'un compoix à l'autre.
Le XIXe s. étend l'appellation aux deux lieux habités reliés par la voie. Peu d'entre eux servent à la localisation des terres.
Ainsi, seuls les Voltas, Votes, Votas dArfons (1559), ou encore Camy des Voultes (1615)(31), de l'occitan vouta, "lacet d'un chemin", ou le Chemin de Sorèze(32), parfois dit rue ou cami public, sont de véritables toponymes.
Pour le réseau secondaire en revanche les chemins sont désignés le plus souvent par le toponyme du lieu qu'ils desservent et les exemples en sont nombreux, chemin de la Fontainevigne (1559), cami de la Buade, cami de Las Tendas, cami del Castel ou du Castellas, cami de la Ressegue, cami ai Succol, cami tirant à Bruniqueau (1559, 1615), cami tirant à Saint-Etienne, cami de La Platola (1559), voire de la nature des terres auxquelles ils mènent, Cami Paillassat, Cami des orts, Cami du cimetière (1559, 1615).
Quelques toponymes dérivant du réseau des voies de communications servent toutefois de repères pour situer des secteurs. Ils réfèrent alors à des éléments forts comme al Cap del pont, ou caractérisent une parcelle entourée par des chemins comme Entre deux chemins (1615).
Les sites historiques, dont le nom sinon le souvenir s'est conservé, servent de repères ou de noms de quartiers. Il en va ainsi de Brunichellis (1141, Bruniqueau en 1559, Berniqueau en 1615, Berniquaud au XIXè s.)
Le castrum originel de Durfort a cédé son nom au village bas mais reste désigné par les termes de Castel (1559 et 1615), Castelas (1559, 1833) ou Castellas (1615), soit "grand château, vieux château, château en ruines" (Mistral) ; l'appellation orale actuelle est Castlar.
On trouve également Castel de Valsor (1559), évoquant sa situation (Val + Sor) et déformé en Baiser (1623, Cart., f.317) ou encore Tour de Bellesor sur la carte de Cassini.
Curieusement, la fontaine qui alimentait le village haut, située à l'extérieur côté sud-est et qui coule encore épisodiquement dans un petit édicule ruiné, est dite Fontaine des juifs au XIXe s., désignation ethnique dont l'origine reste obscure.
La Tour désigne, de 1559 au XIXe s., un même lieu distinct du castrum, puisque précisément situé sur la rive gauche du Sor, en amont de l'ancien cimetière (33). Ce dernier, maintenu jusqu'en 1824, est bien sûr un repère important, dit sementery, le quartier ayant conservé jusqu'à nos jours le vocable de l'église qui dut l'accompagner à l'origine, Saint Estèphe pour Saint-Etienne.
Le vocable a pourtant suivi le déplacement de l'église paroissiale, d'abord dans le barry d'amont où elle est dite dans les confronts église vieille en 1559 puis gleyse tringuade en 1615, de l'occitan trincada, "tranchée" pour "ruinée", sans que cette seconde église y ait laissé une trace toponymique.
C'est encore le vocable de l'église actuelle, transférée dans le village vers la fin du XVe s. ou le début du XVIe s. Le déplacement de l'église n'a donc pas entraîné le déplacement du toponyme (mais seulement celui du vocable) resté lié au cimetière, probablement parce que ce dernier est maintenu sur place.
On ignore tout du référent d'un autre hagiotoponyme, Saint Alby (34), cité en 1499 (Cart., f.193) puis régulièrement jusqu'à nos jours
Le troisième et dernier pouvoir, consulaire, est peut-être symbolisé par un noyer, probable lieu de réunion, qui aurait laissé son nom à un quartier : Al Nouguyé ("noyer") communal (1559), Al Noguié (1615), Al Noyé (1833). Cette pratique est attestée dans les Hautes-Pyrénées (35) et peut-être par un épisode des guerres de Religion où les protestants pendirent les consuls de Durfort à un noyer (36).
Il est désigné par La Ville dans les deux compoix et l'enclos du village en 1833. Peu étendu, sa structure simple, encore bien conservée, n'a guère excité l'imagination de ses habitants en matière de désignation. Ce dernier village de Durfort n'est pas organisé autour ou à partir d'un pôle, église ou château.
Cette observation ainsi que son plan régulateur invitent à y voir une initiative villageoise, communautaire. Protégé par des murailles citées dans les confronts, sans doute le dos des maisons, il aligne trois rangées de maisons mitoyennes séparées par deux rues, la rue du four et la rue de derrière (1559, 1615), tandis que l'expression rue droite n'apparaît qu'une seule fois en 1615. II comprend également deux barris, de la Porte d'amont et de la Porte de cers (1559) ou d'auta et de cers (1615).
Ces faubourgs s'organisent le long d'élargissements de la voirie, sortes de places, Lo Plo ou Pla en aval et La Place (1559 et 1615) en amont, dite Le Sol en 1833 et encore de nos jours.
Les désignations sont ici très claires, faisant appel aux points cardinaux, à des localisations relatives (rue de derrière), ou par référence à un point remarquable (rue du four, rue du pont (37)). Aucun nom de rue n'apparaît dans les documents cadastraux du XIXe s., le plan et le numéro de parcelle suffisant à sa localisation précise, ce qui ne signifie pas que les anciens noms de rue ne fussent plus usités oralement (38).
On observe donc une assez grande stabilité dans les toponymes affectés aux chemins, aux lieux habités (agglomérés), anciens ou non.
Quant à leur localisation, on a vu que la densité la plus forte correspond à une zone comprise entre les deux principaux carrefours de routes qui encadrent les sites successifs d'habitat et de culte.
A côté des travaux d'aménagement, canaux de dérivation et chemins qui quadrillent le terroir et en permettent la desserte et l'exploitation, à côté des lieux symboles des pouvoirs (seigneurial, ecclésiastique et communal), et des sites d'habitats groupés, un moyen de marquer le territoire est l'usage des noms de personne, cette fois à titre individuel.
Beaucoup ont été évoqués ou le seront dans les différents domaines abordés ici.
Le plus souvent, ils servent à identifier un bâtiment (moulin ou martinet) et par extension les quelques parcelles voisines, une métairie ou un champ. Pratique orale encore très usitée, elle renvoie au propriétaire ou à l'occupant, connu de ses contemporains ou dont le souvenir s'est conservé.
Les limites de l'identification sont contenues dans la nature même des documents, puisque les non-propriétaires n'y figurent pas. Parmi les noms identifiables grâce aux compoix, la plupart sont de moyens ou gros propriétaires, ou des familles possédantes durablement implantées.
Nous citerons quelques exemples : La Ressegue de Bourguès (1559) pourrait se rapporter à un dénommé Bourguès, propriétaire d'une maison à Durfort la même année.
Le lieu Calvairac (1615) évoque un propriétaire du même nom connu en 1559.
Les lieux Au martinet de Miquel Ventoilhac et le moli des Paries (1615) renvoient à deux frères de la même famille. La métairie de Jacournassi réfère à un certain Jacournas, non identifié, comme le Gaspar de La Gaspara, Le Plo de Nestor (ou d'En Estor ?), ou Sidobre (1833).
Inconnue aussi la dame Prinade qui a laissé son nom à la Métairie de Na Prinade (1615) converti par oubli de la dame en La Privade au XIXe s. Cammartel (1833) évoque peut-être le champ de Martel même s'il désigne une vigne...
Le lieu-dit del Bourguignon (1615) renvoie à un un nom ou un surnom. Mais Layronieyre (1559), Laironnière (1615), situé à proximité du lieu-dit La Tour, réfère peut-être à un repaire de voleurs (layrons) à moins qu'il ne s'agisse d'un sobriquet.
Les noms de personnes sont aussi utilisés pour individualiser des fontaines, des ruisseaux ou des rocs, c'est-à-dire des éléments naturels, parfois plus ou moins perdus dans les bois, notamment dans les communaux à l'époque moderne.
Par exemple, le rec de Taisaire (1666) fait probablement référence à une famille Teysseyre, propriétaire à Durfort en 1559 et 1615. L'usage d'anthroponymes dans les communaux pourrait peut-être s'expliquer par les concessions temporaires d'essartage octroyées à des particuliers.
Dans certains cas, on a eu recours, pour désigner une ou deux parcelles, aux modes d'exploitation ou de propriété, à la qualité du propriétaire ou du tenancier plus qu'à l'individu. Ainsi le souvenir de l'emprise ecclésiastique est sensible dans les appellations de Champ de l'obit (1833), Cappelanie (1559) ou del Purgatory faisant référence à des obits et chapellenies (39), bois de Labat pour l'abbé de Sorèze en limite de terroir (1559, 1615) ou Moli des Frères, soit les Frères Prêcheurs de Revel (1559 et 1615).
Le groupement de parcelles dites Du Maître, Du Métayer et De l’Allée s'appliquent au XIXe s. à la métairie de Jacournassi. Le Roc del Comte (40) n'étant consigné qu'en 1833, son interprétation reste délicate.
Le lieu-dit Mal viguyé (1559) peut se référer à un mauvais viguier ou qualifier un certain Viguyé, propriétaire d'une seule parcelle en 1559
LA MISE EN VALEUR DU SOL ET L'AGRICULTURE
Les références à l'exploitation du terroir apparaissent bien représentées dans le répertoire toponymique avec 42 référents que l'on peut classer dans ce thème (fig. 5). Mais l'analyse de ce couvert toponymique nécessite un essai de définition de l'économie agricole au travers des potentiels des sols et de la distribution des terres tels que permettent de les saisir compoix et cadastre.
Le territoire de Durfort ne possède pas un potentiel agraire homogène, mais permet une économie agro-sylvo-pastorale. Passons sur le XXe s. où seules 4 exploitations agricoles sont recensées (54 ha de surface agricole utilisée) (42), la situation au XIXe rend compte de 58 ha de terres labourables, 30 ha de prairies, 17 ha de vignes, 4 ha de jardins pour 184 ha de bois(43).
Autant que l'on puisse en juger, peu de changements interviennent dans le corpus des activités qui sont menées sur le territoire communal entre l'époque moderne et le XIXe s.
Les meilleures terres sont affectées aux labours et jardins, les mieux exposées à la vigne. Les parcelles les plus délicates, mal exposées ou aux sols ingrats sont, quant à elles, réservées aux prés ou pâtures, voire laissées à la friche et aux bois.
Outre les cultures pérennes ou spécialisées telles que la vigne et les jardins, les documents ne permettent pas de connaître la nature des cultures pratiquées. La culture fruitière n'est attestée qu'une fois, au travers d'une parcelle spécialisée (un verdier en 1615), mais son existence devait sans doute être plus répandue, en particulier en association avec les vignes et les jardins.
S'ajoutent toutefois à ce maigre corpus les parcelles affectées à la culture du chanvre citée dans les compoix (canabairal), qui n'est pas une production de subsistance mais plutôt spéculative (oléagineux dont les tiges sont utilisées à la production de fibres textiles).
Si, et la nature même de la documentation y est pour beaucoup, il est possible de se faire une bonne idée de la gestion des terres, il n'en est pas de même pour les activités pastorales possibles sur le terroir.
Rien ne permet en effet de donner une image précise, voire de quantifier, la part de l'élevage dans l'économie agricole de la communauté à partir de ces seuls documents.
Le scripteur ne donne pas d'affectation particulière aux bordes situées hors les murs et qui pouvaient accueillir des troupeaux, même si l'on rencontre dans le compoix de 1559 quelques porcheries (porcatayre, borde de porcs), fait assez étonnant, l'animal faisant partie des commensaux.
L'élevage au sens large ne trouve de référence qu'au travers de l'affectation d'une partie du terroir à la dépaissance (prés, pâtures), à la production de fourrages et aux bâtiments destinés à leur stockage (fenial). La coexistence de zones de prairies grasses le long du Sor et de prairies sèches sur les versants permet d'envisager l'existence d'un élevage bovin et ovin.
Le domaine inculte, quand il n'est pas en régime de propriété commune (communaux), requiert, quant à lui, un vocabulaire relativement fourni : barthes, bois, taillis, taillade, hermal, terre hermaule.
Cette diversité laisse soupçonner des utilisations diverses, allant de la simple production de bois, à l'essartage, au soutrage ou étrépage(44), à la simple mise en dépaissance.
Enfin des unités d'exploitation, les métairies, regroupent d'un seul tenant terres labourables, jardins, pâtures et taillis ou bois. Ces exploitations agricoles, attestées dès le XVIe s. (trois bories en 1559), se répandent au XVIIe s. (cinq métairies en 1615). Elles doivent peut-être leur origine au renouveau des bories dans le Toulousain à partir du XVe s. (45). Celles-ci pourraient, comme finalement le plan cadastral du XIXe le laisse entendre (emplacement de la bergerie de La Privade) être orientées plus particulièrement vers l'élevage ovin.
L'organisation du terroir, telle que l'on peut l'approcher à partir de la documentation cadastrale, apparaît fortement conditionnée par la configuration de la vallée, le potentiel des sols et leur exposition.
Cette organisation ne paraît pas être remise en cause au XIXe s., un certain rétrécissement de la surface agricole utilisée ne se manifestant qu'au XXe s. avec le délaissement des terres au profit de l'économie artisanale.
D'une manière globale, la vallée peut être découpée en plusieurs secteurs. La partie haute de la vallée, aux versants abrupts et aux sols peu évolués sur substrat cristallin (gneïss), est le domaine des bois et des friches et n'est que bien peu structurée par le parcellaire.
L'ombrée, entaillée de combes profondes, est réservée à la forêt où s'exercent dès le XIVe les droits d'usage tels que les coupes de bois (lignas, fustae sive arbores) ainsi que la dépaissance (de pascendo) des animaux quels qu'ils soient (46).
La soulane, elle aussi domaine de la friche, permet toutefois l'installation à son sommet de métairies existant au moins au XVIe.
Le fond de vallée étroit donne lieu à un parcellaire étriqué, organisé en longues parcelles bordant le cours du Sor et pouvant se développer au hasard des possibilités telles que la confluence d'un rec (47).
La partie basse de la vallée où s'exprime la diversité des substrats, alternance de calcaires et de schistes, est le domaine de l'ager et apparaît fortement structurée.
Le fond de vallée élargi dégage de bonnes terres propices à l'installation de jardins tandis que les affectations culturales s'étagent sur les versants. Quelques terres et quelques prés occupent la base du versant mal exposé, tandis qu'à son sommet réapparaissent les taillis et les bois entrecoupés de quelques métairies.
Le versant ensoleillé, quant à lui, est planté de vignes ou de jardins, en particulier dans les deux combes qui l'entaillent, et s'avère extrêmement structuré, rejetant les taillis dans les parties les plus abruptes, à l'approche du massif de Berniquaut.
La plaine, partagée par le Sor, se compose d'une rive gauche inondable consacrée exclusivement à la prairie grasse s'opposant à une rive droite moins affectée par les caprices de la rivière, domaine de la plus grande partie des terres labourables.
Le répertoire toponymique accorde une part non négligeable avec près de 41 référents que l'on peut attribuer au domaine agro-pastoral.
Hormis les cultures pérennes, aucune plante cultivée n'a laissé sa trace dans la toponymie, car trop fugace dans le temps et dans le paysage. Le Cami Paillassat ("pailler", "meule de paille") évoque pourtant la culture des céréales et la production de litières, mais ici c'est plus son mode de stockage, la succession de meules de pailles, qui marque le paysage que la culture en elle-même qui sert à baptiser le dit chemin.
En réalité c'est la terre labourable, unité de base de l'agriculture, rare à Durfort du fait de l'exiguïté de la vallée, qui est évoquée dans le répertoire toponymique par la référence au champ.
Celui-ci est désigné par sa taille et Campets, noyé dans le secteur des terres labourables, s'oppose au Champ grand, immense parcelle de la métairie de la montagne, Jacournassy, évoquant l'aisance d'une initiative seigneuriale ou l'absence de limite à l'extension de la mise en valeur de la terre.
Enfin le régime de propriété, comme Cammartel (champ de Martel), Champ de l'obit ou La Gaspara (terres de Gaspar), apparaît un moyen simple de désigner une parcelle dans la mesure où le propriétaire a un certain poids ou un certain statut pour posséder de vastes surfaces (La Gaspara, le Champ de l'obit et Cammartel sont constitués respectivement au XIXe s. de quatre, trois et deux parcelles de terres labourables).
Les lieux d'accueil des animaux ont également marqué la toponymie au travers soit des parcelles affectées à la dépaissance ou aux cultures fourragères soit des bâtiments permettant l'hébergement des troupeaux. Ainsi La Prade désigne le secteur inondable de la rive gauche du Sor, la Pradine le long du Sor en amont du village actuel (aux environs de Saint-Etienne, secteur où la vallée commence à s'élargir).
Sur les versants, les parcelles en fourrage sont identifiées, tels Pré haut et Pré bas situés au dessus et au-dessous de la métairie d'Aire vieille, ainsi que Farraxal (probablement du languedocien jerratjal "terrain en fourrage") situé dans les mêmes environs. Avec le Prat de Na Pittre enfin, le nom du propriétaire ou de l'utilisateur sert également à désigner une parcelle.
En revanche rares sont les toponymes évoquant les lieux de stabulation puisque seules deux mentions sont présentes dans le répertoire et concernent exclusivement l'élevage ovin.
La Jasse (dérivé de jassa, 'Urgerie") est située sur le territoire de la métairie de Falgua, renforçant le caractère spécialisé de ces unités d'exploitation, tandis que le Plo de la jasse s'appliquant à un martinet permet peut-être de localiser une ancienne bergerie située au cœur de la zone réservée aux terres communales.
Cette culture aux accents spéculatifs apparaît déjà bien ancrée au XVIe s. (près de 70 parcelles représentant une trentaine d'hectares en 1559) (49) et progresse légèrement au XVIIe s.
Pour ces périodes toutefois la toponymie consacrée à cette culture est également assez vigoureuse avec Els maillols (occ. malhol. "jeune vigne") en 1559, Mailholasse en 1615 ("mauvaise jeune vigne", Mallourasse en 1833) ou La Vigne en 1615.
Après le XVIIe s. s'ajoutent encore viel al maliol, Vigne haute et Vigne basse et l'on peut également attribuer Le Plantié, s'appliquant à deux prés rectangulaires isolés dans des communaux et exposés en soulane, à l'échec d'une ancienne tentative de création de vigne.
Au-delà du nombre des toponymes, l'importance de la vigne dans l'économie de la communauté est également renforcée par la terminologie qui met en lumière très logiquement la qualité et le vieillissement des parcelles au détriment de leur taille ou de leur localisation.
Les jardins, pourtant très répandus et nécessitant un soin tout particulier, apparaissent quasiment ignorés par la toponymie et l'on ne rencontre que le cami tirant aux orts ou Fort del Purgatory pour témoin de cette activité vivrière. Toutefois, leur empreinte dans le paysage est sans doute soulignée par Bartet ou Barlet (1559), Baralles (1615), et Barralet ou Barratet ou Barratie (1833)(50), si l'on admet l'équivalence de ces termes et leur interprétation comme des dérivés de l'occitan, respectivement barralh et barrat, soit "petit enclos" : les multiples jardins qui occupent ce secteur aux XVY et XVII` s. sont encore présents au XIX` s. Quant aux cultures fruitières, Les Pommiers apparaissant après 1615 désigne deux lieux différents et perpétue le souvenir de parcelles spécialisées-(51) que la documentation ignore presque totalement (un seul verdier est cité en 1615).
Les essences végétales sont peu mentionnées dans le répertoire toponymique dans un terroir où les taillis et les bois représentent pourtant près de la moitié du territoire.
De manière générique, sont indiqués les barthes (broussailles, buissons), Le Bac (le bois), Taillade espèce (taillis). Les rares essences végétales précisées sont la fougère (Falga, 1559), le genêt (Ginestière, 1833)(52), la chênaie (Garrin, Garric) et le buis (Bouissière).
On peut rajouter à ce répertoire les Cantemerle, Pelolebre ou Pelebocr (sic) dans la mesure où cette toponymie particulière s'attache à désigner les principaux secteurs de friches aux marges du secteur cultivé (ces lieux désignent les principaux affleurements rocheux incultes).
Quant à I’Aire vielle (ici terres autour d'une maison ou défrichement (53)) ou à la Combe d'issarfret ("essart" (54)), ils soulignent certainement la poussée d'essartages liée à la reprise des XVe et XVIe s. auxquels le saltus a été soumis.
Certes, l'évocation des essences végétales traduit bien la réalité du terrain. Aux lieux Falgua et Ginestière correspond un substrat schisteux (sols bruns lessivés sur roche mère silicatée (55) ) favorable au développement de cette végétation.
Bouissière (1833) est situé sur des secteurs calcaires (rendzines(56)). Mais on peut voir toutefois dans la distribution de cette toponymie, à la lisière des secteurs cultivés et non au coeur des vastes étendues boisées ou incultes (taillis etc.) du fond de vallée, les empreintes de l'exploitation du terroir.
D'abord, une partie des plantes (Ginestière, Falgua) citées sont issues de la dégradation du couvert forestier (exploitation du bois, pâturage). D'autres, correspondant à des secteurs cultivés au XVI` s. (Le Boc, Garric...), perpétuent sans doute le souvenir des derniers défrichements.
Enfin on peut se demander si le choix de ces toponymes ne peut être le témoignage de l'exploitation de ces plantes (genêt, fougère), parfois utilisées dans la composition des litières pour les animaux (57).
Reflet très pertinent de la réalité agraire, la toponymie dresse un éventail relativement complet des activités agricoles pratiquées sur le terroir, et répercute ses évolutions.
L'organisation spatiale du terroir est fidèlement retranscrite, terres labourables du débouché de la vallée, vignes des versants les mieux exposés, prés et pâtures, friches et bois des sommets de versants et des terres les plus ingrates. Mais c'est dans le renforcement de cette toponymie entre le XVII` s. et le XIX` s. que l'on peut sentir la structuration de plus en plus forte d'un terroir utilisé au mieux de ses possibilités
Le moulin ou le martinet constitue un élément particulier dans le paysage puisqu'il s'agit d'une entité à part entière composée d'un bâtiment, d'une chaussée (paissière) et d'un bief (bezat), d'une cour (airal ou patus), d'un jardin (art), et assez souvent d'une pièce de terre, d'un bois ou d'un taillis (58). Son installation requiert donc des travaux d'aménagement, creusement d'un canal de dérivation du cours de la rivière, construction d'une retenue. Enfin, la fonction de chacun est distincte puisqu'il peut s'agir d'un moulin bladier, d'un foulon ou d'un martinet pour le travail du métal.
La force du Sor et la relative régularité de son débit ont permis son exploitation en tant que force motrice dès le XIIIe s., époque d'expansion du moulin à eau. La première mention de moulin, probablement bladier-drapier (59), remonte à 1255 (Cart., f.189). Un autre moulin, dit de Levant, est connu en 1280 comme étant à blé et à drap (Cart., f. 190).
Tous deux sont situés en aval du village actuel. Le foulon est donc bien attesté au XIIIe s. et doit être mis en relation avec l'industrie drapière du Lauragais, assez florissante jusqu'au XVe s. Durfort produit du drap, étoffe assez grossière, vendu aux foires de Pézenas, Lunel et Montpellier (1379) ; des draps de Durfort sont vendus à un marchand italien, Datini, en 1388. La double fonction bladier-drapier de quelques moulins se maintient encore au XVIe s.
Parallèlement plusieurs moulins bladiers fonctionnent, suggérant la transformation de grains pour d'autres communautés.
Un "moulin dit martinet" apparaît en 1485 (A.D.31, B-Eaux et Forêts, Castelnaudary E3), un autre est vendu à un martineur en 1504 (AD81, registre du notaire Roberty 1504, f 1, non coté).
Sur un même nombre total, la proportion entre moulins et martinets s'inverse entre 1599 et 1615, avec un nombre stable de moulins bladiers (tableau, infra). Les derniers foulons disparaissent au cours du XIXe s. (60) tandis que LES_MOULINS à farine se maintiennent et que le nombre de martinets se contracte quelque peu (61).
Ce tableau montre l'évolution du nombre des moulins et des martinets en activité du XVIe au XIXe s.
La toponymie reflète inégalement cette triple "industrie" de meunerie, draperie et métallurgie, importante par le nombre des bâtiments qui y furent affectés et par les revenus induits.
La concentration de ces installations dans le paysage a conduit à les utiliser comme référence pour situer d'autres biens : au Cami des martinets et d'Arfons (1559), au lieu-dit Aux martinets (1615), ou le bézat des martinets (1559, 1615, 1688) qui désigne encore oralement un canal de dérivation. Mais Le Sault dels Rolz (1559) ou Saut des Rouis (1615, 1833), littéralement "saut ou cascade de rouleaux", peut aussi bien trouver son origine dans le saut d'un moulin, d'ailleurs nommé ainsi aux XIXe et XXe s., que dans une "cascade de pierres". éboulis de versant. Leur nombre suppose la nécessité de les nommer pour pouvoir les individualiser.
Tout d'abord, une nette distinction entre moulins (sans précision de la fonction) et martinets semble acquise dès le XVIe s., dans les textes comme dans la toponymie. Mais force est de constater qu'à un même moment, tous n'ont pas un nom et que les appellations sont rarement figées.
Pour la période médiévale, très mal documentée, on ne connaît que les deux moulins cités au XIIIe s.
Au XVIe s., on ne relève pas de noms particuliers et au
XVIIe s. seulement trois sont désignés, les deux
Martinets bas au barri d'amont, celui dit de
Miquel Ventoilhac près du cimetière et *le Moulin de
la Ressegue
62 entre les deux.
Au contraire, le cadastre du XIXe s. nomme cinq martinets et trois moulins, presque tous situés en amont du village et préférentiellement dans la zone la moins "occupée". L'identification se fait le plus souvent au moyen de noms de personnes. Le moulin du Chayla a pris le nom d'un propriétaire cité en 1559 pour un drapier au barri d'amont, nom (et foulon) que l'on suit en 1615 et 1833 et qui désigne tout un groupe de parcelles sous la forme Saint-Etienne Moulin du Chayla et Le Chayla aux XIXe et XXe s.
Le moli des Paries semble correspondre au surnom Paris donné à deux frères, Antoine et Miquel Ventoilhac, et le Martinet de Miquel Ventoilhac est un lieu-dit en 1615.
Dans ce même compoix, on trouve le moulin de Magrin
(63).
Les moulins figurés sur le plan d'arpentement de la forêt de Combe nègre en 1666 sont encore nommés d'après leur occupant. La qualité du propriétaire peut également servir de désignation comme pour le moulin des Frères prêcheurs de Revel. LES_MOULINS et martinets sont également identifiés selon leur localisation géographique ou topographique - moulin de Levant (1280), Martinet haut du Pouzadou (1833), Martinet bas (1615, Martinet bas du Sol, 1833) -, ou empruntent le nom du quartier (Martinet du Saut des Riouls, Martinet du Plo de la Jasse, 1833).
Quelques noms sont plus ambigus. Ainsi, le nom de Moulin de la Clavelerie (1833) ou Claverie au XXe s. peut venir de clavelaria (occ. "clouterie") ou d'un nom de personne.
La dénomination du premier moulin connu (1255) fait appel à la fois probablement à sa production et à un nom de personne. Appelé Desquisagot (64), ce nom pourrait en effet dériver de l'occitan esquinsar, "déchirer une étoffe dans le sens de la chaîne" (Mistral), -agot ou -agol étant un suffixe dérivé de -aculum. Mais il est dit aussi de Calavel en 1255 (Cart., f.189) ou de Clavet en 1460 (Cart., f.195)
(65) La meunerie n'a laissé aucune trace toponymique, pas plus que la fabrication du pain qui n'apparaît qu'indirectement dans la rue du jour (1559, 1615), dit four de la ville dans un confront de 1615.
L'exploitation du bois, sans doute importante, n'est décelable qu'au travers de La Ressegue (1559 et 1615. Rassègne, Rassègue ou Rassigue. 1833), nom d'un moulin et de quelques parcelles, et qui désigne une scierie hydraulique (66).
L'industrie drapière est un peu mieux représentée : La Buade ou Bugade (1559, 1615), de l'occitan buada / bugada, évoque la lessive (67) ; Al Tendal ou Las Tendas signifie en occitan "grand tendoir" (tenda), perche sur laquelle on étend les étoffes pour les faire sécher (Mistral) .
(68)Un acte de 1544 fait d'ailleurs état de l'achat d'une
logade de tende au lieu dit Al Tendal, d'une largeur de
18 pans sur une longueur de 18 canes
(69) (Cart., f. 203).
Ce toponyme, bien localisé aux XVIeet XVIIe s. au-dessus du barri d'amont, connaît un morcellement au XIXe s. puisqu'il est repris à trois endroits différents, parfois éloignés, mais toujours le long du Sor à proximité de moulins ou de martinets.
Ce phénomène trahit peut-être le souvenir de l'association moulin-tendal avec perte du sens initial, à une époque où le foulon disparaît.
Curieusement, la métallurgie n'est guère reflétée par la toponymie. Si aucun nom ne se rapporte à l'extraction, c'est que le territoire communal ne possède apparemment pas de mines. Hormis le terme générique de martinets, malgré tout assez présent, on ne rencontre guère que Fargassou, "forge abandonnée ou en mauvais état" en occitan, mais qui n'apparaît qu'au XIXe s.
(70). Enfin, deux noms, connus seulement au XIXe s., pourraient se rapporter à des activités sans doute plus marginales et non attestées par les textes : la Carcine (occ. calcina), grande parcelle près d'un rec, réfère plus probablement à un lieu d'extraction de la chaux qu'à une usine de tannerie traitant les peaux à la chaux ; Fourroyère, dans la montagne, a pu désigner un lieu d'approvisionnement (élevage) pour la fabrication de peaux sans que cette activité soit connue par ailleurs
Difficile à saisir au Moyen Age, elle transparaît probablement en 1615 dans l'appellation de six maisons dites à La Boutique, groupées près du barri de cers, en deux rangées séparées par une ruelle (72).
Lorsque l'entité moulin ou martinet porte un nom, c'est le plus souvent celui de son propriétaire, plus rarement celui du lieu où il est sis.
Ce nom ne déborde pas sur le terroir environnant dans les secteurs où le parcellaire est dense et on ne le connaît souvent que par les confronts. Dans la gorge étroite où le moulin et ses dépendances constituent la seule entité privée, la toponymie se fonde sur cet outil de travail. Mais elle est instable, soumise à de nombreux changements en particulier lorsqu'il s'agit d'un nom de propriétaire.
Or dans ce secteur de moyenne montagne, celui-ci offre, à l'instar des potentialités du terroir, une image contrastée. Ainsi, le secteur de plaine au débouché de la vallée possède une trame dense de parcelles ; d'autres s'accrochent dans la combe la mieux exposée. Les zones les plus ingrates, en l'occurrence l'ombrée, sont peu ou prou structurées et se présentent, hormis les quelques exploitations agricoles implantées sur le sommet des versants, sous la forme de vastes étendues, le plus souvent en régime de propriété commune.
Bien évidemment la toponymie s'exerce de manière plus marquée dans les secteurs où la propriété individuelle est la plus importante et où la parcelle est noyée dans un réseau dense. Mais ce constat ne paraît devoir sa logique qu'au processus de conservation des microtoponymes dans la documentation. Ainsi les deux compoix ne recensent-ils que les propriétés individuelles et ignorent les communaux.
Et c'est au hasard d'un plan d'arpentement, celui de la forêt de Combe nègre, que l'on peut constater que la toponymie (73) s'exerce également, certes avec moins de vigueur, dans les zones réputées incultes, témoignage probable de leur exploitation (74).
Quant à l'état que propose le cadastre du XIXe s., s'il marque très nettement le renforcement de ce déséquilibre entre les secteurs cultivés et le reste du terroir, on le doit peut être au délaissement progressif de ces zones de friches depuis le XVII` s., l'économie locale étant de plus en plus tournée vers l'artisanat et le commerce.
Si les vastes lieux boisés possèdent une toponymie, celle ci est relativement pauvre de sens et il ne s'agit majoritairement que de donner un nom à des particularités topographiques très localisées.
En revanche pour les secteurs structurés, la microtoponymie paraît chargée de sens : caractériser le terroir, révéler ses particularités.
Qu'elle soit physique (et elle situe les zones incultes) ou agraire (et elle traduit l'organisation du terroir), la dénomination des lieux est principalement issue des préoccupations économiques d'une communauté.
S’y ajoutent également ses repères historiques et ses lieux symboliques : l'église paroissiale, dont les deux déplacements successifs n'ont pas entraîné de déplacement de toponyme resté ancré au cimetière et définitivement fixé au lieu par le cadastre du XIXe s., ou vestige de l'ancien habitat dit le Castelas, même si le nombre de parcelles ainsi nommées se réduit très sensiblement au XIX` s. au profit de toponymes liés à l'exploitation agricole.
Sur 150 toponymes recensés dans les trois documents fiscaux, dont à
peine 7% n'ont pu être très précisément localisés, 16% seulement
sont communs aux trois périodes. Les noms de lieux rencontrés
exclusivement dans chaque compoix (10% pour 1559, 16% pour 1615) et
ceux figurant à la fois dans les deux compoix (20%) représentent 46%
de la totalité contre 53% de toponymes "nouveaux" en 1833.
Le taux de conservation est donc faible, les pertes se situant
surtout en 1615 et 1833 mais le phénomène est difficile à
interpréter compte tenu de l'écart chronologique. Hormis la période
médiévale trop faiblement représentée, le volume de toponymes par
période est assez constant si l'on tient compte que leur nombre est
grossi, pour le XVII' s., des microtoponymes du plan de 1666.
Une évaluation de la proportion (par pourcentages arrondis) que représente chaque thème au sein de sa tranche chronologique permet d'approcher les grandes tendances de l'évolution toponymique dans le cadre retenu (tableaux 1 à 8). Le milieu physique est le mieux représenté dans les deux compoix (26% et 30%), juste avant la mise en valeur du sol et l'agriculture (19% et 20%), situation qui s'inverse au XIX` s. (35% contre 28%). Viennent ensuite, toujours dans les compoix, les noms donnés aux sites historiques et les hagiotoponymes (17% et 13%), lesquels sont proportionnellement bien moins importants en 1833 (9%).
Les industries artisanales et le commerce, bien peu représentés en 1559 (6%), le sont davantage aux XVIIe et XIX` s. (13%). En 1833, on observe une tendance plus forte à utiliser les noms de personne ou désignant des modes de propriété ou d'exploitation (13% contre 10% et 8% dans les compoix), sans doute en corrélation avec l'augmentation des toponymes liés à la mise en valeur du sol et aux industries, en particulier les moulins et martinets. Enfin, ceux des noms affectés au réseau viaire ou à la topographie du village qui ont été utilisés comme toponymes sont peu nombreux, voire insignifiants en 1833, en grande partie à cause du système de numérotation du parcellaire.
La relative cohérence des volumes toponymiques par thèmes entre les compoix s'explique bien sûr par le faible écart chronologique entre les deux documents. La seule évolution notable entre 1559 et 1615 est l'augmentation brutale (de 6% à 13%) des noms liés aux industries artisanales alors que leur valeur reste stable entre 1615 et 1833. Mais au-delà des renouvellements, s'affirme la prégnance d'un environnement physique contraignant et de sa mise en valeur difficile que ne parvient pas à concurrencer une activité artisanale pourtant omniprésente au XIX` s.
L'apparition et le renouvellement des noms de lieux semble s'opérer au profit des thèmes de mise en valeur du sol et des activités artisanales (ce dernier se fait toutefois essentiellement par la fixation des noms de moulins) au détriment des toponymes désignant les marges du terroir et les lieux incultes. Quant aux anthroponymes, si ce mode toponymique reste relativement stable, ceux-ci tiennent peu dans la durée et leur renouvellement est quasi intégral au XIXe s.
3. Sur les liens entre toponymie, histoire et archéologie et sur les aspects méthodologiques, voir M. Assénat, "Toponymie, histoire et archéologie : quels termes pour quel dialogue ?", dans N.RO., n°21-22, 1993, notamment p. 115-118 et 123-131, Voir également E. Zadora-Rio, "Archéologie du peuplement : la genèse d'un terroir communal", dans Archéologie Médiévale, XVII, 1987, p.9-11.
5. A l'évidence, le rédacteur du XIXe s. n'est pas originaire de la région, sa graphie des noms de lieux et même de personnes (y compris de propriétaires) est parfois fluctuante : il écrit Plau ou Plo, et Barralet ou Barratet ou Barratie sont interchangeables...
8. Sor,
formation antérieure au gaulois selon E. Nègre, Les noms de
lieux du Tarn, 4' éd, Toulouse, 1986, § 12.
9. Du gaulois
Verodunum "super-forteresse" selon E. Nègre, op. cit., §29.
10. Brunicheld en 1118 (Cl. Devic et J. Vaissette, Histoire Générale du Languedoc, Toulouse, Privat, 1871-1889, V, 866), forme la plus usitée au XII` s., aujourd'hui Berniquaut, évolutions du nom de personne germanique Brunihild.
11. Histoire Générale du Languedoc, op. cit., V, 1046. Sorèze : Suricinum, Soricino, diminutif en -icinu de Sor, pour désigner son affluent, cf. E. Nègre, op. cit., §82.
13. Le culte du protomartyr, dont les reliques sont découvertes en 415, s'est répandu précocement en Occident (IV`-Vle s.) selon M. Aubrun, La paroisse en France des origines au XV s., Paris, 1986, p.16.
14. Ces mouvements de population et ces phénomènes de création/désertion doivent bien sûr faire l'objet d'une analyse plus précise et d'une mise en perspective historique dans un cadre géographique plus large qui dépasse les limites de cet article.
17. La période d'étiage se limite aux mois de juillet, août et septembre et le rapport des extrêmes mensuels est de 7 à Malamort, d'après F. Gazelle, "Les régimes hydrologiques, naturels ou influencés, dans l'extrême sud du Massif Central", dans L'air, l'eau, les hommes. Mélanges Jean Loup, Revue de géographie alpine, LXXIV, 1986, p. 99-109.
20. II s'agissait d'une pierre plantée au carrefour de la route d'Arfons et du chemin de crête de Berniquaut, elle a disparu vers 1980 (plan cadastral de 1833 et enquête orale).
21. Bien que plusieurs origines soient possibles comme "veau", "bedeau" ou nom de personne, l'éboulement de terre paraît, dans ce contexte de versant, le sens le plus pertinent.
23. Le Roc del Théron est à proximité immédiate d'un ruisseau, ce qui privilégie l'interprétation "source" à celle d'un nom de propriétaire (Théron) connu en 1559. La faible distance entre le Roc del Théron et le toponyme Théroundel permet de leur attribuer une même origine.
24. Ce toponyme peut référer à des éléments très divers. E. Zadora-Rio voit dans le toponyme pierre plate un indice d'une nécropole du haut Moyen Age ("Archéologie du peuplement.., op.cit., p. 10). Ici la situation en limite de commune pourrait correspondre à une borne.
25. Dès 1517, les consuls de Thorame-bas prohibent l'essart dans des quartiers de communaux qu'ils baptisent montagne, cf. G. Duby, Histoire de la France rurale, 2, p.118. A Durfort, montagne et ses dérivés sont souvent le siège de métairies. L'une d'elles est localisée en 1615 à la montagne située à Falgua. L'ajout de montagne au toponyme fait peut être allusion à une pratique identique.
26. Ici, le
contexte d'un versant éloigné de tout cours d'eau fait préférer ce
sens aux rouleaux d'une cascade. II faut noter qu'un toponyme
identique Saut des rouls s'applique au XIXe s. à un moulin.
27. Par
Suricinum/Soricino, affluent du Sor (cf. supra).
28. On ne connaît pas l'ensemble des noms de ces petits cours d'eau car, comme les rochers, les recs ne sont que des faits topographiques localisés et sont ignorés par les compoix qui ne recensent que les parcelles. On ne les rencontre qu'au travers des documents graphiques, plan de la forêt de Combe nègre de 1666 et cadastre du XIX` S.
33. Aucun vestige archéologique n'est visible sur ce lieu, mais J. A Clos écrit avoir «vu, sur les deux rives du Sor, des fondements de tours, parmi lesquelles celle qui portait le nom de Madame devait avoir une construction assez singulière, s'il faut en juger par les fondements dont les pierres sont, ou du moins étaient inclinées parallèlement, et leurs assises disposées en zig-zag», Notice historique sur Sorèze et ses environs, (1822) rééd. Albi 1984, p.69
34. Aubin ou Albinus, évêque d'Angers mort en 550, ou Aubin Albin, saint local honoré à Saint-Pons-deThomières et dont le culte se développe au IX' s. Cet hagiotoponyme est connu sur les communes d'Aiguefonde et Brousse (81), Toulouse, Saint-Projet (82), Allières et Mas-D'Azil (09). Pour Durfort, des travaux de terrassement pour un lotissement, en 1974, ont mis au jour un tesson de sigillée, autant dire rien.
39.
Principalement la chapellenie Saint-Louis, fondée en 1252 par
Alphonse de Poitiers sur des biens situés dans la juridiction de
Durfort et récupérés par encours d'hérésie, faisant l'abbé de Sorèze
co-seigneur de Durfort pour un tiers, les deux autres tiers étant
aux seigneurs de Roquefort (BN, Ms lat. 12698,
41. Mais on rencontre
44. Essartage : coupe de bois, mise en place de 2 récoltes et retour au bois pendant 20 ans ; étrépage : transfert de fertilité par extraction de matières végétales épandues dans les champs, d'après D. Soltner, Les bases de la production végétale, le climat, II, Collection des sciences et techniques agricoles, 6' édition, SaintGemmes-sur-Loire, 1992, p. 180 et 182.
45. G. Duby
(sous la direction de ), Histoire de la France rurale, Paris, 1975,
p. 127-128.
46. A. D. 31, B-Eaux et forêts- Castelnaudary E3, 22
mars 1357.
49. Bien que l'on puisse attester cette culture dès la fin du Moyen Age par la découverte de pépins de raisin carbonisés dans le grenier du castrum (voir Marie-Pierre Ruas, dans B. Pousthomis, Durfort, Le Castlar, rapport de fouille, 1984), de telles surfaces affectées au vignoble pourraient correspondre à l'essor des cultures spéculatives du début du XVI' s., cf la relative importance du vignoble lauragais au milieu du XVI' s. d'après G. Frêche, "L'économie viticole de la région toulousaine du début du XVI' siècle", dans Castres et Pays castrais, (1970) 1972, p. 328.
50. Supra, la méconnaissance du milieu local par le rédacteur de 1833 ; ces trois noms correspondent bien alors à des parcelles contiguës et elles sont dans le même secteur que celui désigné par les compoix sous les variantes citées.
51. La culture fruitière souvent menée en association avec la culture céréalière en Languedoc fait son apparition en tant que culture spécialisée au début du XVII' s.
52. Les registres d`Inquisition mentionnent, supra castrum de Doroforti, un lieu dit petra ficata in quodam genestarü (Doat, 26, f 21), lieu qui correspond à ce toponyme Ginestière au XIXe s.
54. Connue grâce au plan de la forêt de Durfort appelée Combe nègre et Issarfret de 1666, elle est déjà citée en 1357 (de Comba negra et d'Issarto frigida, barthas et nemora). Le toponyme a pu connaître un double emploi puisqu'en 1502 un acte établit que le bois ou terre d'Isardfroit est à présent le lieu des Campmazes, lieu vulgairement appelé borie del Bosques (Cart., f.331-334).
59. Affermé à un fondeur en 1460 (Cart., f 195), avec une rente annuelle de 50 mesures de blé, il est dit à blé et à drap en 1499 (redevance en froment et en bure, Cart., f 193) et à blé en 1528 (Cart., f.68).
61. Si le travail du cuivre est encore vivant à Durfort, principale ressource de cette commune, un seul martinet est encore épisodiquement en fonction, mais la chaudronnerie s'est maintenue.
62. La resso, rasségo, ressec (mais aussi un resseguier ou un moulin resseguié) désignent autant la scie que la scierie hydraulique d'après J. Delmas, "Les scies hydrauliques d'Anglès (Tarn)", dans Castres et Pays
64. D’ Esquisagot en 1460 (Cart. f. 195), Lesguissengot en 1488 (Cart., f 209), dBsquissagol en 1499 (Cart., f 193), Guissangot en 1698 (Cart., f. 210),
65. Un Raymundus de Calavello est cité en 1311 dans
l'Aude, où l'on trouve aussi la forme Calhavello aux XIIIe et
XIVe s., et Clavel ou Clavellus en Haute-Garonne et Tarn dès la
deuxième moitié du XIII` s.
66. Supra note 61.
67. Le nom Carrac, connu seulement au XIN` s., pourrait dériver de carras, "pont-levis qu'on jette sur une rivière pour laver des laines ou puiser de l'eau" (Mistral) s'il ne désignait un groupe de parcelles assez éloignées d'un point d'eau ; la faute de graphie (-c pour -s) est assez fréquente.
69. Soit 4,06 m. x 32,49 m., selon l'équivalence donnée
par J. Le Pottier, Compoix et cadastres du Tarn (XIVXIXe s.),
Albi, 1992, p. 133. Tendal figure parmi les biens composant un
moulin (comme entité) en 1615.
70. A moins qu'il ne s'agisse
d'un surnom formé sur Fargues.
71. Possible dans un contexte d'élevage et de travail de la laine. Seuls quelques petits objets livrés par la fouille du Castlar sont liés au travail du cuir.
73. La toponymie que l'on peut relever dans ce secteur est essentiellement relative au milieu naturel. Elle a pour objectif de nommer les rochers, les combes et les recs et ne qualifie que très rarement la particularité du lieu ou le type d'exploitation auquel il peut être soumis.
74. Le texte relatif à cette même forêt (1357) évoque bien cette exploitation du saltus, exploitation du bois de chauffage et du bois d'oeuvre, mise en dépaissance pour tous types d'animaux.