Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                       LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE - N°18 - Année 2012

 

 

La véritable histoire de

la colonne allemande qui traversa notre Lauragais
les 21 et 22 Août 1944

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par René Damnés
Membre de la Société d'Histoire Revel St Ferréol
Président du Comité & Entente des anciens Combattants et Victimes de guerre du canton de REVEL
Janvier 2012

 PROLOGUE.

C'est tout récemment en ce début d'année 2012 que je suis entré en possession de documents relatifs au passage de la fameuse colonne allemande se repliant vers la Provence en Août 1944. Les documents établis par la gendarmerie de St Félix Lauragais ne peuvent être mis en doute pour leur véracité. Jeune écolier du VAUX à cette époque j'avais assisté à ce passage mais je ne disposais pas à ce jour d'éléments irréfutables sur les méfaits de cette colonne nazie, mis à part l'assassinat de notre jeune compatriote Antonin ESCAFFRE âgé de 20 ans. Habitant la ferme du TRUILLE au VAUX à quelques centaines de mètres du village je me souviens toujours de la visite de ces nazis qui fouillèrent notre maison à la recherche d'éventuels résistants faisant passer mon père devant eux une mitraillette pointée dans le dos dans toutes les pièces de la maison, pendant qu'avec ma mère et mon frère nous devions aussi nous tenir à leur portée. Le fils du propriétaire Noé POUX ayant fui sa maison du village était venu se cacher dans la grange au dessus de l'étable et il en ressortit au moment de la visite des allemands, mon père eut toutes les peines du monde à les convaincre que c'était le fils qui donnait à manger au bétail, car  convaincus que des maquisards se cachaient partout, avec leur degré de folie il ne leur en fallait pas beaucoup plus pour nous liquider tous. Ils se contentèrentcomme dans toutes les maisons de repartir en emportant le plus de victuailles possibles. Pour le garçon de 7 ans et demi que j'étais cette terrible image est restée à jamais gravée dans ma mémoire. Mais ce qui marqua le plus la population de notre commune fut sans conteste l'assassinat du jeune Antonin Escaffre. Nous y avons rendu quelque temps plus tard un hommage solennel en organisant deux processions parties du VAUX et de MAURENS commune où il était tombé, pourinaugurer la stèle à sa mémoire au bord de la route de TOULOUSE à l'entrée de l'allée de la ferme du BARBUT. Antonin était en train de garder son troupeau de vaches et bœufs dans un champ en quête de quelque nourriture qui se faisait rare en cette période estivale et c'est lorsqu'il aperçut les premiers éléments de cette colonne, qui venaient vers lui ,que prenant une peur légitime il partit en courant vers la ferme du Barbut pour s'y réfugier ,c'est à ce moment que les nazis croyant avoir affaire à un membre du maquis l'ont criblé de balles, payant ainsi de sa vie à 20 ans l'ignominie de cette guerre. Au travers de ces documents nous pouvons nous rendre compte de la brutalité de cette horde qualifiée de mongole et qui tels ATTILA un de leurs légendaires ancêtres semèrent la terreur sur leur passage.

 

GENDARMERIE NATIONALE

  

Ce jourd'hui, seize Décembre, mil neuf cent quarante quatre à huit heures.Nous soussignés : EURLATS, Paul, et MORIN, Emile, Gendarmes à la résidence de Saint-Félix département de la Haute-Garonne, revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos chefs, agissant en vertu de la note N° 517/2 Légion du 28 novembre 1944, transmission Section N° 10.677/3, du Ier décembre 1944, rapportons ce qui suit sur les crimes et délits commis par une colonne Allemande de passage sur les communes du Vaux et Maurens (Haute-Garonne).

--------------------------------------------------  Plaignants ----------------------------------------------------

I°----ESCAFFRE, Hippolyte, 49 ans, métayer à la ferme "Madur" commune du Vaux (Haute-Garonne déclare: Le 22 août 1944, vers 12 heures, deux soldats Allemands faisant partie d'une colonne qui passait sur la route ont tué mon fils Antonin, âgé de 20 ans, de plusieurs balles de fusil dans le corps et à la tête. Il gardait Les bœufs dans un pré lorsqu'il a été sauvagement ' " tué, à proximité de la ferme le "Barbut"-commune de Maurens.En outre une trentaine de soldats AllemandsMongols et Polonais sont venus à la ferme pendant que trois d'entre-eux nous tenaient sous la menace des armes, les autres nous ont volé 14 kilos de graisse, 8 kilos de jambon, 8 saucissons, une oie, une montre en argent, une bicyclette d'homme couleur verte, marque "Griffon", un chariot à deux roues, un seau,  un sac d'avoine, 150 litres de vin, deux litres d'eau de vie, un pantalon bleu neuf et une douzaine de mouchoirs. J'estime le préjudice qui m'est causé pour ces objets et marchandises à la somme de 32 000 francs.Lecture faite, persiste et signe 
 

2°----ESCRIBE, Jean, 47 ans, propriétaire à la ferme "Chateau Planqua", commune de Maurens déclare:  Le 22 août 1944, vers 15 heures deux Mongol faisant partie d'une colonne qui passait sur la route, sont venus à la maison et nous tenant sous la menace de leurs armes nous ont volé 3 bicyclettes, un vélo d'homme couleur noire, marque Océanie" avec plaque au nom de Berjeaud Henri à Maurens un vélo homme couleur noire au nom de Escribe Jean-Marie, une bicyclette de dame marque "Terrot" couleur noire état neuf appartenant à ma fille Françoise.J'estime le préjudice-causé à la somme de 18 000 francs Quant à l'unité à laquelle appartenaient ces Mongols je ne puis vous fournir le moindre renseignement. Lecture faite, persiste et signe

3°----BERJEAUD, Jacques, 57 ans, propriétaire à la ferme prat, Joucla, commune du Vaux, déclare: Le 22 août I944, Vers II heures30,une trentaine de soldats Allemands faisant partie d'une colonne qui passait sur la route sont venus à la ferme et pendant que trois d'entre eux nous tenaient sous la menace de leurs armes les autres nous ont, volé 2 bicyclettes d'hommes couleur bleu-clair et l'autre cendre  marque Ving-Ring et splendor à l'état neuf, Une roue avant de moto, une jument poulinière 3 ans avec harnachement à l'état neuf, un chariot à deux roues, une voiture dite jardinière, un manteau en cuir une couverture. 8 kilos de confit de canard, 8 saucissons, 6 douzaines d'œufs 1 litre d'eau de vie, un fut de 65 litres de vin, un portefeuille en cuir état neuf. En outre ils ont mis hors d'usage la moto de mon fils.J'estime le préjudice qui m'est causé à la somme de I30.000 francs. J'ignore  à quelle formation appartenaient ces soldats. Lecture faite, persiste et signe. 

4°----BOYER, Pierre, 66 ans, métayer à la ferme Mazière commune du Vaux, déclare: Le 22 août 1944, vers 12 heures, cinq soldats Allemands faisant partie d'une colonne qui passait sur la route, sont venus, à la ferme ils m'ont volé une bicyclette de dame couleur noire marque Thé-Wing, 1 pot de saucisses de 8 kilos, 4 saucissons, 3 oies, un sac d'avoine et la somme de 1700 francs.J'ajoute que j'ai récupéré la bicyclette à Souilles Aude. J'estime le préjudice qui m'est causé à la somme de cinq mille francs. Ces soldats étaient en majeure partie des Mongols. J'ignore à quelle formation ils appartenaient... Lecture faites, persiste et signe… 

5°----MASSOT, Elis, 46 ans maçon, maire de la commune de Bélesta déclare: Le 22 août I944, une vingtaine de soldats Allemands qui passaient sur la route,  m'ont rencontré Cassés(Aude) et sous la menace de leurs armes m'ont fait remettre ma bicyclette d'homme couleur grise marque "Francis Pélissier".J'estime le préjudice qui m'est causé à la somme de 6000 francs. Les soldats qui ont commis ces méfaits étaient des Mongols.Lecture faites, persiste et signe. 

6°----BONHOURE, Jean, 81 ans, cultivateur à la ferme Servolle commune du Vaux, déclare : Le 22 août 1944, vers II heures 30, une cinquantaine  de soldats Allemands faisant partie d'une colonne qui passait sur la route, sont venus à la ferme et m'ont volé une bicyclette de dame marque Thé-Wing, couleur noire, une montre en Nikel, 37 kilos de graisse, 8 sacs d'orge et, d'avoine, 2400 francs, 3 kilos de sucre, 6 douzaine d'œufs, 2 seaux, 2 douzaines de mouchoirs, une quinzaine de sacs en toile, deux paire d'attaches pour bœuf. J'estime le préjudice qui m'est causé à la somme de 12000 francs.Les soldats qui m'ont volé, étaient des mongols. Je ne " puis vous donner le moindre renseignement sur l'unité à laquelle ils appartenaient ni le lieu de stationnement avant leur repliement. Lecture faite, persiste et signe. 

7°----DAYDE, Maurice, 43 ans, entrepreneur de transports au Vaux, déclare: Le 22 août 1944, vers 1 heures, une colonne de Mongols au nombre de soixante environ à envahi la maison et l'ont pillé de fond en comble. Ils m'ont volé :1°, un vélo d'homme, marque ignorée, couleur bleu roi, roues 650 standard état neuf valeur 3000 francs.2°, Un vélo de dame marque Laubisque couleur bleu état neuf : 650 standard valeur 4000 francs. 3°, Un portefeuille en cuir contenant 6000 francs.4°, deux bagues en or avec pierres précieuses, 3 broches identiques.5°, une montre en or de dame, 6°, une pendulette chromée valeur 300 francs.Ces bijoux représentent actuellement une valeur de 500.000 francs environ,7°, une quantité de linge de maison  4 draps, I0 torchons, 6 chemises d'homme et 4 paires de chaussettes. Valeur de tout ce linge 6000 francs environ.8°, un pot de 5 kilos de saucisse,9°, un jambon de 7 kilos environ, 3 kilos de lard, 3 douzaines d'œufs et 30 litres de vin. Valeur de ces denrées : 5000 francs environ.J'ignore la formation à laquelle appartenaient ces soldats Allemands, ainsi que le lieu de stationnement avant leur retraite. Lecture faite, persiste et signe.

8°----ALBOUY, Joseph, 47 ans, limonadier et forgeron au " Vaux Haute-Garonne, déclare :  Le 22 août dernier une colonne de plus de 1000 soldats Allemands sont venus dans mon café et m'ont volé environ 150 bières et autant de limonades, une vingtaine de bouteilles de liqueurs, une barrique de vin rouge et une quinzaine de kilos de graisse. J'estime le dommage qui m'est causé à 8000 francs environ. Cette colonne de soldats allemands en fuite, pouvait comprendre 2000 soldats, J'ignore d'où ils venaient. Ils se dirigeaient sur Castelnaudary.Lecture faite, persiste et signe.  

9°----SIRBEN, Albert, 49 ans, maçons au Vaux déclare: Le 22 août 1944, 5 soldats Allemands d'une colonne en fuite de passage dans le village, sont venus me voler la bicyclette de mon mari peinte en gris, marque ignorée roues 700 standard, état neuf valeur approximative 4000 francs.Lecture faite, persiste et signe. 

I0°----FREDE, Joséphine, 43 ans, maire au Vaux, déclare:  Le 22 août dernier, une vingtaine de soldats Allemands ont fait irruption dans ma maison ainsi que dans l'atelier de mécanicien de cycle de mon fils et ils ont volé 2 bicyclettes l'une de dame marque ignorée peinte en noir roues 650, en bon état, la deuxième, d'homme, marque ignorée, couleur verte 650 standard, en bon état. Valeur des machines 5000 francs. Ils m'ont également volé tout l'outillage de mécanicien de mon fils ainsi qu'une certaine quantité de marchandises, accessoires de bicyclettes pour une valeur de 20.000 francs environ…Lecture faite, persiste et signe.
 

II°----POUX, Léopold, 52 ans, cordonnier au Vaux, déclare : Le 22 août 1944, vers 14 heures une dizaine : de soldats Allemands appartenant à une colonne de passage dans le village, sont venus me voler une bicyclette d'homme de course marque ignorée, peinte en bleu, une deuxième bicyclette d'homme de marque ignorée couleur grenat à filets blancs 700 standard, en bon état toutes les deux. Valeur des machines: 20.000 francs environ.Ils m'ont également volé une trentaine de paires de chaussures diverses, neuves que l'on peut estimer à 20.000 frs. Cette colonne s'est ensuite dirigée sur CastelnaudaryJ'ignore la formation à laquelle appartenait cette troupe en déroute.Lecture faites, persiste et signe. 

12°----ANDRAU, Valentin, 76 ans, cultivateur au lieu dit Gaillard commune du Vaux déclare :  Le 22 août 1944, 7 Mongols appartenant à une, colonne Allemande en retraite de passage au Vaux, sont venus sous la menace de leurs fusils me voler une bicyclette d'homme marque "Rabat" couleur bleu en bon état valeur 4000 frs…Une jument de 6 ans taille 1m60 robe baie, crinière noire signe particulier a une verrue sous la mâchoire inférieure du coté gauche. 3° une jardinière à essieu à patente. 4° tout le harnachement complet de la jument.J'estime le préjudice qui m'est causé à la somme de 90.000 francs.Lecture faite, persiste et signe. 

13° ----MANFRAIX,  Jacques, 59 ans, meunier au Vaux, déclare : Le 22 août dernier, vers 13 heures une dizaine de  soldats Allemands sont venus me voler deux mulets,  l'un corbeau âgé de 12 ans, taille 1m55, le deuxième âgé de 5 ans, même robe noir corbeau même taille, 2° deux charrettes avec harnachements complets. Ils m'ont également volé de la graisse de la saucisse du vin etc. J'estime le préjudice qui m'est causé à la somme de 175.000 francs.J'indique que cette troupe d'Allemands battant en retraite m'ont abandonné un cheval avec sa voiture  Cette bête était exténuée et ne pouvait plus marcher. J'en ai fait la déclaration aussitôt à la mairie. Le propriétaire de cet attelage n'est pas encore découvert J'ignore l'origine de cette troupe. Je ne puis vous donner aucun renseignement sur le lieu de stationnement avant la retraite. Lecture faite, persiste et signe.
 

14° ----PENAVEYRE, Georges, 30 ans, menuisier domicilié au Vaux déclare : Le 22 août 1944, 3 soldats Allemands qui faisaient partie d'une colonne en retraite, ont fouillé ma maison et m'ont dérobé une bicyclette d'homme marque "Wonder" de couleur rouille, en bon état.J'estime le dommage causé à la somme de 8000 francs. Lecture faite, persiste et signe. 

15°----MERIC, Charles, 69 ans, cultivateur au Vaux, déclare :  Lors de la fuite des Allemands, une dizaine de soldats appartenant à une colonne de passage, m'ont volé une bicyclette de dame marque ignorée de couleur blanche en très bon état, estimée5000 francs. 50 litres de vin
un pot de graisse d'oie de 5 kilos, une somme de 1000 francs. Ces Allemands se dirigeaient sur Castelnaudary ?  J'ignore d'où ils venaient. La plupart  étaient des Mongols.Lecture faite, persiste et signe. 

16°----CLAUZEL, Marie, 42 ans, ménagère domiciliée au Le 22 août dernier un groupe de soldats Allemands
au nombre de 5 ou 6, sont venus fouiller ma maison et m'ont volé 4 oies d'un poids global de 22 kilos, ainsi que deux poules.J’estime le montant du vol à la somme de 7000 francs.Lecture faite, persiste et signe.

17°----ISARD, Léonie, 65 ans, ménagère au Vaux, déclare : Le 22 août 1944 dans le courant de l'après-midi, une trentaine de soldats Allemands sont venus fouiller ma maison. Ils m'ont volé un pot de graisse de 6 kilos, 3 kilos de jambon et une chemise d'homme.J'estime le montant du préjudice à la somme de 2000 francs. Cette colonne de soldats, la plupart des Mongols pouvait être évaluée à deux mille environ.Lecture faite persiste et n'a pu signer. 

18° ----ANDRAUD, Joseph, 56 ans docteur en médecine à Saint-Félix, Haute-Garonne déclare: Le 22 août 1944, vers 14heures, je me rendais en automobile à Saint-Félix par la route nationale 622, Arrivé au lieu dit Servolle, commune du Vaux, j'ai été attaqué par une colonne de soldats Allemands en retraite qui venait de la route de la Saune. Quatre sentinelles qui barraient la route m'ont, sans aucun avertissement mitraillé à 100 mètres. Une quinzaine de balles ont traversé la cabine de la voiture 402 Peugeot. J'ai été blessé par plusieurs balles dont une à la cuisse  gauche dans les parties molles, à la paume de la main gauche. Mes blessures ont été sans gravité. Ces soldats qui étaient des Mongols, m'ont volé le portefeuille renfermant une dizaine de mille francs. Ils ont détruit le moteur de la voiture au moyen d'un explosif placé sous le capot, car ils m'avaient pris pour un maquisard. J’estime le préjudice qui m'est causé à 50.000 francs. Lecture faite, persiste et signe. 

Malgré les minutieuses recherches auxquelles nous nous Sommes livrés, il ne nous a pas été possible de savoir la formation à laquelle appartenait cette colonne de 2000 soldats Allemands et Mongols ainsi que le lieu de stationnement avant la retraite.

------------------------------------- Expéditions------------------------------------------------------------ 

Quatre expéditions 

(I° Pour le Président de la commission des Crimes de Guerre à Toulouse.
(2°à M. le Procureur de la République à Toulouse.
(3°à M. le Préfet de la Haute-Garonne
(4°aux archives. 

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Retranscription du rapport du Maréchal des Logis Chef BOURNIQUEL Commandant la Brigade
sur des crimes de guerre commis par une colonne Allemande
sur le territoire de la brigade.


Le 22 Août 1944, dans l'après-midi, une colonne allemande de 3000 hommes environ, venant de la direction de Toulouse et sedirigeant vers Castelnaudary,  composée  principalement de Géorgiens et de Mongols, a traversé une partie de la commune du VAUX.  (Haute Garonne), semant la panique sur son passage.
Ces énergumènes, ont tué le jeune ESCAFFRE, âgé de 20 ans, métayer chez ses parents à la ferme Madur, alors qu'il gardait paisiblement les bœufs, à proximité de son habitation.
Ils ont également blessé de plusieurs balles, le docteur ANDRAU de LUX qui regagnait son domicile en camionnette. Le nommé BONNES Adelson de Revel, se trouvant sur leur passage, a été forcé de mettre sa camionnette à leur disposition et de suivre la colonne.
De plus, ces vandales ont pillé les fermes et les maisons se trouvant sur leur passage, emportant, notamment 2 chevaux, 2 mulets tous attelés,

20 bicyclettes, une grande quantité de salaisons, charcuterie, graisse, linge, grain, numéraire et bijoux.

 

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A propos des témoignages recueillis,
par la gendarmerie de St-FELIX de Lauragais.

 

J'ai connu particulièrement étant habitant des lieux, toutes les personnes citées dans le rapport de gendarmerie.

Hyppolyte ESCAFFRE, devait ensuite exploiter une ferme appartenant au même propriétaire que la Ferme du TRUILLE où j'habitais ,la ferme de La TUILERIE au Falga, les 2 appartenant à Mr Léopold POUX habitant Le BÂTIMENT, au village et exerçant le métier de cordonnier sur place et sur les marchés de la région ou il vendait des chaussures.

Jean ESCRIBE, que je devais connaitre quelques années plus tard alors que mes parents avaient déménagé à la ferme de ROUGE à MAURENS très voisine du château et de la ferme de Planqua avec qui comme il était de tradition nous collaborions dans les travaux agricoles en cours d'année. Jean était Ancien Combattant de 14-18 et aimait me raconter les péripéties de sa guerre.

Jacques BERJAUD, de Prat Joucla était aussi bien connu puisque son fils Emile devait devenir entrepreneur de travaux agricoles : battages et labours dès la fin de la guerre et nous eûmes souvent l'occasion de travailler ensemble.

Pierre BOYER, d'En Mazières était amputé de guerre 14-18 ce qui malgré son pilon ne l'empêchait pas de travailler à la ferme autant qu'un homme valide, cela lui valait toute notre admiration.

Elie MASSOT, de Bélesta Lauragais était carrier, son fils Jean sera grièvement blessé lors de la Guerre d'Algérie et amputé d'une jambe.

Jean BONHOURE, de la ferme d'en Servolle était situé juste à la jonction de la route de la Saune empruntée par la colonne et la route de Toulouse et Villefranche.

Maurice DAYDE, conducteur de bus était marié avec l'institutrice de l'école des filles du VAUX. C'était un bon vivant et on a de sacrés souvenirs avec lui et ces bus au gazogène qu'on pouvait suivre à pied en montant la côte de St FELIX. II n'était pas triste à table non plus et pourtant il n'a jamais eu d'accident avec son car.

Joseph ALBOUY, on l'appelait « Le forgeron » car il était propriétaire de la forge du village gérée par Aimé RECORD qui y travailla toute sa vie. Joseph était propriétaire du Café avec sa femme Laure, notre rendez vous pour les jeunes le dimanche après midi. Joseph devint aussi entrepreneur de travaux agricoles : labours et battages et il nous faisait profiter des journées entières du tam-tam de son tracteur « Société Française » tournant au ralenti juste en dessous de notre école, d'en bas où il était stationné.

Albert SIRVEN, (et non SIRBEN comme dans le CR) était un des deux artisans maçons du Vaux, le 2° étant son frère Henri, sa femme Léa tenait le débit de tabac et c'est à elle que nous achetions déjà dès l'âge de 12 ans nos premières cigarettes des « Elégantes ».

Joséphine FREDE, était veuve son mari ayant été victime d'un éboulement dans une carrière de pierre sur la route des CASSES avant d'arriver au village du VAUX .Son fils Firmin, servit pendant la guerre dans l'armée allemande pour échapper aux STO, après celle-ci il reprit son métier de réparateur de cycles et vélomoteurs avant de faire une brillante carrière d'assureur. Pendant plusieurs années il eut du mal à faire oublier son engagement dans le camp adverse, mais ensuite au fil des ans sa gentillesse et son dévouement firent oublier à tous cette erreur de jeunesse.

Léopold POUX, était donc le cordonnier du village comme je l'ai déjà dit ressemelant, réparant nos souliers, nos sabots de bois, nos choques (souliers à semelle de bois) que nous prenions à l'école tout l'hiver, il était aussi pendant la guerre l'un des rares habitants de la commune à avoir une voiture en fonction.

Valentin ANDRAU, une figure emblématique de notre commune, il était souvent très sale car il négligeait sa toilette, il avait des excroissances sur la figure tout pour être répugnant pour les enfants que nous étions et qu'il adorait. Quelques anecdotes sur son compte valent la peine d'être citées. Un jour de banquet républicain après la guerre, un 14 Juillet ou il faisait bombance avec les autres citoyens majeurs de la commune dans la salle des fêtes, il perdit les boutons tenant sa bretelle qui attachait son pantalon sur sa panse rebondie n'ayant rien d'autre sous la main pour réparer ce fâcheux incident, il utilisa un os de cuisse de poulet pour suppléer au bout de bretelle cassé, en le passant autour de sa ceinture, ce qui provoqua l'hilarité générale de tous les convives qui en firent part à toute la commune. Une autre fois souffrant d'un violent mal aux dents, il alla attendre le passage de son cousin le docteur ANDRAU, qui se déplaçait en moto, sur la route de Villefranche, le docteur ayant son cabinet à St Félix habitait Lux, il l'arrêta au passage, son cousin n'ayant pas grand-chose pour le soulager le fit asseoir dans l'herbe et lui arracha la dent malade à vif avec les pinces de la moto. Tout le monde rigolait lorsqu'il disait ensuite « Il m'a fait mal l'animal ! ».

Jacques MANFRAI, (qu'on appelait l'Alfred du moulin) était effectivement meunier au moulin d'en haut, moulin à vent qui travaillait toute l'année car avec ses mules il se déplaçait loin pour aller chercher le grain à moudre et ramener la farine après avoir pris sa quote-part pour le travail effectué. Sa femme Félicie n'avait pas sa pareille pour mesurer la farine qu'elle devait donner au client elle soulevait toujours le plus possible celle-ci afin de faire croire que le récipient était bien plein. Jacques à qui les allemands avaient laissé un cheval exténué pour remplacer les 2 mulets qu'ils lui avaient volés, faillit perdre la vie un jour à cause de cette bête, juste devant notre école alors qu'Alfred le tenait par la bride, ce cheval prit peur et s'emballa passant avec sa charrette sur notre malheureux meunier qui s'en tira avec force contusions et blessures. Alfred était aussi atteint d'asthme et on l'entendait dès avant le jour, car nous étions assez voisins, tousser longuement autour de son moulin, car la farine n'arrangeait rien à son état. II était fâché avec son concurrent et voisin le meunier d'en bas Janou et sa femme Anastasie qui était sourde comme un pot. Ces deux là aussi avaient une sacré réputation, ils promenaient une vache chacun dans les chemins creux pour les faire paître, et au détour faisaient main basse sur ce qui était à leur portée (fruits-épis de Maïs-plants), un jour un habitant de la commune lassé de le voir lui voler les plants de jeunes choux qu'on semait dans une rangée de maïs, se mit en tête de lui jouer un sale tour. Il sema des choux fourragers en place de vrais choux, notre meunier comme d'habitude fit son petit prélèvement et planta ces choux dans son jardin qui donnait d'ailleurs sur la route. De nombreux habitants prévenus surveillèrent la croissance de ces fameux choux qui montèrent à hauteur d'homme sans jamais faire de pomme ce qui aussi fit la risée de la commune, mais laissa imperturbable notre Janou.

Georges PENAVEYRE, était menuisier de son état et son atelier sentait bon les copeaux de sapin, il fabriquait diverses menuiseries et meubles rustiques de nos campagnes. Lors des décès il fabriquait aussi des cercueils, il venait chez le défunt prendre les mesures pour le faire à la dimension voulue. Sa mère Angèle tenait l'une des deux épiceries du village, l'autre étant tenue par Louisette de l'autre côté du village qui créa la première station service ou nous allions faire le plein de nos vélomoteurs plus tard dans les années 50-60.

Charles MERIC, (le Charlou) habitait dans le village, il exploitait quelques champs à l'extérieur côté chemin des Casses. Le souvenir que j'ai de lui c'est de l'avoir vu, souvent, revenant des champs avec un morceau d'arbre et de branches sur le dos qu'il trainait pour lui servir de bois à feu pour sa cheminée.

Marie CLAUZEL, était veuve et voisine de Joséphine FREDE citée plus haut, elle vivait avec son fils Jean qui conduisit les premiers camions avec une cabine centrale transportant de longues ferrailles sur les côtés pour la société Longométal

Léonie IZARD, était l'épouse de l'ancien maire du Vaux, Maurice évincé par le gouvernement de VICHY et remplacé par Antonin CHAFFORT, collaborateur du régime, à qui il vouera une haine à vie, et qu'il remplacera de nouveau à la libération, pendant que son prédécesseur ira faire un stage au camp d'internement de NOE.

Joseph ANDRAUD, le vrai médecin de campagne dont j'ai parlé déjà à propos de son cousin Valentin, été comme hiver sur sa légendaire moto il sillonnait la contrée bravant le froid, la chaleur, la pluie nuit et jour à disposition des malades, il fut le premier docteur à utiliser dans la région un remède quasi miraculeux amené par les américains lors du débarquement en Juin 1944 : la pénicilline.

Toujours à propos de témoignages cités dans les dépositions enregistrées par la gendarmerie de St Félix, je voudrais rajouter quelques souvenirs personnels qui sont restés au fond de ma mémoire et dont on m'avait fait part, car bien entendu ce jour là nous n'avons rien vu en dehors de notre maison ou nous étions restés cloîtrés.

Maria PENAVEYRE, qui était l'épouse de notre coiffeur Elie PENAVEYRE, notre village avait encore ce privilège d'avoir un coiffeur professionnel, avait un couple d'oies de guinée, c'est une variété d'oies à rôtir, ce couple composé dé 2 ou 3 femelles et un jars lui permettait de produire des oisons qu'elle vendait au printemps ou qu'elle élevait pour quelques uns. Elle se trouvait bien placée pour cela car le fond de son jardin donnait directement dans une des 3 mares qui entouraient encore le village, vestiges des fossés de défense du moyen âge. A l'arrivée des allemands elle eut droit comme tout le monde à leur encombrante visite. Ces derniers voyants ces beaux volatiles s'en saisirent et les occirent en vue d'en faire un bon rôti. Maria désespérée leva les bras au ciel pour essayer de leur faire comprendre qu'il ne fallait pas tuer ces reproducteurs avec force lamentations. Les nazis lui répondirent d'un air goguenard avec un fort accent slave « çé la guèr Madam, çé la guèr » On dit que la Maria qui était très près de ses sous en fut profondément affectée.

Il y eut aussi ce jour là un moment d'intense émotion dans le village à : l'arrivée des envahisseurs. Après avoir tiré quelques rafales au dessus du village, ils arrivèrent excités par le meurtre du jeune Antonin ESCAFFRE, ils prirent un certain nombre d'habitants en otages qu'ils firent aligner le long du mur au dessous du presbytère gardés par des hommes en armes pendant qu'ils effectuaient une fouille systématique du village à la recherche d'éventuels résistants qui s'y seraient cachés. Il est certain que s'ils avaient eu quelque accrochage durant cette fouille les otages auraient été exécutés sur le champ. Heureusement pour eux rien de tel ne se passa et ils en furent quittes pour une grande frayeur.

Il y eut aussi l'épisode du château du VAUX. Un groupe de jeunes filles de l'assistance publique de TOULOUSE s'était réfugié au château durant ces années noires. Elles étaient encadrées par des religieuses, véritables cerbères qui leur empêchaient tout contact avec la population. Cependant dans ce groupe il y avait des jeunes filles d'un certain âge et à travers les grilles elles voyaient aussi les jeunes gens du village et il sera toujours impossible d'empêcher la nature de suivre un cours normal. Malgré la surveillance certaines arrivèrent à avoir quelque béguin avec ces jeunes gens dont faisait partie notre ami Edouard BOUSQUET de la ferme du Callaghès qui prenait le risque d'escalader le mur de clôture pour aller voir l'une de ces charmantes demoiselles à laquelle il devait avoir juste le temps de voler quelques baisers avant de se sauver à toutes jambes. Le père d'Edouard Jean était prisonnier de guerre, il revint malade de sa période de captivité, maladie qui devait l'emporter.

Le 22 Août 1944 lorsqu'arriva cette horde sauvage la présence de ces jeunes filles les excita à tel point qu'elles furent très près de subir leur fureur bestiale. Un père missionnaire présent à ce moment au VAUX. Il était de coutume à ces époques de voir des missionnaires catholiques prêcher une mission de plusieurs jours dans les églises. Ce père était d'origine alsacienne et parlait bien l'allemand, il alla trouver l'officier qui commandait ce détachement pour lui demander d'empêcher ses hommes de commettre des viols. Celui ci se présenta devant le château et prévint les énergumènes que le premier qui toucherait à une de ces filles, il lui logerait une balle dans la tête. L'incident s'arrêta là grâce à l'intervention de ce religieux et le lendemain la vie de la communauté reprit après la disparition de ces individus, plus tard les jeunes filles repartirent vers TOULOUSE et à ma connaissance nous n'en avons plus entendu parler.

Le fait d'habiter ainsi en pleine campagne, mis à part cet épisode du 22 Août 1944 nous tint loin des péripéties de cette 2° guerre mondiale. Bien sûr comme tout le monde nous subissions les rationnements de certaines matières premières délivrées sur présentation de tickets, nous étions des J3. ce fut l'époque de la margarine en place de beurre, de l'huile de tournesol inconnue jusque là qui était amère et d'une couleur ressemblant à l'huile de vidange, nous avions aussi du pain noir, ce dernier nous portait parfois à avoir de la gale, et je me souviens que ma mère me mettait dans une lessiveuse pour me laver avec une brosse à chiendent faisant saigner les boutons qu'il fallait ensuite enduire d'un produit cicatrisant appelé Sarcoptol, qui pendant un moment apportait de bonnes brûlures. C'était aussi l'époque où à l'école nos bonnes notes (très rares pour moi) étaient récompensées par les bons points du Maréchal Pétain et où on nous faisait chanter à tue tête la chanson « Maréchal nous voilà ». C'était aussi tous les ans la quête avec des timbres « Pour le petit orphelin de Vitry le François ».

Sur la façade de notre foyer populaire construit avant la guerre, un des premiers de la région, l'actuelle salle des fêtes, était inscrites en grandes lettres rapportées la devise de la République : Liberté-Egalité-Fraternité. Le gouvernement de VICHY allié des occupants fit remplacer cette devise par celle qu'il avait choisi : Travail-Famille-Patrie, bien entendu le Maire Antonin CHAFFORT se fit un devoir d'exécuter cette demande, mais n'ayant pas pris soin de repeindre le fronton de l'édifice avant d'y accoler la nouvelle devise, l'ancienne s'était imprégnée dans le, mur si bien qu'en surimpression on pouvait toujours voir la devise de la République comme si celle-ci au VAUX ne voulait pas mourir et elle avait raison.

Le fait d'habiter la campagne était aussi un gros avantage pour nous au point de vue nourriture, alors qu'en ville on souffrait beaucoup de pénurie, grâce à nos basse-cours, nos porcs, nos récoltes, nos étables nous arrivions à contourner cette pénurie. L'abattage des veaux était interdit mais on passait outre ces interdictions dont il fallait se méfier tout de même car il y avait beaucoup de gens qui pour de l'argent auraient vendu père et mère. Je me souviens avoir vu notre voisin Jean VIDAL de la ferme de La Borie venir dépecer et débiter un veau car il ne faut pas couper la viande n'importe comment. Dans la cave du Truillé, où je n'étais pas admis évidemment mais passant outre cette interdiction ma curiosité m'avait amené à voir ce qui s'y passait. Un des points les plus contraignants dans nos fermes était l'obligation de donner des bêtes pour la réquisition instituée par le gouvernement et les occupants.

Quand c'était le moment les agents réquisiteurs se rendaient dans les étables pour choisir la bête qu'il fallait livrer en fonction du poids imposé, il arrivait souvent qu'ils choisissaient une bête de trait, qu'il fallait amener à l'abattoir, alors que celle-ci était indispensable pour les travaux de la ferme qui se faisaient tout au long de l'année avec ces animaux dressés exprès, hélas là on ne pouvait pas déroger à ce choix et il fallait à nouveau trouver une bête pour la dresser, ce qui ne se faisait pas du jour au lendemain.

Dans nos campagnes ce fut la période des battages avec les machines à vapeur locomobiles qu'il fallait tirer avec plusieurs paires de bœufs car elles étaient très lourdes, ainsi que la batteuse qu'elle entrainait à l'aide d'une grande courroie, les presses vinrent un peu plus tard compléter ce matériel, mais pendant la guerre nous mettions la paille en vrac sur des meules tassées au fur à mesure par un bœuf que l'on faisait tourner dessus. Dans certains endroits on utilisa aussi de gros moteurs électriques pour ce travail. Mon oncle Joseph St MARTY de Maurens conduisait une de ces machines qui faisait la tournée des fermes sur plusieurs semaines, dormant sur place. Dès 2 heures du matin il fallait chauffer la chaudière à l'aide de bois ou de charbon qu'on nous attribuait à cet effet et vers 5 ou 6 heures du matin lorsque la pression était au maximum ii tirait un grand coup de sifflet qui résonnait dans toute la contrée indiquant qu'il était près à commencer les battages, une vingtaine de personnes la plupart, des voisins étaient nécessaires pour ces travaux très pénibles, dans le bruit, la poussière et souvent sous un soleil torride, les battages ayant lieu en Juillet et Août. La pénurie de ficelle de sisal nécessaire pour lier les gerbes avec nos moissonneuses lieuses nous amena aussi à utiliser du fil de fer fin ce qui eut pour but d'esquinter les heurs de nos machines qui n'étaient pas prévus pour cela.

La vie de famille se poursuivit malgré toutes ces vicissitudes rythmée par les nouvelles rares des membres de nos familles prisonniers de guerre ou requis pour le service du travail obligatoire en Allemagne. Les jeunes à 20 ans devaient participer à des Chantiers de Jeunesse, après quoi certains étaient désignés par les municipalités pour partir au STO, quelques uns furent réfractaires et passèrent au maquis, d'autres attirés par des propositions de collaboration se laissèrent séduire pour ne pas partir, mais la plus grande partie des désignés partirent souvent par crainte de représailles sur leurs familles que les collaborateurs ne manqueraient pas de dénoncer à la Gestapo. Ces collaborateurs étaient souvent très discret, ils pouvaient être partout, il est possible même que des années après la Libération certaines petites fortunes restèrent sans explication. Enfin dans nos campagnes nous étions bien loin de réaliser toute l'horreur qu'engendra cette guerre qui amena à industrialiser la mort pour des millions de victimes qui avaient le défaut de ne pas appartenir à une race dite supérieure et qui en fait redescendait au dessous du règne animal car les animaux n'ont pas cette faculté d'organiser de tels crimes.

Ici s'ajoute le témoignage de Mr A. CAMPOURCI neveu de Madame RIBET alias Madame DAYDE pendant la 2° guerre mondiale directrice des écoles du VAUX que j'ai très bien connue même si je ne l'ai pas eue comme enseignante.

Les écoles du VAUX étaient divisées en 2 celle d'en bas ou officiait et habitait Madame DAYDE était l'école des filles avant la mixité à la Libération, celle d'en haut qui a été rasée aujourd'hui était l'école des garçons, à l'étage se trouvait le bureau de la Mairie et les appartements de l'enseignant.

Pour cette période concernant 1944 notre instituteur était Monsieur Fernand PAILHES jeune instituteur que nous adorions car lors des récréations il se mêlait à nos jeux, surtout à nos parties de foot avec les plus grands. Il nous reste une anecdote de cette période c'est qu'un jour de fin de semaine, son épouse l'avait fait changer de tenue avec un beau pantalon tout neuf devant le soir rentrer sur TOULOUSE. Notre instituteur malgré cela voulut participer à la partie de foot avec les plus grands qui étaient quasiment tous de sa taille, mal lui en prit dans une glissade il déchira son beau pantalon tout neuf ce que n'apprécia pas son épouse.

Madame DAYDE était une femme de petite corpulence mais très dynamique et très nerveuse qui ne plaisantait pas avec la discipline, la morale, le devoir civique, la politesse et la propreté de ses élèves. La seule évocation de son nom faisait trembler les plus bravaches. Lorsqu'il y avait des punitions à faire après la classe c'était à l'école d'en bas qu'il fallait se rendre pour les effectuer sous la surveillance de Madame Daydé qui ne plaisantait pas sur le sujet. Pour ma part pendant 15 jours j'effectuais 150 lignes de copie sur ardoise pour l'effacer une fois fini tous les soirs après 17 heures, je m'étais fait prendre à adresser des billets doux à une copine d'école dont j'étais follement amoureux, par notre instituteur durant la classe, ceci se passait la dernière année de présence de Madame DAYDE au VAUX après la mixité des écoles.

Je laisse donc toute responsabilité à l'auteur pour son témoignage sur cette journée du 22 Août 1944, n'ayant aucune raison de mettre en doute sa bonne foi. Une seule chose m'intrigue vu la corpulence de Madame DAYDE comment a-t-elle pu se débarrasser d'un furieux mongol avec un couteau à portée de sa main qu'il fallait manier avec force pour tuer un homme par le dos sur le coup, sachant que ces derniers perpétraient leurs forfaits eux même fortement armés et jamais seuls pour des raisons de sécurité. Comment a-t-elle pu dissimuler toutes traces de sang consécutives à un tel coup et trainer un corps dans l'escalier, et creuser un trou pour enterrer cet individu. Cet épisode n'a jamais fait l'effet d'une vérification, je n'en avais jamais entendu parler jusqu'à ce jour, car s'il s'agit d'un fait réel elle aurait pu en être félicitée pour fait de Résistance. Il est étonnant aussi que les autres membres de cette colonne ne se soient pas aperçus de sa disparition. Je pense aussi que Madame DAYDE a présenté beaucoup plus de candidats au Certificat d'Etudes que n'en dit Mr CAMPOURCI, durant les 15 années passées au VAUX.

Je tiens à remercier notre ami Claude MORIN, Maire du VAUX en 2012,qui m'a fait part de la copie établie par son père le gendarme Emile MORIN le 16 Décembre 1944 relative au dépôt de plainte sur les délits commis lors du passage de la colonne allemande du 22 Août 1944 sur les communes du VAUX et MAURENS - Claude MORIN est aussi le petit fils de notre épicière et multiservices, personnage emblématique de notre village notre « LOUISETTE ». je remercie également Claude MORIN pour m'avoir donné une copie du témoignage de Mr A. CAMPOURCI, documents qui m'ont permis de mieux reconstituer les évènements de cette triste journée qui avait particulièrement marqué le jeune garçon que j'étais. J'espère que cette transmission de la mémoire aidera les futures générations à ne plus jamais revivre de tels drames.

Notre ami Antonin ESCAFFRE dont le seul crime était d'avoir vingt ans et d'être français que nous associons aux millions d'autres victimes de cette ignoble barbarie nous ont laissé un devoir incontournable : celui de ne jamais oublier leurs sacrifices pour ne pas les tuer une deuxième fois. C'est pourquoi en cette année 2012 nous avons entrepris auprès des municipalités une action afin de créer des relais de mémoire visuels comportant les dates de fin des 3 guerres pour lesquelles les français ont été mobilisés au cours de ce 20° siècle, situés dans l'environnement du Monument aux Morts, ils porteront jusque dans le lointain futur le souvenir de ceux qui ont donné leur vie pour notre cher pays. Le culte de la Mémoire fait partie des vraies valeurs d'une Nation et d'une civilisation, sans cette référence il ne peut y avoir d'avenir pour les peuples.

 

 

René BATIGNES
Ancien élève de l'école du VAUX

 

 

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Soixante ans après...Il est encore temps

ou

Les « mémoires de guerre » d'un enfant de dix ans.

 

L'imposante bâtisse semblait monter la garde à l'entrée du village ; c'était l'école de filles du VAUX, petit village du Lauragais à 5km de ST-Félix dont ma tante, Raymonde DAYDE, était l'institutrice.

La chaleur était caniculaire en ce début d'après midi du mardi 22 Aout 1944. Nous étions attablés au premier étage, sur le palier faisant communiquer les différentes pièces, à la recherche d'un peu de fraîcheur, ma tante, son mari Maurice DAYDE, chauffeur de car à la TED, sa sœur Marie (ma mère) et moi, garçonnet turbulent de dix ans, pour qui la guerre, jusque là, n'avait jamais été qu'un jeu.

Le drapeau tricolore flottait bien en évidence, à une fenêtre du premier étage donnant sur la rue symbole de la toute récente libération de Toulouse les 19 et 20 Août. Les volets étaient entrouverts, quand un bruit sec, au lointain, sortit les adultes de la torpeur ambiante.

 «C'est un pétard », dit mon oncle, pensant  à un jeune fêtant à sa manière la libération en marche. Plus tard, nous apprîmes qu'il s'agissait de coup de fusil tirés par les Allemands sur un jeune agriculteur. Antonin ESCAFFRE, 20 ans, payant de sa vie son geste reflexe de fuite à travers champs, alors qu'il gardait son troupeau de bœufs.

Quelque peu inquiet par le silence qui semblait s'abattre sur le village, mon oncle eut un pressentiment. Il se leva, pieds nus, entrouvrant les volets, se rejeta brusquement en arrière, hurlant : "les boches !" En même temps, une rafale de mitrailleuse, en batterie dans le fossé face à l'école, criblait de balles le mur de l'édifice. Avec son drapeau narguant la défaite des nazis, l'école, de toute évidence, devait passer à leurs yeux pour un repaire de « terroristes ». Cette colonne allemande, forte de plus de 2 000 hommes, surtout des « Mongols » de l'armée Vlassov, fuyait Toulouse par les petites routes du Lauragais, essayant de rejoindre la R.N.113 dans le but de venir en renfort sur le front qui venait de s'ouvrir en Provence, suite au débarquement allié du 15 août. « Les Boches » répéta mon oncle. Sans prendre le temps de récupérer ses pantoufles sous la table, il dévala l'escalier, ouvrit la porte de derrière qui donnait sur champs et jardins, se jeta dans une végétation suffisamment dense pour que les balles sifflant à ses oreilles ne l'atteignent pas. Plus tard, on sut qu'il avait réussi à gagner St Félix... pieds nus !

C'est alors que commence pour ma tante, ma mère et l'enfant que j'étais, l'après-midi le plus long. Pour moi, ces quatre heures interminables sont traversées de moments forts, de "flashs" qui, près de soixante ans plus tard, conservent toute leur actualité. Je me revois toujours avec ma mère, serrés l'un contre l'autre sur ce palier du premier étage. Du rez-de-chaussée au grenier, la soldatesque hurlante recherche des résistants qu'ils ne trouveront jamais, et pour cause, le seul homme de la maison ayant réussi à prendre la fuite. Alors, impunément, les soldats commencent leur pillage : linge de maison, argent liquide, bijoux, salaisons... Deux vélos ! Le bilan chiffré sera établi par mon oncle auprès de la brigade de gendarmerie de St-Félix-de-Lauragais, rapport du maréchal des logis chef BOURNIQUEL, le 12 Octobre 1944... Mes souvenirs ne faisant pas état de tous ces chiffres !

Nous nous retrouvons dans la cuisine où la menace se précise. Ma mère me serre contre elle, s'appuie à une petite table supportant le poste de TSF sur lequel est posé la photographie de ma tante Christiane, sœur de maman, tuée à Paris dans le bombardement allié de la Chapelle, le 20 Avril 1944 ; elle allait avoir 23 ans.

Nous sommes affolés devant ce jeune Waffen SS à longue casquette et manches de chemise retroussées, dont je ne vois que les dents en or et la mitraillette…à la hauteur de mon nez. Vociférant des mots incompréhensibles, il lève son arme comme pour nous frapper quand maman pousse un cri : « Non ! », se retourne instinctivement, pointant le doigt sur la photo de sa sœur. L’homme parait se figer, abaisse son arme et nous laisse là, pantelants mais en vie. Que s’est-il passé dans son esprit ? Nous ne le saurons jamais, mais aux yeux de maman, Christiane avait fait accomplir ce miracle.

S’en suit alors une période assez floue, la soldatesque continuant le pillage systématique de l’école de bas en haut. Maman et moi « récupérons », toujours serrés l’un contre l’autre ; je ne sais pas où est ma tante.

C’est alors que vers 15 heures, un autre « flash » se produit, demeurant à jamais dans ma mémoire. Je nous revois ma tante à nouveau présente, maman et moi, au rez-de-chaussée, dans le couloir vestibule de l’école. Un quatrième personnage va jouer un rôle capital à notre sauvegarde : un Allemand pense-t-on, nous a pris sous sa protection. Gradé subalterne, intendance d’un officier supérieur, il essaie de nous faire comprendre, gestes à l’appui, désignant un écusson sur sa manche, qu’il est « Géorgien » et non « chirurgien » comme longtemps le crurent « mes » deux femmes. Il me prit sur ses genoux, caressant mes cheveux, sortant de son porte feuilles des photos de famille avec ses enfants, m’offrant des billes de chocolat – Oh ! Quel trésor pendant la guerre – que par la suite, ma tante m’interdit de croquer par crainte d’un improbable empoisonnement, mais la psychose était partout. Pensant gagner notre confiance, il nous fit comprendre qu’il voulait deserter et rejoindre le maquis ; bien sur, il n’était pas question d’accéder à sa demande dans les conditions où nous nous trouvions, même si, plus tard, je sus que mon oncle et ma tante étaient dans la résistance. Cette scène, presque « familiale », surréaliste au milieu de la tourmente, dura peut-être plus d’une heure, le temps de voir s’écouler le reste de la colonne pillant allégrement fermes voisines et maisons du village. Au passage je me souviens d’une voiture, certainement une traction avant décapotable, dont les passagères, deux jeunes femmes, riaient à gorge déployée.

Qu’est devenu notre « protecteur », peut être notre « sauveur » ? Agissait-il par intérêt ou par humanité ? Nous ne le saurons jamais. Après la guerre, à Toulouse maman observa longtemps les groupes de prisonniers allemands travaillant dans les rues de la ville dans l’espoir de retrouver notre « Georgien », mais en vain.

Ce n’est qu’après dix huit heures, quand la horde fut définitivement écoulée, que nous osâmes mettre le nez dehors. Ce fut pour constater la dévastation de notre petit village ; les animaux de basse-cour en furent les principales victimes : leurs cadavres éventrés gisaient ça et là, les chiens courant de l’un à l’autre…

Je pourrais m’arrêter ici, mes « flashs » sont épuisés.

Mais l’histoire continue, en parallèle avec mes souvenirs…

De nombreuses années ont passées. Ma tante, divorcée de Maurice Daydé, s’est remariée avec Charles Ribet, résistant, membre du parti socialiste clandestin. Veuve en 1955, elle m’invite souvent, alors qu’elle set directrice de l’école de filles Sarrat, place Dupuy, à Toulouse.

Comme beaucoup d’autres résistants et déportés qui ont attendu plusieurs années avant de se confier, elle m’avoua, qu’au cours de cette journée dramatique, elle s’était « débarrassée » d’un « Mongol », assoiffé de pillage, tentant de la violer dans une pièce que nous appelions le « garde-manger », parmi salaisons et conserves dont plus tard mon oncle signalera la perte. Près d’un quartier de jambon un long couteau semblait attendre ; c’est à proximité que le « mongol » se jeta sur ma tante.

Elle frappa un grand coup dans le dos du soudard. Sa mort fut instantanée, mais le plus dur restait à faire : cacher le corps. Gardant son sang froid, elle jeta une bâche sur le cadavre qu’elle recouvrit avec tout ce qui lui tombait sous la main. Par la suite, d’autres soldats « visitèrent » la pièce, mais ma tante détourna leur attention, s’empressant de leur offrir des victuailles dont ils se contentèrent. Le pillage achevé, une soixantaine d’homme y prit part, elle descendit nous rejoindre dans l’entrée sous la protection de notre « ange gardien » géorgien. A la nuit venue, à l’insu de ma mère elle tira « notre » Mongol  par les pieds et descendit ainsi l’escalier marche après marche. C’est dans le jardin potager derrière l’école que sans doute, ses os finissent de blanchir…

Aujourd’hui, ma tante a 95 ans ; atteinte par la maladie d’Alzheimer qui jette un manteau sombre sur sa mémoire, elle finit ses jours dans une maison de retraite à Blagnac…

Quand à Maurice Daydé, après sa fuite échevelée, il réussit à faire prévenir le Corps Franc de la Montagne Noire de Roger Monpezat, dont l’aviation mitrailla la triste colonne vers Castelnaudary. La plupart des fuyards trouvèrent la mort, les brutes, les plus nombreux, comme les trop rares bons.

 

 

Pourquoi ce besoin de relater des faits d'un passé déjà lointain ? L'amnésie de ma tante m'incite à laisser une trace, alors que je reste le seul dépositaire de ces évènements. La chance des survivants leur crée l'obligation de témoigner, ils deviennent la mémoire des disparus. Cette chance, qui à fui les millions de victimes de la barbarie nazie, nous nous devons de l'honorer : miracle pour les uns, providence pour les autres, éternelle dualité entre : « L'homme qui croyait au Ciel et qui n'y croyait pas »

 

 

A. Campourci - octobre 2002

« Pour nous la guerre n'était qu'un jeu »

 

Additif N°1 

 

Qu'est devenue «la colonne du 21 août» ?

En 2004, Elérika LEROY, chargée de mission par le Comité de Bassin pour l'Emploi (C.B.E.) du nord-est toulousain, publie : «Eté 1944 dans le Pays Girou, Tarn, Frontonnais», dans lequel elle rend compte des exactions sanglantes commises sur leur parcours par trois colonnes allemandes en fuite, pendant la deuxième quinzaine du mois d'août.

C'est ainsi que je pense avoir retrouvé «ma» colonne, celle du 21 août,fuyant Montauban. Elle évite Toulouse libérée, traverse le «Pays» du Nord au Sud, de Fronton à Verfeil, semant la désolation derrière elle. Le soir du 21 août, les Allemands, surpris par un violent orage, cantonnent dans Verfeil terrorisée.

Le lendemain 22 août, la colonne repart, essayant de gagner Carcassonne et, de là, l'état-major dans la vallée du Rhône. Les grands axes routiers étant sous le contrôle de la Résistance et de l'aviation alliée, la colonne traverse. Bourg-Saint-Bernard, Lanta, Caraman, remonte la vallée de la Saune, semant toujours la terreur sur son passage. Et c'est ainsi qu'elle atteint Le Vaux, ce mardi 22 août 1944, entre 13 et 14 heures...

Mais jamais les Allemands n'atteindront Carcassonne.

L'aviation de la Résistance mit fin à ce triste cortège sur les petites routes de la Montagne Noire, entre Tarn et Aude.

L'Histoire venait de rendre son jugement.

P.S. :

Ma tante, Raymonde GAMBETTA, épouse RIBET, s'est éteinte le 5 décembre 2002...

 

En annexe les originaux des procès verbaux de gendarmerie cités plus haut.
cliquer ici

 

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