Société d'Histoire de Revel Saint-Ferréol                          -                                      Publication Lauragais-Patrimoine

LA GUERRE D'INDOCHINE

 par Maurice de Poitevin

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ANNEXE V


QUESTIONNAIRE SUR LES ANCIENS COMBATTANTS DE LA GUERRE D'INDOCHINE
(À titre indicatif)

 

Maurice de Poitevin
« Vaugelade »
86290 – LA TRIMOUILLE

 

 

 ANNEXE VI


MA GUERRE EN INDOCHINE (1948-1951) de  Pierre  CARRIÈRE
Relevé et présentation d'Edith Grandchamps, photos de Pierre Carrière

Son engagement

Pour des raisons économiques, il s'engage volontaire à  l'âge de 18 ans, pour  4 ans, pour l'Outre Mer (sans idée politique). Parti le 14 janvier 1947, il  a tout d'abord été mobilisé en Allemagne du 22 janvier 1947 au 6 octobre 1948. Il ne pensait pas partir pour l'Indochine, mais du fait d'effectifs insuffisants (manque de volontaires pour l'E.O.) et de besoins sans cesse croissants, il a donc été  appelé en Indochine (au moment de son départ, il y avait, en Indochine, la guérilla et des atrocités).
Affecté au C.R.T.C.D. de Fréjus et dirigé au D.I.T.C. de Marseille en vue de son embarquement le 15 décembre 1948, il part sur le paquebot « Champollion ».

       

Conditions du voyage Aller : Marseille-Saïgon : durée  25 jours, (sans droits  de descente aux escales pour éviter les désertions), avec  les officiers, sous officiers, et les militaires avec  leur famille. Après plusieurs escales, à Port Saïd,  le Canal de Suez, Djibouti, Aden, Singapour, ils arrivent enfin à Saïgon le 8 janvier 1949. Le Canal de Suez était incontournable en bateau !

 

Le canal de Suez 


Causes de la guerre
Après que le  Japon n'ait pas toléré la présence militaire et politique de la France sur l'Indochine le 9 mars 1945, il fait proclamer l'indépendance du Viêt-Nam, du Laos et du Cambodge.

En mars 1946, des négociations reconnaissent l'indépendance du Vietnam dans l'Union française et admettent  une présence militaire de la France pendant 5 ans. Mais rapidement la situation se dégrade sous l'impulsion du Vietminh (mouvement nationaliste et révolutionnaire d'inspiration communiste) qui va conduire une guerre totale et populaire pendant  8 ans, selon une tactique de guérilla. Elle a pour but d'user l'adversaire, de disperser ses forces, de miner son moral et  de l'anéantir. Aussi des contingents de militaires français  sont envoyés en renfort en Indochine dont notre témoin.

 

Pierre CARRIÈRE
Etat civil : Français
Né à Toulouse le 30 septembre 1928.
Père : employé à l'O.N.I A.
Mère : au foyer (trois enfants en tout).
Etudes : niveau Certificat d'Etudes.
Engagé volontaire.
Affecté  au 3e  escadron  du RICM
(Régiment d'Infanterie Coloniale de
Marine en Indochine).
 N° Matricule 12529.
  Poste fortifié dans la région du Haut Tonkin.

 

Ses affectations
Affecté au 3ème escadron du R.I.C.M. (Régiment d'Infanterie Coloniale de Marine),  le           1er février 1949, partant par voie de terre, il fait mouvement avec son unité sur Cao Bang avec les chars, les half-tracks  (autochenilles), apercevant des rizières au début du parcours mais l'éloignement les faisait entrer dans un paysage montagneux aux températures froides.
Son poste   de « Voltigeur »  consistait à ouvrir les routes afin de débusquer les Viêts prêts à lancer une embuscade et à repérer  les mines et pièges placés par l'adversaire en fouillant avec minutie le terrain puis à s'installer sur les hauteurs. Parfois, il se servait du coupe-coupe pour  se frayer le chemin dans la brousse. Toujours à l'avant, il ne pouvait apporter son aide aux blessés à l'arrière.
Il part  d'Haï Duong le  24 mars1949 pour aller sur Cao Bang, en opération en zone frontière, il patrouille dans les villages et participe à  l'ouverture de la R. C. 4  (Route Coloniale 4 - Langson-Cao Bang), route servant à ravitailler les postes, souvent attaqués par les Viêts,
-avec obligation de riposter- .

 

Les consignes de leur lieutenant étaient de respecter la population et surtout de  ne pas faire de carnages ou d'atrocités. La Chine a combattu les nationalistes et ceux qui ont été faits prisonniers par les Français. Beaucoup  souffraient de la fièvre.  

             Le 8 octobre 1949, il  quitte Cao Bang  et fait mouvement avec l'unité sur Lang Son. Le souvenir  marquant est le  désarmement, en 1949, d'un général chinois nationaliste et de ses quelques hommes qui s'étaient rendus aux communistes, mais que son unité a récupérés à Lang Son, afin qu'ils ne soient pas tués par ceux-ci,  d'autres ayant  préféré lutter et se faire abattre. Envoyé sur Dinh Lap,  il  y reste plusieurs mois en patrouillant pour l'ouverture de la route, afin de ravitailler les postes. Dans la région du Haut-Tonkin, de son poste fortifié, il voyait le poste frontière chinois en face de lui.
A Dinh Lap, le 14 avril 1950,  attaqués par les Viêts, ils ont dû quitter leur poste et quelques temps après ils l'ont repris.  Il a  fait mouvement avec l'unité sur Khé Tu où il arrive le 15 septembre 1950 en opération, en zone côtière,  sur le pont de Khé Tu. 

Son rapatriement  

            Le 20 décembre 1950, il quitte Khé Tu, sur une pirogue, en vue de son rapatriement pour la métropole. Parti d'Haïphong sur le paquebot « André Lebon »,  il traverse la baie d'Along, Saïgon, avec escales autorisées, baignades à Singapour (la police les a sortis), car ils se baignaient dans une zone de requins),  et les nombreuses escales se succèdent : Colombo, Aden, Djibouti, Canal de Suez, Marseille (le retour dure à peu près 1 mois).
Libéré le 21 janvier  1951, revenu à Toulouse, il a fait une demande pour la Corée.  Mais, ayant retrouvé sa marraine de guerre, il décide de ne pas poursuivre son engagement afin de se marier avec elle.  Entreprenant diverses activités, il trouve sa voie professionnelle et entre en 1955, à l'Education nationale, en qualité de maître ouvrier cuisinier.
Une  prime mentionnée sur le livret militaire du 9/08/1947 au 7/10/1948 est de 2 333 francs.

LES DIVERS ASPECTS DE SA VIE EN INDOCHINE

Son environnement
Le climat était tropical humide et ils ont rencontré des jungles luxuriantes de lianes où ils pouvaient se cacher. Le coupe-coupe leur permettait de se frayer le chemin.
Il a traversé les villes  de : Saïgon, Haïphong, Hanoï.  Il a participé à un défilé devant le Général De Lattre de Tassigny sur le pont Doumer en 1948/1949.
Ses postes de campagne  étaient essentiellement situés en zone de montagne et en brousse, mais il a vu des rizières à Hu Dông.
Il a  appris la  fabrication de pneus Michelin à Saïgon. 
Le plus étonnant a été de lire un panneau où il  y avait marqué "Paris 12 672 km". Le passage devant ce panneau réveillait leur émotion.
L'ouverture des routes passait quelquefois dans la jungle luxuriante, et là, il fallait faire le chemin avec le coupe-coupe.

Général chinois prisonnier

Les moyens militaires

Armes du combattant : les compagnies de voltigeurs sont équipés de : mortiers de 60, FM, P36 et de mitraillettes  Thompson et des grenades ; nos ennemis avaient des armes russes, américaines et le coupe-coupe, mitrailleuses de 30 et de 50, mortiers, Beaufort (canon avec chargeur).
Aériens : aérodrome à Lang Son : avions pour le parachutage, le transport des Commandos parachutistes et du ravitaillement des troupes et postes lointains.
Marine : patrouille avec des U.L.C. et les divers bateaux de la Marine, pour les liaisons fluviales vers les divers postes.
Armée de Terre : blindés, troupes de choc, mélange de militaires et de  légionnaires : 3ème Régiment de la Légion Etrangère, 3ème Bataillon Parachutistes, Sénégalais, Tirailleurs algériens (encadrés par les « pieds noirs »), Spahis, Artillerie Coloniale.
Services : transmissions sur les blindés, infirmerie avec médecin, ravitaillement des postes par la route (convois).
Troupes d'élites et de commandos.

       

 Surveillance sur le pont de Khé Tu.                                                                 Passage d'un gué.

Types d'activités militaires 
Les principales activités consistaient en ratissages ou patrouilles de routes ; des coolies, anciens prisonniers Viêts, servaient de boys.  De nombreuses embuscades et accrochages en quittant Cao Bang sont à signalés,  mais  pas d'attentats et d'assassinats. Les partisans, issus des autochtones encadrés par des militaires de la Coloniale, ont procédé à de nombreuses attaques.
Les Viêts faisaient de la propagande à la population et l'obligeait à creuser des tranchées pour piéger les routes.
Les agents secrets se recrutaient chez les autotochnes.
La présence de l'administration s'est limitée à la venue une fois du comptable pour effectuer le paiement des militaires mais il a été accroché.
La perte de son lieutenant  et d'une quinzaine de camarades militaires pendant la guerre reste encore une blessure non refermée.

Conditions de vie  militaire
Il avait droit à la dotation d'une cartouche  de cigarettes par mois, timbres et savon.
La relation correcte avec des gradés, gentils et humains, aidait au moral des troupes, mais cependant  il leur tardait de rentrer.
Les échanges  écrits avec la métropole leur apportait un peu de réconfort : les parents écrivaient, et la marraine de guerre aussi. L'envoi d'un colis familial, retourné au bout d'un an au domicile parental, fait anecdote.
La presse  suivait de près cette guerre car un journaliste américain notait leurs opérations.

Vie   militaire avec la population
Les troupes indigènes ne leur posaient pas de problème et les contacts avec elles étaient pratiquement inexistants.
Notre témoin pendant son engagement, n'a reçu  ni tract, ni menace. N'ont pas été portés à sa connaissance,  meurtres, affaires d'espions, trafic d'armes, de piastres et de drogue.
Il entretenait de bons rapports avec la population et les commerçants,  se permettant même d'aller dans les restaurants. Il se consommait  beaucoup de riz enveloppé dans une feuille de banane. La  vie n'étant pas chère, la monnaie usitée,  la piastre, permettait des dépenses correctes ;  on utilisait surtout des billets.

   

La piastre (recto-verso) : monnaie très utilisée.

   La borne signalant Paris (12 672 km).      

Il se buvait surtout de l'alcool  de riz : le choum.
Les soldats avaient du vin en poudre et des camemberts " sertis " et des boîtes de " singe  " (bœuf en boîte), de thon et de sardines.

Surveillance accrue de R. C. 4
La surveillance de la R.C. 4 était une de leur fonction principale.
Les communistes se battaient, même avec des Français dans leurs rangs, bastonnaient des présumés Français. La guerre ne pouvait être gagnée, car ils étaient chez eux et l'armée du Vietminh alliait une puissance de feu et de stratégies supérieures aux qualités d'une armée traditionnelle et Giap a regroupé un grand nombre de vétérans.
De notre côté, le manque d'hommes et de moyens militaires (armes) affaiblissaient notre  armée.
Les Américains sont venus après la chute de Diem Bien Phu, ils ont pris le relais.
Notre témoin n'était pas encore en pleine guerre lors de son engagement,  mais parle plutôt d'une  guérilla, (ils se sont battus au Tonkin) qui a cependant entraîné des pertes civiles et militaires.
Et lui-même doit la vie à une rage de dent qui l'a empêché de se déplacer pour une mission, dans laquelle son lieutenant et certains de ces camarades ont perdu la vie ;  (le coupe-coupe était une arme redoutable que certains Viêts n'hésitaient pas à se servir pour couper la tête à leurs ennemis).

  Dans la jungle.

Loisirs

Leurs fonctions militaires étaient physiques, mais ils trouvaient dans le foot  un contact convivial ; le foot faisait partie de leurs principaux loisirs et ils jouaient contre les légionnaires ou les arabes.
Les jeux  de carte ou le tir (poker joué avec comme mise des cigarettes) occupaient leurs moments libres.

 Une équipe de foot.   

 

Militaires célèbres
Notre témoin évoque les noms des militaires dont il a le  plus entendus parler.
Le général Vô Nguyen Giap : sa personnalité politico-militaire, véritable Carnot de l'armée Vietminh, lui a permis de dominer la  bataille de la R.C.4. ; sa stratégie lui a permis de préparer la manœuvre de la campagne d'automne de 1950 qui, face à la médiocrité des concepteurs  de cette opération,  laissa beaucoup de victimes sur le champ d'honneur.
Le capitaine français Cazaux a pris le commandement provisoire de la 3ème BBCP, mais fait prisonnier le 13 octobre 1950, les Viêts refuseront de le soigner et il mourra d'une dysenterie provoquant une longue agonie.
Le chef de bataillon Forget, légionnaire, en juillet 1950, sous les ordres du colonel Charton
commandera le 3e bataillon du 3e REI  à Cao Bang, mais le 7 octobre 1950 à Coc Xa, il rendra hommage à son bataillon avant de mourir.
Le commandant de Chergé, du 3ème Tabor, le colonel Le Page (marocain artilleur qui subira l'anéantissement de son groupement en octobre 1950 et sera fait prisonnier à Coc XA), et le général Carpentier sont des militaires de haut rang dont les noms sont parvenus à notre témoin.
Le lieutenant colonel Charton, commandera l'évacuation qui se terminera de manière tragique en 1950, combattant avec ses légionnaires du 3/3e REI et les goumiers ; il est capturé blessé à la hanche, à l'abdomen et la face.

Les animaux
Les animaux domestiques sont les chiens et les chats et les cochons noirs. On pouvait rencontrer des serpents, singes,  rats, mouches et moustiques, scorpions. Le mille-pattes géant (scolopendre) était à éviter d'autant que ce dernier ayant piqué notre témoin, lui  a causé une grave inflammation,  (qui a failli toucher son l'œil, pouvant ainsi causer des graves dégâts sur la vue).
Les Viêts se servaient de buffles, de  mules et même d'éléphants  pour le transport de  leurs marchandises et leurs travaux.

   

Les buffles chargés.                                                                                                       Les ânes chargés.                                                                                  

Souvenirs de cette guerre
Il a été surtout marquée par  le drame de la R.C.4  qui  reste le pire souvenir car beaucoup de ses camarades y ont laissé la vie.
C'est encore avec beaucoup d'émotion que Pierre  Carrière retrace les souvenirs vivaces de cette guerre,  qui ne se sont pas effacés et notre ami  les entretient avec une trentaine de livres qu'il possède sur ces événements dont voici quelques titres :
- La tragédie de la RC4, mai, octobre 1950.
- La bataille de Dong Khé d'Erwan Bergot
- Le RICM  de Pierre Dufour (Collection Régiments de France)
Ses décorations 
Pas de citations militaires, mais a été gratifié de la Reconnaissance de la Nation,  de la Croix de guerre des Combattants d'Indochine, et de la  Médaille Commémorative des Anciens Combattants d'Indochine.

Pierre Carrière (Ph. Edith Grandchamps)


ANNEXE VII


LE MEMORAIL DE FREJUS

Pierre Carrière, notre témoin nous invite à aller visiter le Mémorial de Fréjus, dédié à la mémoire des morts pour l'Indochine et nous présente le document suivant.

  

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Vers chapitres I-II-III
Vers chapitres IV-V-VI
Vers Chapitres VII-VIII-IX
Vers Chapitres X-XI

CONCLUSION 

Annexes 1-2-3-4