Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol PARU DANS LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE CAHIER SPECIAL - 2000 - |
CHARTE DE FONDATION DE LA BASTIDE DE REVEL 1342 En pays de Languedoc
Collection LAURAGAIS-PATRIMOINE - 2011 - (2ème édition revue et augmentée)
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Differents articles sur la charte de fondation de la Bastide de Revel
L'INTEGRALITE DE LA CHARTE DE FONDATION
LA GENESE DE LA FONDATION DE LA BASTIDE DE REVEL ET DES BASTIDES
SCEAU DE LA CHARTE DE FONDATION PAR BERNARD VELAY
LA PUBLICATION DE LA CHARTE DANS LA COLLECTION LAURAGAIS-PATRIMOINE
AVANT PROPOS
Dans cette brochure est présentée la partie essentielle du parchemin signé de Louis XI, en 1462, qui reproduit, outre les Vidimus de Charles VII en 1437 et de Philippe VI en 1343, la charte de fondation rédigée à Toulouse par Agot de Baux, datée du vendredi 8 juin 1342 (le 8 juin 1342 fut un samedi !)sur commission de Philippe VI de février 1342 (1341 dans le calendrier de l'époque), et la charte de Philippe VI de 1345 relative aux privilèges des bourgeois de Revel.
Bâtie sur le piémont de la partie occidentale de la Montagne Noire, en bordure méridionale de la plaine du Sor, limitée à l'ouest par une longue ligne de coteaux, la ville de Revel est à l'extrémité orientale du département de la Haute-Garonne.
Revel n'est pas née comme beaucoup de bourgades ou villages voisins par peuplements successifs autour d'un ancien domaine gallo-romain (villa), d'un château ou d'un monastère.
Revel est née de la volonté d'un souverain, Philippe VI de Valois, en 1342, à la demande des habitants du consulat de Vauré, importunés par les débordements de la rivière (le Sor, dit aussi la Maïré) et, dit-on encore, par les incursions de brigands qui avaient investi la forêt voisine.
Le défrichement de la forêt apporta, outre le bois de construction, des terres nouvelles, dont une partie fut réservée à l'édification de la nouvelle ville (ou bastide), qui devint le point de fixation d'une nombreuse population (trois mille personnes sans doute) venue des paroisses des environs, essentiellement de Vauré.
Une bastide est caractérisée par un plan d'urbanisme, au maillage régulier de rues perpendiculaires (Revel est l'une des dernières, la plupart ayant été créées au XIIIe siècle).
A Revel, modèle type de bastide, la circulation de l'eau dans les rues et l'évacuation des eaux usées par les maïralo, sont assurées dès l'origine.
La place centrale bordée de quatre galeries (garlandes) de 70 mètres chacune, avec sa maison de ville dont le clocher fut en bois jusqu'en 1830, qu'entoure la halle (ou couvert) de 40 mètres de côté est typique de la plupart des bastides.
A Revel, les dimensions sont assez impressionnantes.
La position excentrée de l'église est également classique dans le plan des bastides, sans qu'on en connaisse la raison.
L'enceinte de murs avec ses quatre portes monumentales (aujourd'hui disparue) n'était pas prévue d'origine, mais s'imposa rapidement, pour la sécurité des habitants pendant la Guerre de Cent Ans. (Bastide signifie ville bâtie de neuf, et non ville fortifiée).
La bastide de Revel, création royale, a un statut juridique défini dans la charte de fondation, 89 articles ou items qui traitent en détail des rapports sociaux, administratifs et économiques des habitants de la cité.
Le roi Philippe VI en demanda la rédaction au sénéchal du Toulousain et de l'Albigeois (Agots de Baux), qui la remit aux représentants de Revel le 8 Juin 1342, charte que le roi confirma au mois de décembre 1343.
Il était dans l'usage de présenter la charte autant que possible à chaque nouveau souverain, qui la « confirmait » : la confirmation, appelée Vidimus, signée de Louis XI en 1467, a été conservée sans doute parce qu'elle contient la copie de tous les documents relatifs à cette création, dont la charte de fondation elle- même.
Classés Monuments Historiques, la halle et le beffroi de Revel étaient la représentation du pouvoir royal (bastide fondée par Philippe VI de Valois, photo prise au travers des arcades de « Las Garlandas »).
C'est la traduction de ce parchemin qui est publiée ici.
Le tableau ci-après donne le schéma de l’ensemble du parchemin (constitué de trois peaux cousues l’une à l’autre) et les 2 cadres centraux soulignent la partie du parchemin dont la traduction fait l’objet de cette publication (par Jean HEBRARD).
TABLEAU DE MONTAGE DU PREMIER DOCUMENT DIT « VIDIMUS DE LOUIS XI »
CONTENANT, AVEC D’AUTRES COPIES, LA COPIE DE LA CHARTE DE FONDATION DE REVEL.
LA BASTIDE EN GÉNÉRAL
Etymologie
La bastide, ville occitane ici ou maison provençale là, nécessite d'aller à la définition du mot pour mieux comprendre qu'il puisse y avoir un même mot pour deux réalités différentes.
Etymologiquement, le mot "bastida" (bastit, bastia) possède, à l'origine, un sens très large : construction récente ou en cours, de quelque importance (un bastit en occitan… une construction bâtie).
C'est par la suite que le mot prend deux significations différentes.
1/ Dans le Sud-ouest, le terme de "Bastide" prend dès le XIIIème siècle le sens de : ville neuve, peuplement nouveau ("nova bastida", "nova populatio").
La bastide se distingue alors de : "villa", "castrum", "sauveterre", "salvetat", "castelnau", "villeneuve" d'origines différentes, souvent antérieures.
2/ En Provence, le mot "Bastide" connaît une autre signification, récemment vulgarisée, en désignant des « demeures campagnardes, complément des hôtels urbains , des résidences secondaires, au centre d'une exploitation agricole de rapport ».
Ces bastides provençales apparues au XVIème siècle ont vu leur plein épanouissement aux XVIIème et XVIIIème siècles.
Une vague de peuplement et d’urbanisation va commencer en Albigeois en 1220.
Cette véritable « révolution urbaine » va s’étendre à la Gascogne et à l’Aquitaine, ce mouvement que l’on appelle aussi le « phénomène bastide » durera jusqu’en 1357 – 1358. Il est difficile de s’imaginer ce que représente cette vague urbanistique.
Ainsi plus de 300 bastides seront ainsi fondées parfois « ex nihilo » en moins d’un siècle et demi.
Cet urbanisme domine encore de nos jours les campagnes du Sud-ouest.
Les plans sont en général en échiquier, avec une place centrale et un beffroi en bois qui s’élève en son milieu entouré de galeries (« Las garlandas » à Revel).
La bastide est le résultat de plusieurs siècles de recherches sinon d’expériences de création urbaine.
Les buts des fondateurs de bastides sont essentiellement politiques :
- contrôle des populations rurales après la croisade des Albigeois ou lors de rivalités entre les seigneurs, mais aussi possibilité de relogement de populations qui ont souffert de ces guerres
- prélèvement d’impôts, de taxes en contrôlant les transactions
- grand mouvement d’affranchissement des serfs, les colons ayant dorénavant un statut d’hommes libres
- souci de regroupement des populations, l’habitat rural étant à cette époque assez dispersé
- meilleur aménagement du territoire et une valorisation des terres
- installation de la sécurité et du développement des échanges, en effet une bonne partie de la population médiévale semblait ne pas avoir de domicile fixe, pratiquant souvent des travaux saisonniers et vivant de larcins, grâce à ce tissu urbain ce climat général d’insécurité va se réduire.
Ces créations urbaines ont entraîné des concurrences acharnées des seigneurs pour drainer ou conserver les populations.
Ces villes neuves conduisent à un phénomène urbain concurrentiel avec les autres types d’habitats (castra, villages ecclésiaux, sauvetés, castellas, basse cour de mottes castrales).
Il est non imposé et librement consenti par la population.
Lors de la création de ces bastides, les seigneurs voisins se plaignent de l’exode de leurs tenanciers attirés par un nouvel urbanisme qui leur apportait :
- une qualité de vie essentielle au Moyen Age
- la sécurité
- mais aussi des droits économiques et politiques étroitement imbriqués.
Les droits et les devoirs sont clairement annoncés par les articles des us et coutumes des villes neuves.
A chaque fondation, une charte des coutumes est rédigée. C’est la charte de fondation.
Pour la bastide de Revel la charte était composée de 89 articles.
Les coutumes consacrent de nombreux articles concernant le respect du fief, ce qui correspond à notre notion de droit de la propriété.
L’habitant peut aussi quand il veut quitter la ville à condition d’avoir payé ses dettes (liberté de déplacement).
Avec ces deux conditions, liberté de choisir sa résidence et garantie du fief, l’urbanisme reste l’objet bâti par tous, c’est à dire par la communauté des « bourgeois » (ce n’est pas ici la notion de celle du XVIIIème - XIXème siècle, dans notre cas le bourgeois est l’habitant du bourg…), par le consulat (à Revel il y a 6 consuls) ou par la jurade.
Le « bourgeois » est souvent lié par un contrat, il peut prêter serment (parfois à partir de 13 ans).
Il s’engage à respecter les coutumes, sorte de constitution définissant au niveau local les relations entre le « seigneur de la ville » et la communauté d’habitants.
Il devient responsable de la ville qui fait de lui un responsable économique et politique.
Revel sera fondée au milieu de la forêt de « Bauré », ce nouveau « centre urbain » va dynamiser la vie économique artisanale, agricole et commerciale de la région.
Les villages de Vauré, Dreuilhe et Vaudreuilhe feront une même communauté avec la ville de Revel, ce fait sera générateur de nombreux conflits entre les consuls de Revel et les habitants des paroisses annexées.
Vaudreuilhe retrouvera son indépendance en 1518.
Pourtant on peut estimer qu’un essai a peut-être été tenté à Vauré avant la fondation de Revel, puisqu’en 1249, son consulat est attesté.
En 1322, Vauré est détenteur d’importants privilèges : la juridiction criminelle, les prisons, fourches et piloris, les assises du juge du Lauragais, l’octroi de deux foires par an et d’un marché hebdomadaire.
Nous avons là, la preuve d’une étonnante vitalité de Vauré.
Si le Roi n’a pas poursuivi son essai à Vauré, c’est peut être parce que l’abbé de Sorèze y détenait des droits.
L’église Notre Dame des Grâces construite en 1350, a dépendu longtemps de l’église paroissiale Saint-Sernin de Vauré, prieuré-cure de l’abbaye de Sorèze. br>
La charte est donc promulguée par Agot de Baux, sénéchal de Toulouse et de l’Albigeois, fondant ainsi la bastide le 8 juin 1342, le tout en exécution des lettres royales de Philippe VI de Valois, le Roi fondateur de la cité de Revel.
Ces lettres ont été données à Maubuisson près de Paris, le 26 février 1342 (1).
La confirmation de la charte de fondation faite à Conflans date du mois de mai 1345.
Cette charte a été constamment confirmée à la demande des consuls, par les différents rois qui se sont succédés, notamment en 1356, 1359, 1402 et 1426.
Une traduction française en a été faite en 1663 sur un autre Vidimus datant de 1497.
En 1490, elle fut confirmée par Charles VIII, en 1510 par Louis XII, en 1560 par François II et en 1609 par Henri IV.
Le Vidimus qui est conservé est celui de Louis XI, sur parchemin daté de 1462(2) .
Une autre date a été relevée sur les textes celle de décembre 1343 par laquelle une copie est faite par Pierre Marconandi juré et substitut et François de Rieux, notaire royal stipulant que le seigneur gouverneur et sénéchal de Toulouse fait et accepte l’acte du 8 juin 1342…
Une bastide (de l'occitan bastida) est l'une des quelques deux cent cinquante à trois cents villes ou villages neufs fondés dans le Sud-ouest de la France entre 1229 (Le « Traité de Paris » parfois considéré comme l'acte fondateur de mouvement de création urbaine) et 1373 et répondant à un certain nombre de caractéristiques d'ordre économique, politique et morphologique.
Le mot bastide dans les textes médiévaux peut avoir différentes significations selon les périodes.
C'est seulement à partir de 1229 environ que le terme prend le sens de ville neuve ("bastida sive populatio").
C’est au XIXème siècle que commence l'étude historique des bastides.
Les grandes caractéristiques des bastides :
Il s'agit de très courtes définitions pour une question aussi complexe, mais l'essentiel y est. On pourrait ajouter que la bastide est un lotissement dont la taille est fixée par son concepteur et dépend de la place qu'il doit occuper dans un réseau urbain général. Les bastides sont l'expression d'une volonté médiévale d'aménagement du territoire.
De plus, il apparaît aujourd'hui que les bastides ne sont pas réellement toutes des fondations a novo (ex nihilo).
En effet, le terrain choisi pour leur implantation ne se situait généralement pas au milieu de nulle part.
Il s'agissait souvent :
Aujourd'hui, on s'accorde à dire qu'il s'agit de nouveaux lieux d'établissement pour des groupes de population à but agricole, commercial ou politique.
(1)Sur les textes il est marqué 1341. En effet le millésime changeait à l’époque en mars.
(2)Le texte de ce vidimus de la charte est présenté dans les pages suivantes (les photos insérées dans cette publication concernent ce vidimus). Cote archives départementales de la Haute Garonne - 2E595
(3) D'après Wikipédia -L'Encyclopédie libre
Le Sud-ouest est inégalement touché par le phénomène des bastides. Deux espaces sont réellement privilégiés dans le choix des sites :
Sur les textes il est marqué 1341. En effet le millésime changeait à l’époque en mars.
Le texte de ce vidimus de la charte est présenté dans les pages suivantes (les photos insérées dans cette publication concernent ce vidimus). Cote archives départementales de la Haute Garonne - 2E595
D’après Wikipédia – l’encyclopédie libre)
Certaines bastides s'établissent toutefois dans des positions défensives fortes.
Certaines sont entre les deux, moyennement ouvertes et protégées, comme hésitantes.
Mais la majorité s'implante dans des vallées sans accident.
Préhistoire du mouvement (1144-1229)
C'est entre 1144 et 1248, année de la mort de Raymond VII, comte de Toulouse, que sont construites les premières bastides, 1144 est l'année de fondation de Montauban, par le comte Alphonse Jourdain.
À la période de la Croisade des Albigeois, le pouvoir français montre tout son intérêt pour l'espace aquitain.
Il s'agit d'une époque de transition avec l'époque romane. On procède par tâtonnements dans la recherche d'un nouveau style.
De 1144 à 1208, le comté de Toulouse connaît son âge d'or. Montauban est fondée par le comte de Toulouse aux portes de l'abbaye Saint-Théodard, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Toulouse. Mais la guerre des Albigeois éclate et l'élan des fondations est brisé.
Il reprend cependant dans les années 1220 avec l'installation du royaume de France dans le Languedoc (1224) et le traité de Meaux-Paris (1229) qui coupe l'Albigeois en deux le long du Tarn.
L'Est est réuni au domaine royal et l'Ouest reste au comté de Toulouse. Alphonse de Poitiers épouse la fille aînée de Raymond VII qui n'a pas de fils. Le comté de Toulouse est donc voué à disparaître.
La paix est revenue et la région se stabilise. Les pôles principaux de la région au début du XIIIe siècle sont Toulouse, Albi et Montauban, qui est déjà une grande ville à cette époque. Les bastides sont un effort de reconstruction après tant de guerres.
Elles sont fondées de préférence sur les routes entre Toulouse et Albi. Cependant, quelques fondations françaises dans le Languedoc et fuxéennes dans l'Ariège constituent une minorité.
Période Alphonsine (1249 – 1271)
Alphonse de Poitiers, frère de Louis IX, devient en 1249 comte de Toulouse. Il multiplie les créations de bastides : pendant ses vingt ans de règne (1250-1270), il en fonde cinquante quatre.
Il est en conflit contre le roi duc à l'ouest (vers le Lot et la Dordogne) et le comte de Foix au Sud (le long de la Garonne et de l'Ariège). C'est dans ces espaces frontières que se concentrent les fondations de bastides. Il s'agit d'une volonté de colonisation des larges vallées au Sud de Toulouse.
A cette époque commence aussi à se dessiner un axe de communication important entre Toulouse et Paris vers Cordes et Villefranche-de-Rouergue.
Il s'agit également de création politique suite à l'arrivée des Capétiens dans la région : ainsi, la création de Villefranche-de-Rouergue répond à la nécessité d'Alphonse d'installer son pouvoir en Rouergue, face aux anciennes cités, telles Najac, restées fidèles à la dynastie raymondine.
On remarque donc à cette époque la fondation de deux types de bastides dans deux régions différentes.
La plupart d'entre elles sont destinées à tenir des régions convoitées ou disputées. Elles se partagent les terres à surveiller et choisissent des sites défensif à proximité du Quercy (repris par les Français aux Anglais en 1259), du Rouergue ou dans l'Albigeois :
- n'ont pas de rôle militaire,
- ont une fonction étape entre Toulouse
- sont alignées sur les axes de communication
De 1271 à 1290
Alphonse de Poitiers meurt en 1271, sans enfant. C’est le sénéchal français de Toulouse, Eustache de Beaumarchès qui lui succède.
En 1272, Edouard Ier est sacré roi d'Angleterre.
Cette même année le Sud-ouest est partagé de manière presque égale entre les deux hommes. L'ouest et le nord-ouest sont aux mains des Anglais, l'est et le Sud aux Français.
Les « Gascognes » centrales et occidentales constituent la région frontalière entre la France et le roi-duc.
Les seigneurs locaux cherchent à rester autonomes en passant d'un camp à l'autre.
Les terres anglaises, surtout du nord-ouest, sont couvertes de bastides. Les anciennes ont été fondées par la France, les nouvelles par l'Angleterre.
Ce sont des terres peu sûres. Les bastides y sont placées sur des sites défensifs à proximité de cours d'eau qui sont des voies de transport en temps de paix.
À la fin de cette troisième période, le Lot et la Dordogne seront assez uniformément recouverts de bastides, le long des cours d'eau.
De 1290 à 1350-1375
Cette période est marquée politiquement par une tension croissante entre l'Angleterre et la France.
Eustache de Beaumarchès meurt et la guerre de Gascogne éclate. Il s'agit d'une offensive française. Ceux-ci prennent l'Agenais. La paix de Montreuil rend à l'Angleterre beaucoup de ses terres dévastées par la guerre.
La majorité des bastides construites à cette période le sont au Sud-ouest de l'espace aquitain. Elles sont le fruit d'initiatives anglaises et seigneuriales. Le roi de France y participe peu.
Il y a aussi intensification des implantations de bastides dans les régions déjà couvertes, ainsi qu'apparition de fondations de bastides dans le Lauragais et entre l'Ariège et l'Agout. Ces dernières pour assurer le contrôle des relations entre Toulouse et le Languedoc.
Revel fondé en 1342 est une des dernières bastides qui ont été fondées…
Situation au XIIème siècle
Situation géographique
La zone des bastides s'étend :
Situation sociale
La société de l’époque est essentiellement rurale. Les paysages sont très individualisés.
Politiquement, la terre est divisée en de tous petits pays. Les plus grands sont à l'époque le Périgord, le Quercy et le Rouergue. On peut parler de balkanisation du Midi aquitain en 1200.
Cependant, malgré ce morcellement, sur tout le Sud-ouest existe une grande unité de culture : la culture occitane.
Cela n'empêche pas une relation entre le Pays basque et le Toulousain.
Dans ce premier, les paysans sont semi-nomades. Lorsque la terre est épuisée et les forêts dégradées là où ils sont implantés, le hameau migre.
Mais ce ne sont jamais de grandes distances qui sont parcourues. Les églises, elles, restent en place.
Dans le Toulousain au contraire, la terre est plus fertile. Des villes antiques avec de l'artisanat contribuent à y enrichir la bourgeoisie.
Situation politique
Une foule de péagers vit de la taxation des paysans et des voyageurs. Ils assurent un climat d'insécurité et leur argent ne leur suffit souvent qu'à entretenir un petit castrum et quelques hommes d’armes.
Au-dessus de ceux-ci sont établis des seigneurs.
Ils règnent chacun sur plusieurs dizaines de villages et bourgs. En 1150, ils sont vassaux du roi de France, soit directement, soit par l'intermédiaire des grands féodaux, comme Raymond V, comte de Toulouse, ou Aliénor d'Aquitaine (duchesse d'Aquitaine, comtesse de Poitiers et reine de France).
Par le mariage de cette dernière en 1152 avec le roi d'Angleterre, le Sud-ouest devient une terre de conflits entre les royaumes de France et d'Angleterre.
Dans le Sud-ouest un système de chartes se développe avant l'apparition des bastides. Il s'agit en fait de documents écrits où sont stipulées les redevances dont la population doit s'acquitter. Celle-ci préfère ce système moins arbitraire et de plus en plus de seigneurs l'adoptent.
Dès le XIIe siècle, Auvillar et Montauban avaient déjà des chartes de coutumes et des amorces de paréage qui sont les outils juridiques allant permettre l'éclosion des bastides.
Pour J. Poumarède, historien du droit, « La pénétration du droit romain dans le bassin de la Garonne coïncide avec un grand mouvement d'affranchissement urbain et de création de bastides. Le principe de liberté individuelle que véhicule le droit romain est le ferment de cette éclosion urbaine acceptée par une féodalité méridionale peu cohérente ».
Les seigneurs de l'époque sont de deux types :
un seigneur laïc est un noble qui offre la protection à ses gens. Pour être réellement dissuasif face aux autres seigneurs voisins, il doit faire de grandes dépenses militaires. Cependant, à l'époque, les loups et voleurs sont bien plus menaçants. La construction d'un château fort suffit donc bien souvent à assurer la protection des gens.
De nombreux châteaux sont construits dans la région. Autour de ceux-ci se développeront des castelnaux, villages agglutinés au castrum central.
On peut souvent encore aujourd'hui déduire l'origine de ces villages de la présence dans leur nom de mots tels que : castéra, castel ou castelnaud.
Le site d'implantation est toujours défensif, souvent perché. Au centre du castelnau se trouve une tour carrée ou rectangulaire. C'était le logis seigneurial ainsi qu'un poste d'observation.
Les maisons du castelnaux sont serrées autour. Il en résulte un urbanisme à rues tortueuses et placettes.
les seigneurs ecclésiastiques sont eux des hommes d'Église. Leur rôle est aussi d'assurer la protection de leurs gens, mais ils le font d'une manière différente.
La sécurité est garantie par la dissuasion : la menace d'excommunication.
En effet, les terres de l'Église et surtout les villages ayant le statut de sauvetés sont protégés en droit par la paix de Dieu.
À l'entrée et aux carrefours les plus fréquentés de ces terres appelées finages est implantée une croix qui marque l'entrée d'un espace sacré. Lorsqu'on dépasse ces bornes il faut déposer les armes.
Les noms actuels de ces villages, aussi appelés sauvetés, reflètent aussi leur histoire.
Cependant au niveau de l'urbanisme, les formes sont assez proches de celles des castelnaux.
Les maisons se pressent autour du sanctuaire central car il s'agit du lieu véritablement inviolable. Dans ce sanctuaire, le clocher est généralement construit comme une tour de guet ou donjon et souvent l'église est fortifiée. Une lourde porte, de petites ouvertures romanes, des murs épais avec contreforts ne sont pas un luxe dans ces temps troubles.
Situation religieuse
Le XIe siècle voit s'établir et s'épanouir dans le Sud-ouest la doctrine cathare, qui trouve dans les conditions socioculturelles de cette région un terreau favorable à son développement.
L'anticléricalisme intransigeant de ce mouvement et son opposition à la hiérarchie catholique, valent aux cathares de s'attirer les foudres de l'Église catholique romaine, qui les condamne comme hérétiques et cherche à les éliminer, d'abord par le prêche et le débat doctrinal, puis par la force.
La croisade contre les Albigeois, prêchée par Innocent III en 1209 et menée par Simon IV de Montfort, a comme conséquence, outre le fait d'éliminer le catharisme, d'affaiblir les pouvoirs locaux au profit des Capétiens, qui s'établissent durablement dans la région. Ainsi, le comté de Toulouse est rattaché à la couronne de France en 1271.
Dans les villes s'établissent des évêques et des monastères cisterciens s'implantent dans toute la région.
Les gens, très religieux, lèguent souvent à leur mort une partie de leurs terres à l'Église ce qui fait que celle-ci est devient vite une grande propriétaire terrienne.
Paysage urbain
En 1200, une grande partie des agglomérations de la région sont des castelnaux et des sauvetés. Les autres ont souvent des origines gallo-romaines (leurs noms finissent généralement en « ac » ou « ia », exemple : Cadenac – Saint-Julia).
Les bastides arrivent donc dans un paysage déjà très humanisé. C'est ce qui explique entre autres de nombreuses irrégularités dans le parcellaire de certaines bastides ou des orientations étonnantes d'églises : il s'agit d'héritages antérieurs à la fondation.
La propriété du sol
La première nécessité pour fonder une bastide est de posséder le sol.
Mais le droit médiéval était complexe. Souvent avant les fondations il a fallu établir un contrat de paréage entre le fondateur et les seigneurs voisins. Celui-ci fixe le statut juridique et fiscal de la bastide. Il prévoit aussi ce qu'il adviendra si la bastide est un échec ou si elle croît.
Il existe au Moyen Âge trois formes de propriété du sol pour un seigneur qui étaient sous la forme de droits qu'un seigneur pouvait détenir ou partager :
Souvent la terre est détenue en copropriété, un seigneur possédant tous les droits à la fois sur une même terre étant très rare.
Au moment de la fondation des bastides il faut tenir compte de ces propriétés du sol. Dans des bastides comme Revel, le roi est le seul seigneur laïc.
La fondation en est donc grandement facilitée. Mais ailleurs de longues tractations entre les coseigneurs doivent avoir lieu. De plus, quelquefois des constructions existent déjà sur les terres choisies pour fonder une bastide, par exemple des granges.
Le contrat de paréage définit les droits des divers seigneurs et prévoit les limites de la bastide et ce qui y sera fait à l'intérieur :
Cependant le contrat de paréage ne fixe pas le statut des forêts et pâturages autour de la ville (propriété collective ou répartition égale entre les nouveaux venus). C'est à la nouvelle communauté de le décider. De plus, il ne fait d'aucune manière allusion au plan de la nouvelle ville.
Une nouvelle vision du monde
Alcide Curie-Seimbres écrivit en 1880 « Des bastides qu'on croit voir de grands potagers distribués en carreaux et desservis par des allées droites ».
En effet, les bastides sont très ordonnées orthogonalement. Cela rompt fortement avec les formes romanes des villes que les contemporains pouvaient observer.
Une hypothèse est que les urbanistes médiévaux auraient trouvé dans les monastères les modèles romains et les auraient reproduits.
Mais cette hypothèse se heurte au fait que les monastères n'ont jamais formé les architectes. Vitruve n'est redécouvert et diffusé qu'au XVIe siècle. Et surtout, la logique qui sous-tend le tracé quadrillé des bastides n'est pas du tout la même que celle des tracés des Romains.
Les urbanistes médiévaux ont bel et bien fait du neuf. Ils ont inventé un urbanisme gothique. Mais cela s'est fait de la même manière que les architectes gothiques. Ca ne vient pas des progrès techniques. L'originalité de l'architecture gothique tient en une réflexion très achevée sur le thème de la standardisation.
Éléments d'une bastide
Les premières questions que se pose l'urbaniste concernent les éléments préexistants sur le terrain devant servir à l'établissement de la bastide.
La place
Au centre de chaque bastide on trouve invariablement une place. C'est totalement contraire aux exemples des villes des siècles précédents : les castelnaux et sauvetés.
Aucune cité gallo-romaine de la région n'a gardé à cette époque sa place antique. Les castelnaux et sauvetés n'ont pas non plus de place.
En Italie toute proche non plus on n'en trouve pas.
Peut-être l'idée vient-elle du Proche-Orient.
En effet y existaient des places magnifiques et les croisés n'ont pas dû manquer de le mentionner dans leurs récits à leur retour.
Dans tous les cas, le prototype de la place des bastides est celle de Montauban.
Dans cette ville, la place est un carré de 70 m de côté.
Elle commande la division de la ville en quartiers appelés « gaches » (« moulons » pour la ville de Revel).
Il n'y en a qu'une seule par bastide à l'exception de Saint-Lys (une pour le marché et une pour l'église) et à Albias.
Il n'y a jamais eu de rapport direct entre la taille de la place et l'importance de la bastide.
Mais surtout, le plus important, c'est que le fondateur cherchait à la soustraire au maximum, aux courants de circulation. Généralement l'accès se fait aux angles.
On peut dénombrer 3 types de formes de place. Cependant, sur les 300 bastides recensées à ce jour, seule une centaine a une place entrant dans l'une des catégories :
la place est entièrement fermée vers l'extérieur. C'est-à-dire que la place ne touche aucune rue. L'existence de ce type de places montre bien que la place d'une bastide n'est pas un lieu de circulation. Ces places sont cependant très rares. Elles se retrouvent par exemple à Tournay où il s'agit d'un carré de 70 m sur 72.
ce type de place résulte d'un plan de bastide organisé suivant un axe unique (une rue principale étoffée de plusieurs rues parallèles, coupées par des perpendiculaires). La place se trouve alors entre deux rues. L'entrée se fait par les angles. Ces places font en général 50 à 55 m de côté.
c'est le cas le plus fréquent (c’est celui de Revel), la place de bastide par excellence : une place quadrangulaire avec accès par les angles et dont les façades sont d'un seul tenant (sans andrones). Cette place dérive directement de celle de Montauban.
Souvent l'emplacement de la place est un îlot soustrait à la construction privée. Elle se situe en général au centre de la ville et en commande tout le plan. Ce sont les plus belles et les plus grandes places de bastides. Elles font 60 x 60 m en moyenne au XIIIe siècle, 90 x 90 m au XIVe. Les plus grandes vont jusqu'à 70 x 140 m (deux îlots). A Revel la place mesure 90 m (y compris l’espace des « Garlandas », 75 m sans les galeries ...)
Rôle de la place
La place est d'emblée réservée au marché. Elle a en effet une fonction économique très forte (plusieurs chartes stipulent que tout ce qui est à vendre doit d'abord être amené sur la place).
Mais rapidement elle acquiert aussi une fonction municipale par la construction de maisons communes sur la place. Cette fonction était d'abord assurée dans l'église mais se laïcise très vite.
La place devient un centre d'attraction, voire un symbole social. En effet, les maisons donnant sur la place sont souvent celles des plus anciennes familles (celles s'étant établies en premier).
Aujourd'hui, lorsqu'on se promène sur la place d'une bastide on remarque qu'elle est souvent à portiques. C'est un aménagement qui n'a pas été fait que dans les bastides. On appelle ces places : « places à couverts » ou « places des cornières ».
Place à couverts
En fait, il s'agit d'ambons rajoutés aux façades des maisons après leurs constructions.
Dans un premier temps ils étaient en bois puis ils sont remplacés par des couverts en pierre plus tard. Les arcs les soutenant sont au départ des arcs brisés, puis au fil des reconstructions seront remplacés par des arcs en plein cintre.
Halles
Au centre de la place on trouve aussi souvent une halle de marché.
Comme les couverts, elle apparaît plus tard.
Il s'agissait de protéger les marchands du soleil et de la pluie.
A l'étage, loge souvent le pouvoir consulaire. C'est bien plus simple pour surveiller.
La halle a souvent un clocher. Elle a véritablement tous les attributs d'une cathédrale commerciale. C'est une basilique ayant retrouvé ses origines romaines.
Murailles
Il s'agit en effet d'une époque calme (ce n’est pas le cas pour Revel) entre la croisade des albigeois et la guerre de Cent Ans.
Au début de la guerre de Cent Ans, de nombreuses bastides furent détruites du fait de l'absence de défenses. Les autres s'entourèrent hâtivement de remparts de pierre.
Les remparts de Revel (détail de l’Atlas des rigoles – 1770 – Archives VNF)
Représentation ancienne de Revel : noter la Porte Notre-Dame, l'Eglise, l'abrevoir...
Et quelques maisons en dehors des remparts (fin XVIII° siècle)
Maisons
Les habitants qui s'installaient dans la bastide avaient en général un an pour la construire, cela pour inciter les nouveaux venus à s'installer durablement. Les premières maisons sont donc assez rudimentaires en général.
Il existe des règles d'implantations très précises :
Avec le développement économique, l'espace urbain mute.
Autour de la place, une petite halle s'établit devant chaque échoppe : ce sont des couverts, des arcades, des amabans ou des garlandes (« Las Garlandas ») (voir ci-dessus « couverts »).
Puis ce rajout apparaît dans les rues commerçantes. Sous les rues, des caves se creusent, et, au-dessus, certaines maisons se faisant face se relient par des pontets.
Rues
Les rues principales, appelées charretières (« carreyra » en ) (parce qu'elles permettent le passage de charrettes) font de 6 à 10 m de large. Elles longent les façades des maisons. Elles sont souvent les axes longitudinaux de la bastide.
Les rues secondaires, appelées transversales ou traversières, font de 5 à 6 m de large, mais pouvaient aussi faire de 2 à 2,50 m. Elles coupent fréquemment les rues charretières.(4)
Enfin, les passages ou venelles font elles de 1 à 3 m de large. Elles sont à l'arrière des « ayrals ». On les appelle aussi parfois « carreyrou ».
La bastide se compose dans le sens de la longueur de 1 à 8 rues. Ce nombre varie avec l'importance de la bastide.
Lorsqu'il n'y en a qu'une seule, on l'appelle « bastide-rue » ou « village-ruban ».
Il s'agit des bastides s'étant le moins développées.
Une cité classique en damier possède au moins 4 rues parallèles (à Revel il y en a cinq du sud au nord et deux de l’est à l’ouest).
La chaussée est en terre mais quelquefois recouverte de pavés ou de galets. Elle est constituée de deux plans inclinés vers un caniveau central.
Types de terrains
Chaque bastide contenait soit 3, soit 4 types de terrains disposés, organisés par types selon des couronnes autour du centre ville. Ces terrains étaient tous divisés équitablement entre toutes les familles venant s'établir dans la ville.
Ayrals
Au centre se trouvaient ces terrains découpés en parcelles régulières de 8m sur 24 en moyenne, appelées ayrals, et destinées à être bâties. On a cependant des exemples de bastides avec des ayrals de 12 x 28 m, ou d'autres d'ayrals d'à peine 10 m de profondeur (à Revel 5m x 30 m environ).
Cependant, on note que les bastides de même taille avaient des lots de tailles semblables. De plus, une proportion simple était maintenue entre la largeur et la longueur de l'ayral, souvent de 2 ou 3.
On sait aussi que les 8 m de largeur de façade sur rue sont dus au fait qu'il s'agit de la portée économique maximale d'une poutre en bois.
Le fond de l'ayral était utilisé pour y implanter une cour, des latrines et parfois une remise (ou aussi un « riou merdal », un « merdalet », « des pisottes »).
La face cachée de Revel ...
... le « riou merdal » (ou le « Mayral »)
Le nombre d'ayrals dans une bastide était limité. Il était défini dans le contrat de paréage et pouvait varier de plusieurs dizaines (700 à 800 à Revel) à plusieurs milliers (3000 à Grenade - Haute-Garonne).
Il est intéressant de noter qu'il n'y avait aucune dérogation faite sur la régularité du parcellaire.
Bâtiments publics et notables ne bénéficiaient pas d'une parcelle de taille supérieure.
Cependant, on leur réservait couramment le droit de s'étaler sur plusieurs lots voisins.
Jardins
Ceux-ci se trouvaient sur la deuxième couronne en partant du centre, contigus aux ayrals. Ils étaient du même nombre que les maisons. Leur superficie était réduite.
Il y a souvent un rapport de proportion entre la superficie de l'ayral et celle du jardin, 2 ou 3. La moyenne de superficie est de 5 à 7 ares.
Vignes
On trouve ce type de terrain dans de nombreuses bastides mais pas dans toutes (à Revel les vignes se situaient sur le versant montant à Saint Ferréol, donc en dehors des murs de la ville).
Parfois il n'y avait qu'une partie de la population qui avait droit à posséder un terrain pour cultiver la vigne.
Arpents
Les terrains de culture, appelés « arpents », ceinturent toute la ville.
Ils sont extra-muros.
Leur taille moyenne est de 5 à 6 ha, ce qui était largement suffisant vu les instruments rudimentaires de l'époque.
Extrait du plan dit « Maguès » datant de la fin du XVIIIème siècle (vers 1770 – archives municipales de Revel)
Ici aussi chaque famille recevait à son établissement dans la bastide un arpent de même superficie.
Dans certaines bastides de défrichement, l'arpent était couplé à tout autre terrain que la famille pourrait défricher.
Par exemple à , chaque famille recevait 7 ha et pouvait l'agrandir de tout terrain de forêt qu'elle saurait défricher.
Des padouvencs existent à Revel, il y en avait quatre de 20 hectares environ (celui de Castres, de Sorèze, Notre Dame, Saint Antoine). Il s’agissait de terrains vagues qui servaient à la dépaissance des animaux domestiques lâchés en liberté (article 27 de la charte)
Plan de bastide
Un grand nombre de bastides sont à plan inorganisé, mais une forte proportion de fondations détient un plan particulièrement net.
Il semble qu'il y ait eu un modèle adapté à chaque fondation. En effet, plus de la moitié des fondations ont été établies sur la croisée de deux directions perpendiculaires qui, complétées par de nombreuses parallèles, donnent un quadrillage.
Il existait au Moyen Âge une corporation de lotisseurs chargés de diviser les lots sur le terrain et de prévoir leur destination. Mais il est certain qu'on n'a pas fait appel à eux pour les bastides.
Arpenteurs au travail (XVème siècle)
Extrait de l'ouvrage « La siensa de destrar » (traité d’arpentage) de Bertrand Boysset,1355-1415
Bibliothèque Imguerbertine,ms.327,folio.28. Carpentras.
L’ouvrage est pratiquement contemporain de la fondation de Revel à une décennie près – on peut très bien s’imaginer les arpenteurs en 1342 entrain de tracer le « quadrillage » de notre ville.
Les techniques topographiques appliquées pour notre ville devaient être les mêmes que celles décrites dans cet ouvrage.
En fait, d'après les textes du XIIIe siècle nous étant restés, il semble que ce ne soient pas des spécialistes qui aient mis en forme les bastides. Il s'agirait plutôt de notaires, juges, baillis, sénéchaux, voire des évêques.
Ce sont eux aussi qui apparemment auraient réalisé les éléments indispensables de la ville que sont les puits, les fontaines.
À partir de l'ensemble des bastides, on peut catégoriser en 5 types les plans.
1/ Inorganiques ou embryonnaires
Elles sont soit totalement désordonnées, soit à l'état d'un embryon de plan.
Les raisons peuvent être diverses :
2/ Circulaires
La seule bastide circulaire existante est Fourcès dans le Gers.
Ce type de bastide est donc très rare.
3/ A enveloppement
Généralement il s'agit de villages n'ayant pas été créés de toutes pièces au départ. Ils ont été précédés soit par une église, soit par un noyau de maisons.
Les nouveaux quartiers s'implantent autour du noyau initial et le noient.
4/ A un seul axe
Ce sont les plus nombreuses. Lavedan estime qu'elles représenteraient entre 30 et 40 % du total des bastides.
Elles sont généralement situées en plaine.
Elles sont construites, comme leur appellation le suggère, sur la base d'une rue principale. Celle-ci était au Moyen Âge la voie de passage obligée et reliait généralement les deux portes principales de la ville.
Parfois la ville ne s'est pas élargie autour de cette rue principale. La place se trouve alors être un étalement, une excroissance de la rue.
Souvent, de nombreuses transversales coupent la rue principale. On parle alors de tracé en « arête de poisson ».
C'est une forme de bastide s'adaptant bien au relief, particulièrement lorsqu'il est escarpé. On les retrouve d'ailleurs souvent sur des croupes allongées, comme Gimont dans le Gers.
Cette bastide fait 1000 m de long pour 300 m de large. La rue charretière est la route d'Auch à Toulouse qui suit à cet endroit la crête. Elle est coupée dans la bastide par de nombreuses transversales très raides.
Quelquefois la rue principale est doublée et la place se situe alors entre les deux.
5/ A deux axes (c’est le cas de Revel)
On aborde ici le cas des bastides considérées comme l'aboutissement du modèle gothique de la bastide. Elles sont considérées comme les plus typiques du mouvement. Dans tous les cas, il s'agit du modèle le plus élaboré.
La base du plan, ce sont deux axes perpendiculaires commandant un échiquier. Les rues se coupent alors en angle droit.
La place est souvent centrale, ou proche du centre, carrée ou rectangulaire.
Les îlots sont réguliers, généralement rectangulaires.
Les contours de la bastide sont eux aussi géométriques : carré, rectangle, parallélogramme, hexagone (c’est le cas de Revel) ou ovale, les formes sont multiples.
Ce sont des bastides qu'on retrouve autant en hauteur qu'en plaine, mais c'est dans cette situation qu'elles donnent leurs plus belles formes géométriques.
Certains fondateurs sont connus pour les avoir préférées aux autres formes de bastides. Notamment trois des plus grands fondateurs : Alphonse de Poitiers, Eustache de Beaumarchès et Édouard Ier.
Charte des coutumes
La fondation d'une bastide se fait par un certain nombre d'étapes :
- du nom du chancelier ou du sénéchal les ayant fondées : Libourne (du nom de Leyburn) Revel (pour le chancelier de Philippe VI de Valois Guillaume Flottes seigneur de Revel en Auvergne)
- de l'autorité royale : Montréal, Montréjeau
- rappelant des villes extérieures : Grenade
- ressemblant aux noms de villes plus anciennes (racines latines)
- marquant leur origine ou leurs privilèges : Villefranche, La Bastide
suit le contrat de paréage entre les seigneurs copropriétaires
Une fois ces étapes franchies la ville n'est toujours pas fondée. Il faut qu'une population vienne l'habiter. Il faut attirer des familles de paysans.
Pour cela, il est établi une charte de coutumes, qui est en fait une liste de privilèges accordés aux habitants. Elle est d'ailleurs présentée ainsi, comme une suite de privilèges, accordés l'un après l'autre, comme si on en rajoutait de temps en temps pour attirer de nouveaux habitants, ce qui était sûrement d'ailleurs le cas .(5)
Ces privilèges étaient de 3 sortes :
(5)Dès l’origine, et très rapidement, on estime à plusieurs centaines de « colons » la population de Revel. Dom Devic et Dom Vaissette annoncent le chiffre de 3000 ce qui nous paraît plausible vu le nombre d’ayrals dans la ville.
(4)Quelques largeurs de rues à Revel :
rue Cap Martel : 7,90m à 8,20m ;
Dès l’origine, et très rapidement, on estime à plusieurs centaines de « colons » la population de Revel. Dom Devic et Dom Vaissette annoncent le chiffre de 3000 ce qui nous paraît plausible vu le nombre d’ayrals dans la ville.
Les fondateurs ne construisaient pas de fortifications autour des villes en général. Ils laissaient aux habitants le soin de le faire par un impôt ou un octroi.
Cela fait que le jeu d'interférences entre la régularité du parcellaire et le tracé du mur d'enceinte est à l'origine d'une grande diversité dans le plan des bastides.
Il est rare qu'elles soient construites à la fondation de la bastide, même dans celles implantées près d'une frontière (celles de Revel auraient été construites en 1355 soit 13 ans après la fondation ; 1355 c’est aussi le passage du Prince Noir à Castelnaudary).
CARACTERISTIQUE DE L'ARTICLE 29...
"Chacune d'entre elle aura de largeur cinq brasses et trois razes,
et de profondeur onnze brasses et trois razes" (façade de maison dans la rue des soeurs)
SYMBOLIQUE ARMORIALE DE LA FONDATION DE LA VILLE.
De haut en bas et de gauche à droite :
Fondé par Philippe VI de Valois (1342) - LA BASTIDE DE REVEL
Tous ces privilèges donnés aux habitants, l'égalité pour ce qui est de la distribution des terres et la quasi-égalité juridique dont bénéficient les nouveaux bourgeois peuvent faire apparaître les bastides comme des terres deliberté et d'égalité. Mais elles n'avaient pas du tout ce but là.
Elles ne cherchaient pas à remettre en cause le droit féodal, ni à créer un désordre. Il ne s'agit que d'ajustements locaux afin d'améliorer le rendement économique et fiscal de terres sous-exploitées.
Si les habitants paraissent libres, ils ne jouissent en fait que d'un régime économiquement libéral.
S’ils paraissent égaux, ce n'est qu'une égalité des chances à leur installation.
De toute façon, l'inégalité et l'absence de libertés individuelles proviennent surtout de l'état de la société médiévale.
D'ailleurs, pour permettre l'établissement de ces privilèges, les bastides ont dû refuser l'établissement en elles de classes ayant déjà des obligations ou privilèges, incompatibles avec ceux-ci.
Ainsi, les serfs, les nobles et les religieux sont interdits d’installation dans la ville. Certains petits nobles vont préférer troquer leur titre de noblesse contre celui plus lucratif de bourgeois et faire don de leurs terres à la bastide.
Il n'existe pas non plus d'égalité entre les hommes et les femmes à l'intérieur de la bastide. Cependant, les femmes sont mentionnées dans les chartes de coutumes et ont certains droits reconnus même s’ils restent faibles.
Par exemple :
La législation de la Gascogne entre 1290 et 1326 dit même : « dans les bastides ou nouveaux villages où ne se trouve pas une léproserie, les lépreux ne peuvent recevoir l'aumône ».
Les juifs sont un autre groupe de personnes ayant souffert d'exclusion dans les bastides.
Au début il n'y avait aucun problème. À Cologne, la rue des Juifs donnait même sur la place.
Mais comme les lépreux, dans toute la France les juifs vont être pourchassés au XIVe siècle. Cela commence en 1306 lorsque le roi Philippe le Bel expulse tous les juifs du royaume, confisque et met en vente tous leurs biens.
Évolution des bastides
Les bastides peuvent réussir et il en existe encore de nos jours. Mais elles peuvent aussi rater, se vider de leur population. Globalement les bastides ont connu trois périodes de sélection.
Dès l'origine, un bon nombre est éliminé. Les rescapées connaissent une croissance agricole et commerciale qui provoque des mutations profondes dans l'organisation du Sud-ouest.
La guerre de Cent Ans et la persistance de l'insécurité obligent les bastides à s'équiper de murs.
Les plus lentes dans cette course à l'équipement défensif sont rayées de la carte. Lorsque le calme revient, la région connaît une prospérité inégale. La bourgeoisie s'affirme et c'est l'âge de l'ouverture des grands chemins. Ceux-ci favorisent bien évidemment les bastides implantées sur leur long.
AUTRES BASTIDES
Par départements (liste non exhaustive) :
Ariège : Campagne-sur-Arize, La Bastide-de-Bousignac, La Bastide-de-Sérou,
Mazères, Mirepoix, Rimont.
Aude : Arques, Belpech, Carcassonne, Castelnaudary, Labastide-d'Anjou,
Montréal.
Aveyron : La Bastide-l'Évêque, Réquista, Sauveterre-de-Rouergue,
Villefranche-de-Rouergue, Villeneuve-d'Aveyron.
Dordogne (18 bastides) : Beaumont-du-Périgord, Beauregard-et-Bassac, Bénévent,
Domme, Eymet, Fonroque, Lalinde, Molières, Monestier, Monpazier,
Puyguilhem, Roquepine, Saint-Aulaye, Saint-Barthélemy-de-Bellegarde,
Saint-Louis-en-l'Isle, Vergt, Villefranche-de-Lonchat,
Villefranche-du-Périgord.
Gard : Aigues-Mortes.
Haute-Garonne : Aignes, Alan, Beauchalot, Blajan, Bouloc, Boulogne-sur-Gesse, Boussens,
Calmont, Carbonne, Cazères, Fonsorbes, Gaillac-Toulza, Grenade,
Labastide-Beauvoir - Labastide-Clermont, Lavelanet-de-Comminges,
Lestelle-de-Saint-Martory, Le Burgaud, Le Fousseret, Nailloux,
Montastruc-la-Conseillère, Montréjeau, Palaminy, Plaisance-du-Touch,
Revel, Rieumes, Saint-Félix-Lauragais, Saint-Lys,Saint-Sulpice-sur-Lèze,
Villefranche-de-Lauragais.
Gers :
Avensac, Barcelonne-du-Gers, Barran, Bassoues, Beaumarchés,
Bretagne-d'Armagnac, Castéra-Verduzan, Cologne, Fleurance, Fourcès,
Gimont, Jegun, Labastide-Savès, Lannepax, Marciac, Masseube, Mauvezin,
Miélan, Mirande, Monguilhem, Montréal-du-Gers, Pavie, Plaisance,
Saint-Clar, Sarrant, Seissan, Solomiac, Valence-sur-Baïse.
Gironde : Cadillac, Créon, Blasimon Libourne, Sauveterre-de-Guyenne, Monségur,
Sainte-Foy-la-Grande, Pellegrue.
Landes : Arouille, Baigts, Betbezer-d'Armagnacr, Bonnegarde, Cazères-sur-l'Adour,
Coudures, Duhort-Bachen, Geaune, Grenade-sur-l'Adour, Hastingues,
Labastide-Chalosse, Labastide-d'Armagnac, Miramont-Sensacq, Montégut,
Montfort-en-Chalosse, Pimbo, Port-de-Lanne, Rondebœuf, Roquefort,
Saint-Gein, Saint-Geours-d'Auribat, Saint-Justin, Saint-Sever, Sarron,
Sorde-l'Abbaye, Souprosse, Toulouzette, Villenave, Villeneuve-de-Marsan.
Lot : Beauregard, Bretenoux, Castelfranc, Castelnau-Montratier, Cazals, Fons,
Labastide-du-Haut-Mont, Labastide-du-Vert, Labastide-Marnhac,
Labastide-Murat, Les Vitarelles, Montcabrier, Montfaucon, Orgueil,
Puybrun, Rudelle.
Lot-et-Garonne : Aiguillon, Damazan, Durance, Laparade, Miramont-de-Guyenne, Monflanquin,
Montpezat, Penne-d'Agenais, Puymirol, Sainte-Livrade-sur-Lot,
Sérignac-sur-Garonne, Villeneuve-sur-Lot, Villeréal.
Pyrénées-Atlantiques : Ainhoa, Arzacq-Arraziguet, Assat, Asson, Bellocq, Bougarber, Bruges,
Gan, Garlin, Navarrenx, Nay, La Bastide-Clairence,
Labastide-Villefranche, Lestelle-Bétharram, Montaut, Rébénacq,
Vielleségure.
Hautes-Pyrénées : Avezac-Prat-Lahitte, Castelbajac, Galan, Lannemezan, Lubret-Saint-Luc,
Montgaillard, Peyrouse, Rabastens-de-Bigorre, Saint-Martin,
Sère-Rustaing, Saint-Sever-de-Rustan, Tournay, Trie-sur-Baïse, Vidalos.
Tarn : Arthès, Castelnau-de-Lévis, Cordes, Labastide-Rouairoux, Lisle-sur-Tarn,
Pampelonne, Réalmont, Saint-Urcisse, Técou, Valence-d'Albigeois.
Tarn-et-Garonne : Angeville, Beaumont-de-Lomagne, Castelsarrasin, Montauban,
Monclar-de-Quercy, Montech, Nègrepelisse, Valence-d'Agen,
Verdun-sur-Garonne
Deux représentations de Philippe VI de Valois : au dessus gravé par Geoffroy (galeries historiques du chateau de Versailles), à droite bibli.de Saint-Vaast
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Ecu d’or de Philippe VI, 1337 |
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Le sacre de Philippe VI et de sa femme Jeanne de Bourgogne, 1328 |
Sceau en majesté de Philippe VI de Valois appendu à un acte de novembre 1330 (moulage D54, Arch. Nat. De France). C’est le même sceau que dut recevoir la première charte de fondation de la bastide royale de Revel, avant sa confirmation par Vidimus
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Philippe VI peint par Joseph d’Albrier en 1846 (peinture de l’église de l’abbaye de Bourg-Fontaine-en-Valois (Aisne) |
Dans le vidimus de Louis XI (1462), chaque article est précédé de la formule « Item »
Philippe, par la grâce de Dieu, roi de France, faisons savoir à tous, présents et à venir, que sur la supplique des consuls et habitants de l'universalité et communauté de notre bastide de Revel, nous représentant que d'une part, pour la tranquillité commune et la sauvegarde du droit, pour procurer la disparition des dangers amenés par la présence des brigands et des assassins infestant ces lieux, nous y avons fait fonder et construire une bastide appelée Revel, en donnant à ces bourgeois et habitants les immunités, franchises et libertés, accordées aussi par d'autres lettres royales scellées de cire verte et de fils de soie.
Que, d'autre part, ladite bastide est déjà si peuplée et si accrue de bourgeois et d'autres habitants, qu'il leur serait utile d'avoir des conservateurs et gardiens, qui les feraient jouir de ces indemnités, franchises et libertés.
Nous, accueillant favorablement leur supplique, choisissons, députons, nommons et leur donnons comme conservateurs desdits privilèges, immunités, franchises et libertés, le sénéchal de Toulouse et le juge de Lauragais présents et à venir, leur mandant de maintenir tout et chacun des bourgeois de ladite bastide dans la possession de tous ces privilèges et liberté, d'après leur contenu et teneur ; lesquels privilèges nous ordonnons de transmettre et livrer auxdits sénéchal et juge, comme à leurs conservateurs ; ordonnant par les présentes à tous nos gens de justice, officiers et sujets d'obéir diligemment auxdits sénéchal et juge présents et futurs et à leurs lieutenants, comme aux vrais conservateurs desdits privilèges, dans l'exercice de cette charge sans permettre qu'ils soient empêchés, molestés ou troublés le moins du monde dans leur exercice.
Telle est notre commission, faite par grâce spéciale en vertu des présentes. Et pour que le tout demeure ferme et stable à l'avenir, nous avons fait apposer notre sceau à ces présentes lettres, sauf notre droit sur d'autres manières et celui d'autrui sur d'autres sujets.
Donné à Conflans, près de Paris, l'an du seigneur mil trois cent quarante cinquième, au mois de mai.
Le texte qui suit est en fait un Vidimus de Louis XI, écrit sur parchemin. Il reproduit, en la confirmant, la charte promulguée par Agot de Baux, sénéchal de Toulouse et d'Albigeois, fondant la bastide le 8 juin 1342, le tout en exécution des lettres royales données par Philippe VI à Maubuisson le 6 février.
Sachent tous, que nous Agot de Baux, Sénéchal de Toulouse et d'Albigeois, pour notre Sire, le Roi de France, en vertu de lettres royales à nous adressées et ainsi conçues :
« Philippe, par la grâce de Dieu, roi de France, au sénéchal de Toulouse, salut.
Comme il est parvenu à notre connaissance par la relation de gens dignes de foi, qu'il nous serait avantageux ainsi qu'à l'Etat, de créer une nouvelle bastide dans notre forêt de Vauré, de votre sénéchaussée, de faire vendre le bois coupé et de concéder le sol à titre d'emphytéose, donnez tous les ordres à ceux de nos sujets que vous députerez à cet effet, et qui observeront vos prescriptions sur l'objet susdit et tout ce qui s'y rapporte.
Donné à Maubuisson, le 21 février de l'an du Seigneur de l'an 1341 ».
Au nom du seigneur Roi, nous avons procédé à la fondation d'une bastide, à laquelle nous avons donné le nom de Revel, au nom du Roi, dans la forêt royale de Vauré, dont il est parlé dans les lettres royales citées plus haut.
C'est pourquoi, pour la prospérité de ladite bastide, à l'instante requête des consuls et de l'universalité des habitants de la bastide, en vertu des lettres susdites, avons concédé et concédons au nom du Roi, aux consuls de l'universalité et à chacun des habitants de ladite bastide, les privilèges, libertés, coutumes et franchises qui suivent :
Article I
Premièrement, c'est à savoir que ledit lieu avec toutes ses dépendances doit rester perpétuellement sous la dépendance féodale et sous la juridiction de notre Sire (seigneur) le Roi, et que notre Sire le roi ne puisse le faire passer à personne si ce n'est à celui qui sera seigneur de Toulouse.
Article II
Qu'il ne sera pas établi par notre Sire le Roi ou ses successeurs dans ladite bastide ou ville de « Reibel », d'Albergue, de taille, ni de prêt forcé, sauf le prêt que les habitants voudront s'imposer « de leur bon plaisir » comme tout ce qui sera fait dans ce genre dans les autres villes de notre Sire le Roi.
Article III
Que les consuls de « Reibel » soient juges au nom de notre Sire le Roi, dans les causes criminelles, à Revel et aux lieux de « Baure » (Vauré), de « Druille » (Dreuilhe) et de « Vaudruille » (Vaudreuille) et que les dits lieux soient unis au lieu de Revel, et qu'en tout ce qui est du ressort de notre Sire le Roi, ils ne fassent qu'un corps de communauté et qu'un consulat avec le lieu de Revel.
Article IV
Dans ladite bastide il y aura six consuls qui seront annuels et, à la fin de leur gouvernement, ils éliront douze « hommes de bonne renommée » (prud'hommes) dudit lieu, transmettant au juge ou à son lieutenant cette élection scellée de leur sceau, et le juge, après avoir reçu sur la capacité des élus le témoignage de gens dignes de foi, de la manière qui lui conviendra le mieux, choisira parmi les élus les six des meilleurs et les plus « suffisants » (capables) à sa volonté qu'il fera nommer par les consuls sortants, et lesdits consuls seront créés chaque année le lendemain de la Pentecôte du Seigneur audit lieu par le juge ou son lieutenant ou son député, qui recevra leur serment avant qu'ils exercent leur charge ; et si après information, il vous apparaît que ceci puisse nous être utile sans préjudice d'autrui, et sous condition d'un cens annuel et d'un droit d'entrée à nous payer par ceux qui voudront devenir bourgeois ou jurés de la bastide, nous vous mandons et vous chargeons, les circonstances susdites étant vérifiées, et le procureur de votre sénéchaussée ainsi que d'autres personnes à votre convenance une fois appelées, de procéder à la fondation de cette bastide en un lieu opportun et convenable. Nous accordons aux bourgeois et jurés de cette bastide les privilèges et libertés habituellement concédées aux nouvelles bastides et à confirmer bientôt ; vous ordonnant néanmoins de vendre les coupes de bois faites sur ce terrain et d'y transmettre la propriété par mode d'emphytéose, nous retenant un certain cens annuel pour chaque arpent et les droits d'entrée en possession, selon qu'il vous paraîtra utile et avantageux, après appel du maître des forêts et du procureur de notre sénéchaussée ou de leurs lieutenants ; disposez aussi à notre avantage et à celui de l'Etat tout ce qui concerne les objets susdits, ou qui pourrait avoir un rapport de nécessité ou de convenance. Réglez aussi que si le juge ou son remplaçant ne se trouvaient audit lieu au jour marqué, les anciens consuls pourront rester en charge, sans nouvel ordre ni permission, jusqu'à ce que viennent ou donner commission au juge ou son lieutenant pour la création de nouveaux consuls, et jusqu'à leur création et leur institution par le juge ou tout autre ayant droit de le faire.
Mais les anciens consuls doivent toujours faire l'élection suivant le mode indiqué plus haut, à la fin de leur consulat, et la tenir cachetée sous leur sceau jusqu'à l'arrivée dudit juge ou de celui qui doit procéder à la création des nouveaux consuls. Et celui-ci, une fois venu, ils la lui présenteront pour qu'il puisse procéder à la création des nouveaux consuls de la manière déjà indiquée.
Article V
Lesdits consuls une fois créés devront faire leur résidence dans ladite bastide, suivant l'ordre du juge du lieu, à moins d'en être empêchés par une cause imprévue.
Article VI
Dans ladite bastide ou ville il y aura toujours un baile au nom de notre Sire le Roi de France ; cet officier, au commencement de son administration, jurera publiquement sur les quatre saints Evangiles de Dieu, entre les mains de notre juge dudit lieu ou de son lieutenant et en présence des consuls, s'ils veulent être présents, de bien et fidèlement remplir leur office ; il présentera au juge les garanties que celui-ci jugera nécessaires, promettant de s'en tenir au droit, tel que le juge l'aura réglé vis-à-vis de tous ceux qui porteront plainte, il promettra également de garder fidèlement les franchises et les libertés de la ville, sans aucune violation ; et chaque année, le terme de son office étant expiré, il demeurera encore quarante jours audit lieu pour répondre à tous sujets de plainte portés contre lui.
Article VII
Les consuls, comme il a été dit, seront juges au nom de notre Sire le Roi dans les causes criminelles venant à surgir dans ladite bastide et ses dépendances, après avoir appelé le baile ou son lieutenant qui a le droit de s'en occuper, pour faire appliquer le droit royal ; la connaissance, l'examen et la décision de ces causes criminelles seront du ressort des consuls au nom du Roi, les affaires des officiers royaux exceptées.
Article VIII
Dans les causes criminelles, dont la connaissance, la recherche et le règlement appartiennent aux consuls, le baile de ladite bastide ne pourra ni ne devra procéder que pour faire ses informations avec le notaire de la cour consulaire, si les consuls sont négligents ; mais pas dans d'autres cas ; la connaissance de ces causes, quand il y aura lieu à enquête appartiendra aux consuls, au nom du Roi, tout comme l'exercice de la justice criminelle, sauf en cas d'appel devant le juge royal, ou s'il s'agit d'un officier royal.
Article IX
Le baile royal aura à exécuter les instructions, publications, mandements et sentences desdits consuls, sur tous les objets dont la connaissance et le règlement leur appartiennent et ce, jusqu'à 10 sous toulousains, pourvu qu'il y ait eu jugement, et sauf le droit du Roi sur les « Clameurs » (citations en justice).
Article X
Les consuls auront à connaître et à ordonner de tout ce qui concerne l'affenage quelle que soit la somme en discussion ; ils pourront même employer la force par leurs « Messeguiers » ou les sergents royaux ; ils auront également à connaître de toutes dettes jusqu'à concurrence de dix sous toulousains et à en faire poursuivre le paiement, sauf le droit royal sur les clameurs.
Article XI
Lesdits consuls auront à connaître et à réglementer sur ce qui a trait aux voies à construire, à réparer ou à redresser, aux chemins, entrées ou sorties privées, limites ou termes privés, quand il y aura à délimiter les terres et les possessions des habitants de ladite bastide ; ce soin incombera aux consuls ou à tout autre institué par eux.
Article XII
Que lesdits consuls aient des poids particuliers propres à ladite ville ; qu'ils puissent créer des courtiers, recevoir leur serment, les changer ou les destituer lorsqu'il leur semblera bon ; et leurs émoluments appartiendront également aux consuls.
Article XIII
Les consuls, au nom du Roi, auront à connaître des fausses mesures de vin, des viandes viciées et malsaines, des fausses aunes ou mesures de draps et ils pourront infliger des peines ou lever des amendes à ce sujet.
Ils auront aussi à s'occuper des chemins publics, à faire réparer ou refaire dans la ville et ses dépendances ; comme aussi de faire enlever les fumiers et les ordures déposés dans les rues ; ils pourront encore imposer des peines pour tous les faux poids et mesures comme il leur semblera bon ; des amendes, deux parts appartiendront à notre Sire le Roi et la troisième aux consuls. Il y aura également des sanctions déterminées pour la perte des « chairs malsaines » (mauvaises viandes), contre ceux qui tiennent de faux poids et de fausses mesures, ou déposent des ordures malgré les ordres des consuls ; après une information sommaire, les viandes, si elles sont défectueuses, seront distribuées aux pauvres et le prix restitué aux acheteurs. Quant au gain des bouchers, il est fixé à un denier par sou ; et les bouchers jureront une fois par an, la veille de Pâques, de toujours vendre de bonnes viandes, qui ne seront ni piquées ni enflées ; depuis la fête de St Jean-Baptiste jusqu'à celle de St Michel, ils ne garderont pas de viande au-delà de deux jours, sous telle peine qu'il plaira aux consuls ; en plus, les consuls ou tous autres institués par eux auront à inspecter ces viandes, à les surveiller pendant ces deux jours où on ne peut les garder en boucherie ; si elles sont « Moureuzes ou infectes » on doit les jeter hors des boucheries et punir les bouchers.
Article XIV
Les consuls auront à construire des bancs pour les bouchers et le revenu de ces bancs appartiendra à la communauté ; et ils seront maitres du sol où ils seront élevés, sans payer de droit de mise en possession et qu'il puisse y avoir lieu à amortissement ; ils auront à payer annuellement comme oblies à notre Sire le Roi ou au baile 20 sous toulousains ; le reste de la rente produite par ces bancs appartiendra à la communauté, tous droits des consuls sur les serments à exiger des bouchers et leur gain convenable étant réservés.
De toutes les amendes qu'ils auront prononcées légitimement, deux tiers seront levés au profit de notre Sire le Roi et l'autre à celui de la communauté, comme il a été dit ci-dessus.
Article XV
Les consuls auront à surveiller et à approuver les conduits des eaux pluviales, les fenêtres, ouvertures, lucarnes, etc., nécessaires à la bonne administration de la ville ; c'est à eux et aux maîtres jurés nommés par eux qu'il appartiendra d'en connaître et d'ordonnancer là-dessus, pour le plus grand avantage de ladite ville.
Article XVI
Lesdits consuls pourront lever des tailles sur les habitants de ladite ville et de ses dépendances et marquer à chacun une contribution proportionnée à ses biens, suivant l'ordre légitime et ce qui paraîtra à faire aux consuls « selon Dieu et conscience ».
Article XVII
Lesdits consuls pourront faire prendre des gages, « tailles, collectes et profits » par leurs mességuiers, et sans autre intervention que la leur.
Article XVIII
Les consuls de ladite bastide, les jurés et chacun d'eux avec leurs syndics, procureurs, agents et mességuiers seront et resteront perpétuellement sous la sauvegarde spéciale de notre Sire le Roi de France ainsi que tous leurs droits, biens, possessions et familles, où que ce soit que cela puisse se trouver, y compris les deniers de chaque feu.
Les penonceaux, signe de la sauvegarde royale leur sont accordés à tous et à chacun, à toute réquisition ; et il ne peut y avoir aucune infraction à cette sauvegarde parmi les habitants, sauf le cas de lettres royales, et si cette sauvegarde était violée par quelqu'un, chacun pourra agir contre l'infracteur comme il lui semblera bon.
Article XIX
Les consuls de ladite ville pourront instituer le nombre suffisant de mességuiers ou gardes des fruits de la terre, hommes de bonne réputation ; ils pourront aussi le changer ; et ces mességuiers jureront entre les mains des consuls de bien exercer leur office loyalement et par le droit, et de faire connaitre tous les coupables, comme le Roi et les consuls ont le droit d'en être instruits sans être poussés par prières, argent, motif de crainte ou de haine, à épargner personne.
Article XX
Les consuls de ladite ville avec le baile et les autres officiers du Sire Roi, pourront garder la ville en armes, de jour et de nuit, prendre, faire prendre et arrêter tous les délinquants et malfaiteurs et les mettre en prison (carces) pour les punir de leurs « malfaicts » comme ils le méritent.
Article XXI
Lesdits consuls et la communauté auront une maison et une place commune ; ils pourront y construire des établis, avoir des halles ou lieux pour y vendre les marchandises et louer ces établis et emplacements ; ils retireront les émoluments provenant du louage, pour le bien et l'usage de la communauté ; dans ladite maison commune il leur sera loisible d'avoir un guet et aussi un guetteur ; les maitres des maisons élevées autour de la place pourront se faire une galerie couverte sur les bords de la place pourvu qu'elle n'empêche pas le passage ; mettre aussi des étais ou colonnes pour soutenir ces galeries, et au pied des colonnes, ils auront la faculté de mettre des tables ou bancs et les revenus qui en seront perçus appartiendront aux propriétaires de ces maisons.
Article XXII
Les consuls de ladite communauté pourront fermer la ville et construire autour, des fossés ou des portes, des murailles et des tours sans contribution à payer au seigneur, sauf le droit de l'habitant ; ces fossés remplis d'eau pourront servir d'étangs (pesquiers) pour les poissons qui y seront nourris à la volonté des consuls.
Article XXIII
Les consuls de ladite ville pourront construire et garder perpétuellement dans les lieux qu'ils voudront, deux maisons de piété à l'endroit le plus favorable, contenant chacun demi-arpent de terre ; dans ces asiles seront reçus les pauvres de Dieu, par charité et miséricorde en l'honneur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de la Vierge Marie, sa mère et de
« Monsieur » Saint Jacques et de tous les saints du Paradis et cela, sans avoir aucun droit financier à payer.
Article XXIV
Les consuls de ladite ville, avec leurs conseillers et les auteurs prud'hommes que les consuls appellent avec eux pour traiter utilement des affaires de la ville quand il leur semble bon, pourront librement s'assembler comme on a coutume de le faire dans les autres lieux de ladite sénéchaussée royale.
Article XXV
Il y aura une terre pour le cimetière, l'église paroissiale et la maison presbytérale ; aussi pour une autre chapelle à construire, le tout sans payer le droit d'entrée en possession ou celui d'amortissement.
Article XXVI
On donnera un terrain pour élever des maisons où seront construits des fours, et dans ces fours et non ailleurs, les habitants de la bastide et de ses dépendances feront cuire le pain, et le revenu des fours appartiendra aux consuls. Cent arpents du bois de Dreuilhe, bois et terre, deviendront la propriété de ladite communauté qui ainsi de quoi les chauffer.
Mais en échange, les consuls et la communauté dudit lieu donneront chaque année à notre Sire le Roi ou à son trésorier à Toulouse ou au baile du lieu, les sommes suivantes : pour les fours cent livres tournois, et pour les cent arpents de bois 10 livres tournois ; en outre, pour entrer en possession dudit bois 600 livres tournois à payer en six ans soit 100 par an ; le premier paiement se fera dans un an à la Toussaint, et chaque année, les 100 livres se paieront en trois termes, à la trésorerie royale de Toulouse, comme il est fait pour les autres sommes que l'on doit au roi jusqu'à entier paiement de la somme ; lesdites rentes seront payées au baile de ladite bastide à ces trois termes : le tiers à la Toussaint, le tiers à la fête de la Chandeleur, et le dernier tiers à la fête de l'Ascension.
Tout ce qui précède étant réglé, les consuls et la communauté auront les fours et les cent arpents de bois en propre, pourront les regarder comme amortis ; et ils ne seront pas tenus de donner une autre somme ; quant au mode de transmission du fournage (les fours), si quelque débat vient à s'élever là-dessus, le sénéchal de Toulouse ou son délégué aura à en juger.
Article XXVII
Ils auront vingt arpents de terre pour quatre « communals » ou « padou vents » aux quatre entrées de la ville, pour lesquels ils donneront au Sire Roi 200 livres tournois, un fois payées pour l'entrée en possession, et en outre 40 sous tournois de rente annuelle aussi au Roi ; et ils n'auront rien de plus à payer comme droits financiers ou d'amortissement.
Article XXVIII
Les habitants de ladite bastide et de ses dépendances seront exempts de tous droits de leude ou péage pour quoi que ce soit, objets ou marchandises qu'ils transportent ou font transporter dans la juridiction de Villelongue du Lauragais ; pour cela ils donneront à notre Sire le Roi chaque année dix livres toulousaines qu'ils paieront au baile, aux termes fixés ci-dessus.
Article XXIX
Il sera donné aux bourgeois et jurés de ladite ville des portions du sol de ladite forêt pour construire leurs maisons. Chacune d'elles aura de largeur cinq brasses et trois razes, et de profondeur onze brasses et trois razes, et il n'y aura rien à payer pour entrer en possession ; mais pour chaque emplacement de la largeur et de la profondeur susdites, on paiera chaque année au baile royal, à la Toussaint 8 deniers toulousains en outre des droits de tenures et les autres décimes féodales quand il y aura lieu ; il n'y aura rien à payer cependant comme impôt de rétro-acapte pour les maisons qui n'auront pas été bâties dans les trois ans à dater de la plantation du pal, sauf le marc d'argent à donner au Roi par les possesseurs des emplacements.
Quant aux emplacements qui seront demeurés vides, au bout de trois ans ils rentreront en possession de notre Sire le Roi et seront occupés pour son avantage de la meilleure manière que ses gens le décideront, nonobstant la tradition emphytéotique qui en avait été faite aux bourgeois de ladite bastide.
Article XXX
Les consuls présents et futurs de ladite ville auront un héraut et des crieurs publics (trompette et inquantaires) pour l'utilité de la ville et de ses dépendances ; d'eux dépendra leur nomination et leur destitution et le revenu qui dépendra de ces charges appartiendra à la communauté ; ils auront aussi la disposition entière des fonctions qui ont trait aux mesures et poids publics et dont le revenu ira également à la ville. Cependant pour tous ces revenus des criées et des poids publics, les consuls donneront à notre Sire le Roi, chaque année à la Toussaint 10 sous toulousains pour les oblies et rien de plus pour l'amortissement de toutes ces sources de revenus.
Article XXXI
Ni le baile ni les officiers royaux n'arrêteront aucun habitant de ladite ville, ni ne lui feront violence ou ne saisiront ses biens, s'il garantit qu'il se présentera sur sommation légale ; à moins qu'il ne s'agisse d'un meurtre, d'un assassinat, de coups mortels ou d'une mutilation d'un membre principal ou de tout autre crime qui soumette son corps et ses biens à la justice du Roi, ou encore s'il s'agissait de forfaits contre le Roi et ses gens.
Et si le baile ou les autres officiers royaux contrevenaient à ces dispositions, le juge de la ville, par décision sommaire ou même le sénéchal de Toulouse les condamnera à l'amende ou à des dommages intérêts.
Article XXXII
Aucun habitant de ladite ville ne pourra être cité en justice par les gens du Roi, en dehors du territoire de ladite ville ou de ses dépendances, pour tout délit commis en ces mêmes lieux.
Article XXXIII
Aucun habitant n'aura à payer sur plainte de personne, les frais de citation ou de défaut, en dehors de ladite ville, si ce n'est seulement les dépens de la partie qui succombe.
Article XXXIV
Si quelqu'un, homme ou femme entre pendant le jour dans le verger, la vigne, la prairie ou le bois d'autrui sans la permission du propriétaire, et après la défense portée chaque année de la part des consuls, il aura à payer 18 deniers toulousains, au bénéfice de la communauté, s'il a de quoi payer ; sinon il sera puni à la volonté des consuls. Pour chaque animal de grosse corpulence qui sera trouvé dans ces lieux, il y aura un denier d'amende au profit des consuls, et en plus des dommages pour la personne lésée, tels que ceux-ci les apprécieront.
Article XXXV
Pour un pourceau et une truie, un mouton, une brebis ou toute autre bête de ce genre, entré dans une propriété particulière (un lieu ayant fruicts), il y aura à payer aux consuls un denier toulousain.
Article XXXVI
Pour un bouc ou une chèvre, la somme pourra être augmentée jusqu'à 12 deniers.
Article XXXVII
Pour une oie ou tout autre oiseau semblable, l'amende est d'une obole tournois, non compris les dommages à payer par le propriétaire de la bête.
Les mességuiers auront pour office de veiller à la répartition des ponts, des chemins et des sentiers, et ceux qui apporteront quelque obstacle seront punis suivant l'ordre des consuls mais non les étrangers (gens passants) qui ignorent leurs défenses.
Article XXXVIII
Quiconque entrera de nuit dans les jardins, prés, vergers ou vignes d'autrui sans la permission du propriétaire et aura emporté des fruits, aura à payer en justice 20 sous tournois dont deux parts au Roi et la troisième aux consuls indépendamment des dommages à réparer ; s'il n'a emporté les fruits que dans ses mains, il ne sera passible que de 2 sous toulousains d'amende indépendamment du dommage.
Article XXXIX
Tout boulanger ou boulangère ou tout autre marchand de pain en ville en gagnera par setier de froment ou d'autre blé que deux deniers toulousains, et le son proportionnellement à la quantité ; et s'il vient à gagner davantage, tout le pain sera confisqué et distribué aux pauvres par les consuls qui fixeront les gains supérieurs.
Article XL
Les « chozes bonnes à manger » apportées en ville pour la vente, ne seront pas vendues aux revendeurs avant d'avoir été apportées à la place et seulement après l'heure marquée ou le coup de cloche (campane) sonné sur la place publique ou tout autre signal ; pourvu que les défenses soient publiées de la part du Roi ou des consuls. Quiconque y aura contrevenu, paiera aux consuls douze deniers toulousains. Dans les autres cas on pourra vendre librement.
Article XLI
Il n'y aura pas de leude exigé de ceux qui porteront à ladite ville des comestibles comme volailles, gibier (bestes sauvages), pommes, figues, noix, châtaignes, poires, cèpes, aulx, choux ou autres choses semblables ou autre jardinage.
Article XLII
Toute pièce confectionnée par les notaires publics, aura de la part de notre Sire le Roi, ou de ses successeurs ou de ses sénéchaux, la même autorité que les papiers publics.
Article XLIII
Les testaments faits par les habitants de ladite ville en présence de témoins dignes de foi, auront la même force que s'ils étaient faits suivant la solennité des formes civiles ; pourvu que les enfants ne soient pas fraudés de la part à laquelle ils ont droit.
Article XLIV
Si un habitant de ladite ville ou de ses dépendances meurt sans héritiers, les consuls garderont ses biens pendant un an et un jour ; qu'ils en fassent un inventaire avec le baile et les prud'hommes ; et si dans un an et un jour il n'apparaît pas d'héritier à celui qui meurt ainsi « ab intestat » et sans héritier légal, disposera pour son avantage, tous les créanciers du défunt étant désintéressés ; quant audit Roi, après encore un an et un jour, il en disposera, ayant soin de faire acquitter tous les droits féodaux et oblies, auxquels le défunt était tenu de satisfaire.
Article XLV
Toute dette reconnue après une citation publique, si elle dépasse 12 deniers toulousains, et qu'elle ne soit pas payée dans le délai de quinze jours après réclamation du créancier, attirera au débiteur une amende de 12 deniers toulousains à payer au Roi au baile pour la citation (clameur) ; s'il y a rétro clameur ou deuxième citation, on ne devra rien payer ; si la dette est niée, la partie qui succombera sera punie d'une amende de 12 deniers toulousains au profit du Sire Roi ou du baile ; pour toute dette inférieure à 12 deniers toulousains, il n'y aura pas de clameur publique ou de citation.
Article XLVI
Si quelqu'un dit à un autre des paroles injurieuses, déshonorantes ou insultantes, il ne sera tenu à rien envers le Sire Roi, à moins que l'injurié ne se plaigne ; s'il y a plainte, l'insulteur condamné paiera au Roi 12 deniers toulousains mais pour la clameur et l'appréciation des injures, il n'y aura rien à payer.
Article XLVII
Si quelqu'un tire « malicieusement un couteau » (ou l'épée) contre quelqu'un sans être provoqué, il sera condamné à 30 sous toulousains d'amende envers notre Sire le Roi et à donner satisfaction à celui qui est ainsi maltraité ; s'il y a des coups qui provoquent l'effusion de sang, l'amende sera de 30 sous toulousains, et il sera châtié ; s'il y a mutilation d'un membre ce sera 60 sous et même davantage à la volonté du juge, après examen du délit et de la qualité de la personne, indépendamment de la satisfaction à donner au blessé.
Si la victime mourait à la suite des ces violences, le meurtrier devra être puni dans son corps et dans ses biens.
Article XLVIII
Si les biens d'un habitant de la ville ou de ses dépendances sont dévolus au Roi, il y a d'abord à payer ses créanciers, le reste demeurant pour lui.
Article XLIX
Si quelqu'un refuse un gage à un sergent, il sera puni d'une amende de 20 sous toulousains ; si le sergent est injurié ou battu l'auteur en sera puni à la volonté du juge.
Article L
Si quelqu'un est surpris en adultère, il aura à choisir comme peine, soit de courir à travers la ville, comme il est accoutumé d'être fait dans les autres villes de notre Sire le Roi, soit de payer pour chaque coupable 60 sous toulousains dans les deux jours qui suivront. Mais pour cela il faut la constatation du flagrant délit par deux consuls ou hommes de bien digne de foi, ou par la propre confession des coupables qui auront été surpris nus l'un et l'autre.
Article LI
Le marché aura lieu le jeudi de chaque semaine ; pour chaque bœuf, vache, petit cheval, jument, mulet, mule, âne, ânesse, peau de renard, il sera donné un denier de leude pour tout étranger qui les achètera au marché et au jour marqué ; pour un pourceau, une truie, un mouton, une brebis, un chevreau, une chèvre (à moins qu'elles ne fêtent), une obole tournois ; pour une charge de peaux, un denier tournois.
Article LII
Pour une charge de laines, de fromages, de peaux pesant quatre quintaux, l'acheteur paiera un denier tour, si elle est de deux à trois quintaux, un denier aussi, si elle est inférieure à ce poids rien. Pour des draps achetés « pour faire accoutrements » (vêtements) et autres marchandises non comprises au présent article, ne paiera rien.
Article LIII
Tout étranger qui, les jours de marché ou de foire tiendra une tente pour marchandises, donnera un denier toulousain aux consuls qui feront réparer les tables du marché.
Article LIV
Pour une charge de fer, aux jours de marché, qu'elle soit couverte ou non, l'acheteur paiera un denier
si elle est pour être vendue, sinon ne paiera rien.
Article LV
Pour une charge de sel transportée, si elle est exposée pour la vente les jours de marché, la taxe est de un denier tour (6).
Article LVI
Tout étranger qui les jours de marché achètera du blé, du vin ou du sel et l'emportera en dehors de la ville paiera pour le leude un denier tour. Pour chaque charge : pour la moitié une obole tour. Pour une charge de cire, un denier
pour deux quintaux un denier toulousain ; pour moins que la moitié d'une charge, rien ; pour la quantité de sel que peut porter un homme, une obole ; pour moins, rien.
Article LVII
Pour une charge de coupes de verres (sifflets) ou de vases et de récipients (grasals), un denier tournois sera payé par les étrangers les seuls jours de marché. Les marchands ambulants et autres, passant en ville, à moins d'exposer leurs marchandises le jour du marché, ne paieront pas le droit de leude.
Article LVIII
Si quelqu'un, débiteur du droit de leude sort de la ville sans le payer, il aura, une fois saisi, à payer ledit droit plus 5 sous
s au profit de notre Sire le Roi.
Article LIX
Quiconque, au marché et le jour du marché, aura frappé quelqu'un avec le poing ou la paume de la main, sera condamné, sur plainte de la partie lésée, à payer au Roi 5 sols toulousains ; et il sera puni, à la volonté du juge d'après la condition de la personne ; les autres jours ce sera 5 sous
le glaive est tiré ou que le sang coule (...) l'amende sera payée comme ci-dessus.
Article LX
Si le baile de ladite ville oblige quelqu'un à lui donner un gage, au terme des quinze jours assignés au débiteur pour le paiement, il pourra vendre s'il le veut ces gages à l'encan, en appelant le débiteur à assister à la vente des gages ou à payer sa dette ; si le prix des gages excède la somme due, le reste sera donné au débiteur ; si celui-ci veut racheter son gage il remboursera l'acheteur avec un supplément d'un denier tournois, par sou la somme totale.
Article LXI
Le baile et le notaire de la cour du baile jureront entre les mains du juge et en présence des consuls, de remplir fidèlement leur charge ; ils n'accepteront aucun présent ni service pour leur emploi ou à son occasion, rendront à chacun son droit selon leur pouvoir ; enfin ils conserveront, garderont et défendront les coutumes et usages écrits et approuvés de ladite ville, sauf les droits du Sire Roi
Article LXII
Si quelqu'un en corrigeant sa femme ou quelqu'un de sa famille les a battus ou « navrés » (blessés), ne paiera rien pourvu « quen corrigeant il n'excède la vie ».
Article LXIII
Les foires se tiendront audit lieu trois fois dans l'année, à savoir : à la fête de la Sainte-Croix en mai, à celle de Saint-Michel en septembre et pour la purification de la bienheureuse Vierge Marie ; tout droit de représailles sera suspendu quinze jours avant et après ; tout marchand étranger, porteur de un ou plusieurs ballots (paquets) paiera pour l'entrée et la sortie un denier leude ; pour une charge de draps et de marchandises, un denier tour, et pour tout autre chose portée à ces foires pour la vente, il y aura un droit de leude à payer comme ci-dessus aux jours de marché.
Article LXIV
Ces leudes ne seront pas exigés aux habitants de la ville comme il est dit plus haut.
Article LXV
Si un innocent a été enfermé dans la prison de la ville par accident, il n'y aura rien à payer pour son emprisonnement, mais s'il a été condamné ou qu'il veuille composer, un noble paiera pour son emprisonnement 12 deniers toul., un roturier 6 seulement. Et si le détenu veut se nourrir « à son despens avec son argent ou celui de ses amis, et avoir son lit », il ne paiera rien.
Article LXVI
Celui qui aurait fait répandre du sang par la bouche ou le nez, sera condamné à 5 sous tour d'amende ou davantage, à la volonté du juge.
Article LXVII
Les acheteurs des biens situés dans ladite bastide et ses dépendances, y seront garantis à perpétuité contre les créanciers y demeurant, et par lesquels ces biens seraient hypothéqués ; pourvu que la vente ait été publiée deux fois de quinze jours en quinze jours par le héraut de la ville, ou que d'ailleurs, notification ait été faite aux créanciers, sauf toujours le droit du Roi ; s'il y a opposition avant la vente, toute satisfaction sera donnée à la justice.
Article LXVIII
Tous ceux qui auront des moulins dans les dépendances de la ville seront tenus de moudre le blé des habitants, pour le dix-huitième de la mouture ; les blés et les farines seront échangés entre ceux qui font moudre et les meuniers dans cette proportion. Et les consuls pourront marquer les poids et les mesures aux meuniers, boulangers, bouchers et autres marchands, vendant au poids ou à la mesure comme il se fait à Toulouse.
Article LXIX
Si quelque terrain est donné à moitié (dépenses et revenus), soit en vigne ou en une autre plantation, de cette manière il n'y aura pas de rente à payer à l'occasion de cette concession ou division.
Article LXX
Toutes les proclamations et ordonnances se feront dans ladite bastide, de la part de notre Sire le Roi et des consuls, préférence toujours donnée aux affaires royales.
Article LXXI
S'il arrive que lors de l'examen des emplacements et autres possessions concédés pour la ville et ses dépendances, on en trouve de dimensions supérieures à celles marquées lors de la première délimitation, ceux qui en seront les maîtres par emphytéose ne pourront en être dépouillés, ils auront seulement à payer les droits d'entrée en possession et les oblies accoutumées, comme aussi les arrérages des rentes passées.
Article LXXII
Tout citoyen, juré et habitant de ladite ville pourra garder à l'avenir tous ses biens et terres comme au moment de la fondation de la bastide, en payant le droit d'oblie et les autres deniers féodaux à ceux de qui il les tiendra.
Article LXXIII
Le héraut de ladite ville, pour les publications d'héritage qu'il fera, aura un denier toulousain pour les petits objets et pour les auberges (cabarets), un denier tournois.
Article LXXIV
Le crieur ou vendeur de ladite ville, pour tout ce qu'il vendra à l'encan, meubles et immeubles, jusqu'à la valeur de 20 sous toulousains à celle de 100 livres, recevra deux deniers toulousains ; à partir de 100 livres et au-delà, quelle que soit la somme, six deniers toulousains et rien de plus.
Article LXXV
Les notaires de la cour de ladite ville recevront pour chaque clameur publique à faire payer, à écrire ou à rayer, un denier toulousain pour une dette avouée ou niée, et pour une comparution, deux deniers et pas plus ; s'il y a requête judiciaire, procès devant le juge, chaque partie aura à payer pour chaque comparution, 2 deniers toulousains s'il n'y a pas défaut ; s'il y a défaut, un denier toulousain.
Article LXXVI
Si une dette étant niée, les témoins sont produits, le notaire recevra pour chaque témoin entendu dont la déposition sera non seulement orale mais écrite, un denier toulousain ou plus, suivant les arrêts royaux ; si l'écriture est si longue qu'elle mérite une somme plus forte, de laquelle le juge du lieu doive connaître, ainsi que le baile, deux deniers toulousains seront payés par chaque partie.
Article LXXVII
Pour une lettre de citation ou toute autre émanée de la cour du baile, un denier toulousain et rien pour le sceau, à moins qu'une autre lettre y soit incluse, trois deniers toul. ; le juge punira le notaire contrevenant à cette prescription.
Article LXXVIII
Pour une caution à écrire devant le baile et sa cour, trois deniers toulousains dans les causes civiles ; trois deniers toulousains dans les causes criminelles ; le juge punira également le baile ou ses gens violant les ordonnances ci-dessus.
Article LXXIX
Qu'aucun habitant du même lieu et de ses dépendances ne paye pour défaut, si ce n'est les frais à sa partie et au notaire pour ses écritures ; comme aussi pour solde de voyage.
Article LXXX
Notre Sire le Roi aura dans ladite ville, droit au service de la « chevauchée » comme dans les autres villes de la sénéchaussée ; et il ne pourra mettre cette ville en dehors de son domaine à quelque titre que ce soit, sinon en faveur de celui qui serait seigneur de Toulouse ; elle lui appartiendra toujours, ainsi qu'à la juridiction de la sénéchaussée de Toulouse.
Article LXXXI
Les habitants présents et futurs de ladite bastide, de quelque condition qu'ils soient, y seront les « contribuables » à proportion de leurs biens et de leurs facultés ; on ne pourra leur demander rien de plus sinon les « collectes royales ».
Article LXXXII
A l'occasion des foires dans ladite ville, un mois avant et après, il ne pourra s'exercer aucun droit de «marque », et à ce titre il ne pourra être réclamé à ceux qui iront à ladite bastide ou en reviendront ; ils ne pourront pas alors être arrêtés, ni leurs biens saisis, si ce n'est dans le cas d'homicide ou tout autre crime capital.
Article LXXXIII
Il y aura une prison convenable (Carces), et apte à son but, construite aux dépens du Roi, et où puissent le geôlier et demeurer et les prisonniers être retenus ; les consuls contribueront pour 100 livres à la construction qui ne leur coûtera que cela ; et une fois bâtie, notre Sire le Roi en aura tout l'entretien ; et lesdits consuls pourront tenir leur cour judiciaire dans une partie de cet édifice, y connaître les causes de leur ressort, questionner, exercer les autres actes de leur charge judiciaire ; le juge du lieu pourra tenir aussi là ses assises quand bon lui semblera.
Article LXXXIV
Les biens qu'ont et qu'auront les habitants de ladite bastide dans ses dépendances, ne pourront pas tomber en dévolution pour cessation de la paye des oblies ; mais ils seront forcés de les payer néanmoins, ainsi que les autres droits féodaux ; et ils ne paieront pas de rétro-acapte à notre Sire le Roi.
Article LXXXV
Aucun criminel ni aucun accusé pour un délit commis dans ledit lieu, ne pourra être conduit en dehors de Revel, mais c'est dans ce lieu que la justice aura son cours par l'intervention du juge principal, sauf en cas d'appel.
Article LXXXVI
Pour les contrats conclus dans ledit lieu de Revel et ses dépendances, aucun habitant ne sera cité en dehors de ces territoires mais les procédures légales seront réglées par le juge ordinaire dudit lieu.
Article LXXXVII
En tout ce qui concerne les règlements susdits des foires et des dettes, les sergents qui en auront la charge, ne les retarderont ni ne les commenceront abusivement, par égard aux prières qui pourraient leur être faites par motif de crainte, de bienveillance ou de haine ; mais il les exécuteront sans dol, fraude ou négligence ; et s'ils sont trouvés en faute, ces officiers seront destitués de leur emploi ; et même responsables de leurs biens et de leurs personnes, ils contracteront vis-à-vis des créanciers, les mêmes obligations qu'avaient les débiteurs ; nonobstant, les débiteurs demeureront obligés envers leurs créanciers jusqu'à ce qu'il ait été rendu à ceux-ci pleine satisfaction.
Article LXXXVIII
Les consuls feront changer à leurs dépens le cours des eaux du Sor et du Laudot et ils y construiront ou feront construire des moulins de la propriété desquels le Roi et les consuls en auront la propriété par moitié ; les revenus se partageront entre le Roi et les consuls ; et une fois la construction faite, le Roi contribuera pour sa part aux réparations et les consuls pour la leur, la première construction étant faite aux dépens de ceux-ci comme il a été dit.
Article LXXXIX
Les consuls construiront les moulins convenables sur les rives du Sor et du Laudot, dont le cours sera changé par la bastide ; et ces frais se feront aux dépens de la communauté et le Sire Roi aura la moitié de ces moulins et leurs revenus, et la communauté l'autre moitié ; et personne ne pourra construire de nouveaux moulins dans les dépendances de ladite bastide, sauf avec la permission du Roi et celle des consuls ; les réparations à faire à ces dits moulins une fois construits, se feront aux frais communs et par moitié, de notre Sire le Roi et de la communauté ; quand ils fonctionneront, qu'aucun habitant n'ose faire moudre son blé ailleurs sauf avec la permission du baile et des consuls ou que les moulins ne fussent démolis ou insuffisants pour moudre. Mais toutes les fois que ces moulins seront en état, tous devront y faire moudre leur blé, aux conditions de mouture exprimées plus haut.
Fait et accordé par ledit seigneur gouverneur et sénéchal de Toulouse et de l'Albigeois susdit, dans son habitation Maître Raimond notaire du Roi et Robinet Brunet, consul de Revel, stipulant et acceptant l'acte en leur nom et en celui des autres consuls et de toute la communauté, le vendredi 8 juin de l'année du Seigneur mille trois cents quarante deuxième, régnant Philippe, par la grâce de Dieu, roi de France, en présence et avec l'attestation des hommes vénérables et circonspects, les seigneurs Pierre de Mont-Revel, docteur ès-lois, juge-mage de Toulouse, Arnault Fontanier, délégué des appels des causes criminelles de la sénéchaussée, et Guilherme de Grâce, de Rieux, juges, Arnaud Lafare, docteur ès-lois, Raimond Rival de Lombrassac, procureur du Roi à Rieux, notaire royal et de la cour criminelle dudit seigneur sénéchal, qui a gardé ce parchemin et l'a enregistré dans son protocole, à la place et par le mandat duquel, moi Pierre Manconandi, juré et substitut du même maître François de Rieux ai extrait fidèlement cette pièce et l'ai reproduite de mon mieux sans en changer en rien la substance.
Et moi, le même François de Rieux, notaire royal susdit, après l'avoir diligemment collationné avec ledit substitut et son protocole, je me suis signé ici, et j'ai apposé le sceau dont je me sers dans mes instruments publics ; en foi et témoignage des choses mentionnées plus haut et pour confirmer les prescriptions ci-dessus, nous, gouverneur et sénéchal de ladite sénéchaussée, y avons fait apposer notre sceau.
Ratifiant et agréant ces lettres et toutes les choses qu'elles contiennent, nous les voulons, louons, approuvons, et de notre autorité royale, les confirmons par la teneur des présentes, sauf notre droit sur certaines choses, et celui d'autrui sur toutes. Et pour que ceci demeure ferme et stable à l'avenir, nous avons aux présentes, apposé notre sceau.
Donné à Paris, l'an du seigneur mil trois cents quarante troisième, au mois de décembre.
Par le seigneur Roi, sur rapport,
CLANEL
Que les revenus annuels et les deniers une fois payés, portés dans cette charte soient versés au trésor des domaines et dettes de ladite sénéchaussée de Toulouse.
D'HASTON
Collationné CLANEL
Philippe, par la grâce de Dieu, Roi des Français, faisons savoir à tous, présents et à venir, que, sur la supplique des consuls et habitants de l'universalité et communauté de notre bastide de Revel, nous représentant que, pour la tranquillité commune et la sauvegarde du droit, et pour procurer la disparition des dangers amenés par la présence des brigands et des assassins infestant ces lieux, nous y avons fait fonder et construire une bastide appelée Revel, en donnant à ses bourgeois et habitants les immunités, franchises et libertés accordées aussi par d'autres lettres royales scellées de cire verte et de fils de soie.
Que d'autre part, ladite bastide est déjà si peuplée et si accrue de bourgeois et d'autres habitants, qu'il leur serait utile d'avoir des conservateurs et gardiens, qui les feraient jouir de ces immunités, franchises et libertés.
Le document « Vidimus et confirmation par Louis XI des privilèges de Revel » est déposé aux Archives Départementales de la Haute Garonne – cote 2E596 (ancienne cote AA1).
Il s’agit d’un parchemin en une pièce de 665 x 1680 mm, scellé de cire verte sur lacs de soie rouge et verte avec des fragments de sceaux (voir page 18).
Cette charte a été restaurée en 1954 par l’atelier de restauration des Archives Nationales.
La charte a été publiée par J. Ramière de Fortanier, Recueil des documents relatifs à l’institution du droit municipal en France des origines à la Révolution. Chartes de Franchises du Lauragais, Paris, 1939, p.570 – 590.
Une partie du vidimus de Louis XI (1462)
Nous, accueillant favorablement leur supplique, choisissons, députons, nommons et leur donnons comme conservateurs desdits privilèges, immunités, franchises et libertés le sénéchal de Toulouse et le juge de Lauragais présents et à venir, leur mandant de maintenir tous et chacun des bourgeois de ladite bastide, dans la possession de tous ces privilèges et libertés, d'après leur contenu et teneur ; lesquels privilèges nous ordonnons de transmettre et livrer audit sénéchal et juge, comme à leurs conservateurs ; ordonnant par les présentes à tous nos gens de justice, officiers et sujets d'obéir diligemment audit sénéchal et juge présents et futurs et à leurs lieutenants, comme aux vrais conservateurs desdits privilèges, dans l'exercice de cette charge sans permettre qu'ils soient empêchés, molestés ou troublés le moins du monde dans leur exercice. Telle est notre commission, faite par grâce spéciale, en vertu des présentes et pour que le tout demeure ferme et stable à l'avenir, nous avons fait apposer notre sceau à ces présentes lettres, sauf notre droit, sur d'autres matières et celui d'autrui sur d'autres sujets.
Dans cette brochure, a été présentée la partie essentielle du parchemin signé de Louis XI en 1462, qui reproduit, outre les vidimus de Charles VII en 1437 et de Philippe VI en 1343, la charte de fondation rédigée à Toulouse par Agot de Baux, datée du vendredi 8 Juin 1342 (le 8 Juin 1342, fut un samedi !) sur commission de Philippe VI de Février 1342 (1341 dans le calendrier de l'époque), et encore la charte de Philippe VI de 1345 relative aux privilèges des bourgeois de Revel.
Donné à CONFLANS, près de Paris, l'an du Seigneur mil trois cent quarante cinquième, au mois de mai.
(6)Les articles 55 et 66 ont été regroupés ici selon la charte en latin de Louis XI (1470). Dans le Vidimus en français, ils sont dans un ordre différent.